sur la façade de l’École de l’image des Gobelins
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« le visage tourné », acrylique sur toile 45×35 cm
(comme Montaigne, j’aime monter à cheval !)
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J’ai lu Montaigne il y a fort longtemps, et seulement en partie, par moments et par fragments, un peu comme je lisais le Yi King. Et maintenant que je commence tout juste à lire le troisième livre des Essais, dans la continuité pour préparer l’agrégation, alors que je n’en suis qu’aux premières pages, cette nuit j’ai été empêchée de dormir par les phrases qui me venaient impérieusement pour écrire sur ce texte, cet homme, comme si je le connaissais. Je vais essayer de terminer le livre avant d’écrire un article dessus mais en effet, sans doute, même si je n’en sais plus rien, je le connais, intimement. Quand vous lisez les livres comme si vous faisiez l’amour avec, ils vous entrent dans le sang, ils habitent en vous, même si vous êtes incapable d’en citer une phrase, de vous en remémorer le contenu, même s’il ne vous en reste qu’une impression, une intuition, une proximité oui toute charnelle, de même que vous pouvez connaître un amant même si vous ignorez son nom et à peu près tout de son existence.
Les mauvais livres vous entrent-ils aussi dans le sang, pour vous détériorer ? Je pense plutôt que, dépourvus de profondeur, ils sont également incapables de vous pénétrer en profondeur. Et je pense aussi que si vous n’êtes pas vous-même ouvert en profondeur lors de la lecture, de même que vous ne sentirez pas les parfums si vous portez un masque, vous ne sentirez pas, vous ne recevrez pas, tout ce que les grands textes ont à donner et implanter en vous. Être ouvert en profondeur pendant la lecture ne signifie pas nécessairement être très attentif au sens et à la forme, même si cela peut donner beaucoup de fruit ; parfois une lecture apparemment distraite, effectuée tout en pensant par moments à autre chose, peut agir extraordinairement aussi, de par la grâce de votre lâcher-prise et la puissance du texte.
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ces jours-ci à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes
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J’avais l’intention d’aller cet après-midi à Montmartre, notamment à la Halle Saint Pierre voir les films sur les Bâtisseurs de l’imaginaire présentés par Claude et Clovis Prévost à l’occasion de la réédition de leur livre (pour le côté intérieur, peut-être faudrait-il y ajouter Nathalie Lopizzo ?). Mais hier soir, au retour de la Sorbonne, j’ai marché dans Paris et à cause de l’intense pollution je suis rentrée avec une migraine tenace, qui continuait ce matin. Je vais donc éviter de marcher aujourd’hui, d’autant que quand je suis à Montmartre il faut que je me balade, que je grimpe rues et escaliers… c’est le premier quartier où j’ai vécu à Paris, c’est aussi celui où, en rêve, je me suis baladée une fois morte, bienheureux fantôme ou esprit. Quand même, la pollution tue : si c’est bon d’avoir des fantômes en ville, il faudrait aussi y conserver des vivants, et qui ne soient pas empêchés d’y faire du sport sans sacrifier leurs poumons ! Vite, de plus en plus de transports en commun et non polluants, et de moins en moins de voitures !
« Quelque part entre les chênes à Beauregard, un homme a dés-
habillé le sol de sa terre. Dix-neuf années durant, Roger Rousseau
s’est laissé guider par les formes, la profondeur et le langage de la
roche. «
Pour cela bien sûr il faut développer suffisamment les transports en commun, mais cela vaut la peine :
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Comme les années précédentes, j’ai acheté un agenda à 2 euros, et pour qu’il soit beau je l’ai transformé avec de la peinture (vernie) et des collages.

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« Dans le développement du vocabulaire d’une langue, certains facteurs externes, comme l’innovation technique ou la création de nouveaux systèmes de pensée, jouent un rôle important. »
Jacqueline de Romilly, Petites leçons sur le grec ancien
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Maintenant que j’y travaille, je comprends que réduire administrativement le temps d’une thèse à trois ans est une aberration. Un travail vraiment important peut prendre beaucoup de temps, et il n’y a pas à le limiter. J’ai confiance en mon travail.
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ce matin porte d’Italie, photo Alina Reyes
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Le feu
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Le printemps
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« La réflexion attendue du lecteur est largement préparée par le texte, car les arabesques poétiques du XVIIIe siècle, avec leur narrateur dont les facéties soulignent souvent les artifices et les conventions propres à l’écriture romanesque, sont à considérer comme des œuvres qui incluent une part de réflexivité. En effet, le jeu avec les règles de l’écriture traditionnelle conduit au développement d’une forme de littérature « au second degré » qui ne puise plus son inspiration directement dans l’observation du réel, mais se greffe sur une littérature préexistante. Au cœur de l’ouvrage, on observe un déplacement du centre de gravité, car le moi espiègle et bouffon qui mène le récit à sa guise accorde au moins autant d’importance au monde de la représentation qu’au monde représenté. La littérature se prend pour objet de composition littéraire.
Ainsi, quand le narrateur de Jacques le Fataliste rappelle régulièrement à son lecteur qu’il pourrait choisir d’interrompre le cours de l’histoire qu’il raconte pour se lancer dans le récit d’autres aventures en emboîtant le pas d’un personnage secondaire qui croise la route des deux héros éponymes, que fait-il sinon discourir, sous couvert de plaisanterie, sur l’art de conduire une intrigue. De même, lorsqu’il ouvre une parenthèse pour faire le commentaire suivant :
Il est bien évident que je ne fais pas un roman, puisque je néglige ce qu’un romancier ne manquerait pas d’employer. Celui qui prendrait ce que j’écris pour la vérité serait peut-être moins dans l’erreur que celui qui le prendrait pour une fable.
son propos ne correspond pas seulement à une pirouette destinée à faire sourire, mais renvoie à une réflexion théorique sur le genre qu’il pratique. »
Alain Muzelle, L’Arabesque. La théorie romantique de Friedrich Schlegel à l’époque de l’Athenaüm
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Je pratique aussi l’arabesque en écriture, mais complexe plus que simple, fractale, notamment dans Forêt profonde et dans mon dernier roman fini (j’emploie le terme de roman car je préfère tout faire admettre au roman plutôt que de le limiter à sa vieille forme usée qui règne sur le marché), roman pour lequel je n’ai pas encore trouvé d’éditeur – soit que le monde de l’édition ait décidé de m’empêcher de vivre, soit ou concouramment que le marché n’apprécie pas ce genre d’art, où je persiste pourtant dans mon nouveau roman en cours, et aussi dans ma thèse, et même dans mes articles de critique, en osant notamment l’anachronisme et autres déplacements d’analyse pour déterrer les textes. Car c’est ainsi que peuvent s’ouvrir les esprits.
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