À la santé du Sapiens. Madame Terre aux mégalithes de Changé

Dolmen Petit, Dolmen du Berceau, Menhir du But de Gargantua… les mégalithes de Changé, en Eure-et-Loir, ont cinq mille cinq cents ans. Ils ont servi de sépultures ou ont été utilisés pour des cérémonies. O a fait une partie du trajet en transilien depuis Paris, puis 88 km à VTT pour s’y rendre avec Madame Terre : ses photos ont été prises en chemin, puis sur le site.

Je paraphrase le titre du poème de René Char À la santé du serpent pour le titre de cette note que je dédie au Sapiens de Jebel Irhoud – 315 000 ans, la nouvelle révolutionnaire de la semaine -, à ses inventeurs et à la science (voir en bas de la note). Car je vois dans ce texte de Char une évocation héraclitéenne du « tout change », comme le fleuve coule, comme le serpent mue, grâce à quoi il continue à grandir toute sa vie.

 

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Tout proche, le château de Maintenon (XII-XVIIe siècles)megalithes de changé 23 château de maintenon

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À Saint-Germain-en-Laye, du château à la forêt en passant par le musée archéologique et le jardin

station rer nanterre-minà vélo puis en RER, nous voici à la station Nanterre, bien taguée, puis c’est l’arrivée au château

château saint germain en laye-minle musée archéologique est à l’intérieur

sepulture feminine-min légende sepulture-min

bison-min

dame de brassempouy-min la fameuse et très émouvante toute petite dame de Brassempouy, et quelques Vénus paléolithiques aussi, bien différentes de celle de Höhle Fels dont j’ai parlévénus paléolithiques-min

vulve paléolithique-min une vulve gravée dans la pierre, toujours au paléolithique

et la cour du châteauchâteau st germain en laye-min

l'été-minlégende l'été-mindans la partie gallo-romaine, j’ai admiré cette peinture délicate (et aimé les reflets des fenêtres d’en face qui l’encadraient)

il y a aussi une salle consacrée à l’archéologie comparée, avec des pièces du monde entierarcheologie comparée st germain en laye-min

du bord du jardin,  vue sur la Défense, au loin, dans une légère brume de pollution, et la Seine
vue sur la défense-min

seine-min

le jardin à la française est très grand, le jardin à l’anglaise très beauallée jardin st germain-min

jardin-min et puis on rejoint la forêtforêt st germain-minaujourd’hui à Saint-Germain-en-Laye, photos Alina Reyes

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Vénus de Höhle Fels, une sculpture à double lecture ?

venus_vom_hohle_fels couchée

 

J’ai montré la nuit dernière comment la figurine d’Höhle Fels pouvait en fait devoir être lue couchée sur le dos, et non debout (note précédente). La contemplant dans cette position, de profil, il m’apparaît maintenant qu’elle peut aussi représenter un homme couché sur une femme, entre ses cuisses. Le profil de sa poitrine peut évoquer la tête de l’homme, ou ses épaules (ce qui ne serait pas possible si ses seins tombaient comme ceux des autres statuettes). Le ventre épaissi forme le corps, le dos de l’homme. Ce qui, de face, figure la fente de la vulve de la femme, dans la perspective où on envisage un homme sur elle, figure la fente des fesses de l’homme ; et les lèvres du sexe féminin esquissent les testicules de l’homme. Enfin, les bras de la femme entourent le corps de l’homme, dans un geste d’embrassement typique du coït.

Je concluais hier que la position de cette Vénus, selon ma lecture, indiquait que les humains de cette lointaine époque (40 000 ans au moins, selon l’inventeur de la statuette) connaissaient comme nous la position de l’amour face à face – ce qui nous éloigne des représentations trop brutales que nous nous faisons encore souvent de nos ancêtres. Maintenant, dans la thèse d’une figurine ambivalente, étudiée pour pouvoir être lue de façon différente selon la perspective, j’ajouterai que la subtilité mentale et artistique de ces gens dépasse de beaucoup ce que nous imaginons. Et comme je l’avais noté dans mon article sur la grotte de Bruniquel, l’humanité dans sa complexité et sa profondeur est certainement beaucoup plus ancienne que nous nous le figurons.

D’autres représentations du féminin ou du masculin au paléolithique sont susceptibles d’anamorphoses, Claudine Cohen le montre dans cette vidéo. J’ai d’autres pistes en tête encore, sur d’autres œuvres d’art du paléolithique, je les exposerai peut-être d’autres fois.

Claudine Cohen, Femmes de la préhistoire, Paris Belin 2016

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Les femmes et les hommes du paléolithique faisaient l’amour face à face. Remarques autour de la Vénus de Höhle Fels (note actualisée)

Note actualisée à la fin.
venushohlefels-min

La Vénus d’Höhle Fels a été trouvée en 2008 dans la Souabe par le professeur Nicholas Conard. hohle-fels-venus2Cette figurine de six centimètres de hauteur, sculptée dans l’ivoire d’une défense de mammouth et datée de 35 à 40 000 ans avant le présent, est la plus ancienne représentation humaine en trois dimensions connue à ce jour. Avant sa découverte, la plus ancienne « Vénus » préhistorique connue était la venus de galgenbergVénus de Galgenberg, datant de 30 000 ans et très différente : elle est fine et sa posture passe pour évoquer celle d’une danseuse. D’autres Vénus préhistoriques, moins anciennes, présentent des traits anatomiques divers, souvent exagérés et très marqués.

venus de la prehistoire

Ce qui m’étonne à première vue dans la Vénus d’Höhle Fels, c’est la hauteur de ses seins. Ceux des autres figurines tombent, conformément à la loi de la gravité. Bien qu’énormes, les siens tiennent en l’air. Quand cela se produit-il ? Soit quand la femme saute avec un élan assez puissant pour faire remonter sa poitrine un bref instant. Soit, de façon beaucoup plus courante, quand elle est couchée sur le dos. venus_vom_hohle_fels couchéeIl suffit de faire pivoter la photo de la statuette, de la voir allongée : aussitôt s’expliquent et la position de ses seins et le fait que ses fesses soient aplaties, contrairement à celles des figurines de Vénus préhistoriques debout, dont la courbure du fessier est aussi exagérée que celle de leurs autres attributs sexuels.

venus_vom_hohle_felsEt si nous la regardons de face, ne la voyons-nous pas comme un homme penché sur elle la verrait ? Sa tête, ici remplacée par un anneau décentré, peut paraître petite, jetée en arrière sur le côté. S’il se tient entre ses genoux, ou à leur hauteur, il ne voit pas les jambes entières. Sa vulve attire toute l’attention de l’homme à ce moment-là : elle est énorme. Les traits gravés sur son ventre et à la taille dans son dos pourraient évoquer un tissu ou des cordelettes décoratives (ou peut-être simplement les plis de la peau d’un corps obèse).

Mais ce qui me paraît le plus intéressant, c’est qu’elle ait été figurée dans cette pose, couchée sur le dos. Nos lointains ancêtres aurignaciens, les premiers hommes modernes arrivés d’Afrique (ou bien Néandertaliens, car en l’absence d’ossements sur le site rien ne prouve que la figurine ne soit pas leur oeuvre), faisaient donc l’amour face à face . La position dite du missionnaire ne doit rien aux missionnaires. Rebaptisons-la « position de la Vénus d’Höhle Fels » ?

Encore aujourd’hui, on rappelle aux femmes pourquoi cette position est la plus avantageuse, ou l’un des plus avantageuses, pour elles. Il y a quarante mille ans, sans nul missionnaire en vue, c’était déjà connu !

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Dimanche après-midi : j’ajoute à cette note cette précision que j’ai donnée à Claudine Cohen, avec qui j’ai eu le plaisir d’échanger après la lui avoir signalée :

J’ai pensé aussi à la possibilité que la sculpture soit l’oeuvre d’une femme, dans ce cas on pourrait penser qu’elle s’est représentée comme elle se sent dans cette position, dans un certain abandon de la tête et un ressenti très fort dans les seins et le sexe. Que ce soit un homme ou une femme qui l’ait faite, c’est en tout cas ce que la sculpture manifeste fortement. Quant aux positions sexuelles, bien sûr elles pouvaient être variées ; avec le face à face l’intérêt est de contribuer à rapprocher ces gens de nous, car malgré tout bien souvent on continue à les considérer comme des semi-animaux (après tout, les bonobos pratiquent la position du missionnaire, pourquoi pas nos ancêtres ?) La scène chez JJ Annaud a une valeur à double tranchant, comme le nom donné à cette position, plutôt raciste – rappelant l’idéologie selon laquelle certains humains civilisent d’autres humains. Rien n’est moins certain.

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Suite de ma réflexion sur la Vénus d’Höhle Fels : ici

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L’art rupestre par Jean Clottes

Bien entendu l’art rupestre, comme tout l’art, étant recherche de la vérité, rencontre avec la vérité et opération de libération, est le contraire de la caverne de Platon, qui est fabrication du faux et aliénation des faussaires comme des illusionnés (voir note précédente). Dans la deuxième partie de sa conférence, Jean Clottes montre des images de diverses œuvres d’art rupestre dans le monde. À noter son annonce, dès le début, d’un changement à venir des religions. J’ajoute : les religions institutionnalisées mourront comme tout ce qui est faussé et dans sa raideur ne peut plus s’adapter, tandis que la recherche du vrai se poursuivra dans une liberté d’esprit renouvelée. Ne pas oublier qu’un paléontologue voit l’homme de haut, il voit grand, à l’échelle de dizaines de millénaires et non de siècles comme quand, captif du monde et des singeries qu’y font les uns et les autres, on a le nez un peu trop collé au mur devant soi.

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Smells Like Teen Spirit et les beautés du temps d’Okinawa

nevermindimage trouvée ici

Sur l’île d’Okinawa, dans les ruines du château Katsuren, des archéologues viennent de retrouver des pièces romaines datant du troisième ou quatrième siècle avant notre ère. On ignore comment elles sont arrivées là.

Dans une grotte de la même île, ont été aussi retrouvés les plus vieux hameçons du monde : ils ont 23 000 ans. On ignorait que les hommes préhistoriques étaient si avancés à cette époque.

À Okinawa, pays de centenaires, soixante ans signe une renaissance, et l’âge est une fête aux secrets ouverts.