Enterrer les morts, vivre avec les vivants

Goncourt, Renaudot… Que de livres en forme de cercueils. Espérons qu’ils emportent sous terre le cadavre du mal, en attendant la résurrection de la littérature. Tout ça me rappelle Goebbels offrant aux femmes qu’il convoitait un médaillon avec son propre portrait. Une affaire de rassis pour les assis rassis.

Je me remémore, en relisant mon journal du temps où j’ai été prof, la profondeur de la joie que j’ai eue à exercer cette profession. Cette joie, je la devais tout entière d’abord à mes élèves, qui étaient la vie même, et à la littérature que je leur enseignais. Je remercie le ciel de m’avoir dirigée, dans les tribulations de mon existence, vers cet exercice, de m’avoir donné l’occasion de connaître, pratiquer, inventer cet exercice à ma façon, si vivante, si pleine d’amour. Je songe à mes élèves et à tous mes élèves, je songe aussi à mes collègues qui doivent travailler dans des conditions difficiles, instaurées par un monde de vieux, aussi vieux que celui qui décerne des prix littéraires comme autant de sucres à des otaries dociles.

Des types comme Onfray qui, en vieillissant, regrettent le vieux monde qu’ils ont conspué dans leur jeunesse et en même temps conspuent le monde présent, décidément jamais contents, ignorent tout de la grâce de la jeunesse, parce qu’ils l’ont perdue, ne l’ayant sans doute jamais qu’à peine connue, trop occupés qu’ils furent toujours à « arriver ». Bien entendu ils ne sont arrivés nulle part, ils sont restés dans leur fausseté. Peu importe. La jeunesse est là, elle emportera le vieux monde, elle l’emporte déjà, plus puissamment que le changement climatique. C’est la vieillesse des aliénés que je fuis, c’est dans la jeunesse que je vis, moi l’ancêtre, et j’en suis profondément heureuse.

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Fête des morts

Levée ce matin en chantant un air que je croyais jouer au piano naguère, mais que je n’ai jamais joué en fait, et que, du coup, je vais peut-être apprendre : la Valse en la mineur opus posthume de Chopin.
Envie en ce moment de retourner chanter dans un chœur, mais mieux vaut attendre, ainsi que pour mes écritures, que la pandémie soit mieux finie.

Pour la première fois, avant-hier soir, des enfants déguisés et masqués ont frappé à ma porte pour demander « des bonbons pour Halloween ». Je n’avais pas prévu ça, je n’avais rien, l’année prochaine j’y penserai, puisque cette fête s’implante tout à fait ici. C’est très bien, que les enfants viennent rappeler aux adultes, sur le mode du sourire, la mort.

Et puisque c’est aujourd’hui la fête des morts, je vous propose de revisiter quelques cimetières en images, pour goûter ce sentiment paisible et complexe du temps qui, nécessairement, passe, et où pourtant nous demeurons.

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Journal du jour en musique


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Je travaille à un projet dont j’ai eu l’idée à Bruges, en parlant avec O. Toujours fascinant de voir comme le travail vous emporte où il veut. De le suivre et de le guider. Comme une danse entre lui et vous. « Travaille avec tes mains, travaille avec ton coeur, car le fruit du bon travail est l’honneur ». Emilio de Cavalieri, Représentation de l’âme et du corps, oratorio.

Une jeune femme me dit qu’elle aussi, après sa première séance en salle de sport, a été malade. À cause de la suée due à ce premier travail sur les machines, et aussi des microbes qui s’y trouvent – « lave-toi souvent les mains » m’a-t-elle conseillé. Les fois suivantes ne furent que bénéfices, a-t-elle dit aussi. Mon rhume un peu costaud a passé en deux-trois jours grâce au miel (pas dans une boisson chaude, il y perd ses vertus, plutôt après), à la propolis, au maté avec jus de citron, et à des respirations de baume du tigre blanc  ; avec en tout et pour tout trois cachets, un d’ibuprofène le premier jour, et un de paracétamol 500 par jour les deux premiers jours ; et bien sûr du repos.

Reprise du yoga ce matin. Une ascèse dont je ne pourrais plus me passer. Plus on la pratique, plus elle devient vivante, plus deviennent habitées la réalisation, la suite et la répétition des postures. Au bout d’un moment (trois ans pour moi, dont les deux dernières au quotidien), cela devient un art, voilà. Que je suis heureuse et fière de pratiquer, aussi bien dans l’intimité de la maison que dans l’espace public de la salle, après ma séance de sport, parmi ceux et celles qui s’entraînent sur les machines et les tapis.

Le midi, en prenant mon déjeuner, je regarde sur Youtube la bonne chaîne d’info des expatriés, France 24. Le soir, toujours sur mon ordi (je n’ai pas la télé) je regarde des séries, le plus souvent policières, jamais lasse de chercher à résoudre les énigmes, débusquer le crime et rétablir la vérité. Les bonnes séries remplacent avantageusement pour moi la lecture de romans contemporains, qui me tombent des mains quand il m’arrive d’en saisir. Elles ont la vertu de présenter des personnages qui s’affirment, ou qui apprennent à s’affirmer. Ce que nous avons tous besoin de réapprendre constamment. Car ceux qui ne trouvent pas de voie pour s’affirmer, ou s’affirment faussement en se faisant passer pour ce qu’ils ne sont pas, compensent en cherchant à dominer. De là toute la toxicité qui peut s’emparer des sphères professionnelle, sociale, familiale ou conjugale. Le yoga, le sport, le travail sur le corps, le travail des mains et le travail de la tête sont d’excellentes voies pour s’affirmer.

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La belle et bonne Bourgogne, en 30 images

O et moi sortons de Paris vers 7 heures du matin
et admirons l’aurore en chemin


Premier arrêt à Saint-Bris-le-Vineux, où nous visitons la fantastique cave du domaine P-L et J-F Bersan
le pressoir du XIIe siècle



et du vin qui vieillit dans ce qui fut le fond de la mer, il y a 150 millions d’années
les plus anciennes bouteilles que nous ayons vues dataient de 1960

une ancienne cuve
Puis nous allons visiter le village de Noyers-sur-Serein, cité médiévale








Sur la D956, en route pour Chablis, cette inscription violente rappelant des temps de violence



Et voici Chablis, où nous déjeunons… dans une cave

Avant de reprendre la route pour, un peu plus loin, le domaine J-M Brocard et ses chais avec des foudres de 10 000 et 15 000 litres, et l’une des ces ammonites partout présentes, souvenir du Jurassique et de sa mer chaude qui s’est retirée


De nouveau sur la route, un arrêt pour contempler le paysage, ses vignes, ses vastes ciels, et ici, à l’arrière-plan, dans un creux du vallonnement, Irancy, le village où naquit l’architecte Soufflot, auteur notamment du Panthéon

Les éoliennes que j’évoquais dans ma précédente note, et comme en écho, au retour à Paris, la tour Eiffel dorée par la lumière de la fin de la journée

le 13 octobre 2021, photos Alina Reyes
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Réflexion sur les arts de la récupération. Et deux tableaux « récupérés »

Peint sur une peinture trouvée dans une benne à déchets dans la rue. Acrylique sur bois 52×76 cm




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J’ai goûté la saveur de la récupération d’objets dans la rue il y a longtemps, lorsque j’étais à New York chez un jeune couple d’artistes, dont le garçon ramassait en ville des choses, notamment du papier kraft et du carton, pour en composer des œuvres. Juste avant mon départ, il glissa dans ma valise l’une de ces œuvres, sans me le dire, et je la trouvai à mon arrivée à la maison, de l’autre côté de l’océan. (Depuis, il est devenu écrivain).

J’aime les objets récupérés parce qu’ils ont une histoire. Et parce qu’ils sont chargés de poésie, du fait d’avoir une histoire et du fait d’être devenus inutiles, d’un point de vue utilitaire. C’est alors qu’il est possible de les transcender. De les ressusciter.

Les ressusciter, c’est chaque fois opérer une résurrection en soi-même.
L’art de la récupération est comparable à celui de la traduction. La différence étant que lorsqu’on traduit un chef-d’œuvre, on ne peut que faire de son mieux pour ne pas trop l’abîmer, alors que lorsqu’on récupère un objet usé ou mal achevé, on espère lui donner une valeur supplémentaire. Cependant les deux arts ont en partage l’art de la transformation. L’art de la vie.

L’exégèse, telle que je l’ai pratiquée dans ma Chasse spirituelle (gracieusement disponible ici) est à la fois art de la traduction et art de la récupération, notamment des textes religieux – qui ne sont pas devenus inutiles mais souvent pire, dangereux parce que mal lus. L’histoire et la poésie sont aussi des arts de la récupération, récupération du temps et récupération du réel.

Dans mon travail de plasticienne amateure, j’ai souvent pratiqué la récupération d’objets divers, naturels (cailloux, bois…) ou manufacturés, par exemple avec Madame Terre. Et j’ai repeint trois tableaux trouvés dans la rue : des fleurs, un perroquet, et aujourd’hui cette petite maison dans la forêt. S’y ajoute cette œuvre réalisée sur le fond et le cadre d’un miroir brisé, que j’avais déjà peints une fois, dans un tout autre style, et que j’ai entièrement recouverts de rouge hier, pour en faire une nouvelle œuvre – puisqu’il s’agit d’un ancien miroir, j’y ai mis des effets de miroir, avec une photo peinte prise dans des miroirs de l’Institut du monde arabe, des bouts de dos d’emballage de paquets de chewing-gums qui miroitent, un portrait datant de mes 36 ans, et des extraits de mon roman Le Boucher.

Il n’y a pas de résurrection sans transcendance. Toutes les autres voies mènent à la mort. Je suis super vivante :-)
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Technique mixte sur bois, 38×48 cm (le tableau est beaucoup plus lumineux en vrai, et d’un rouge plus vif, que capte mal la photo)


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