Odyssée, Chant I, v.80-101 (ma traduction)

Réplique par Alan LeQuire, pour le Parthénon répliqué de Nashville, de la statue d'Athéna créée par Phidias, aujourd'hui perdue (photo Dean Dixon pour wikimedia)

Réplique par Alan LeQuire, pour le Parthénon répliqué de Nashville, de la statue d’Athéna créée par Phidias, aujourd’hui perdue (photo Dean Dixon pour wikimedia)

Et voici maintenant exposée la splendide autorité d’Athéna. Je continue à la dire « aux yeux brillants de chouette » car c’est le sens de l’adjectif grec qui la qualifie, même si on le traduit habituellement autrement. Et la chouette étant bien sûr son emblème, celui de la sagesse, qui voit et chasse même dans la nuit.
Quelle joie de sentir en soi l’Odyssée, et par la langue, et par la vie.
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Ainsi reprit Athéna aux yeux brillants de chouette :

« O notre père, fils de Cronos, souverain suprême,
S’il plaît désormais aux dieux bienheureux que le sage
Ulysse retourne dans sa maison, alors pressons
Le messager Hermès, exécuteur d’Argus,
D’aller dans l’île d’Ogygie dire au plus vite
À la nymphe aux belles boucles notre vraie volonté
Qu’Ulysse à l’âme courageuse rentre chez lui.
Pour ma part j’irai à Ithaque, stimuler
Son fils et lui insuffler dans le cœur la force
De convoquer dans l’agora les Achéens chevelus
Et de répudier tous les prétendants qui égorgent
Tant de ses brebis et bœufs aux cornes en spirale.
Puis je l’enverrai à Sparte et dans Pylos la sablonneuse
S’informer, par l’écoute, du retour de son cher père
Et gagner un noble renom parmi les hommes. »

Sur ces mots, elle attache à ses pieds de belles sandales
Divinement dorées, qui la portent sur les eaux fluides
Et sur les terres immenses comme le ferait le vent.
Elle prend sa forte lance à fine pointe d’airain,
Grande arme lourde et solide par laquelle elle vainc
Des rangs entiers d’hommes, héros contre lesquels,
Fille du dieu puissant, elle garde colère.

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le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.63-79 (ma traduction)

Odilon Redon, Cyclope (wikimedia)

Odilon Redon, Cyclope (wikimedia)

Zeus répond à Athéna, qui lui demande, comme nous l’avons vu hier, pourquoi Ulysse ne peut pas rentrer chez lui. J’emploie le mot « accusation » car le verbe pheugo, « fuir, échapper », (« ce discours qui s’échappe de la barrière de tes dents », dit Zeus littéralement) signifie aussi, en terme de droit, « être accusé ou défendeur » (le dictionnaire ne précise pas s’il avait déjà ce sens à l’époque d’Homère mais il convient très bien à la situation). Zeus s’indigne de la question d’Athéna, mais enfin elle a eu raison de la poser puisqu’il se décide à agir pour y répondre.
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Ainsi répondit Zeus rassembleur de nuages :

« Mon enfant, quelle accusation sort d’entre tes dents ?
Comment oublierais-je jamais le divin Ulysse,
Si intelligent parmi les mortels et si généreux
En sacrifices pour les dieux, habitants immortels
Du vaste ciel ? Mais Poséidon qui enserre la terre
Est toujours irrité de ce qu’il aveugla l’œil
Du simili-dieu Polyphème, le plus fort
De tous les Cyclopes. La nymphe Thoosa,
Fille de Phorkys, l’un des chefs de la stérile mer,
S’étant unie dans les grottes à Poséidon, l’enfanta.
Depuis, Poséidon, l’ébranleur de la terre,
Sans le tuer fait errer Ulysse hors de sa patrie.
Mais allons ! Réfléchissons, nous tous, aux moyens
D’assurer son retour. Poséidon alors
Laissera sa colère. Car il ne pourra, seul,
Lutter contre le vœu de tous les immortels dieux. »

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le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.44-62 (ma traduction)

athena-minNous avons laissé hier Poséidon, l’ennemi d’Ulysse, en train de banqueter dans un peuple divisé, tandis que les autres dieux et déesses étaient rassemblés sur l’Olympe et écoutaient Zeus parler de justice (à propos d’un criminel auquel les premiers mots de la déesse vont faire référence). Voici aujourd’hui qu’entre en scène Athéna, l’alliée d’Ulysse, qui va plaider sa cause.
J’adore traduire, et comment serais-je plus heureuse qu’en traduisant l’Odyssée, moi à qui Homère, en rêve, donna sa tête à manger ? Je prends mon temps pour chaque mot, chaque vers, des minutes et des dizaines de minutes entières s’il le faut. Toute à mon bonheur.
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Ainsi lui répondit Athéna aux yeux brillants de chouette :

« O notre père, fils de Cronos, souverain suprême,
Cet homme a parfaitement mérité sa fin funeste.
Qu’ainsi périsse tout autre qui agit de même !
Mais mon cœur se déchire au sujet du vaillant Ulysse,
L’infortuné depuis si longtemps éprouvé, loin des siens,
Sur une île encerclée d’eau, au nombril de la mer.
Dans cette île arborée habite une déesse,
Fille du redoutable Atlas qui connaît de la mer
Tous les fonds, et porte les hautes colonnes qui tiennent
Séparés la terre et le ciel. Sa fille retient
L’infortuné qui se lamente et que toujours
Elle séduit de doux, d’insinuants discours,
Pour lui faire oublier Ithaque. Mais Ulysse,
Tout à son seul désir de voir s’élever la fumée
Dans le ciel de sa terre, voudrait mourir. N’en es-tu
Tout retourné dans ton cœur, Olympien ? Les sacrifices
Qu’il t’offrit dans l’auguste Troie, près des vaisseaux argiens,
Ne te plaisaient-ils pas ? Pourquoi es-tu colère, Zeus ?

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Le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.22-43 (ma traduction)

Je continue à traduire l’Odyssée, en tâchant de conserver le même nombre de vers en français ; ce qui n’est pas facile, même si ce sont des vers libres, mais a l’intérêt de forcer à chercher une concision et un son poétiques. Suivre le mot-clé ma traduction d’Homère pour lire les vers précédents.

le mont Olympe, photo Giorgos Kollias pour wikimedia

le mont Olympe, photo Giorgos Kollias pour wikimedia

Or Poséidon était parti chez les Éthiopiens, loin
– Éthiopiens divisés en deux, hommes des confins,
Les uns vers le Couchant, les autres vers le Levant –
Pour une hécatombe de taureaux et d’agneaux.
Et tandis qu’il faisait avec eux ripaille, les autres dieux
Se tenaient sur l’Olympe, rassemblés dans le palais de Zeus.
Le père des hommes et des dieux se mit à leur parler,
Faisant mémoire en son irréprochable cœur d’Égisthe,
Tué par le célèbre Oreste, fils d’Agamamemnon.
Se le rappelant donc, il dit aux immortels :

« Ah, misère ! Dire que les mortels accusent les dieux,
Qu’ils nous font reproche du mal, alors qu’eux-mêmes,
Par folle présomption, rendent plus douloureux
Leur sort ! Voici qu’Égisthe, bafouant le destin,
A épousé la femme de l’Atride, qu’à son retour
Il a tué. Sachant pourtant la mort qui l’attendait.
Car nous l’avions prévenu par Hermès, le vigilant
Exécuteur d’Argus : ne le tue pas, et ne prends pas
Sa femme ! Oreste, une fois jeune homme, les vengerait,
Voulant son héritage. Ainsi parla Hermès.
Mais ses sages paroles n’assagirent pas
Égisthe. Maintenant, tout cela, il le paie. »

Le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.11-21 (ma traduction)

J’ai traduit précédemment les premiers vers, et quelques autres, de l’Oyssée. Peut-être vais-je me lancer dans la traduction de l’épopée entière, en prenant mon temps pour, toujours, suivre au plus près le texte et les sens que j’y trouve. Nous verrons. Voici donc, pour (re)commencer, la deuxième salve de dix vers du début du poème. J’ai traduit aussi le nom de la nymphe (Calypso : Cacheuse).
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image du jeu vidéo Assassin's Creed Odyssey

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De là donc tous les autres, fuyant la chute mortelle,
Étaient rentrés chez eux, réchappés de la mer, de la guerre.
Un seul, en chemin pour retrouver sa femme, restait
Retenu par la nymphe Cacheuse, auguste divinité,
Dans ses cavernes creuses et son désir ardent
De l’avoir pour époux. Mais quand sur la roue des temps
Vint l’année de son retour à Ithaque, à la maison,
Selon sa destinée filée par les dieux, même là,
Parmi ses proches, il n’échapperait pas au combat.
Car tous les dieux avaient pitié de lui, à part Poséidon,
Ennemi acharné d’Ulysse avant qu’il eût atteint sa terre.
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à suivre, donc
Le texte grec est ici

Goethe, Chant de nuit du voyageur (ma traduction)

J’ai traduit aujourd’hui à ma façon, toujours très interprétative, ce fameux petit poème, le second de ses deux Wandrers Nachtlied. Toute traduction est une interprétation, mais plus ou moins. Traduire, à la racine, c’est conduire à travers, et interpréter, aller entre. On peut traduire, faire passer un texte d’une langue à l’autre, sans s’attarder entre, entre une langue et l’autre. C’est tout le travail de l’interprète, qu’il soit musicien ou comédien ou encore ethnologue ou scientifique, d’aller entre, chercher en profondeur ce qui peut s’y trouver. J’ai conscience de traduire des textes immenses (même lorsqu’ils sont comme celui-ci minuscules) et je m’attarde donc dans le passage, j’essaie de les interpréter linguistiquement, en cherchant le sens profond des mots employés, et aussi musicalement, et théâtralement. Mes traductions ne sont pas plus définitives que l’interprétation d’une partition par une musicienne ou d’un personnage par une comédienne, elles sont un moment de vérité parmi d’autres (d’autres interprètes ou d’autres interprétations de la même interprète). « C’est dans l’islam que je trouve le mieux exprimées mes propres idées », disait Goethe. Ce poème me semble l’illustrer.

Après ma traduction, qui respecte le nombre de vers en allemand, deux interprétations des mises en musique du poème par Schubert et par Lizst.

 

Sur tous les sommets
Repose l’être
Tu sens dans les faîtes
Un souffle léger ;
Au bois les oiseaux
Suspendent leurs chants.
Attends un instant !
À toi d’être en repos.

 

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À lire, cette page riche en informations sur les Wandrers Nachtlied et autour d’eux et du chêne de Goethe

Virgile, Les Bucoliques (ma traduction des premiers vers)

henri-rousseau-reve-dreamLe Douanier Rousseau, Le rêve

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J’ai ouvert les yeux ce matin en me répétant mentalement, ravie, le premier vers des Bucoliques de Virgile, remonté de mon adolescence pendant la nuit : Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi… Nous sommes soucieux des affaires du monde, mais cela n’empêche pas la poésie de continuer à œuvrer en nous, voilà comment j’interprète ce rêve débordé dans le réveil. Du coup, j’ai traduit ainsi ces premiers vers du poème :

 

Tityre, allongé sous l’ample couvert d’un hêtre,

Tu mûris à la flûte une muse sylvestre ;

Nous, nous abandonnons frontières et doux champs,

Quittons la patrie ; toi, à l’ombre lentement,

Tu fais sonner aux bois la belle Amaryllis.

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(Traduction révisée le 19-7-2021. Pour lire davantage de cette églogue, et des suivantes : mes traductions de Virgile

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Le texte en latin :

Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi,
Silvestrem tenui musam meditaris avena ;
Nos patriae fines et dulcia linquimus arva ;
Nos patriam fugimus ; tu, Tityre, lentus in umbra,
Formosam resonare dotes Amaryllida silvas.

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