Le vieux fond catho du refoulement

L’obsession de Charlie Hebdo à montrer le Prophète (et à travers lui, les musulmans) en position sexuelle, ou comme sur la caricature d’aujourd’hui, en tête de bite, en dit assez long sur la sexualité ou homosexualité refoulée de ces dessinateurs, et à travers eux, de leurs lecteurs.

La sexualité mal assumée des mal à l’aise dans leurs caleçons – malaise auquel sont directement reliés leur cerveau et leur main – engendre toujours une fascination épouvantée pour la figure de l’Autre (autre sexe ou autre culture). Cela vaut pour beaucoup de cathos et pour les athées hantés d’un vieux fond catho, comme pour beaucoup d’hommes d’autres traditions et religions quand elles sont mal enseignées, frappées par la honte du sexe.

Racisme, antisémitisme et sexisme sont des symptômes de la même maladie. Qu’ils se soignent, qu’ils lisent mes livres, du Boucher à Forêt profonde en passant par Poupée, anale nationale et Nus devant les fantômes, et qu’ils y réfléchissent au lieu d’en devenir fous, comme certains ! Et qu’ils deviennent vraiment libres.

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Charlie confirmera-t-il son antisémitisme ?

Charlie Hebdo annonce qu’il va de nouveau publier des « caricatures de Mahomet » (qui jusque là ont été en fait, via « Mahomet », des caricatures des musulmans aussi sordides que les caricatures de juifs publiées dans la presse satirique des années 30). Je doute qu’ils livrent à trois millions d’exemplaires des dessins et des textes aussi haineux qu’ils l’ont fait pendant des mois et des années, car alors l’ignominie de leur production apparaîtrait aux yeux de tous et en dissuaderait sans doute beaucoup de continuer à les soutenir – ou bien c’est que la France est tombée dans un antisémitisme aveugle et forcené. Je parle bien d’antisémitisme pour les insultes aux musulmans, parce que les musulmans arabes sont des sémites, et parce que l’islam, au-delà des divergences politiques, est le monothéisme le plus proche du judaïsme, dans l’esprit et dans la pratique (c’est pourquoi Coulibaly ne s’est pas privé de manger un sandwich casher). La belle façade d’union de ce dimanche est déjà en train de révéler ses énormes lézardes. Manifestants qui avez clamé « Je suis Charlie » dans un désir de rassemblement de tous les Français, ce que Charlie vous annonce semble signifier qu’il a l’intention d’en profiter pour semer encore parmi vous la division, tout en ramassant beaucoup d’argent. Allons, je veux bien escompter qu’ils auront assez de bon sens pour faire de l’humour sans haine, cette fois.

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Rhetoric

Coran Charlie Dedko

« Je ne suis pas Charlie »… Si la deuxième image est blessante, pourquoi la première ne le serait-elle pas ? Essayons un instant de décentrer notre regard. À lire, là où j’ai trouvé cette image, un texte de Jose Antonio Gutierrez

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J’ai trouvé cette image sur la page fb de Giora Meisler, un photographe israélien. Une preuve parmi d’autres que les Israéliens bénéficient de la liberté d’expression. N’oublions pas cependant qu’Israël refuse l’entrée sur son territoire aux dessinateurs pro-palestiniens, entre autres. Et que la présence de Netanyahou n’était pas la seule présence scandaleuse à la manifestation de ce jour, où se trouvaient des oppresseurs de la liberté d’expression comme Omar Bongo ou Victor Orban, ce dernier proche des néo-nazis. J A Gutierrez dans l’article ci-dessus en lien pointe du doigt une vérité en écrivant :

« L’Europe se consume dans une spirale de haine xénophobe, d’islamophobie, d’antisémitisme (les Palestiniens sont de fait des sémites) et cette atmosphère devient de plus en plus irrespirable. Les musulmans sont déjà les juifs de l’Europe du XXIème siècle, et les partis néo-nazis redeviennent respectables 80 ans plus tard, grâce à ce sentiment répugnant. Pour tout cela, malgré la répulsion que provoque en moi l’attentat de Paris, Je ne suis pas Charlie. »

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Et maintenant, après cette énorme récupération politicienne qui, d’après Manuel Valls, a changé l’état d’esprit de la France… ?

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La grande récupération

Tout le monde dit « Je suis Charlie » et ça ne plaît pas trop aux dessinateurs survivants de Charlie. Je les comprends. L’ironie est que beaucoup de ceux qui disent « Je suis Charlie » sont à mille lieues de ressembler à Charlie, d’hier ou d’aujourd’hui, alors que ceux qui ont en commun avec Charlie l’esprit libertaire et le rejet de tout consensus mou et de toute « pensée unique », ne clameront certes pas « Je suis Charlie ». D’autant que Charlie était devenu islamophobe – l’esprit des rédactions aussi vieillit, et il n’est pas rare que le naufrage guette ce qui est vieillissant. Luz et Willem pointent du doigt la récupération actuelle de leur magazine, mais ils auraient bien fait de s’en soucier plus tôt. Car depuis Val, Charlie était la proie des récupérateurs, et cela a continué. Tant que Charlie était Charlie et rien d’autre, il pouvait bien caricaturer ce qu’il voulait, c’était dans sa nature, comme le dit Luz, d’être un fanzine auquel il ne fallait pas accorder une importance démesurée. Luz le dit, les gars ne sont pas des penseurs. Or ils ont été récupérés par la « pensée unique » qui bien sûr en vérité est une non-pensée, à des fins politiques. Ils ont été soutenus par des gens qui œuvrent, assez paranoïaquement, pour un certain ordre du monde occidental qu’ils ont peur de voir disparaître, et qui pour cela s’emploient à récupérer voire manipuler des figures qui passent pour de la contre-culture alors qu’elles sont utilisées -comme les Femen- pour la perpétuation de la culture dominante. Le même phénomène s’est produit pour le dernier roman de Michel Houellebecq, qui a été soutenu de façon absolument exceptionnelle par les grands médias, lui valant même un passage au 20 heures. Il n’est pas difficile de voir qu’il s’agissait là de promouvoir non pas un roman mais une idéologie, toujours la même. La France qu’on veut nous vendre depuis quelques années est la France de l’esprit Deschiens : une France morne et triste, sans lumière, sans consistance, repliée sur des sentiments négatifs et sur son impuissance. Cela se traduit par une phraséologie également sans éclat ni beauté, dans les livres comme dans la bouche d’un chef d’État linguistiquement ségolénisé, ramenant la langue au niveau de l’entresol. Pourquoi, par exemple, dire « La France, elle a fait face », plutôt que « La France a fait face » ? C’est qu’il faut que la langue ressemble à un personnage des Deschiens ou de Houellebecq, qu’elle soit une pauvre chose représentative de pauvres citoyens sans pouvoir ni espoir. C’est qu’il faut mettre l’étouffoir sur l’homme, afin de le dissuader d’essayer de comprendre ce qui se passe vraiment, comment le dieu argent essaie de faire de l’homme un ver dans une décharge publique, seulement occupé à se nourrir et à nourrir par la même occasion le clan des pollueurs, en matière et en esprit.

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Une immense tristesse

Honte à ceux qui jettent de l’huile sur le feu contre l’islam, soit en l’attaquant obsessionnellement, soit en prétendant le promouvoir ostensiblement, par la parole et le costume, alors qu’ils ne font ainsi que salir une religion qui prône la discrétion et non pas la provocation, la sagesse et le juste milieu et non pas l’hystérie mentale, l’intelligence et non pas la crasse bêtise. Des deux côtés, islamophobes stigmatisant les musulmans innocents et islamistes prenant l’islam en otage, nous assistons au combat de deux bandes d’aveugles, et nous sommes au milieu du terrain, leurs victimes. Bandes d’irresponsables, vous réveillerez-vous ? Il y a des morts, de jour en jour, à cause de vos combats de coqs.

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