Retour sur une fascisation en marche depuis des années

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Les réponses paranoïaques d’Emmanuel Macron au mouvement des Gilets jaunes ou à l’affaire Benalla, symptomatiques d’une société de l’occulte et du spectacle, marquent l’accélération, sous sa présidence, d’une fascisation du pouvoir politique en France, comme ailleurs en Europe.

« La démocratie peut disparaître en Europe », déclarait Jean Ziegler, vice-président du Comité des droits de l’homme de l’Onu, le 28 décembre 2014. Et il accusait comme dans son livre Retournez les fusils « les oligarchies financières globalisées » de la détruire. La dérive fascisante du pouvoir, dont l’un des symptômes est la tentation d’interdire toujours plus, sanctionner policièrement les paroles « déviantes », et notamment faire obstacle au droit de manifester, n’a pas commencé hier. En 2014, plusieurs manifestations en soutien à Gaza bombardée et martyrisée, ou en hommage à Rémi Fraisse, ont été interdites, dans un pays où, comme en toute démocratie, de telles interdictions sont rares. Ou du moins étaient rares. En revanche, ce sont les représentants de l’État qui ont appelé à la manifestation monstre du 21 janvier 2015, au cours de laquelle la police fut acclamée.

Selon Claude Guéant, l’ancien ministre de l’Intérieur, « il y a des libertés qui peuvent être facilement abandonnées »… pour, bien sûr, lutter contre le terrorisme. Mais les pouvoirs n’ont pas attendu la tuerie de Charlie pour s’emparer des libertés en organisant la surveillance à grande échelle des citoyens, nouvelle forme du fascisme. Qui, dans ce vieux pays hiérarchisé et cloisonné, trouve intérêt à ce jeu paralysant ? « La France a besoin d’autorité », déclarait Manuel Valls le 18 février 2015, en guise de justification du recours à l’article 49-3 pour imposer la loi Macron. La vérité est qu’un gouvernement plus faible que jamais, et affaibli par son manque de vision, d’intelligence et de respect, un gouvernement traître à toutes les promesses qui l’ont porté au pouvoir, n’a aucune véritable autorité. L’autorité vient de l’exemple que l’on est, que l’on donne. Quand l’autorité morale vient à manquer, quand les actes et les comportements contredisent les discours, l’autorité est défaillante : c’est alors que s’y substituent l’autoritarisme, l’abus, la violence, morale ou physique.

Les temps que nous vivons sont souvent comparés à ceux des années 30. L’histoire ne se répète jamais à l’identique. Si les conditions d’une advenue du fascisme sont réunies, ce dernier, ou sa forme nouvelle, ne vient pas forcément par où on l’attendrait, par où il est déjà venu. Certains portent la mauvaise parole, celle qui fit du mal autrefois, mais ont peu les moyens de nuire, voire ne croient pas eux-mêmes à cette mauvaise parole proférée et entendue avec distance. Alors que d’autres, porteurs d’une « bonne parole » mensongère, sont au pouvoir et n’hésitent pas à en abuser, à porter atteinte aux institutions républicaines et à la liberté d’expression.

Tandis que les irresponsables politiques de tous bords, depuis des décennies laissent empirer la situation de la société, où les inégalités se creusent non seulement sur le plan matériel mais aussi sur celui de l’éducation. Au bas de l’échelle certains pratiquent le trafic d’armes et de drogues comme d’autres, en haut de l’échelle, pratiquent le trafic de la vérité, les trafics politiques, les trafics financiers et les trafics d’influence. Le viol de la loi et le faux règnent du haut en bas de la société, et les uns les autres se regardent au miroir de la mort. Ils croient se combattre mais ils œuvrent pour le même camp, et c’est le pays entier, y compris les innocents et les hommes de bonne volonté, qui en est victime.

Oui, miroir de la mort. Guy Debord avait prophétisé la société du spectacle. Ajoutons qu’elle a son corollaire, qui se développe en même temps qu’elle : la société de l’occulte. Les deux n’en font qu’une. Société de fausse transcendance, creusant sa « fosse de Babel » comme le prophétisa plus synthétiquement encore Franz Kafka. Où est le spectacle, là est la fosse. Le spectacle est l’apparence, l’épidermique. Que font les discours des politiques et des médias dominants ? Ils poussent aux réactions épidermiques en désignant des gens à la vindicte. Quels gens ? Non pas de riches exploiteurs, non pas de puissants corrompus, non pas des intellectuels aux influents réseaux entraînant le pays à semer la mort et le chaos par ses guerres et autres ingérences au Moyen Orient ou en Afrique, et faisant régner en France, dans la presse et l’édition, la pensée unique, la promotion et l’exclusion de telle ou telle voix – mais les pauvres, les stigmatisés de longue date, les personnes parfois poussées au désespoir du fait du mépris dans lequel elles sont tenues, et étaient avant elles tenus leurs parents : tour à tour et à la fois les Roms, les immigrés et enfants d’immigrés, les migrants, les chômeurs, les Gilets jaunes maintenant… Voilà le ressort qu’exploitent les politiciens : épouvanter secrètement les gens, afin d’obtenir leur repli, leur défaite.

Ayant dû renoncer à ses colonies, c’est le peuple de métropole que l’État français s’est mis à coloniser. Ce peuple formé de beaucoup d’immigrés et enfants d’immigrés, du peuple de toujours et de sa jeunesse, de tous ceux qui n’ont pas pour but dans la vie de dominer et exploiter autrui. Au fond les colonisés sont déjà plus libres que les colons, prisonniers de ce besoin de coloniser sans lequel ils ont peur de ne pouvoir survivre. Mais c’est justement leur propre aliénation qui les pousse à faire en sorte que se perpétue leur domination, toujours menacée. Si les dominés ont toujours devant eux la perspective de renverser les dominants, les dominants, eux, passent leur existence dans la crainte de se voir dépouillés de leur domination, sans laquelle ils ne savent survivre. Et pour se maintenir ils sont prêts à tous les artifices, tous les mensonges, toutes les ruses, toutes les tromperies. L’illusionnisme, les tours de passe-passe, sont leurs misérables armes, portées par beaucoup de médias complaisants – aux mains de milliardaires et plus ou moins achetés par les aides que leur verse l’État. Le fascisme en marche en Europe depuis des années a fait ces derniers jours, ces dernières semaines, ces derniers mois, un bond en avant avec une spectaculaire banalisation de ses pulsions, de ses ressorts, de ses retours.

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Démocrates vs démocratie (actualisé)

J’actualise cette note de temps en temps, voir à la fin.

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11 septembre 2016, après-midi

Hillary Clinton évacuée dans une espèce de corbillard après un malaise persistant. Pourquoi cette femme dont la carrière politique est largement suspecte (notamment par ses choix dans les relations internationales, l’affaire des e-mails…), est-elle la candidate des Démocrates ? Parce qu’elle a bénéficié de financements énormes, indécents, et parce que, comme le dit Bernie Sanders, 75 % des pauvres aux États-Unis ne votent pas. Ainsi donc, grâce aux puissances de l’argent, une personne compromise et à la santé chancelante se retrouve être la seule alternative à un fou dangereux pour les prochaines présidentielles d’un pays qui passe pour être le gendarme du monde. Comment est-ce possible ? La question est la même en France avec la candidature de Sarkozy. Comment cette insulte à la démocratie qu’est le retour d’un homme impliqué dans d’énormes scandales financiers et l’assassinat d’un président étranger qui fut de ses financeurs, est-elle possible ? Tandis que Sarkozy et à sa suite Hollande ont aliéné leur pays aux États-Unis et à l’OTAN, il est temps de regarder la farce lugubre en cours outre Atlantique, et l’urgence de se réveiller, de faire en sorte de ne pas s’engager dans la même voie morbide.

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12 septembre à une heure du matin : la presse française, longtemps après la presse américaine, finit par dire que le médecin d’Hillary Clinton annonce qu’elle a une pneumonie. Le Monde, après avoir hier prétendu qu’elle était en bonne santé, parle d’un « bref malaise ». Or elle a été évacuée parce qu’elle se sentait mal, et loin que son malaise passe une fois sortie de la foule, elle a été prise devant la voiture qui venait la chercher de quelque chose qui pourrait ressembler plus à un accident cérébral qu’à un évanouissement. La presse devrait cesser de mentir par idéologie.

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12 septembre, matin

Tant qu’il y aura du mensonge, les détracteurs de Clinton auront beau jeu de lui prêter diverses maladies, de dire par exemple qu’elle est atteinte de la maladie de Parkinson, sachant que la pneumonie en est fréquemment l’une des conséquences, ainsi que les épisodes de toux et de déséquilibre. Plus la vérité est occultée, plus les spéculations peuvent se multiplier. Sortir de ce cercle vicieux.
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13 septembre

« à « l’habitude du secret » de la candidate démocrate et à sa « culture de la dissimulation. » Le lourd silence de Clinton… » à lire, une analyse de Stéphane Trano sur son blog Marianne

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Hollande continue à maltraiter la langue française

« … inconscients pour ne pas avoir remarqué les étoiles de David mais à ce point intolérants pour renverser le monument dédié aux victimes de la Shoah », a-t-il déclaré hier, en lisant son texte qui plus est, au dîner du Crif. À ce point incapable de parler correctement français. Il est pourtant « français de souche », comme il dit, poursuivant l’œuvre de division. Personnellement j’ai assez de mémoire pour n’être pas française de souche, pour savoir que mon sang, Dieu merci, est fort mêlé, que français vient de l’un des peuples germaniques, celui des Francs, qui envahirent la Gaule, précédemment occupée par les Romains, largement visitée et donc fécondée au cours des siècles depuis le sud, l’est, le nord… et pour savoir aussi qu’une partie de mes ancêtres vient d’Italie, et sans doute de bien plus loin encore – en remontant bien, d’Afrique, comme pour nous tous, d’après la science. Mon pays est un peuple de bâtards, c’est son génie. Je n’ai de race que ma langue, et je n’aime pas qu’on la maltraite.

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À propos du livre de Trierweiler : la France doit changer de régime

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Paris, avenue des Gobelins, photo Alina Reyes
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La bonne bourgeoisie ayant pour culture le lavage de linge sale en famille, euphémisé en « discrétion », a aussi celle de la saloperie tranquille. Ainsi est l’homme « normal ». Il en prend à ses aises, méprise les pauvres, les femmes, les Arabes, en pensée, en parole, en action, il nuit à autrui de toute la puissance sociale dont il a hérité, confortablement à l’abri des regards.

Oui mais ces derniers temps, que voulez-vous, tout change. Tous ceux que ces nantis pensent n’être que des instruments à leur service, dont leurs employés, ont accès eux aussi à la parole. Ils peuvent écouter ce qu’ont à dire d’autres voix que celle des grands médias, et ils peuvent parler. Ils peuvent dire ce qui est fait, ils peuvent protester, ils peuvent révéler. Et leur parole est une arme, celle de la vérité. Qu’ils soient lanceurs d’alerte ou témoins, voici qu’ils jettent le linge sale sur la place publique. Et alors ? Est-ce à celui qui dit la vérité qu’il faut faire procès, ou à celui qui la bafoue, et bafoue ainsi tout un peuple ?

Les maisons d’édition françaises, depuis près de vingt ans, encouragent les écrivains à raconter leur vie privée. Cela s’appelle de l’autofiction, parfois c’est du témoignage sans fiction, en tout cas cela ne dérange personne au contraire, tant que les personnes évoquées ne sont pas des personnes de pouvoir en vue. C’est alors seulement qu’on commence à trouver qu’il est mal de raconter ce que l’on veut raconter. Or la parole est libre, et elle ne fait pas de différence entre les hommes.

La parole est libre. Personne ne dit rien en lisant des romans inspirés de la vie des auteurs et de leur entourage, on est seulement scandalisé quand ce sont des hommes de pouvoir qui sont décrits. Je n’ai aucune sympathie particulière pour Mme Trierweiler, mais sa démarche est intéressante. Si son témoignage n’avait pas quelque chose de salutaire, il n’aurait pas été publié par cet éditeur engagé, les Arènes, qui publia aussi les livres d’un ancien journaliste de Libération, Denis Robert, qui ne pouvait pas dire dans la presse tout ce qu’il avait à dire.

Je répète : la parole est libre, et elle ne fait pas de différence entre les hommes. Mieux vaut une parole vraie, assumée par son auteur, que la propagande masquée, ou la diffamation souterraine, auxquelles se livrent les hommes en place, sans assumer leur parole faussée et trompeuse.

Marine Le Pen estime que « le livre de Valérie Trierweiler est un déshonneur pour la France ». Ah ben si Le Pen le dit… il ne serait pas étonnant que le contraire soit vrai. Le déshonneur, c’est la propagande qui a porté Hollande au pouvoir, et la suite du mensonge qu’est son mandat.

Ce qui est salutaire dans ce livre, c’est qu’il contribue à ruiner la figure du président, qui l’a très largement ruinée lui-même. La France doit changer de régime.

Il appelle les pauvres, nous dit-elle, les sans-dents. Ah ça ira ça ira… Ne dirait-on pas que le peuple y entend comme un certain « qu’ils mangent de la brioche » ? La Ve République est morte, cela fait quelques années que je le dis. Elle est devenue une espèce de principauté où tout fonctionne selon le fait du prince, pas seulement le fait du président, mais celui de tous les autres princes dominant le peuple de leur sens aigu de la hiérarchie sociale. La démocratie fout le camp, il est temps de changer de régime.

Pauvres enfants

Dans un livre d’entretien avec Philip Roth, Le livre du rire et de l’oubli, Milan Kundera disait que la métaphysique de la vie privée d’une personne dévoilait celle de sa vie politique (je l’ai déjà cité quelque part mais je n’ai plus le livre, je cite de mémoire).

J’ai repensé à cette phrase en lisant que la compagne officielle de F. Hollande aujourd’hui n’avait pas donné signe de vie, pas même à son fils de seize ans qui jusque là pouvait venir la voir tous les jours, à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

J’y pense aussi en relisant que l’Église refuse de répondre à l’ONU sur les crimes pédophiles chez les Légionnaires du Christ, ainsi que dans l’affaire du vol de trois cent mille bébés en Espagne sous la dictature franquiste et jusqu’en 1990 – affaire dans laquelle elle reste muette face aux demandes des associations qui souhaitent qu’elle ouvre ses archives pour permettre les retrouvailles des enfants et des mères qui se cherchent. « Avons-nous honte ? », sermonne le pape. « Et aujourd’hui, que faites-vous ? », pouvons-nous lui demander. Peut-être les fidèles qui veulent une église respectueuse devraient-ils faire la grève de la messe. Et même le clergé. Et bien sûr les femmes, toutes celles qui servent de bonniches à ces messieurs dans l’institution et qui n’ont droit ni à la parole ni au vote.

Pauvres enfants.