La burqa bleue

 

Hier c’était l’anniversaire de mon troisième fils. Je lui ai dit combien j’étais heureuse que ses dix-huit ans coïncident avec cette date historique d’une première reconnaissance de la Palestine par l’ONU. Il a soufflé les bougies au même moment où des feux d’artifice illuminaient le ciel de Ramallah. Il est né à Lourdes, dans l’hôpital qui fut d’abord le presbytère où la petite Bernadette vint raconter au curé les apparitions de la Vierge à la grotte. Le médecin accoucheur, chef de la maternité, me racontait qu’il avait une proposition pour aller exercer à la maternité de Bethléem, et cela me faisait rêver. Il était arabe, très jovial et plein d’esprit. Il avait dans son bureau, sur l’étagère, trois livres : le Coran, la Bible, et mon roman érotique en forme de labyrinthe Derrière la porte. Une fois où je suis allée le voir en été, quelques années plus tard, il m’a fait passer, par jeu, une burqa bleue. Ce fut une sensation très intéressante, comme d’être derrière la porte et de pouvoir l’ouvrir, la porte d’un autre monde comme dans mon roman. J’ai les cheveux libres mais je continue à porter la burqa, une burqa invisible, une burqa mentale qui est comme le palmier isolé sous lequel Marie est partie accoucher. L’Enfant vient.

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« Dans le plus précieux Dieu fit naître les eaux-de-feu célestes et le pays » Genèse 1,1, ma traduction dans « Voyage »

photo Marko Djurica/Reuters

 

Les « eaux-de-feu célestes » sont les paroles de Dieu à travers le judaïsme, le christianisme et l’islam.

Je crois en ces paroles, cette unique Parole en toutes ses formes, je crois qu’elle est vivante et avançante, je crois à ce qui avance. Nous allons aller doucement vers un seul État pour tous.

Je crois que la Palestine, et sa capitale Jérusalem, sont l’avant-poste de  la paix pour tous les hommes de la terre, du « pays » qu’est l’humanité.

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Participants

hier à Paris, photo Alina Reyes

 

Le nombre de nos dents équivaut sensiblement à celui des lettres de nos alphabets. Sourire c’est tout dire !

Dieu sait ce qui est tissé dans chaque cœur. Ce voile que chaque homme fabrique tout au long de sa vie, c’est celui qui l’enveloppe à l’heure de sa mort. Sa mort d’ici et maintenant, d’à chaque instant de son existence. Et la grande mort qui l’attend, ailleurs et en un autre temps.
Ce voile dans le cœur est la peau qu’il lui faut purifier, pour pouvoir entrer au Jardin bienheureux.

« Il n’est d’autre dieu que Dieu » signifie : il n’est rien d’autre que la Vie.

L’odeur de la mort donne envie de vomir, sauf aux hyènes, aux yeux purulents et au corps subreptice.

« Louange à Dieu » signifie : louange à la Vie, souveraine des mondes, c’est elle seule que nous adorons, elle dont la logique régit tout, elle qui seule donne le salut et fait de l’homme un homme devant Dieu.

 

Que le temps des prophètes ait pris fin selon les juifs au troisième siècle avant notre ère, que Jean-Baptiste soit pour les chrétiens le dernier prophète, que Mohammed soit pour les musulmans le sceau des prophètes, ne signifie pas qu’il n’y a plus de prophètes après eux, grands ou petits. Gandhi par exemple fut un grand prophète. Cela signifie que pour ce qui est du judaïsme la prophétie est achevée au troisième siècle avant Jésus-Christ ; que dans l’événement du christianisme c’est après Jean-Baptiste que tout, en le Messie, est annoncé ; que dans l’islam Mohammed récapitulant dans une autre dimension les prophéties antérieures à lui accomplit l’absolu de la prophétie.

Que Jésus soit le « Fils de l’Homme » selon lui-même, le « Fils de Dieu » selon les chrétiens, le « Sceau de la Sainteté » selon l’islam, ne signifie pas que Dieu ait eu un enfant comme l’homme peut en avoir, mais que son être est l’absolu de l’homme en Dieu. Et c’est pourquoi l’islam comme le christianisme sait qu’il doit revenir à l’accomplissement des temps, pour lesquels le judaïsme aussi attend le Messie. Cet accomplissement des temps où l’Homme sera parvenu à sa maturité.

Aux hommes d’opérer les déplacements nécessaires pour voir Dieu dans les diffractements, les langues de sa Langue. Chacune de ses annonces et de ses manifestations à travers le temps a sa logique et son sens, chacune est liée aux autres et œuvre pour l’accomplissement de l’Homme dans ses diverses dimensions. Participons, c’est magnifique.

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Écrit cette nuit

 

Le vent a soufflé cette nuit

le vent des anges qui tournaient

autour des villes des mondes et des âmes

accomplissant bruissants leur mission

pour l’instant de reconnaissance.

 

Le vent chargé de lettres aussi nombreuses que les hommes

et dont chacune a imprimé son sceau

sur chaque front.

 

La moisson faite, le vent avec ses anges

est remonté. Mais qui sait ce qu’ils ont moissonné ?

Ils reviendront.

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Qu’est-ce que l’Homme ?

image Alina Reyes

 

Mohammed comme Jean-Baptiste comme Marie, reçoit Dieu par l’esprit en amont, le fait advenir au monde dans l’eau de la parole, le voit venir et partir en aval, infiniment plus grand que lui dans le temps et l’espace.

Sens de l’incarnation : Dieu agit parmi les hommes. Comme par la main de Moïse tendue sur la mer sauvant son peuple, comme par Jésus, “sceau de la sainteté”, dans son être renouvelant l’être, comme par Mohammed, “sceau de la prophétie”, Il est en un Livre descendu. Cri du Prophète dans le désert, qui l’a manifesté au monde dans un Livre à partir duquel s’incarne un autre homme, le musulman.

L’homme ne peut pas vivre sans religion. Qu’est-ce que l’homme ? Le face-à-Dieu. L’homme irreligieux, incroyant, vit dans un réseau serré de fausses religions et de fausses croyances. Les fausses religions et les fausses croyances sont celles qui ne se reconnaissent pas comme telles. Elles emprisonnent, paralysent et tuent l’être à la racine, du fait que ce à quoi il croit en croyant ne pas croire n’accède pas pour lui au statut relevé et libérateur de croyance mais le cerne et le possède en tant que réalité. L’être ainsi aveuglé, étouffé, fossilisé, ne peut qu’enregistrer toujours plus de fausses croyances, de fausses connaissances qui resserrent autour de lui le mortel maillage.

Le vrai croyant des vraies religions, des religions et croyances déclarées comme telles, c’est-à-dire ouvrant l’accès à la Vérité, qui ne se trouve pas en elles mais au-delà d’elles, est un être très rare. Le croyant est presque toujours très grandement contaminé par l’homme du monde en lui, le croyant non reconnu des croyances non reconnues, l’idolâtre. De plus, il est souvent empêché, par lui-même et par les pouvoirs religieux qui veulent toujours asseoir leur pouvoir temporel, de reconnaître que sa croyance est une croyance, le reflet ou l’ombre de la Vérité et non la Vérité elle-même, si bien qu’il pratique sa vraie religion comme une idolâtrie.

La solution de libération de l’homme n’est pas de vouloir abolir les religions, ce qui ne fait et ne ferait qu’étendre encore l’empire des idolâtries, mais d’apprendre et de savoir entrer dans la Vérité par la porte, non seulement de sa propre religion, mais de toute vraie religion. Il ne s’agit de rien de moins que de partir à la découverte d’un Nouveau Nouveau Monde.

Il ne s’agit pas de savoir qui détient la vérité, mais de comprendre que Dieu a donné sa même et unique vérité à chacun, sous des formes différentes, des langages qu’il nous appartient de découvrir et de comprendre, afin de pouvoir, par eux, remonter à la Source, en multiples affluents que nous sommes d’une même eau. La vérité de Dieu est en chaque homme et chaque élément de sa création, il ne peut en être autrement. Savoir cela et en tirer les bonnes conséquences, voilà ce qu’est croire en Dieu, le connaître, cheminer en lui.

 

(in Voyage)

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