Vendus : Yann Moix, face cachée de l’édition et des médias : banalité de l’infection mondaine

 

Dans son dernier livre Yann Moix raconte que son père l’obligea à manger ses excréments en public (d’après Marie-Claire, le magazine féminin qui, gobant tout, s’émerveille de la résilience de l’auteur, auquel elle avait déjà ouvert ses colonnes pour l’y faire vanter sa consommation en série de jeunes Asiatiques – alors qu’il s’était déclaré ailleurs « prédateur sexuel », traitant les femmes de « réceptacles à jouissance, d’orifices à contentement, de cargaisons qu’on pelote »). Eh bien l’y voici, en train de manger sa merde en public, et qui l’y contraint ? La vérité, qui finit toujours par se faire jour, y compris en utilisant ceux-là même qui veulent la cacher. Voilà que toute la merde de Yann Moix s’étale dans l’espace public, comme il ne croyait pas si bien dire, pour une fois (les gens, y compris l’immense majorité de ceux qui publient des livres, ignorent le pouvoir des mots).

Voilà que ses amis d’extrême-droite, pas si anciens puisqu’il les fréquentait encore au moins jusqu’en 2013 voire 2016 (où il est photographié en compagnie de Frédéric Chatillon, ex-membre du GUD, violemment antisémite, proche de Marine Le Pen), préfaçait en 2007 le livre antisémite de Blanrue publié par Soral, etc., ravis de lui faire payer sa duplicité – le cœur facho, le porte-monnaie dans la bien-pensance – ressortent les dossiers. Déballage en ligne et ailleurs (Dieudonné annonce qu’il va raconter à la presse les relations de Moix avec lui et la bande des antisémites mondains), la révélation se poursuit.

En fait personne n’est vraiment étonné : soit les gens savaient, soit ils ne savaient pas mais l’attitude sadique de Yann Moix chroniqueur avait suffi à leur faire comprendre quel genre de personne il était. Le plus grave est que le milieu de l’édition et des médias l’aient soutenu et continuent, à part L’Express qui a sorti les documents sur sa production négationniste, à essayer de minimiser l’affaire. Plus ou moins inconsciemment. Exactement comme l’Église l’a fait face aux affaires de pédophilie. Parce que c’est dans leur culture. L’extrême-droite et l’antisémitisme sont dans la culture des milieux de l’édition et des médias comme la pédophilie est dans celle de l’Église.

Considérons déjà tout simplement le soutien inconditionnel de BHL, Moix et d’autres à Israël : c’est un soutien à un régime d’extrême-droite. Rappelons que BHL rejoignit Sollers et Gluksmann à l’Internationale de la résistance, une officine créée en 1983 et financée par les services secrets américains, utilisée pour de sales besognes politiques en Amérique Latine, soutenant notamment les milices du dictateur d’extrême droite Somoza. Rappelons qu’Antoine Gallimard, héritier d’une maison d’édition qui se sauva en collaborant avec les nazis, veut maintenant rééditer les pamphlets antisémites de Céline. Sachons que Paul-Eric Blanrue, le grand ami antisémite et négationniste de Yann Moix, raconte que ce dernier lui affirma que Sollers, éditeur chez Gallimard, pourrait vouloir publier un portrait élogieux du négationniste Faurisson – comme quoi Moix n’a pas encore appris à connaître ceux à qui il fait allégeance : Sollers est beaucoup trop prudent, pour ne pas dire pleutre, pour exposer lui-même ses inavouables pensées ; il le fait faire par d’autres, dans des livres ou des articles (comme celui où Savigneau dit dans le Monde des Livres, à propos du livre que Zagdanski et moi avons écrit : « prends le fric et tire-toi », formule dans laquelle Zagdanski reconnut une insulte antisémite).

Moix n’est que la face cachée de ce milieu de l’en-même-temps à la Macron, dans lequel Macron ferait d’ailleurs figure d’enfant de chœur. En même temps humaniste et fasciste, ou plus exactement humaniste par façade, salopard dans l’esprit et les actes – qui plus est hypocritement, lâchement. Sa face cachée politique, mais aussi littéraire : ce milieu est aussi celui de la mauvaise littérature, fabriquée et vendue industriellement, comme ses auteurs vendus.

Voir aussi : « Yann Moix : une obsession antisémite qui vient de loin »
Attendons maintenant de voir comment vont se comporter les médias, s’ils vont continuer à promouvoir, via Yann Moix, cette infection mondaine.

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Nouvelles du monde morbide et de la vie gagnante

balade 1 cluny-min*

Hier, passant devant le musée de Cluny au retour du magasin de sport, je me suis rappelé que j’avais envie de pisser et j’y suis donc entrée (gratuitement avec mon Pass éducation) rien que pour ça – puisque je boycotte leur attraction phare, la salle où ils ont confiné les tapisseries de la Dame à la licorne tout en obligeant les visiteurs à passer d’abord devant une mauvaise phrase de Haenel/Sollers à mes basques et avec faute d’orthographe. Les toilettes se trouvant au niveau du Frigidarium des anciens bains romains, je suis ensuite allée m’y asseoir un moment, le temps d’écrire un peu dans mon journal intime.

Je ne raconterai pas dans ce journal extime les mêmes choses, seulement que je continue à marcher en moyenne 4 km par jour, et que je fais toujours du yoga, et davantage : plutôt que 20 à 40 mn, 40 à 50 minutes chaque matin au lever. Je ne perds plus de poids car je gagne en musculature mais je m’affine, le tour de hanches et le tour de taille continuent à diminuer sur le centimètre de couture, je (re)gagne assez rapidement en souplesse et très rapidement en équilibre.

 

Hier auFrigidarium du musée de Cluny et place de la Sorbonne, photos Alina Reyes

Hier auFrigidarium du musée de Cluny et place de la Sorbonne, photos Alina Reyes

 

Pour ce qui est du monde mondain, je lis toujours les nouvelles mais je perds l’envie de les commenter, tout ça est si médiocre. Deux points tout de même :

1) Marlène Schiappa déclare être attirée sexuellement par les personnes intelligentes. Contrairement à ses partenaires, donc. Aucun macroniste ni aucun partenaire d’aucun macroniste n’est attiré par l’intelligence, et si certains croient l’être, c’est qu’ils sont trop stupides pour savoir ce qu’est l’intelligence.

2) La police française est la plus mutilante et la plus tueuse d’Europe. Terrorisme d’État. En France on peut être assassiné pour avoir voulu danser en écoutant de la musique, que ce soit au Bataclan, sur un quai de Loire à Nantes ou ailleurs dans les régions de l’esprit.

Heureusement, comme dit l’autre, je ne suis pas du monde. Et je ne veux surtout pas en être. Qui veut savoir ce que signifie « A mon seul désir », qu’il me lise.

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Préhistoire, une exposition superficielle et insignifiante au Centre Pompidou (note actualisée)

dinos-min*

Heureusement, sans l’avoir voulu, j’ai eu accès à cette exposition sans en payer l’entrée. Ces petits dinos rigolos sont ce qu’il y avait de meilleur, avec quelques extraits de vieux films (The Lost World, 1925) et une image de Wim Wenders, pour leur humour et leur poésie. Mais l’exposition en elle-même est un naufrage. Une juxtaposition d’œuvres préhistoriques et d’œuvres modernes copiant le style « préhistorique ». Tous les artistes y perdent. D’abord ceux de la Préhistoire, exposés dans l’ombre, isolés, hors contexte, rabaissés au statut d’objets morts, ne donnant aucune émotion, voire repoussant qui a pu les voir dans les musées archéologiques qui les ont prêtés, là où ils pouvaient se contempler en pleine lumière, en pleine immersion aussi dans leur temps et le nôtre, repoussant qui les connaissait avant comme s’ils avaient honte de se retrouver là et priaient qu’on ne les regarde pas dans cette situation de vulgarisation nihiliste où des commissaires d’exposition les ont placés. Puis les artistes de la modernité, dont les œuvres montrées sont souvent mineures par rapport à leur œuvre, et souvent apparaissent comme de pâles plagiats de l’art du Paléolithique ou du Néolithique.

L’exposition souffre d’un défaut de recherche profonde sur les conséquences de l’invention de la Préhistoire sur l’art moderne, son sujet. Elle n’en voit et n’en montre que l’immédiatement visible, ce qui s’ingénie à s’inspirer directement des formes de l’art préhistorique ou ce qui déclare s’en inspirer. Or la véritable influence opérée par la découverte de la Préhistoire est bien plus profonde. Le sujet est immense, l’exposition ne le voit que par le petit bout de la lorgnette et le rapetisse éhontément, à l’image de cette « caverne », un cube creux dont les parois sont pleines de mains positives blanches toutes pareilles : toute l’affaire ressemble à un attentat sournois (et involontaire, fait de la bêtise) contre la Joconde – qui, elle, avait bel et bien été inspirée à Léonard de Vinci par la caverne, comme je l’ai cité dans ma thèse :

Tiré par mon ardent désir, impatient de voir des formes variées et singulières qu’élabore l’artificieuse nature, je m’enfonce parfois parmi les sombres rochers ; je parviens au seuil d’une grande caverne devant laquelle je reste un moment – sans savoir pourquoi – frappé de stupeur : je plie mes reins en arc, appuie ma main sur le genou et, de la droite, j’abrite mes yeux, en baissant et en serrant les paupières et je me penche d’un côté et d’autre pour voir si je peux discerner quelque chose, mais la grande obscurité qui y règne m’en empêche. Au bout d’un moment, deux sentiments m’envahissent : peur et désir, peur de la grotte obscure et menaçante, désir de voir si elle n’enferme pas quelques merveilles extraordinaires.1

1 LEONARD DE VINCI, Codex Arundel, cité par Daniel FABRE, Bataille à Lascaux. Comment l’art préhistorique apparut aux enfants, Paris, L’Échoppe, 2014, ill. ; et cité par Daniel FABRE, « Le poète dans la caverne », in Claudie VOISENAT, Imaginaires archéologiques, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2015, p. 98

 

Pourquoi les œuvres préhistoriques y sont-elles si peu nombreuses et exposées dans l’ombre, de façon très dévalorisante, comme si elles n’étaient que de vulgaires objets juste utiles à inspirer des artistes occidentaux ? Pourquoi les artistes préhistoriques y sont-ils aussi ignorés que les artistes des arts qu’on disait primitifs, qui furent eux aussi chosifiés en faire-valoir de l’art occidental moderne ou contemporain ? Pourquoi cette exposition ne sait-elle si visiblement pas de quoi elle parle ? Pourquoi n’a-t-elle pas eu au moins un commissaire connaisseur de l’art du Paléolithique ? Pourquoi cet énorme gâchis ?

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Macron ou la mort programmée du roitelet

agamemnon*

Résumons. Tout rappeler serait trop long, et j’oublie sûrement des faits importants, mais chacune, chacun pourra les ajouter.

2017 : Macron entre à l’Élysée, en chasse les journalistes, y fait entrer son barbouze Benalla et quelques autres copains. La salle de presse est fermée, les médias qui l’ont pourtant fait élire n’ont plus droit de cité au palais. Ce qui s’y passe ne doit pas risquer d’être vu ou deviné par celles et ceux dont le métier est d’informer – au moins un peu – les citoyens. Tout en se parant de symboles divins et royaux, le président maigrement élu commence ou poursuit son entreprise de destruction du pays, vendant des fleurons de l’industrie française, s’attaquant au droit du travail, alourdissant les taxes pour les classes populaires et distribuant les cadeaux aux milliardaires et autres riches qui l’ont soutenu, et commençant à démanteler le service public, notamment l’hôpital, la justice et l’Éducation nationale. Commence aussi la litanie des insultes adressées au peuple par le DRH de la start-up nation.

2018 : Le peuple protestant contre la politique agressive de Macron est dans la rue, les blindés entrent dans Paris. Sommes-nous revenus au siècle dernier ou déplacés dans une autre capitale, les nazis occupent-ils la ville, ou les soviétiques y sont-ils entrés pour écraser un mouvement de libération chez l’un de leurs satellites ? Non, il s’agit de réprimer des manifestants dans un déploiement de brutalité inédit, partout en France, au vingt-et-unième siècle. Chaque fois qu’ils descendront dans la rue, ils seront gazés, blessés et mutilés par des grenades GLI et des LBD , armes potentiellement létales dont l’usage est dénoncé en vain par nombre d’institutions et d’ONG européennes et françaises. Benalla démasqué dans ses besognes illicites ou troubles, tabassage de citoyens et affaires avec des États étrangers ou proches d’États étrangers, usage illégal de passeports, de téléphone et d’armes, n’est pas inquiété et continue, en ex-collaborateur détenteur de secrets-défense, à vaquer à ses activités lucratives.

2019 : La répression féroce se poursuit. Aucun policier n’est inquiété après avoir causé la mort d’une femme et avoir éborgné, défiguré ou mutilé des dizaines de personnes. Les violences policières et les arrestations, y compris préventives, et condamnations sévères de manifestants, sont plus massives que jamais depuis la guerre d’Algérie. Macron n’apporte aucune réponse politique mais profite de la confusion pour lancer un grand débat qui n’est qu’une grande opération de propagande doublée d’une pré-campagne électorale officieuse, monopolisant les télévisions des heures durant, des jours durant. L’autocrate prédicateur poursuit son œuvre de destruction des libertés publiques en restreignant ou projetant de restreindre encore la liberté de manifester et la liberté d’expression, des enseignants et de tout un chacun sur les réseaux sociaux. On assiste à des scènes ubuesques, très inquiétantes. Le ministre de l’Intérieur apprend à des élèves de primaire, au tableau, dans quelles parties du corps la police peut tirer sur les manifestants, leur déclare que ces derniers sont tous des perdants, et qu’on vit dans la haine. Des manifestants suspectés d’avoir lancé des cailloux sur des vitrines sont arrêtés chez eux à l’aube par des équipes du RAID armées jusqu’aux dents. Des enfants suspectés d’avoir tagué un slogan irrévérencieux envers le président sont pris chez eux et emmenés en garde à vue sans droit de visite de leurs parents, après que la police a fouillé leur appartement à la recherche de bombes de peinture.

« Qui apporte la mort le paie de sa mort » (ou : « qui porte le fer périt par le fer »), dit le chœur vers la fin de l’Agamemnon d’Eschyle, histoire d’un roi qui a sacrifié autrui pour servir ses visées et déclenche ainsi un déchaînement de violences dont il est lui-même victime. L’enseignement que les Grecs ont jeté dans le monde il y a deux mille cinq cents ans à travers leurs œuvres est toujours d’actualité. Macron et son monde ignorent tout de la littérature mais la littérature, elle, le voit, les voit, et sait.

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Retour sur une fascisation en marche depuis des années

macronisme,*

Les réponses paranoïaques d’Emmanuel Macron au mouvement des Gilets jaunes ou à l’affaire Benalla, symptomatiques d’une société de l’occulte et du spectacle, marquent l’accélération, sous sa présidence, d’une fascisation du pouvoir politique en France, comme ailleurs en Europe.

« La démocratie peut disparaître en Europe », déclarait Jean Ziegler, vice-président du Comité des droits de l’homme de l’Onu, le 28 décembre 2014. Et il accusait comme dans son livre Retournez les fusils « les oligarchies financières globalisées » de la détruire. La dérive fascisante du pouvoir, dont l’un des symptômes est la tentation d’interdire toujours plus, sanctionner policièrement les paroles « déviantes », et notamment faire obstacle au droit de manifester, n’a pas commencé hier. En 2014, plusieurs manifestations en soutien à Gaza bombardée et martyrisée, ou en hommage à Rémi Fraisse, ont été interdites, dans un pays où, comme en toute démocratie, de telles interdictions sont rares. Ou du moins étaient rares. En revanche, ce sont les représentants de l’État qui ont appelé à la manifestation monstre du 21 janvier 2015, au cours de laquelle la police fut acclamée.

Selon Claude Guéant, l’ancien ministre de l’Intérieur, « il y a des libertés qui peuvent être facilement abandonnées »… pour, bien sûr, lutter contre le terrorisme. Mais les pouvoirs n’ont pas attendu la tuerie de Charlie pour s’emparer des libertés en organisant la surveillance à grande échelle des citoyens, nouvelle forme du fascisme. Qui, dans ce vieux pays hiérarchisé et cloisonné, trouve intérêt à ce jeu paralysant ? « La France a besoin d’autorité », déclarait Manuel Valls le 18 février 2015, en guise de justification du recours à l’article 49-3 pour imposer la loi Macron. La vérité est qu’un gouvernement plus faible que jamais, et affaibli par son manque de vision, d’intelligence et de respect, un gouvernement traître à toutes les promesses qui l’ont porté au pouvoir, n’a aucune véritable autorité. L’autorité vient de l’exemple que l’on est, que l’on donne. Quand l’autorité morale vient à manquer, quand les actes et les comportements contredisent les discours, l’autorité est défaillante : c’est alors que s’y substituent l’autoritarisme, l’abus, la violence, morale ou physique.

Les temps que nous vivons sont souvent comparés à ceux des années 30. L’histoire ne se répète jamais à l’identique. Si les conditions d’une advenue du fascisme sont réunies, ce dernier, ou sa forme nouvelle, ne vient pas forcément par où on l’attendrait, par où il est déjà venu. Certains portent la mauvaise parole, celle qui fit du mal autrefois, mais ont peu les moyens de nuire, voire ne croient pas eux-mêmes à cette mauvaise parole proférée et entendue avec distance. Alors que d’autres, porteurs d’une « bonne parole » mensongère, sont au pouvoir et n’hésitent pas à en abuser, à porter atteinte aux institutions républicaines et à la liberté d’expression.

Tandis que les irresponsables politiques de tous bords, depuis des décennies laissent empirer la situation de la société, où les inégalités se creusent non seulement sur le plan matériel mais aussi sur celui de l’éducation. Au bas de l’échelle certains pratiquent le trafic d’armes et de drogues comme d’autres, en haut de l’échelle, pratiquent le trafic de la vérité, les trafics politiques, les trafics financiers et les trafics d’influence. Le viol de la loi et le faux règnent du haut en bas de la société, et les uns les autres se regardent au miroir de la mort. Ils croient se combattre mais ils œuvrent pour le même camp, et c’est le pays entier, y compris les innocents et les hommes de bonne volonté, qui en est victime.

Oui, miroir de la mort. Guy Debord avait prophétisé la société du spectacle. Ajoutons qu’elle a son corollaire, qui se développe en même temps qu’elle : la société de l’occulte. Les deux n’en font qu’une. Société de fausse transcendance, creusant sa « fosse de Babel » comme le prophétisa plus synthétiquement encore Franz Kafka. Où est le spectacle, là est la fosse. Le spectacle est l’apparence, l’épidermique. Que font les discours des politiques et des médias dominants ? Ils poussent aux réactions épidermiques en désignant des gens à la vindicte. Quels gens ? Non pas de riches exploiteurs, non pas de puissants corrompus, non pas des intellectuels aux influents réseaux entraînant le pays à semer la mort et le chaos par ses guerres et autres ingérences au Moyen Orient ou en Afrique, et faisant régner en France, dans la presse et l’édition, la pensée unique, la promotion et l’exclusion de telle ou telle voix – mais les pauvres, les stigmatisés de longue date, les personnes parfois poussées au désespoir du fait du mépris dans lequel elles sont tenues, et étaient avant elles tenus leurs parents : tour à tour et à la fois les Roms, les immigrés et enfants d’immigrés, les migrants, les chômeurs, les Gilets jaunes maintenant… Voilà le ressort qu’exploitent les politiciens : épouvanter secrètement les gens, afin d’obtenir leur repli, leur défaite.

Ayant dû renoncer à ses colonies, c’est le peuple de métropole que l’État français s’est mis à coloniser. Ce peuple formé de beaucoup d’immigrés et enfants d’immigrés, du peuple de toujours et de sa jeunesse, de tous ceux qui n’ont pas pour but dans la vie de dominer et exploiter autrui. Au fond les colonisés sont déjà plus libres que les colons, prisonniers de ce besoin de coloniser sans lequel ils ont peur de ne pouvoir survivre. Mais c’est justement leur propre aliénation qui les pousse à faire en sorte que se perpétue leur domination, toujours menacée. Si les dominés ont toujours devant eux la perspective de renverser les dominants, les dominants, eux, passent leur existence dans la crainte de se voir dépouillés de leur domination, sans laquelle ils ne savent survivre. Et pour se maintenir ils sont prêts à tous les artifices, tous les mensonges, toutes les ruses, toutes les tromperies. L’illusionnisme, les tours de passe-passe, sont leurs misérables armes, portées par beaucoup de médias complaisants – aux mains de milliardaires et plus ou moins achetés par les aides que leur verse l’État. Le fascisme en marche en Europe depuis des années a fait ces derniers jours, ces dernières semaines, ces derniers mois, un bond en avant avec une spectaculaire banalisation de ses pulsions, de ses ressorts, de ses retours.

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