Femme dans la mosquée

Une femme dans la mosquée par Zarqa Nawaz, Office national du film du Canada

*

Je ne suis pas allée à la Grande Mosquée de Paris depuis que les femmes doivent y prier à l’entresol. Je ne peux donc parler de cette nouvelle salle de prière. Je peux dire ce qu’il en était avant, avant novembre. Nous y priions alors au fond de l’unique salle de prière, dans un espace séparé par un rideau épais, qui ne nous empêchait pas d’entendre l’imam mais nous empêchait de le voir et de profiter de la vision de l’espace entier de la salle. Du moins entrions-nous par la porte principale et traversions-nous la magnifique mosquée, comme les hommes, pour nous rendre à la prière. Ce qui ne semble plus être le cas. Aux hommes qui prétendent aujourd’hui que peu importe le lieu où l’on prie, il faudrait demander : alors pourquoi l’architecture a-t-elle une si grande importance dans la construction des mosquées ? N’est-ce pas parce qu’elle est justement apte à faire entrer dans la prière ? Et s’il est aussi bon de prier dans un entresol à l’écart de la beauté de la mosquée, ou derrière un rideau ou une barrière, pourquoi ces hommes n’y vont-ils pas eux-mêmes et ne laissent-ils leur place aux femmes ? Ne serait-ce qu’en alternance ?

Je suis un peu étonnée de l’argument de la Grande Mosquée selon lequel l’affluence nécessitait ce déplacement des femmes dans une salle plus grande à l’entresol. Chaque fois que j’y suis allée prier en semaine, il y avait largement la place pour tout le monde. Le vendredi, la mosquée est comble et alors, les femmes comme les hommes prient également dehors dans la cour, les halls et le jardin de la mosquée. Les femmes se disposent derrière, selon la recommandation du Prophète -paix sur lui- et l’usage (qui doit éviter aux hommes la tentation de se laisser distraire par les derrières des femmes), mais il n’y a aucune séparation ; dans certains endroits, par manque de place, hommes et femmes sont tout proches, et tout se passe parfaitement bien.
Une jeune femme avec qui je priais m’a dit un jour qu’elle se faisait importuner dans la rue, à la sortie de la mosquée, par des hommes qui sortaient eux aussi tout juste de la prière, les jours de semaine. Cela lui était évidemment pénible. Il n’est quand même pas logique que ce soient les femmes qui paient de leur mise à l’écart les obsessions puériles de certains hommes. Que les imams leur fassent la leçon ! Et que les parents éduquent leurs filles et leurs garçons au respect de soi et de l’autre.

Aid moubarak ! Prière de rue et croissant de lune

DSC05142

tout à l’heure après la prière de l’Aid, photo Alina Reyes

*

Quand je suis arrivée, le peuple des croyants débordait largement dans la rue. J’ai contourné les rangs des hommes, j’ai sorti de mon sac mon foulard supplémentaire, je l’ai mis par terre – mais ma jeune voisine de prière s’est serrée pour me laisser une place sur son tapis. Tout le monde s’était fait beau, tout le monde était joyeux, le soleil matinal était radieux. Je suis revenue par un autre chemin, comme Dieu aime mieux, je me suis arrêtée dans une boulangerie, j’ai échangé quelques mots avec des musulmans bienheureux, dedans et dehors, j’ai donné quelque chose à un petit mendiant, je suis rentrée à la maison avec des croissants pour tout le monde.

*

À la maison

cet après-midi à la Grande Mosquée de Paris, photos Alina Reyes

 

J’ai fait mes ablutions à côté d’une dame anglophone. Nous nous sommes aidées mutuellement pour l’eau, puis je l’ai conduite à la salle de prière. J’ai fait six rekaas, lentement. Puis je suis restée encore un peu dans l’enceinte de la mosquée, indiciblement bienheureuse.

À la mosquée je suis à la maison, comme à la montagne, comme à l’église, comme dans le cosmos.

Dans la lumière.

 

Humbles et courageux

début de printemps hier à la sortie de la prière du vendredi à la Grande Mosquée de Paris ; comme nous saluons à droite et à gauche, après avoir mis sur ma page fb la vue de l'autre côté de l'arbre...

 

*

Je pense aux mélodies anciennes et nouvelles à la fois, aux fines pointes, aux avancées délicates, exquises, inquiètes et renversantes de l’esprit, je pense au rouge sur le monde, doux comme un été indien, flamboyant, avant la grande neige, enceinte de la prochaine vie, du printemps. Je pense l’amour, je le suis, main dont les doigts parcourent le monde en frémissant, ruisseaux chargés de nutriments, de senteurs, de larmes et de consolations.

Le ciel vous a fait de ciel, puis vous a envoyé sur terre, vous a lié à la loi de la pesanteur, afin que vous puissiez connaître que vous n’êtes pas d’elle, mais du ciel, et partir à la recherche, à la rencontre du ciel. Vous devenez la conscience du ciel dans sa créature, dans sa création.

Soyons humbles et courageux, faisons ce qu’il faut faire, la liberté nous salue, soyons heureux.

*