Masaï voyage (et Salim et Aline)

photos O

 

Après deux heures de moto, dix heures de bus debout, une heure de petit avion, neuf heures de gros avion… O est de retour de chez les Masaïs. J’essaie de le convaincre de mettre par écrit tout ce qu’il nous raconte de là-bas, pour le donner ici. Ces deux images en attendant, dont l’une où l’on voit que mon voile couleur perle, imprimé de dessins de Picasso, circule sur les épaules des enfants. Et cette petite vidéo de Salim, le marchand d’épices, à Dar es Salam, chantant la seule chanson qu’il connaît en français, une chanson de Christophe dont je vous laisse découvrir le titre…

Salim, à Dar es Salam

 

Les quarante premiers voyages de Voyage

 

En une heure, Syd et moi avons transporté 450 kg de Voyage depuis l’entrée de l’immeuble jusqu’à chez nous au troisième étage sans ascenseur. Une bonne vingtaine de cartons – donc d’allers et retours – pour lui, une quinzaine pour moi (il était bien plus rapide mais j’avais commencé avant qu’il ne soit rentré du lycée, dès que les livres ont été livrés). Il était tout joyeux de faire cela, et moi aussi en fait, ça me rappelait la montagne, quand l’hiver nous devons monter longuement, chargés comme des mulets, que le cœur bat fort et le sang court et chauffe.

Ce n’est qu’un début, continuons le voyage pour Voyage, par certains petits chemins que j’entrevois, hors des sentiers battus. Je raconterai à mesure. La vie est belle !

 

Sous un autre jour

 

Dans le mot grec proseuchè, qui signifie prière, nous entendons :

pros : qui signifie face à (c’est aussi le préfixe de prosternation)

eu : qui signifie bien, bon

chéo : qui signifie verser, répandre

Ainsi est-il possible d’entendre dans la relation des trois syllabes de ce mot tout à la fois l’attitude de l’orant et celle de Dieu. Ainsi en est-il de l’attitude des derviches tourneurs, qui lors de leur prière dansée, bras en croix (et la tête couverte d’une coiffe signifiant la mort de l’ego), tiennent une main tournée vers le ciel pour recevoir la grâce qui en descend, l’autre tournée vers la terre pour l’y reverser. (C’est aussi l’attitude de l’arbre qui fait la couverture de Voyage).

Le bienheureux Charles de Foucauld écrivit en 1901 : « L’Islam a produit en moi un profond bouleversement. La vue de cette foi, de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu, m’a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines ». J’ignorais quasiment tout de lui lorsque, « par hasard », j’allai un jour à Tamanrasset, et au désert – où je le compris d’un coup, tant cet endroit, avec ses habitants, sédentaires et nomades, me captura d’amour : Dieu Y est.

Ce père du désert écrivit aussi : « Avoir vraiment la foi, la foi qui inspire toutes les actions, cette foi au surnaturel qui dépouille le monde de son masque et montre Dieu en toutes choses ; qui fait disparaître toute impossibilité ; qui fait que ces mots d’inquiétude, de péril, de crainte, n’ont plus de sens ; qui fait marcher dans la vie avec un calme, une paix, une joie profonde, comme un enfant à la main de sa mère ; qui établit l’âme dans un détachement si absolu de toutes les choses sensibles dont elle voit clairement le néant et la puérilité ; qui donne une telle confiance dans la prière, la confiance de l’enfant demandant une chose juste à son père ; cette foi qui nous montre que, « hors faire ce qui est agréable à Dieu, tout est mensonge » ; cette foi qui fait voir tout sous un autre jour … »

 

Salves et bondissements

 

Réveillée avec une salve d’idées nouvelles pour la sortie de Voyage. Oui, je fais toutes choses nouvelles.

Ne croyez pas ce qu’on vous dit, que « nous sommes des pauvres gens », condamnés au péché. La voie de la libération est ouverte.

Le problème de notre monde c’est la perte de l’universalisme de l’homme, qui s’accompagne de la perte de son éternité. La spécialisation des tâches et des études accroît l’efficacité, mais vient un point où l’homme se retrouve au fond de l’impasse. Nous devons retrouver la voie de notre propre universalité, en goûtant notre humilité dans l’accomplissement des tâches humbles (au lieu de les déléguer) autant que dans celui des grandes missions. La voie qui donne et requiert celle de savoir prendre son temps, et d’en être en retour gratifié par Dieu à l’infini pour un.

Car plus, en allant humblement et lentement, on se rapproche de Dieu, plus on va vite dans les siècles des siècles. Tout en bondissant, à la fin qui est aussi à chaque instant, par-delà les siècles. Embrassant tout le temps.