Odyssée, Chant I, v.221-229 (ma traduction)

"Cosmic Ocean", acrylique sur bois 72x42 cm, fini de peindre aujourd'hui

« Cosmic Ocean », acrylique sur bois 72×42 cm, fini de peindre aujourd’hui


Grande forme de partout. Le fait de traduire l’Odyssée y est pour quelque chose, avec la peinture, que je fais en écoutant les Variations Goldberg jouées par Lang Lang (j’ai acheté le CD) et bien sûr le yoga, et puis tout le reste de la bonne vie quotidienne. Voilà pour mon journal du jour. Et pour la suite de l’Odyssée, encore un court passage aujourd’hui, la réponse d’Athéna au désarroi de Télémaque.
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Ainsi reprit Athéna aux yeux brillants de chouette :

« Non, les dieux n’ont pas posé que ta lignée resterait
Sans renommée, puisque Pénélope t’a engendré, toi.
Mais allons ! Dis-moi franchement : qu’est-ce que ce festin ?
Ces gens rassasiés ? Quel besoin en as-tu, enfin ?
Banquet, noce ? Ça n’a rien d’un repas où chacun
Paie sa part, à voir comme ces insolents, ces arrogants,
Mangent dans ta maison. S’indignerait tout homme
Sensé qui, entrant ici, verrait toute cette honte. »

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le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.213-220 (ma traduction)

"Wood Spirit", acrylique sur bois 40x89 cm, peinture que j'ai terminée aujourd'hui

« Wood Spirit », acrylique sur bois 40×89 cm, peinture que j’ai terminée aujourd’hui

La brève et percutante réponse de Télémaque à Athéna, qui lui a demandé s’il était bien le fils d’Ulysse, me rappelle un passage d’un roman de Hermann Hesse. Jusqu’à l’invention des tests ADN, ce devait être un motif d’inquiétude pour les hommes que de ne pouvoir être sûrs de leur paternité, d’où sans doute la tentation d’enfermer les femmes et la société patriarcale. Il y a dans Siddharta l’histoire d’un sage ermite à qui une jeune femme apporte un jour un petit enfant ou bébé en prétendant qu’il en est le père et en exigeant qu’il l’élève. L’ermite ne connaît pas cette femme, n’a jamais couché avec elle, mais il accepte l’enfant sans rien dire et l’élève, puisque le destin le lui envoie. Quand l’enfant est adolescent, la femme revient et réclame son fils, en disant haut et fort que l’ermite n’a aucun droit sur lui puisqu’il n’est pas son père. Et l’ermite laisse partir le jeune homme sans protester.
Y voir une leçon de fatalisme serait réducteur. Ce que j’y vois, moi, c’est qu’un être humain, même tout petit enfant, n’appartient à personne, ni à sa mère ni à son père biologiques ou adoptifs ; mais qu’il appartient à tout être humain de prendre soin, dans la mesure du possible, de tout enfant, voire de tout être humain qui en a besoin. C’est ce que fait Athéna auprès d’Ulysse et de Télémaque, en tout respect de ce qu’ils sont. La réponse de Télémaque ne dit-elle pas aussi que la seule chose sûre, c’est d’être soi-même ? En ce siècle où de nouveaux problèmes de filiation apparaissent (PMA, GPA, parents transgenres…), l’éthique ne doit-elle pas réaffirmer prioritairement qu’aucun être humain ne peut en posséder un autre, adulte ou enfant ?
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Ainsi lui dit à haute voix le prudent Télémaque :

« Je te répondrai en toute franchise, étranger.
Ma mère m’a bien dit que j’étais fils d’Ulysse, mais moi
Je n’en sais rien. Car nul ne peut savoir qui est son père.
Comme je préférerais être le fils d’un homme
Heureux, que la vieillesse atteint au milieu de ses biens !
Mais c’est du plus infortuné des mortels que je suis né,
Me dit-on : voilà la réponse à ta question. »

le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.178-212 (ma traduction)

J’accompagne le passage du jour, à savoir la réponse d’Athéna-Mentès à Télémaque, des Variations Goldberg jouées pour la première fois par Lang Lang. Je les ai découvertes hier soir sur France Musique et je veux acheter le CD. Je les écoute depuis des décennies et je les connais par cœur, jouées magnifiquement, comme on sait, par Glenn Gould. Et je dois dire que j’ai été stupéfaite par l’interprétation de Lang Lang. Je me tais, je vous laisse écouter (après la présentation par les journalistes, la musique reprend).
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Ainsi lui répondit Athéna aux yeux brillants de chouette :

« Eh bien, je vais te dire cela tout à fait franchement.
J’ai l’honneur d’être Mentès, du valeureux Ankhiale
Le fils. Et je règne sur les Taphiens, amateurs de rame.
Je descends ici en bateau avec mes compagnons,
Navigant sur la mer lie-de-vin au milieu d’humains
Étrangers, vers Tamèse, pour changer contre de l’airain
Du fer couleur de feu. Mon bateau est à l’ancre
Hors de la ville, au port de Réthron, sous le Néïos boisé.
Nos familles ont l’honneur de s’accueillir l’une l’autre
Depuis toujours, comme te le dira, si tu l’interroges,
Le vieux Laërte. On dit qu’il ne vient plus en ville
Mais qu’il souffre à l’écart, malade, à la campagne,
Avec une vieille servante qui lui prépare
À manger et à boire lorsque, les jambes fatiguées,
Il a parcouru, en se traînant, son coteau de vignes.
Me voici car on m’a dit que ton père était de retour
À la maison. Mais les dieux contrarient encore sa route.
Il n’est nullement mort sur terre, le divin Ulysse,
Mais bien vivant, retenu peut-être dans la vaste mer,
Sur une île, prisonnier d’hommes rudes, sauvages
Qui contre sa volonté l’empêchent de partir.
Maintenant moi je vais t’apprendre ce que les immortels
M’ont mis dans l’esprit et qui va arriver, je pense,
Bien que je ne sois ni devin ni lecteur des augures.
Il ne sera plus longtemps loin de sa chère patrie,
Fût-il tenu captif par des chaînes de fer.
Son génie lui fera trouver moyen de revenir.
Mais à ton tour parle-moi franchement : es-tu,
Réellement, son fils ? L’enfant d’Ulysse lui-même ?
Certes par ton visage et tes beaux yeux tu lui ressembles
Terriblement. Nous nous sommes rencontrés souvent
Avant qu’il n’embarque pour Troie, en même temps que d’autres
Des plus nobles Argiens montaient à bord de leurs nefs creuses.
Depuis lors, Ulysse et moi ne nous sommes plus vus. »
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le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.158-177 (ma traduction)

Installation à la maison, avec Godzilla, un robot, de la verdure, des peintures et une chouette

Installation à la maison, avec Godzilla, un robot, de la verdure, des peintures et une chouette

Je suis allée au jardin avec un masque en tissu maison hyper léger, et je l’ai enlevé une fois assise sur la pierre d’un petit recoin du jardin alpin, où il n’y a de place que pour une personne, à l’écart du passage. Ces temps-ci sont propices à se rappeler combien il est bon de respirer.

Aujourd’hui voici le discours touchant que Télémaque adresse à Athéna, qui lui est apparue sous les traits d’un étranger. À l’hospitalité débordante répondent un épanchement de son cœur et aussi un débordement de questions. Les repères de ce jeune homme dont le père est absent et la mère harcelée de prétendants qui font bombance dans sa maison ne sont-ils pas troublés ? Il lui faut s’assurer de son interlocuteur venu d’ailleurs, seule respiration dans son existence étouffée.
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« Cher étranger, t’indigneras-tu de ce que je vais dire ?
La cithare et le chant, voilà tout ce dont ils se soucient !
Facile, en mangeant impunément les ressources d’autrui,
D’un homme dont les ossements blancs pourrissent sous la pluie,
Étendus quelque part sur la terre ou roulés par les flots !
Mais s’ils le voyaient, cet homme, revenir à Ithaque,
Tous autant qu’ils sont prieraient pour savoir courir vite
Plutôt que pour être couverts d’or comme de vêtement !
Mais maintenant, il a péri d’un funeste destin.
Plus d’espoir pour nous ! Même si quelqu’un sur cette terre
M’annonçait son retour. Anéanti, le jour du retour !
Mais allons, dis-moi, réponds franchement : de quel pays
Es-tu ? Où est ta ville et où sont tes parents ?
Par quel bateau es-tu venu ? Quels marins t’ont amené
À Ithaque ? Quant à eux, qui se flattent-ils d’être ?
Je ne pense pas que tu sois venu jusqu’ici à pied !
Dis-moi tout cela en vérité, que je sache bien :
Es-tu nouveau venu, ou déjà connu de mon père,
Étranger ? Car bien d’autres sont venus dans nos demeures,
Et lui-même avait des relations avec bien des gens. »

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le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.144-157 (ma traduction)

Joueur de cithare sur un vase grec. Encyclopedia Britannica (wikimedia)

Joueur de cithare sur un vase grec. Encyclopedia Britannica (wikimedia)

Je progresse à la course, c’est très euphorisant. J’alterne toujours les temps de course et les temps de marche, mais je tiens la course sur des distances de plus en plus longues. Pas très longues car je pars de loin, n’ayant pas couru depuis le lycée, mais je commence à dépasser les 400 mètres d’un coup, à un bon rythme et sans m’épuiser (je n’ai pas de cardiomètre, j’ai 64 ans, je préfère y aller prudemment). Puis je marche d’un bon pas puis je recommence à courir quelques centaines de mètres, etc., pendant 30 à 35 minutes une à deux fois par semaine. C’est un début ! Au retour je fais une petite séance de yoga supplémentaire, d’étirements contre les courbatures. Je me rappelle que lorsque j’ai commencé à faire du yoga quotidiennement, l’été dernier, les séances me paraissaient fatigantes et il y avait des postures que j’avais du mal à tenir, alors qu’aujourd’hui je fais très aisément les mêmes séances et les mêmes postures. Je me dis que je devrais progresser de la même manière pour la course, et j’espère aussi pour cet exercice et pour cette course de fond que va être ma traduction de l’Odyssée. Voici les vers du jour, exposant le contexte dans lequel nous suivrons ensuite le dialogue entre Télémaque et Athéna. (À la fin du passage, les autres traductions disent que Télémaque se penche vers la tête de la déesse mais ce n’est pas ce que dit le texte, et pour cause : comme nous l’avons vu hier, il lui a donné un siège élevé, et s’est assis près d’elle sur une banquette inclinée, plus bas qu’elle donc – je vérifie les mots un par un, c’est l’avantage de ne pas avoir trop l’habitude de la langue source, cela pousse à des découvertes ou des précisions ; cela m’est arrivé plusieurs fois, pour ce texte ou pour d’autres que j’ai précédemment traduits d’autres langues).
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Puis entrent les arrogants prétendants, s’asseyant
À mesure sur les sièges hauts ou inclinés.
Des hérauts leur répandent de l’eau sur les mains,
Des servantes entassent près d’eux des corbeilles de pain,
Des jeunes gens élèvent des cratères de boisson.
Alors ils mettent la main sur les mets, servis tout prêts.
Après avoir bu et mangé, les prétendants ont
Grand désir dans le cœur de s’occuper à autre chose :
Au chant et à la danse, le surcroît d’un repas.
Un héraut place donc une superbe cithare
Entre les mains de Phémios, qui doit chanter de force
Auprès des prétendants. Il joue et tire de sa lyre
Un beau chant. Et Télémaque, s’approchant de sa tête
Pour qu’on ne l’entende pas, dit à Athéna :

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le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.123-143 (ma traduction)

Niels Schneider dans le rôle de Télémaque pour la série Odysseus. Photo Armanda Claro pour Arte

Niels Schneider dans le rôle de Télémaque pour la série Odysseus. Photo Armanda Claro pour Arte

En ce moment je regarde l’excellente série américo-britannique de 1996 inspirée des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, œuvre magnifique en partie inspirée de l’Odyssée et qui a inspiré le Château dans le ciel de Miyazaki avec son île de Laputa peuplée d’intellectuels stupides. Merveilleux fil d’Ariane entre les poètes, les temps et les civilisations. Si nous le coupions, ce qui arrive avec la déculturation, nous nous ferions dévorer par le Minotaure.

« … et lui dit à haute voix ces paroles ailées : » Nous nous sommes arrêtés là la dernière fois. Voici donc les paroles en question, adressées par Télémaque à l’étranger sous la figure duquel lui apparaît « Pallas Athéna » (Athéna qui a vaincu le géant primitif Pallas, et s’est fait de sa peau une armure), et ce qui, selon les lois de l’hospitalité, s’ensuit.
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« Salut, étranger. Sois le bienvenu chez nous.
Viens te restaurer, puis tu nous diras ce qu’il te faut. »

Sur ces mots, il s’avance et Pallas Athéna le suit.
Une fois qu’ils sont entrés dans la haute maison,
Il place la lance debout contre la grande colonne,
Dans l’espace bien ciselé où sont rangées
Les nombreuses lances d’Ulysse à l’âme courageuse.
Puis il la conduit à un siège haut, couvert de tissus,
Artistement œuvré, avec une marche pour les pieds.
Il s’assoit à côté sur un siège incliné chamarré,
À l’écart des prétendants pour ne pas troubler le repas
De l’étranger par le vacarme que font ces arrogants,
Et parce qu’il veut l’interroger sur son père absent.
Un serviteur verse, d’une belle aiguière d’or,
L’eau des ablutions dans un vase d’argent, où ils se lavent,
Et dresse devant eux une longue table polie.
Une vénérable intendante y dispose le pain
Et nombre de provisions qu’elle offre libéralement.
Un découpeur présente des plats chargés de viandes
Diverses et pose devant eux des coupes d’or.
Un héraut prestement verse à l’un puis à l’autre le vin.

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le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.102-122 (ma traduction)

mon vieux dictionnaire de grec, devant ma repeinture en cours

mon vieux dictionnaire de grec, devant ma repeinture en cours

Dans moins de douze mille vers, j’aurai fini de traduire l’Odyssée. Voilà un travail à la mesure et à la démesure de mon désir. Si j’en traduis une quinzaine par jour, j’ai environ trois ans de joie devant moi. Mais c’est moins le temps, pas si long, qui compte, que la profondeur de l’aventure. Déjà je me rends compte de choses inouïes dans le texte. J’en ferai certainement un commentaire, pour accompagner la traduction quand elle sera terminée. Pour l’instant, continuons à avancer. Ou à bondir, comme Athéna ici descendant des cieux. Ce qui est génial avec le yoga c’est qu’il peut accompagner toute pensée, toute prière, toute aventure de l’esprit et du corps. En tout cas il accompagne à merveille l’Antiquité grecque. (Évidemment il y a aussi des yogis faussaires, comme Sadhguru ou, dans un autre genre et le temps de cet automne, Carrère (je revois et vois pas mal de films américains à la maison en ce moment : ce qui saute aux yeux, c’est la violence de la société américaine; de temps en temps je m’efforce de voir un film français, et là ce qui saute aux yeux c’est la dépression de la société française – d’où ressort un nihilisme au moins aussi morbide) ; il s’agit de bien exercer sa raison pour ne pas se laisser berner. Athéna, déesse de la raison et pilier de l’Odyssée, aide très bien à y voir clair). Toutes ces parenthèses ouvertes et enchâssées refermées, allons au texte.
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Ouvrant les jambes elle s’élance des sommets de l’Olympe,
Se dresse dans le peuple d’Ithaque, sur le seuil d’Ulysse,
À l’entrée du couloir. Dans sa paume sa lance d’airain.
Sous les traits d’un étranger, Mentès, chef des Taphiens,
Elle trouve les prétendants arrogants, jouant aux dés
Le long des portes, attendant, esprits rassasiés,
Immobiles sur les peaux des bœufs qu’ils ont tués.
Auprès d’eux, des hérauts et des serviteurs empressés,
Les uns à mêler dans des cratères le vin et l’eau,
D’autres à laver avec des éponges pleines de trous
Les tables, à les placer et à couper des tas de viandes.
Le tout premier à voir Athéna fut Télémaque,
Beau comme un dieu. Il était là, parmi les prétendants,
Le cœur triste, songeant à son cher et valeureux père :
S’il revenait ! Il disperserait les prétendants
Hors de sa maison, rétablirait son honneur, serait
Maître de ses biens. Y pensant parmi les prétendants,
Il la voit. Alors il va droit dans le couloir, indigné
Dans son cœur qu’un étranger soit longtemps laissé à la porte.
Il s’approche, lui prend la main droite, reçoit la lance
D’airain et lui dit à haute voix ces paroles ailées :

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le texte grec est ici
à suivre !