« La méditation », l’élégance et la paix

Vegeta, de Dragon Ball Z, photo Alina Reyes

Vegeta, de Dragon Ball Z, photo Alina Reyes


Quand nous disons « la méditation », quand nous définissons la méditation, quand nous expliquons ce qu’est la méditation, nous ne faisons que prouver que nous ne savons pas de quoi nous parlons, ou que nous l’oublions. Car « la méditation » n’existe pas. Quels que soient les noms qu’on lui donne, dans diverses langues ou dans la nôtre, « la méditation », au singulier, n’est qu’un cache-sexe de la réalité, faite d’une pluralité de formes de méditations. Les grands méditants le savent d’expérience autant que de science apprise. Les grands méditants sont sans doute au moins aussi rares que les grands mathématiciens mais tout le monde peut faire des mathématiques, en s’y appliquant et en y travaillant, et de la même façon tout le monde peut faire des méditations, pratiquer telle ou telle forme des méditations connues et enseignées. Comme en mathématiques, il est important, selon ma vision de la chose, de rechercher l’élégance dans le processus des méditations, quelles qu’elles soient. La poussivité, si je puis dire, peut donner quelques résultats mais ne va pas bien loin ; la paresse est dangereuse, pour soi et pour autrui, car elle égare et conduit aux impasses ; quant à l’élégance, elle franchit obstacles et barrières, abolit les limites, ouvre des voies, donne la joie parfaite, qui est la paix.

Le yoga fut aussi un art de la guerre, et le reste d’une certaine façon. C’est ainsi qu’il accomplit la paix. Sans être une promesse de paix : il ne l’accomplit pas seulement, il la manifeste, déjà-accomplie. Il est la paix, en train d’avoir lieu, constamment.

L’expérience du temps et la fin des temps

Work in progress, je continue à repeindre le grand panneau que j'avais trouvé dans la rue

Work in progress, je continue à repeindre le grand panneau que j’avais trouvé dans la rue

Pour la première fois, hier, j’ai vu un dinosaure en rêve. Je rêve fréquemment de toutes sortes d’animaux sauvages, mais cette fois il semble que je remonte le temps. J’ai vu aussi en rêve, cette nuit, des pousses de plantes bien vertes sortir d’entre les touches de mon clavier d’ordinateur, leurs racines sous les touches – la première pousse sous la touche « ctrl » de droite. Remontée plus en arrière encore dans le temps ou projection en avant ? Il est sans doute un point où les deux se rejoignent.

Vivre : faire l’expérience du temps. Souvent nous la fuyons, et nous fuyons notre propre vie. Nous avons peur de l’ennui, ou du miroir que nous tend le temps. Pourtant l’expérience du temps est riche et c’est en ne la fuyant pas que nous nous préparons, sans doute, à l’Heure. L’Heure où le temps pour nous sera comme une montagne changée en papillons, où un instant, ce que nous appelons le dernier instant, comme au début du monde sera plein d’une éternité.

Quand nous avons un accident, nous pouvons expérimenter le ralentissement du temps, comme au cinéma. Quelques secondes s’étirent, ce qui se passe est décomposé en séquences longues. Quand nous rêvons la nuit, nous expérimentons la possibilité de vivre mentalement de longues séquences qui peuvent ne durer selon l’horloge qu’un court instant. C’est dans l’amour et aussi dans la solitude que nous pouvons apprendre à embrasser le temps sans crainte et sans désir de le contraindre. Il n’est pas déraisonnable de penser que notre dernier instant sera conditionné selon ce que nous aurons fait de notre mental dans notre vie. Qu’il pourra être, ou non, en fonction de cela, une éternité bienheureuse.

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Créer un ordre qui défie la mort. Avec les chamanes et Bertrand Hell

En ce moment, mes livres disparaissent derrière mes peintures

En ce moment, mes livres disparaissent derrière mes peintures

J’ai un grand livre magnifique terminé depuis mars dernier, et un autre livre magnifique en cours, qui attend depuis mars la réouverture de la BnF pour recommencer à s’écrire. J’ai aussi un autre livre commencé, qui devrait être beau si je le mène à terme – mais ça peut encore changer. Et puis un autre début d’éventuel projet de livre. Je m’occuperai de trouver des éditeurs quand j’estimerai le moment venu. Parfois je me demande si j’ai perdu de la vigueur créatrice de ma jeunesse, où les livres jaillissaient de moi comme ces fauves – lionnes, lions, lionceaux, panthères, tigres, éléphants, baleines, cerfs et autres animaux majestueux, grands rapaces et autres oiseaux… – qui habitaient mes rêves la nuit (et que j’ai revus il y a quelques nuits). Et parfois je me dis que si je ralentis tant mon écriture, c’est d’une part parce que je sais que je ne peux pas publier depuis plusieurs années, d’autre part parce que je suis parfois submergée, enlevée, par la beauté de ce que j’écris, qui m’oblige à retoucher terre pour ne pas être emportée. Je l’ai déjà écrit dans un livre il y a très longtemps, je vis avec les forces et les forces m’habitent. C’est pourquoi je me dis chamane. Tous les humains, tous les vivants sont habités par les forces mais tous ne sont pas chamanes. Pour l’être, il faut être de nature à savoir les explorer, travailler avec elles sans chercher à les asservir et sans se laisser asservir par elles.
Travaillée par les forces ce soir, je relis quelques passages du livre de Bertrand Hell Possession et chamanisme. Les maîtres du désordre. En voici un :

51V56NWHZXL._SX210_« Partout une même conviction prévaut. La force détenue par le nom même des esprits, par les invocations chantées émane directement du souffle de la surnature. (…)

Cette puissance conférée à la parole-souffle transporte l’élu. Elle lui donne aussi le pouvoir d’enthousiasmer. Chamane kazakh officiant dans une yourte ou vagabond « illuminé » haranguant la foule sur la place Jemaa el-Fna à Marrakech soumettent les auditoires à la même magie de leur verbe. Le discours enflammé peut se faire poésies et chants. À l’instar de Rûmî, le grand poète mystique persan du XIIIe siècle, nombre de soufis ont privilégié la poésie pour rendre « la saveur » des choses et transmettre leur enseignement. D’autres feront appel aux expressions les plus courantes du folklore populaire pour exprimer leur expérience de l’ineffable, vers plaisants et sans signification apparente pour le mystique turc Yûnus Emré ou chants de femmes au rouet pour le fâquir (« le pauvre de Dieu ») indien Bullhe Châch. Dans le rite hollé horé du culte des Songhay, les esprits transforment les possédés en des improvisateurs de chants extraordinairement talentueux, tandis que le génie féminin Denquitu du culte éthiopien arrive fréquemment à émouvoir l’assistance jusqu’aux larmes tant les chants de son « cheval » sont beaux. En conséquence, il ne saurait être de poésie et de chant purement profanes. Nous ne serons donc pas étonnés d’apprendre que, chez les Bouriates, la récitation par le barde de l’épopée versifiée rapportant la geste des héros déclenche le tonnerre si elle se fait de jour ou en été. Ou encore que, dans tout le Maghreb du début de ce siècle [le XXe], les tombeaux des troubadours les plus inspirés deviennent des lieux de pèlerinage.

Que la parole des possédés est fondamentale, voilà bien ce dont les Dinka sont intimement persuadés. Pour eux, elle est même le propre des humains. Dans la pensée de cette population d’éleveurs de bétail du Soudan, les hommes et les bovins sont très proches, et de nombreux rites visent à identifier les jeunes gens aux bêtes. Les bovins n’ont-ils pas pour eux la force de la vitalité et la puissance de la sexualité, énergies auxquelles les hommes aspirent ? Mais comme dans toute autre société, l’homme dinka ne saurait se confondre avec l’animal. La question cruciale de la différence prend chez ces éleveurs un relief tout particulier. Si les bovins possèdent force et vitalité et sont de ce fait turbulents, mobiles et bons à sacrifier, les humains, êtres éminemment fragiles, disposent pour leur part du langage. Et notamment de celui des possédés. Car le langage « vrai » de la possession projette les humains dans une autre réalité. Il est permanent, inaltérable, atemporel. Aux yeux des Dinka, il est alors le signe le plus éclatant de la nature humaine, à savoir pouvoir créer un ordre qui défie la mort. »

« La guerrière chevaleresque », « A Touch of Zen », de King Hu


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J’ai vu et adoré, à leur sortie, Tigre et Dragon et Kill Bill, et j’ignorais que ces films, comme beaucoup d’autres films de sabre, avaient été inspirés par ce premier chef-d’œuvre absolu du genre, dont le titre, Xia nu (La Guerrière chevaleresque), a été changé pour l’Occident en A Touch of Zen. Je viens de visionner le film, disponible jusqu’au 29 août prochain sur Arte, et je reste sous le choc de sa splendeur, de sa grandeur, de sa grâce. De son incroyable modernité, alors qu’il date de 1971. Toutes les critiques que je lis après coup enchaînent les superlatifs (voir par exemple la présentation du film dans Slate) et j’aurais juste envie de les aligner aussi. Mais pourquoi répéter ce que des cinéphiles plus savants que moi en la matière ont pu en dire. J’ajouterai seulement ce que j’y ai vu de plus et que je ne vois écrit nulle part. À savoir qu’il s’agit du combat entre un eunuque qui s’est emparé du pouvoir et une femme devenue guerrière accomplie au monastère. Et que ce qui s’avère finalement à sauver, c’est un bébé. Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler, mais voilà qui approfondit considérablement l’enjeu métaphysique du film.

En moi comme dans le film la guerrière absolument libre, traquée, et le scribe lettré, s’unissent pour assurer la survie d’une lignée, comme on dit en français – terme qui parle spécialement à une écrivaine. Vous identifier aussi à la fois à la guerrière et au scribe, je ne vous souhaite pas mieux au visionnage de cette œuvre. Du côté du pouvoir, l’impuissance et la violence ; face à ça, l’ascèse, l’amour libre, le combat dansant, le savoir, l’intelligence, la fertilité : la puissance réelle. Cela finit de façon sublime.

en une ou plusieurs fois, à voir ici sur Arte

Le métier de vivre, la science de vivre, l’art de vivre, avec B.K.S. Iyengar

Les réfractaires aux mots Dieu, Divin, Seigneur… peuvent comprendre le texte en remplaçant ces mots par l’un des noms de Dieu dans toutes les religions, comme Vérité.
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« Svadhyaya. Sva signifie soi et adhyaya signifie étude et éducation. Éduquer, c’est tirer d’une personne le meilleur d’elle-même. Svadhyaya est donc l’éducation du soi.
(…)
Pour avoir une vie saine, heureuse, et paisible, il est essentiel d’étudier régulièrement et en un lieu pur la littérature sacrée. Cette étude des livres sacrés de l’humanité permet au sadhaka de se concentrer et de résoudre les problèmes difficiles quand ils apparaissent dans la vie. Elle met fin à l’ignorance et apporte la connaissance. L’ignorance n’a pas de commencement, mais elle a une fin. Il y a un commencement mais pas de fin à la connaissance. Par la pratique de svadhyaya, le sadhaka comprend la nature de son âme et obtient la communion avec le Divin. Les livres sacrés de l’humanité sont à lire par tous. Ils ne sont pas destinés aux seuls membres d’une confession particulière. Comme les abeilles se délectent du nectar de différentes fleurs, ainsi le sadhaka prend dans les autres religions ce qui lui permettra de mieux comprendre la sienne.

La philologie n’est pas un langage mais la science du langage, dont l’étude permet de mieux connaître sa propre langue. Pareillement, le yoga n’est pas en lui-même une religion. C’est la science des religions, dont l’étude permet au sadhaka d’approfondir sa propre foi.

Isvara Pranidhana. Consacrer au Seigneur ses actions et sa volonté est isvara pranidhana. Celui qui a foi en Dieu ne connaît pas le désespoir. Il a l’illumination (tejas). Celui qui sait que toute création appartient au Seigneur ne sera pas gonflé d’orgueil ni ivre de pouvoir. Il ne se laissera pas aller à des desseins égoïstes. Il ne courbera la tête que pour rendre le culte divin. Quand les eaux de la bhakti (adoration) sont dirigées sur les turbines de l’esprit, elles produisent la puissance mentale et la lumière spirituelle. Alors que la force physique seule, sans bhakti, est mortelle, l’adoration seule, sans force de caractère, a l’effet d’un stupéfiant.

(…) Mieux que ses paroles, les actions d’un homme sont le miroir de sa personnalité. Le yogi a appris l’art de consacrer toutes ses actions au Seigneur, si bien qu’elles réfléchissent la divinité qui est en lui. »

B.K.S. Iyengar, Bible du Yoga, trad. de l’anglais par Georgia Berlanda et Philippe Leconte

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D’autres citations d’Iyengar dans différentes notes au mot-clé B.K.S. Iyengar. J’en profite pour rappeler que l’hindouisme n’est pas un polythéisme, contrairement à ce que croient, se fiant aux apparences, ceux qui étudient mal, c’est-à-dire sans pratiquer. Or mal étudier conduit à répandre le mal. L’ignorance conduit à faire le mal de façon involontaire, la fausse connaissance le fait faire volontairement. Là est le crime réel – illustré par l’histoire biblique du serpent distillant sa fausse connaissance dans l’esprit de la femme et, via la femme, dans celui de l’homme (le Coran, moins sexiste, voit l’homme et la femme se laissant également et en même temps tromper par le serpent).
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Ci-dessus, un tag sur un mur de l’École nationale de chimie, physique et biologie. En haut de la note : école des Arts et Métiers. Hier à Paris, photos Alina Reyes

Œuf cosmique et quelques sutras de Patanjali

Je l’ai terminée aujourd’hui, c’est celle de mes peintures que jusque là je préfère. Je l’accompagne de quelques sutras de Patanjali – de ses Yoga-Sutras, dont j’ai déjà donné quelques-uns dans quelques autres notes, ici.

"Cosmic Egg", acrylique sur bois 56x74cm

« Cosmic Egg », acrylique sur bois 56x74cm

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« Le Yoga de l’action se pratique selon trois modalités inséparables : un effort soutenu, la conscience intérieure de soi et l’abandon au Seigneur. » (II, 1)

« Le discernement, pratiqué de façon ininterrompue, est le moyen de mettre fin à l’inconnaissance du réel. » (II, 26)

« Le fait d’être pur engendre la bonne humeur, la concentration d’esprit, la maîtrise des sens et la faculté d’être en relation avec la conscience profonde. » (II, 41)

« Toute chose porte en soi le principe unique, en raison de l’unicité du changement. » (IV, 14)

« Le mental coloré par le Soi devient conscience totale. » (IV, 23)

Patanjali, Yoga-Sutras, trad. du sanscrit par Françoise Mazet

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Depuis bientôt un an, sauf très rares exceptions, je pratique le yoga tous les matins au lever – et parfois à d’autres moments dans la journée. Une pratique qui allie le physique et le psychique et donne une grande paix, même dans les tribulations. Une pratique qui, si elle est correctement menée, clarifie l’esprit et aide au discernement, notamment avant d’agir. Évidemment ce n’est pas garanti : j’ai vu des yogis et des yoginis manquer de discernement et gober comme tant d’autres ce qu’on leur racontait pour justifier le passage à un acte trompeur. Sans doute n’étaient-ce pas des yogis assez accomplis. Le voyage est incertain mais le chemin arrive à bon port, si on le suit, si on ne renonce pas à la pureté. Le diable guette au coin des routes quand elles sont prises dans le brouillard, et l’issue peut être fatale pour les égarés qui ne reviennent pas sur leurs pas. Trêve de leçons et autres paraboles : à la pratique !

Simorgh et autres oiseaux

"Oiseaux", acrylique sur toile 30x30 cm

« Oiseaux », acrylique sur toile 30×30 cm


"Hirondelles", acrylique sur toile 30x30 cm

« Hirondelles », acrylique sur toile 30×30 cm


"Simorgh", technique mixte sur papier, 41x31 cm

« Simorgh », technique mixte sur papier, 41×31 cm

« Lorsque tous les oiseaux eurent compris ce dont il s’agissait, ils s’adressèrent encore à la huppe en ces termes : « Toi qui te charges de nous conduire dans le chemin, toi qui es le meilleur et le plus puissant des oiseaux, sache que nous sommes tous faibles et sans force, sans duvet ni plumes, sans corps ni énergie ; comment pourrons-nous enfin arriver au sublime Simorg ? Notre arrivée auprès de lui serait un miracle. Dis-nous avec qui cet être merveilleux a de l’analogie ; car sans cela des aveugles comme nous ne sauraient chercher ce mystère. S’il y avait quelque rapport entre cet être et nous, nous éprouverions de l’inclination à aller vers lui ; mais nous voyons en lui Salomon, et nous sommes la fourmi mendiante. Vois ce qu’il est et ce que nous sommes : comment l’insecte qui est retenu au fond du puits pourra-t-il s’élever jusqu’au grand Simorg ? La royauté sera-t-elle le partage du mendiant ? Cela pourra-t-il avoir lieu avec le peu de force que nous avons ? »

La huppe répondit : « O oiseaux sans ambition ! comment un généreux amour pourrait-il surgir d’un cœur dépourvu de sensibilité ? Cette sorte de mendicité, dans laquelle vous semblez vous complaire, est pour vous sans résultat. L’amour ne s’accorde pas avec le manque de sensibilité. Celui qui aime les yeux ouverts marche à son but en jouant avec sa vie. Sache que quand le Simorg manifeste hors du voile sa face aussi brillante que le soleil, il produit des milliers d’ombres sur la terre ; puis il jette son regard sur ces ombres pures. Il déploie donc son ombre dans le monde, et alors paraissent à chaque instant de nombreux oiseaux. Les différentes espèces d’oiseaux qu’on voit dans le monde ne sont donc tous que l’ombre du Simorg. Sachez bien cela, ô ignorants ! Dès que vous le saurez, vous comprendrez exactement le rapport que vous avez avec le Simorg. Admirez ce mystère avec intelligence, mais ne le divulguez pas. Celui qui a acquis cette science est submergé dans l’immensité du Simorg ; mais, gardons-nous de dire qu’il est Dieu pour cela. Si vous devenez ce que j’ai dit, vous ne serez pas Dieu, mais vous serez à jamais submergés en Dieu. Un homme ainsi submergé est-il pour cela une transsubstantiation ? et ce que je dis à ce sujet peut-il être considéré comme superflu ? Puisque vous savez de qui vous êtes l’ombre, vous devez être indifférents à vivre ou à mourir. Si le Simorg n’eût pas voulu se manifester au dehors, il n’aurait pas projeté son ombre ; s’il eût voulu rester caché, jamais son ombre n’eût paru dans le monde. Tout ce qui se manifeste par son ombre se produit ainsi visiblement. Si tu n’as pas un œil propre à voir le Simorg, tu n’auras pas non plus un cœur brillant comme un miroir propre à le réfléchir. Il est vrai qu’il n’y a pas d’œil susceptible d’admirer cette beauté, ni de la comprendre ; on ne peut aimer le Simorg comme les beautés temporelles ; mais, par excès de bonté, il a fait un miroir pour s’y réfléchir. Le miroir, c’est le cœur. Regarde dans le cœur, et tu y verras son image. »

Farīd al-Dīn ‘Attār, MANTIC UTTAÏR ou LE LANGAGE DES OISEAUX, chap. 13, trad. du persan par J. H. Garcin de Tassy

Le texte de ce fabuleux poème contant le voyage des oiseaux vers le Simorg se trouve ici
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Ma toile « Oiseaux » est inspirée d’un dessin d’Audubon. « Hirondelles » fait référence à la symbolique de bonheur et de résurrection portée par l’hirondelle, tant dans l’Egypte antique où elle figure l’âme en cours de transformation, que dans le christianisme médiéval, notamment quand elle est représentée tête en bas. Le Simorgh, quintessence de l’esprit oiseau, est parfois associée à la végétation.