Avignon pendant le Off

avignon 1-minNous sommes allés voir l’une des dernières représentations d’un Cyrano de Bergerac par le Collectif Chapitre Treize, qui a obtenu un beau succès à l’Espace Roseau Teinturiers. L’affiche de la jeune compagnie nous attend dès la sortie de la gare. avignon 2-minJe reparlerai dans une prochaine note de cette pièce et de cette interprétation. Pour le moment, visitons un peu Avignon en cette fin de festival. Ma première fois au festival date d’il y a très longtemps, c’est un bonheur de retrouver la ville et ses remparts que nous longeons pour rejoindre notre logement, près de l’université.

avignon 4-min La ville est couverte des affichages des près de 1600 pièces qui s’y jouent. Notre comédien préféré, Sydney, qui joue à Avignon pour la deuxième année consécutive, déplore le caractère non écolo de cette pratique, et d’une manière générale le manque de renouvellement du festival. Eux ont choisi pour leur Cyrano une affiche plus grande mais moins multipliée que les autres. Le Off d’Avignon est une occasion pour les compagnies théâtrales de vivre une aventure artistique exceptionnelle (le Collectif Chapitre 13 joue Cyrano tous les soirs sauf le mercredi du début jusqu’à la fin de juillet), une aventure humaine aussi (un mois de vie en collectivité dans une maison louée, pour eux à une demi-heure à vélo du centre-ville – il a fallu louer des vieux vélos et apprendre à les réparer), un mois de travail intense où il faut tout faire, affichage, montage et démontage des décors tous les soirs (plusieurs pièces se succèdent dans la journée et la soirée dans le même théâtre), chaque jour tractage, parades et happenings, accueil du public et des professionnels, journalistes et producteurs, et bien sûr jouer, 2h10 d’un spectacle débordant d’énergie tous les soirs, jusqu’à plus de minuit. Et c’est une occasion de montrer la pièce à des producteurs susceptibles de la programmer ailleurs dans l’année.

Voici la compagnie en parade et tractage dans la ville, vers 17 heures. Il faut attirer le public, c’est tout un travail. Eux y réussissent remarquablement bien, alors que se jouent deux ou trois autres Cyrano au cours de ce festival. avignon 6-min  Vers 19 heures, après la parade, la compagnie présente un happening à partir de la tirade du nez scandée en rap, dans ce beau restaurant en plein air et plein d’œuvres d’art, puis sur des places. avignon 9-min

Pendant que la troupe retourne au théâtre où elle se prépare à jouer, en attendant 22h15, heure de la représentation, nous prenons un verre au-dessus de l’eau. Toute la ville est très animée. Notre séjour est trop bref pour que nous ayons le temps de voir d’autres pièces, mais nous avons déjà rencontré les comédiens et le metteur en scène de celle que nous voyons (et dont je parlerai prochainement, donc), nous parlerons encore avec eux après la représentation, c’est une occasion de suivre de près le travail d’une troupe.avignon 10-min

Pendant ces deux jours, au cours de nos pérégrinations en ville, j’ai photographié le Street Art et les faux-semblants théâtraux aux fenêtres

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Avant de repartir, une visite au Palais des Papes et un déjeuner dans les jardins en hauteuravignon 16-min

… au bord de l’eau, par cette canicule, un bonheuravignon 17-minHier et avant-hier à Avignon, photos Alina Reyes

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Une nuit des musées romantique et théâtrale au Petit Palais

Avant l’exposition Paris romantique 1815-1848 qui ouvrira mercredi prochain, 22 mai, le musée avait confié aux comédiens du Conservatoire de Paris 8e la Galerie Sud et le jardin pour une déambulation théâtrale sur le thème : « À l’époque romantique, sur le boulevard du Temple appelé aussi Boulevard du Crime se trouvent les théâtres populaires vers lesquels se presse une foule bigarrée. Retrouvez cette atmosphère bouillonnante en suivant les comédiens à travers le décor du boulevard reconstitué. »

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Samedi jaune oblige, les transports en commun s’arrêtant largement avant, j’ai marché une bonne partie du trajet pour rejoindre le Petit Palais, et c’était déjà très romantique.

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Le public était nombreux et ravi par les performances des joyeux comédiens

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nuit des musees petit palais 4-minIl y eut même de la danse

nuit des musees petit palais 5-minEnfin, beaucoup de vie, y compris devant La Vallée des larmes de Gustave Doré

nuit des musees petit palais 6-minL’ai-je bien descendu ?

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nuit des musees petit palais 8-minLes grisettes sont fort vivantes et joyeuses aussi, sous le regard de Sarah Bernhardt peinte par Georges Clairin nuit des musees petit palais 9-min

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Différents auteurs romantiques sont joués ou évoqués, comme ici Hugo avec ses Derniers jours d’un condamné à mortnuit des musees petit palais 13-min

nuit des musees petit palais 14-minUn coup d’œil sur le Grand Palais par la baie vitrée, et le spectacle continue, jusqu’à la fin de la belle soirée

nuit des musees petit palais 15-minHier soir au Petit Palais, photos Alina Reyes

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Dom Juan, roi des globes et des dentelles

dom juanJ’ai acheté ce masque pour le porter dans un court-métrage que j’ai réalisé pour Canal + en 2001.  Et j’ai rapporté de Prague les figures du mage et du roi.

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Préparant fougueusement mon cours sur Dom Juan. Je suis si Dom Juan ! À la Molière, avec un m ! Le m de aime et de Dominus. Dans quel livre ai-je écrit, il y a longtemps, « je ne crois à rien, sauf à la nécessité de vivre ou de mourir » ? C’était peut-être dans mon long poème Autopsie. Je n’en changerais pas un mot. (Mon rapport à « Dieu », je l’ai toujours dit, ne relève absolument pas de la croyance). Je la changerais, je la change sans cesse (ma phrase). Sauf à la nécessité de vivre ou de mourir signifie : si tu ne vis pas, tu meurs, tu es mort. Mentalement, un tas de gens sont morts, même et peut-être particulièrement parmi les plus cultivés. Je ne crois pas non plus en ma phrase, puisqu’en fait je ne crois pas à cette nécessité, je la constate. Qui ne retourne sans cesse à la vie, est mort.e.

J’ai toujours pris le parti de Dom Juan, toujours senti que j’étais Dom Juan. Je le dis dans La Vérité nue. Mais pas n’importe quel Dom Juan. Dom Juan est une page blanche où butent ceux qui la regardent.  Les gens le voient à leur image, qui est presque toujours une image de mort. On l’associe au Requiem de Mozart. On le religiose, on le dolorise, on l’accuse, on lui fait rendre gorge. Haha ! Et on se retrouve les mains vides, sans avoir rien saisi, car ce n’est pas ça, Dom Juan. Le tour que Molière fait, ils ne le voient pas. Ils tombent dans le panneau. Comme Dom Juan à la fin de la pièce. Sauf qu’en fait, il n’y est jamais tombé.

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« Love & Money » de Dennis Kelly au Clos Sauvage d’Aubervilliers

love&moneyouverture…

love&money salutationet fin de la représentation

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de Love & Money de Dennis Kelly, mise en scène par Thibaut Lescanne avec Marlène Génissel, Sydney Gybely, Raphaëlle Simon, Baptiste Philippe, Inès Latorre, Chloé Riols, Roman Touminet

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C’est une pièce à prendre in yer face, selon le nom de ce mouvement théâtral anglais né dans les années 90. Dans ta gueule. Théâtre coup de poing, théâtre de l’inconfort qui ne déplairait sans doute ni à Rimbaud, qui n’aimait pas le comfort, ni à Artaud qui voulait un théâtre de la cruauté. Dennis Kelly, jeune dramaturge très reconnu en Grande-Bretagne, a construit sa pièce façon puzzle, c’est le texte lui-même, pour commencer, qui a pris un poing dans la gueule et se retrouve éclaté, projeté sur la scène avec ses bouts d’humanité crevée par la société du fric, crevarde, criminelle, cinglée, déconnectée dans l’hyperconnexion, en train d’éclater comme l’une de ces étoiles dont il est question à la fin… pour donner naissance à quoi ? Eh bien, peut-être à des pièces comme celle-là, des mises en scènes comme celle-là, des artistes en scène pleins de jeunesse, de talent, de justesse et de gratuité, parcourus de moments de grâce, dans des lieux comme celui-là, où un autre monde se réinvente et se vit. Telle que je l’ai vue hier soir, la pièce, dans cette mise en scène et avec cette troupe, pourrait être aussi bien jouée dans un théâtre classique, peut-être le sera-t-elle, mais c’était un choix délibéré de la monter là, dans ce lieu alternatif, et quoi qu’il en soit par la suite, cet acte inaugural est génial, car il témoigne de la fin d’un monde en train d’advenir en même temps que des convulsions d’une nouvelle naissance.

C’était hier soir au Clos Sauvage d’Aubervilliers, où se déroule sur le week-end le festival pluridisciplinaire (T)RÊVES. Vous pouvez encore y aller, et la pièce se rejoue cet après-midi à 16 heures.

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Des images du lieu, à l’extérieur et à l’intérieur :

 

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clos sauvage 6l’atelier de réparation de vélos

clos sauvage 7sur place, on échange fringues, livres et autres objets, plutôt que d’acheter

hier soir au Clos Sauvage d’Aubervilliers, photos Alina Reyes

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Tralala Splatch. Autour du Clos aux zoiseaux, à Nanterre

Passant la journée à la fac de Nanterre pour la préparation à la rentrée des nouveaux jeunes profs, dont j’ai le plaisir d’être, à midi après avoir mangé sur l’herbe le sandwich crudités qu’on nous avait distribué, je suis allée me balader sur le campus, et j’ai trouvé, tout au fond, cette merveille : un campement, des chapiteaux, un portail ouvert et une clôture magnifiquement peinte, en dessins et en écritures, que j’ai bien sûr photographiée. Il s’agit d’une compagnie théâtrale en résidence là, où ils font plein de choses. Pour en savoir plus, c’est ici : Tralala Splatch, le Clos aux zoiseaux. Et voici les images.

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tralala splatch 18aujourd’hui à Nanterre (à 2 mn du RER Nanterre Université), photos Alina Reyes

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Antigone et Ismène chez Sophocle, Jean-Michel Folon et Bom.K dans le 13e

"La porte", fresque de Jean-Michel Folon au 180 rue Nationale (1985)

« La porte », fresque de Jean-Michel Folon au 180 rue Nationale (1985)

L’une a choisi la mort pour sauver l’honneur, l’autre a choisi la vie pour sauver la vie. L’une sans l’autre ne vaudrait rien. Antigone et Ismène sont les deux faces d’une même médaille, une médaille qui ne se reçoit pas d’autrui, la médaille intérieure que chaque humain peut gagner, les deux valves d’un même cœur.

fresque de Bom.K boulevard Vincent Auriol, métro Nationale

fresque de Bom.K boulevard Vincent Auriol, métro Nationale

hier à Paris, photos Alina Reyes

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autres notes sur Antigone ;

parmi les autres fresques que j’ai photographiées dans le 13e, les récentes ; d’autres ; d’autres ; d’autres ; d’autres

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Beckett dénonce l’attaque de la société contre la parole, le sens

Fin-de-partie la manufactureFin de Partie, mise en scène de Jean-Claude Fall à La Manufacture

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Dans Fin de partie, quatre personnages sont en scène : Hamm, vieil impotent aveugle ; Clov, qu’il harcèle ; Nagg et Nell, les parents de Hamm, dans une poubelle. Après de longs renvois de mots, aussi inutiles que dérisoires, entre autres à propos d’un puce et d’un rat, la pièce se termine par un monologue de Hamm, entrecoupé de très nombreuses didascalies. Leur omniprésence et la brièveté des phrases composent un texte hoquetant, bégayant, n’allant de rien à rien, sinon d’un dévoilement (Hamm enlève ses lunettes, révélant des yeux qui ne voient pas) à un voilement (mouchoir sur son visage, et RIDEAU).

Sur deux pages, le monologue contient vingt-six fois la didascalie Un temps. Comme en musique, libre à l’interprète de régler la durée des temps indiqués. Ils hachent la parole, la menacent d’envahissement, de destruction. Les gestes du personnage concourent à ce travail de sape. Enlever ses lunettes, sortir ses lunettes. Sortir son mouchoir, remballer son mouchoir (un mouchoir dont l’importance n’est pas sans rappeler un autre mouchoir célèbre du répertoire, celui du Tartuffe). Lever le sifflet, lâcher le sifflet. Arracher le sifflet, jeter le sifflet. Autant de gestes auxquels la parole se joint, les redoublant, accentuant leur caractère dérisoire. Jusqu’au moment final où un geste enfin s’accomplit : le mouchoir posé sur le visage de Hamm et le rideau se refermant : la mort.

Le monologue de Hamm comporte des adresses qui restent sans réponse, participant à cet anéantissement du sens suggéré par la perte du temps, la perte de temps, la ratiocination. « J’appelle » dit-il, mais on ne sait qui. Puis il s’adresse à un tu qui semble ne pouvoir être que lui-même. Loin de se déployer vers autrui, la parole s’involue, se replie. Il appelle Père et Clov, avec insistance, en vain. Inexorablement, l’aphasie gagne, jusqu’au moment où la parole est définitivement coupée : « N’en parlons plus (…) Ne parlons plus. » Ne reste que le linge, drap mortuaire. Le texte prend fin avec le tissu : le fil fragile de la parole rompu, ne reste que celui de la matière, qui se tient encore même si elle est appelée au pourrissement, et qui sert à clore l’histoire et l’être qui l’a vécue. « Instants nuls, toujours nuls, mais qui font le compte »… le compte de « cent mille derniers quarts d’heure », d’une vie vécue pour-la-mort (comme dans la philosophie de Heidegger).

Clov et Hamm, « clou » et « marteau » (ou « jambon ») ? Père et « serviteur souffrant », comme dit la Bible ? Plusieurs indices permettent aussi de lire dans le texte une parodie du christianisme : les thèmes de l’aveugle (ici non guéri) ; du mouchoir sur le visage tel un linge de Véronique (ici sans impression) ; de la prière et de la descente ; de la dialectique entre rapetisser et grandir (selon le mot de Jean le Baptiste par rapport au Christ).

C’est Clov qui avait le premier pris la parole au début de la pièce, par ces mots prononcés avec « regard fixe, voix blanche » : « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir ». Un peu après, Hamm s’était réveillé sous son mouchoir. Première résurrection d’un mort, finalement condamné ? Mais il ne s’agit que d’une « fin de partie » et comme chez Kafka la mort ne suffit pas à tout nettoyer : « C’était comme si la honte dût lui survivre », écrit-il de Joseph K. à la fin du Procès. Quelques années plus tard, Beckett écrira un petit film de 17 mn intitulé Film, avec Buster Keaton dans le rôle [le film a été supprimé des plateformes de vidéo mais on peut encore le voir ici, malheureusement entrecoupé de publicités]. Film muet (l’aphasie a gagné) où tout est question de regard, de stigmatisation et de honte. Une sorte de prophétie sur la « société du spectacle », ce monde de la didascalie envahissante, où la communication, la com’, prend le pas sur le sens, sur la parole sensée. De cette société insensée, inique et stupide, Beckett, grâce au théâtre, nous purifie.

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(Retranscription de mes notes pour un commentaire de texte donné lors d’un oral de l’agrégation, au cours duquel j’ai notamment mentionné aussi la bouffonnerie de la scène)

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