Malheureux enfants d’Abraham

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Saint-Sauveur-in-Chora (Istanbul), photo Alina Reyes

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Un article sur les monstrueuses pratiques d’une communauté juive très minoritaire et sectaire, la communauté orthodoxe. On connaît le scandale des abus sur enfants dans le clergé catholique, on connaît moins ce qui se passe de semblable dans l’islam, mais il arrive chez eux aussi que certains responsables religieux commettent des abus de même type. On pourrait être tenté d’incriminer les religions abrahamiques, mais le fait est que l’histoire du sacrifice de son fils par Abraham – sacrifice empêché par Dieu – signale la tendance humaine universelle au nihilisme intégral que constitue l’attentat sur les enfants. D’autre part les sociétés patriarcales accordent souvent trop de prérogatives aux parents sur leurs enfants. Aux pères, dont l’autorité tourne parfois à l’empire mental (quand il n’est pas physique) sur leurs fils ou filles. Et aux mères, auxquels n’est accordé d’autre pouvoir que leur pouvoir sur leurs enfants, lequel s’exerce parfois par des pratiques plus que limites sur le corps des nourrissons (je me souviens qu’un par ailleurs très bon obstétricien maghrébin m’avait dit qu’il était normal que les mères fassent des baisers au sexe de leur bébé garçon) ou plus souvent par le contrôle abusif du corps des enfants – par la pudibonderie ou la surveillance de la masturbation. Tout cela crée des adultes déséquilibrés, voire détruits, en tout cas prompts à l’autodestruction et à la violence sur autrui. Existe aussi la violence verbale, pire peut-être quand elle est proférée sur un ton doucereux, comme si elle était un acte d’amour (comme celle de ce père d’une parfaite famille catholique que j’entendis menacer « gentiment » son enfant, à plusieurs reprises, de l’abandonner sur le quai d’une gare ou de le jeter dans la cuvette des toilettes).

Il faut dire et redire ce qui est mauvais, si l’on veut avoir une chance de finir, peu à peu, par l’extirper du monde. C’est-à-dire, d’abord, de la tête des hommes.

Grand corps malade et petits corps sains

La presse de gauche française est schizophrène. Elle fait élire Hollande pour avoir une politique de gauche, et se réjouit quand il se décide à faire une politique de droite. Tel éditorialiste trouve même cela révolutionnaire. Tel autre estime que l’adversité a boosté le président. Ah. Tourner sa veste serait donc une révolution. N’avoir pas l’estime des électeurs serait une adversité. Renoncer à incarner ce pour quoi on a été élu serait signe de vitalité.

Le fait est qu’une politique de gauche aujourd’hui, ça n’a aucune valeur. C’est impuissant, ça ne peut rien. La première année de Mitterrand l’avait également éprouvé. Pour avoir quelque capacité à sortir des schémas périmés, il faudrait de l’inventivité et de l’audace. N’ayant ni l’une ni l’autre, Hollande se résigne à rentrer dans les vieux pots de droite, qui n’inventent rien non plus et ne font qu’accompagner servilement le monde comme il va.

Réinventons notre vie, c’est ce que nous faisons par exemple quand nous lisons internet plutôt que d’acheter leurs journaux, ou quand nous cultivons notre jardin, seul ou avec d’autres. Tous ceux qui baignent dans l’ordre ancien font un grand corps malade, poussif et sans souffle. Mais nous, au quotidien, avec notre entourage, avec tous ceux qui sont libres des institutions, nous pouvons former des petits corps sains, souples, mobiles, aptes à la rencontre, à l’échange, et aux fructifications qui s’ensuivent. 

Droit des cuissées et insulte aux êtres libres

Je me promenais bienheureuse, un putain de connard sans raison m’a insultée. Il a arrêté sa voiture, m’a appelée pour me demander un renseignement. Mais en fait, ce qu’il m’a demandé, c’est si j’avais quelque chose à vendre. Il a ajouté, goguenard : « vous comprenez ce que je veux dire, hein ? » Et avant que j’aie eu le temps de lui dire quel gros con il était, il a redémarré. Un mec arabe d’une quarantaine d’années, j’étais habillée tout à fait sobrement, en jeans et en manteau, et mes cheveux gris ne l’ont pas dissuadé de m’insulter, même un niqab n’y aurait pas suffi. En rentrant à la maison je regarde les titres de l’actualité, je me dis et de l’autre côté c’est le droit des cuissées, tous les mecs qui ont un quelconque pouvoir estiment que les femmes leur doivent d’être séduites, et les femmes qui rentrent dans leur jeu en sont récompensées d’une façon ou d’une autre, quand ce n’est plus l’une c’en est une autre et ainsi de suite, elles sont aussi responsables de l’indignité faite aux femmes que celles qui portent le voile pour se conformer à la loi des hommes. Femen, cela veut dire cuisse, voilà en effet ce que sont nombre de femmes pour nombre d’hommes, dont ceux qui soutiennent les Femen. Celles qui refusent ça le paient cher, voire très cher, comme d’ailleurs les hommes qui refusent les rapports de sujétion et d’intérêts entre hommes. Bande de misérables.

Un rêve

J’ai fait un rêve merveilleux. D’abord je roulais longuement en voiture, jour et nuit, par tous les temps, admirant le paysage, faisant des pauses, repartant… Les paysages étaient beaux et colorés comme des tableaux, beaucoup de nature et aussi des cités qui apparaissaient, une merveille de voyage. Puis j’arrivais au Vatican, où je prenais mon service de femme de ménage, très tôt le matin. Je mettais ma blouse blanche de chimiste, celle que je mets à la maison pour peindre, et je commençais à laver le sol d’un immense hall. J’étais seule et c’était vraiment très sale, je n’arrivais pas à tout enlever, à mesure que j’étais passée d’autres saletés apparaissaient, il y avait même des branchages morts, c’était vraiment beaucoup de travail. Mais j’avançais, toute joyeuse.

J’étais presque au bout du hall, et sachant qu’il allait falloir que je recommence depuis le début. Un homme de ménage est arrivé, celui que j’ai photographié un jour en train de balayer dans la grotte de Lourdes, autour de la montagne de cierges. Il m’a informé que j’avais pris mon service très en avance, que les équipes allaient arriver maintenant en fait, et que je ne portais pas la blouse réglementaire. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter de n’avoir pas tout nettoyé, c’était normal, les équipes qui arrivaient allaient prendre la relève pour finir le travail. Et voilà soudain qu’un homme arrive vers moi, c’est Benoît XVI. Je suis si contente de le voir ! Alors qu’il est encore à quelques mètres, je lui dis tout simplement, toute sourire : « bonjour, vous allez bien ? » Et il me répond sur le même ton tranquille, tout sourire. Nous nous mettons à marcher doucement en parlant de tout et de rien. Au début il était en pape mais en fait il est un homme normal et nous sommes les plus vieux amis du monde. Nous arrivons au bout du hall, la lumière entre à flots par de vastes baies vitrées. Tantôt derrière la vitre et tantôt de l’autre côté, dans l’herbe, nous regardons la route où commence à affluer le peuple, en une intense circulation. Les gens se déplacent en masse car une très grande fête se prépare dans le monde. C’est d’ailleurs pourquoi il me fallait nettoyer ce hall, afin qu’il soit propre pour la célébration, d’autant que pendant ces jours de fête ce sera congé pour tout le monde. Benoît XVI me parle maintenant de son fils, je ne savais pas qu’il en avait un, au début je me dis qu’il a peut-être été marié avant d’entrer dans les ordres, que c’est sûrement pour cela qu’il est si à l’aise avec moi, une femme, que nous nous entendons si bien. Mais en fait il semble que son fils soit encore un petit enfant, ce qui est merveilleux. Je lui demande comment il est venu ici, jusqu’à ce hall où je travaille, et il me dit à pied, ce que je trouve merveilleux.