Rentrée littéraire

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Je suis partie avec mon ordi en bandoulière, travailler à la bibliothèque. Moi aussi je prépare la rentrée littéraire : de nouveaux livres numériques à venir sur ce site, et puis quelque(s) cadeau(x), nous verrons. Puis Sydney m’a rejointe, et nous avons fait quelques photos pour renouveler celle de la page d’accueil, dans quelques jours. La vie devant nous, le bonheur partout. Nous allons tout réinventer. Que la joie soit sur vous !

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L’homme est libre

L’eucharistie n’est pas une récompense, elle n’est pas non plus le signe du pardon de Dieu, elle est (ou devrait être) le signe que Dieu se donne à tous. Parce que telle est la pure vérité, que nous pouvons constater partout et toujours. Dieu se donne continûment, dans toute sa création, dans toutes ses créatures. L’eucharistie est là, comme l’incarnation par le Christ, pour nous faire prendre conscience de cela. Du don qui nous est fait, entièrement gratuit, et de la responsabilité qu’il nous donne : qu’en faisons-nous ? Voilà pourquoi le Christ donne son corps à tous et à chacun. Et ceux qui le reçoicent, ils doivent savoir que leur responsabilité n’en est que plus grande. Parce que, le recevant, leur conscience est réveillée. Doit être réveillée. Avant le Christ, c’est la Loi qui éveille les consciences, rappelant où est le bien et où est le mal. Avec le Christ, la Loi s’incarne, trouve son accomplissement dans la vie : suivre l’exemple du Christ, c’est accomplir la Loi bien mieux, plus sûrement et plus finement qu’en suivant des préceptes. Le Christ se donne à tous, même à Judas. Mais qui, après avoir reçu le Christ, se comporte comme Judas, doit savoir à quoi s’attendre. Ce n’est pas le Christ qui le punit, c’est lui-même qui entre dans une contradiction fatale. L’eucharistie engage la conscience de l’homme, c’est pourquoi elle est à la fois bonne et redoutable, redoutable comme tout ce qui engage notre salut et qui est en vérité une grâce, et c’est pourquoi elle doit être donnée à tous ceux qui la désirent. C’est ainsi que la justice de Dieu s’accomplit.

Voyons cela d’une autre façon. Un enfant vous est annoncé, un enfant vous vient. Voilà une grâce, voilà une eucharistie. Mais c’est aussi une responsabilité. La façon dont vous accueillez cette nouvelle et cet enfant, voilà ce qui peut faire entrer votre âme dans la béatitude, ou dans la mort. À vous de voir.

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Les premiers qui scandalisent les petits sont en vérité les derniers

Aujourd’hui il m’a fallu entendre le pape, que je n’écoutais plus depuis quelque temps, dire aux chrétiens du monde entier que ceux qui avaient commis de très grands péchés n’avaient pas à s’inquiéter, parce que c’étaient justement eux que le Christ préférait, pour leur donner son pardon. Ainsi donc on encourage les chrétiens à faire le mal, en leur assurant que Jésus préfère les pécheurs, et plus encore ceux qui commettent les plus graves péchés, et que de toutes façons ils en seront quittes. Ceci en contradiction totale avec la parole du Christ lue aujourd’hui même : « Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal. Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. »

Se rend-on compte de la gravité de telles paroles, d’autant plus graves qu’elles sont prononcées par un pape ? Certes la tendance à la complaisance envers le péché n’est en rien nouvelle, elle est un moyen de s’assurer d’une emprise sur les âmes : ne gouverne-t-on pas mieux sur les esclaves, sur ceux qui sont redevables de l’acquittement donné par le clergé, que sur les êtres libres ? Mais n’est-ce pas ainsi que l’on se complaît dans la pourriture, qu’on laisse pourrir l’Église, qu’on pervertit les âmes ? N’est-ce pas ainsi qu’on incite les âmes à se perdre, non seulement en ce monde, mais pour l’éternité ? Quelqu’un qui a le souci des âmes ne peut pas parler ainsi. Quelqu’un qui aime les hommes et veut leur salut ne peut pas parler ainsi, ne peut pas ne pas prendre au sérieux les paroles du Christ comme de tous les prophètes avant lui et après lui, affirmant certes la miséricorde de Dieu envers ceux qui demandent pardon, renoncent aux œuvres de satan et se convertissent au bien, et toujours aussi sa Justice, sans laquelle l’univers tout entier s’écroulerait.

« Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers », poursuit le Christ. L’Église véritable n’est pas l’Église apparente, et en elle il y a des derniers qui sont premiers, et des premiers qui sont derniers. Qu’ils se convertissent, avant qu’il ne soit trop tard, et qu’ils n’aient à finir dans les pleurs et les grincements de dents.

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A.A. (6)

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« L’épicerie d’art », boulevard Saint-Marcel, photo Alina Reyes

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« Je puis dire, moi, vraiment, que je ne suis pas au monde, et ce n’est pas une simple attitude d’esprit. » Antonin Artaud, Correspondance avec Jacques Rivière

Ce constat à résonance évangélique – « je ne suis pas du monde », dit Jésus selon Jean – écho également de Rimbaud en sa Saison en enfer – « nous ne sommes pas au monde » -, porteur de nuances diverses selon les locuteurs et les situations, dit de toutes façons une non-appartenance au monde, qu’elle soit originelle et assumée ou comme accidentelle et désespérée. Pour Jésus il s’agit de replacer ses disciples, comme lui-même, dans la Vérité, dont ils doivent renaître. Pour Rimbaud, il s’agit d’une dérive poétique et existentialiste. Pour Artaud, il s’agit, dit-il dans la même lettre à Rivière,  d’ « une inapplication à la vie », d’ « une maladie qui touche à l’essence de l’être », et dont il travaille à extraire une pensée.

Antonin Artaud, comme Arthur Rimbaud, comme Jésus de Nazareth, comme tous les prophètes, sont fondamentalement des errants, des « fils de l’homme n’ayant pas où reposer leur tête », comme le dit de lui-même le Christ. L’homme qui est au monde vit dans l’éternelle répétition et capitalisation de lui-même. Ce qu’il vit, il le revit, ce qu’il fait, il le refait, d’un bout à l’autre de son existence, avec des variations qui ne sont que de surface. Sa vie repose sur l’oreiller qu’il s’est fait, qui lui a été plus ou moins fourni par le monde quand il est arrivé au monde et qu’il continue à rembourrer et à entretenir par sa vie cumulative, cumulative de mort. Or seuls ceux qui ont leurs racines au ciel, et non pas dans le monde, sont quittes de l’aliénation de l’homme au monde, et reçoivent du ciel l’autre sève, la source vive que les hommes qui sont au monde ne cessent de vouloir enterrer, par peur de se voir eux-mêmes déterrés, démasqués, avec leurs chaînes au cou et aux chevilles.

Tout poésie n’est pas libératrice, loin de là. Cherchez les libérateurs, ceux qui vous renversent comme Paul fut renversé de son (hypothétique) cheval.

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L’Ange du Grand Conseil

Avant de m’endormir, les yeux fermés, j’ai vu un ruisseau humble et splendide qui traversait tout le jardin, tout droit, parsemé de lumières et de couleurs, comme si l’eau était en fleur. Une petite enfant arrivait perpendiculairement et l’enjambait aisément, bien qu’il fût pourtant large pour sa taille, quoique sa tête fût au ciel.

Saint Augustin (il faut citer ses sources), dans un même paragraphe de son sermon sur Moïse et le buisson ardent, a appelé le Christ piscine de l’Envoyé (Siloé), et, d’après Isaïe (« un enfant nous est né »), l’Ange du grand conseil. Et nous, ses humbles Pèlerins, ses anges de la terre, nous nous rappelons que plus nous nous rapprochons du point où se croisent la terre et le ciel, plus les anges et archanges, avec les âmes, avec les éléments, sont proches les uns des autres et de l’Unique, en lequel ils se fondent en communion.

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