Sous Sarkozy, sous Hollande, sous Macron : la France, toutou de l’Amérique plouc

Whatshisname-jeff-koons-chien-cacaparodie du chien de Jeff Koons par l’artiste anglais Whatshisname

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Jeff Koons pète et fait caca partout. Il décide de fourguer à Paris ses habituelles tripes boudinées pleines de cash dématérialisé, pleines de néant puant ? Macron et Hidalgo ouvrent les bras comme s’ils étaient des cuvettes de chiottes pour les recevoir, et s’en disent honorés. Jeff Koons offre l’idée (un bouquet de tulipes en acier de 33 tonnes) mais pas les moyens pour la réaliser, paiera qui pourra – des mécènes, nous dit-on, mais peut-être bien que l’argent public devra être de la partie, d’une façon ou d’une autre. On va donc défigurer un bel espace parisien avec cet énorme machin, emblème de la soumission de nos dirigeants aux États-Unis dans ce qu’ils ont de plus moche ou de plus con. Tout ça pour honorer les morts des attentats. Faites gaffe, Macron, Hidalgo & co, ils pourraient bien se retourner dans leur tombe et venir vous tirer par les pieds.

 

macron obey

 

Piketty l’a dit, « Trump, Macron : même combat ». Une Marianne d’Obey trône dans le bureau de Macron et s’impose au regard des Français quand il leur parle, notamment lors de la présentation des vœux. Là aussi il s’agit d’un cadeau de cet artiste américain à l’occasion des attentats. Macron obéissant l’a aussitôt affiché à la place royale. Certes c’est ce même Obey qui avait réalisé un portrait fameux d’Obama, mais est-ce une raison pour manger ses restes ? Puisque le président français est censé représenter les Français, ne pouvait-il garder son Obey dans sa collection privée et offrir à ses concitoyens la vue d’une œuvre d’un artiste français ? Il n’est pas difficile d’en trouver de bien plus grands et intéressants que le lisse Obey. Pour ne pas faire de jaloux parmi les vivants, et pour rester dans l’esprit street art contemporain, pourquoi pas le génial Bilal Berreni, alias Zoo Project, Français mort en 2014 à vingt-trois ans d’une balle dans la tête aux États-Unis, à Detroit où il était allé pour témoigner par son art de sa solidarité avec les habitants de cette ville tombée dans la faillite, la misère, le crime – après avoir, toujours par son art, accompagné la révolution tunisienne puis la crise des réfugiés en Libye. Voilà qui aurait du sens, du vrai sens.

 

zoo_project_bilal berreniautres œuvres de Bilal Berreni : à voir ICI

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Bilal Berreni, Nicolas Bouvier et autres êtres aux semelles de vent : de la grande jeunesse

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Je l’ai déjà dit ici, pour moi Bilal Berreni, alias Zoo Project, est un Rimbaud du street art. Et je soutiens de tout cœur l’initiative de ses amis pour mieux le faire connaître et lui rendre hommage.

Qu’est-ce que la jeunesse, sinon la mémoire vivante du haut et grand âge dans lequel nous sommes nés ?

À Prilep en Macédoine (voir note précédente), Nicolas Bouvier décrit des « vieux plaisantins » pleins de légèreté et de joie enfantine, tels que j’en ai vu aussi dans le Sud marocain un demi-siècle plus tard : « semblables à ces bonshommes que les enfants dessinent sur les murs ».

« Seuls les vieux ont de la fraîcheur, une fraîcheur au second degré, conquise sur la vie.

Dans les jardinets qui ceinturent la ville, on tombe ainsi au point du jour sur des musulmans aux barbes soignées, assis sur une couverture entre les haricots, qui hument en silence l’odeur de la terre et savourent la lumière naissante avec ce talent pour les moments bien clos de recueillement et de bonheur que l’Islam et la campagne développent si sûrement.

(…)

Un autre matin que j’étais accroupi dans le jardin municipal en train de photographier la mosquée, un œil fermé, l’autre sur le viseur, quelque chose de chaud, de rugueux, sentant l’étable, se pousse contre ma tête. J’ai pensé à un âne – il y en a beaucoup ici, et familiers, qui vous fourrent le museau sous l’aisselle – et j’ai tranquillement pris ma photo. Mais c’était un vieux paysan venu sur la pointe des pieds coller sa joue contre la mienne pour faire rire quelques copains de soixante-dix-quatre-vingts ans. Il est reparti, plié en deux par sa farce ; il en avait pour la journée.

Le même jour j’ai aperçu par la fenêtre du café Jadran un autre de ces ancêtres en bonnet fourré, quelques pépins de passa-tempo dans la barbe, qui soufflait, l’air charmé, sur une petite hélice en bois. Au Ciel pour fraîcheur de cœur !

Ces vieux plaisantins sont ce qu’il y a de plus léger dans la ville. À mesure qu’ils blanchissent et se cassent, ils se chargent de pertinence, de détachement et deviennent semblables à ces bonshommes que les enfants dessinent sur les murs. Des bonshommes, ça manque dans nos climats où le mental s’est tellement développé au détriment du sensible ; mais ici, pas un jour ne passe sans qu’on rencontre un de ces êtres pleins de malice, d’inconscience et de suc, porteurs de foin ou rapetasseurs de babouches, qui me donnent toujours envie d’ouvrir les bras et d’éclater en sanglots. »

Nicolas Bouvier, L’Usage du monde

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Hommage à Zoo Project

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Merci aux amis de Bilal Berreni pour cet hommage. Sons extrêmement touchants, images simples et belles, lumière. Je me sens proche de cet artiste, et je suis dans une situation un peu comparable quoique inversée : de faux amis, dont les agissements sont absolument inacceptables, m’empêchent de publier Voyage en prétendant s’en occuper, ce à quoi je me refuse et me refuserai toujours. Comme son œuvre, mon œuvre est donc quasiment invisible – mais le temps ne l’atteindra pas comme il atteint les peintures, et elle n’aura pas à être restaurée. Bilal Berreni, je t’admire profondément, ce sont des artistes tels que toi qui m’inspirent et m’ont toujours inspirée, ceux qui ne trichent pas, ceux qui comme aussi Alexander Grothendieck font un, sont tout un, sans séparation entre la vie, l’œuvre, le travail, l’exigence de vérité. Ce sont eux qui sauvent le monde et le sauveront.

Voir aussi la page d’Antoine Page consacrée à Bilal Berreni : ici

et la précédente fois que j’en ai parlé : ici

et son site, ZOO PROJECT

Bilal Berreni

Chaîne de l’évolution (Zoo Project) from Antoine Page on Vimeo.

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Bilal Berreni est mort en juillet dernier à Detroit, tué d’une balle dans la tête, à l’âge de vingt-trois ans. Le corps du street artiste, connu sous le nom de Zoo Project, a été identifié il y a seulement quelques jours. L’article de Métro donne des liens pour mieux le connaître. J’ai envoyé ce mot à ses proches et à ses amis :

L’œuvre de Bilal Berreni est puissante, elle me va droit au cœur. Sa démarche est impressionnante aussi. Je ne le connaissais pas, mais je tenais à le dire à ses proches et à ses amis. C’est un grand artiste, je me sens proche de lui et je suis triste qu’il soit mort. Mais tout vivant, il était déjà passé du côté de la vie éternelle, cela se voit en le regardant travailler.

Je vous invite à contempler ce film si vous avez 14 minutes, ou quand vous les aurez. Tout y est beau : le cadre, le geste, le résultat.

ajout du 22 décembre 2014 : voir aussi l’hommage de ses amis restaurant cette oeuvre  : ici