Sarments

chez Pierrot, l'été dernier. Photo Alina Reyes

 

Le travail avance en roi par les branches qu’il déploie dans le monde à partir de mon corps, vers le ciel.

Le travail m’appelle à voix rauque de joie mon ardente.

J’ai chevauché à travers millénaires sur terre, sous terre et dans les cieux. Me voici, fraîche et calme, déterminée comme au commencement, fidèle à qui je fus, suis et serai,

à Dieu.

Cortège d’âmes purifiées, rassasiées, bienheureuses, ma traîne de lumière pour l’Amour que je sers.

Tablée d’âmes sous l’arbre, vivantes en communion, pour la gloire de son Nom.

Sarments mes corps, tirons de vous le vin de la joie éternelle.

 

nous vous annonçons la paix

Photo Alina Reyes

 

Il n’est d’existence que celle qui danse, poussière, dans la lumière.

La contemplation est ma béatitude, ma nourriture d’abondance.

Il n’y a que la vie. J’aime les vivants et la vie à la folie.

Le mur était long, peint en bleu jusqu’à mi-hauteur, puis blanc jusqu’au plafond. La pièce était rectangulaire, bordée de banquettes alignées contre ses murs bleus et blancs. Je restais là sans bouger, en silence, à regarder cette splendeur inouïe, cette paix absolue, cette pauvreté radieuse, dans la ligne de rencontre du bleu et du blanc.

Nous avions vingt-deux ans, J-Y et moi. Nous voyagions en 2CV fourgonnette avec notre fils de deux ans et notre chienne de berger. Nous avions une bassine pour la toilette et la vaisselle, un réchaud de camping pour la cuisine, et nous dormions dans la voiture. C’était l’automne. Ce soir-là, nous nous sommes arrêtés au bord d’une route déserte de l’Atlas. Le phare d’un vélomoteur est apparu en tremblotant, se dirigeant vers nous. L’homme s’est arrêté à notre hauteur et nous a invités par gestes à le suivre Nous avons eu confiance, nous avons redémarré, nous l’avons suivi au pas, longtemps, en cahotant sur des pistes rouges, noyées dans la nuit.

Finalement nous sommes arrivés à sa maison. Nous sommes entrés avec lui dans la pièce commune, où plusieurs autres personnes se sont mises à apparaître aussi. Nous avons été invités à nous asseoir par terre sur les tapis et nous avons partagé leur repas, oeufs durs, légumes, pain, oranges, à la lueur des flammes. Quelqu’un est allé chercher le fils du chef du village, parce qu’il parlait français. Nous avons tous conversé très doucement. Puis nos hôtes nous ont laissé la pièce pour nous seuls, où nous avons dormi sur les tapis. Je me suis levée à l’aube, je suis sortie, j’ai vu se révéler la pauvre maison de terre rouge où nous étions, semblable à toutes les autres du village.

Ils nous ont fait visiter l’immense orangeraie où ils travaillaient. Nous avons répondu aux invitations des uns et des autres, chacun nous offrant l’hospitalité. Pas question de sortir un seul dirham de notre poche, ils tenaient à tout nous offrir. À la fin nous avons dormi chez le chef du village, c’est lui qui avait cette maison un peu plus élaborée, avec des banquettes et des murs bleus et blancs. Avant de nous laisser partir, il a écrit l’adresse de ses cousins de Marrakech, en nous disant d’y aller de sa part. Les villageois nous ont fait don d’une grande corbeille en osier, remplie d’oranges et de petits cadeaux faits à la main.

À Marrakech, des enfants dans la rue se sont débrouillés pour faire déchiffrer l’adresse et nous y conduire. Les cousins avaient une belle maison traditionnelle. Les femmes, qui ne parlaient que l’arabe, nous ont fait asseoir dans le patio, nous ont servi du thé et des gâteaux, ne pouvant comprendre d’où nous venions. Puis les hommes sont rentrés du travail, nous avons pu expliquer. Nous avons été reçus comme des rois, encore. Elles ont organisé une petite fête, m’ont habillée d’une belle robe traditionnelle, m’ont fait chanter et danser avec elles. Le lendemain était férié, nous nous sommes entassés à je ne sais combien dans leur voiture et ils nous ont emmené voir les avions à l’aéroport. Puis nous avons poursuivi notre voyage, nous ne voulions pas abuser de leur hospitalité divine. C’était en 1978.

 

offrande

Photo Alina Reyes

 

Mes mains sont devenues des fleurs,

le jardin que je porte en offrande,

traversant bienheureuse toutes les galaxies,

de maison en maison, de loin en proche.

Elles me saluent sur mon passage,

esquissent des sourires, joyeuses

comme des petites danseuses à respirer

la fraîche odeur des roses et des herbes.

Mes mains avancent devant moi, tendues,

et je les suis. Elles remontent la travée

des âges, des siècles, des instants,

chargées de leur précieux trésor, la création

entière, ses cieux, ses astres, ses océans,

ses terres, ses bêtes et puis ses hommes.

Mes mains qui nous transportent avancent vers l’autel

et mon amour Le voit, vivant, ses mains tendues.

 

Le Ciel

Photo Alina Reyes

 

J’ai fait un cauchemar atroce. J’étais à l’église, la messe commençait, normalement. Puis la liturgie devenait de plus en plus païenne. Les chants, les mouvements, tout… Je ne disais rien mais je souffrais de plus en plus, le ciel se déchirait et souffrait, à la fin je me mettais à interpeller tout le monde, je criais pourquoi faites-vous ça, et le Christ ? et Dieu ? Vous ne vous en souvenez pas ? C’était terrible et cela m’a réveillée, avec une migraine atroce. J’ai dû prendre des cachets à la codéine que m’a donnés mon fils et rester sans bouger dans l’ombre, et maintenant tout va bien et je suis bienheureuse de lire cet article.

 

exousia

au Mont Saint-Michel. Photo Alina Reyes

 

Je n’ai absolument rien à faire, l’Esprit fait tout pour moi

parfaitement orienté, toujours se réorientant avec une précision

d’une si infinie complexité affluant pile au point

juste

et toujours avançant

frayant sa voie au milieu des fatras qui tombent

Il est loin le temps de ma crucifixion

debout paisible dans le corps de l’Esprit qui avance

il est tout proche inclus au corps mais à distance

loin de toute atteinte de la mort

Je suis du Ciel

je marche sur la terre et dans le ciel

et c’est Lui qui fait tout