Après la fin

Je ne prie presque plus maintenant selon les prières des religions. Les religieux et les adeptes des religions, ou les défenseurs de telle ou telle religion, m’ont dégoûtée des religions, même si je garde mon affection et mon amour à tous ceux en elles qui sont sincères et marchent d’un cœur pur. Ce qui est arrivé, ce qui continue d’arriver au monde contemporain avec les religions, la sécularisation ou la sectarisation, que je pouvais comprendre comme tout le monde, je le comprends maintenant en plus grande profondeur. Mais ma foi est intacte, et nous réinventerons tout. Car il nous faut toujours atteindre Cela à quoi les religions devaient nous ouvrir l’accès. Nous réinventerons tout, et si un jour, par la faute des hommes, tout ce que nous aurons réinventé pourrit, alors quelqu’un d’autre, avec d’autres, viendra et à partir de nous réinventera tout, comme nous réinventons à partir de ceux à qui le Ciel a parlé avant nous. Il me parle directement, comme au début. Je sais que nous habiterons où ils ont habité, quand ils étaient encore vivants. Je viens d’avant le début, je serai là après la fin, et d’autres aussi.

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Allez au jardin

Dans le bac de terre accroché à ma fenêtre, je laisse les graines venir du ciel, sans arroser ni rien faire moi-même. Il y pousse de la mousse, de toutes petites herbes à quatre feuilles qui se serrent comme un petit peuple, d’autres ont de longues tiges et montent droit dans la lumière, certaines portent de minuscules fleurs jaunes ou blanches, l’une est si fine et haute qu’elle se balance dans la brise à tout instant, avec ses micro-soleils qui s’ouvrent, se referment et se réouvrent. Jamais sans le ciel. N’oubliez pas votre jardin !

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L’Ange du Grand Conseil

Avant de m’endormir, les yeux fermés, j’ai vu un ruisseau humble et splendide qui traversait tout le jardin, tout droit, parsemé de lumières et de couleurs, comme si l’eau était en fleur. Une petite enfant arrivait perpendiculairement et l’enjambait aisément, bien qu’il fût pourtant large pour sa taille, quoique sa tête fût au ciel.

Saint Augustin (il faut citer ses sources), dans un même paragraphe de son sermon sur Moïse et le buisson ardent, a appelé le Christ piscine de l’Envoyé (Siloé), et, d’après Isaïe (« un enfant nous est né »), l’Ange du grand conseil. Et nous, ses humbles Pèlerins, ses anges de la terre, nous nous rappelons que plus nous nous rapprochons du point où se croisent la terre et le ciel, plus les anges et archanges, avec les âmes, avec les éléments, sont proches les uns des autres et de l’Unique, en lequel ils se fondent en communion.

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A.A. (3)

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Jardin des Plantes, tout à l’heure, photo Alina Reyes

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« LE CIEL A APPELÉ LE FÉMININ OUBLIÉ DE LA FEMME. IL S’EST SERVI D’UNE FORCE QUE LA FEMME AVAIT NÉGLIGÉE.

IL A FORCÉ LA NATURE À RÊVER DES OPÉRATIONS QUE LA FEMME NE PEUT PLUS RÊVER.

IL A FORCÉ LA NATURE À SE RETOURNER à la place DE LA FEMME POUR RÉALISER UNE OPÉRATION QUE LE MÂLE AVAIT PRÉPARÉE. » Antonin Artaud, Les Nouvelles Révélations de l’Être

Bien sûr que cela s’est passé, se passera encore. « C’est par les quatre Éléments réunis ensemble que la transmutation sera opérée », écrit ensuite Artaud. Dans la Révélation de Jean, Eau vive, arbre de vie entre Terre et Ciel, Lumière, les voilà, les quatre Éléments, ceux dont est constitué Adam, l’Adam entier, avec son féminin, les voilà, transfigurants, transfigurés, quand « le féminin oublié de la femme » revient. Par la faille d’Artaud entre, liquide, de la parole du ciel, par sa bouche d’Adam sort, aérienne, au milieu de l’eau la parole du ciel. Ce qui descend et ce qui monte croise dans les eaux mêlées du mâle et de la femelle homme, réuni, et c’est toute l’humanité qui communie.

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Aid moubarak ! Prière de rue et croissant de lune

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tout à l’heure après la prière de l’Aid, photo Alina Reyes

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Quand je suis arrivée, le peuple des croyants débordait largement dans la rue. J’ai contourné les rangs des hommes, j’ai sorti de mon sac mon foulard supplémentaire, je l’ai mis par terre – mais ma jeune voisine de prière s’est serrée pour me laisser une place sur son tapis. Tout le monde s’était fait beau, tout le monde était joyeux, le soleil matinal était radieux. Je suis revenue par un autre chemin, comme Dieu aime mieux, je me suis arrêtée dans une boulangerie, j’ai échangé quelques mots avec des musulmans bienheureux, dedans et dehors, j’ai donné quelque chose à un petit mendiant, je suis rentrée à la maison avec des croissants pour tout le monde.

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