Une librairie dans la cave et un éditeur à la ferme

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« Hélas, la Russie n’est plus ce « pays qui lisait le plus au monde ». Dans les années 1990, de très nombreuses librairies ont fermé et les Russes ont perdu le goût de lire. Ils le retrouvent toutefois aujourd’hui, peu à peu, et ce notamment grâce à quelques aventuriers qui ouvrent des librairies indépendantes à leurs risques et périls. Elles ne sont encore qu’une vingtaine dans tout le pays, étant donné les tarifs de location élevés des espaces commerciaux, le fait que les gens n’ont pas beaucoup d’argent à dépenser pour les livres et l’absence totale de soutien étatique au secteur. Dans ces conditions, tenir une librairie de qualité relève de l’exploit. Olga Tchernavskikh et Sergueï Soloviev font partie de ces héros quotidiens. En 2013, ils ont ouvert une librairie dans la cave d’un immeuble constructiviste de Ekaterinbourg. Le journaliste culturel Andreï Koulik écrit pour le sitekultpro.ru comment il l’a découverte et pourquoi il l’aime. » À lire sur Le Courrier de Russie, ainsi que cet autre article sur un retour à la terre. Temps des germinations.

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Je suis la Commune

Ce que j’ai vécu en voulant rendre service aux hommes a révélé la face répugnante des clercs en tous genres. C’est pourquoi je ne pourrais plus travailler avec les gens de culture ou de religion ou de quoi que ce soit d’autre compromis ensemble dans la dérive. Cela n’enlève rien à la valeur des textes, ni à la valeur des justes, qui ont assez de courage, de cœur et d’honneur pour ne pas se laisser convaincre par le mensonge, la parole manipulatrice, le système faux et faussaire. C’est si spectaculaire, la façon dont l’opinion croit aux notaires, aux notables, aux installés, et dont tant de prétendus révolutionnaires les suivent comme des toutous leurs mémères.

Ambiance, élections

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Il y avait aussi, quelques rues plus loin, deux graffitis de la même main, l’un disant « Lisez Houellebecq », l’autre « La France doit rester française ».

Quel citoyen pourrait être plus nul que ÇA ?

Étant donné l’état de notre classe politique, je suis pour qu’on tire au sort les gouvernants, plutôt que d’aller voter. Même si le sort était peu propice, cela ne pourrait pas être pire.

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On achève bien les pauvres

Imaginez une personne qui a commencé à travailler de façon déclarée, donc en payant ses cotisations, à l’âge de dix-huit ans. Et qui a continué à le faire toute sa vie. Que cette personne se retrouve à l’âge de cinquante-neuf ans atteinte d’un cancer, et que le médecin lui prescrive un arrêt de travail pendant la radiothérapie, qui occasionne plusieurs semaines d’obligations quotidiennes de soins à l’hôpital, et de fatigue due à la maladie et aux traitements. Eh bien, depuis le 4 février dernier, si cette personne non salariée a eu moins de 3698 euros de revenus annuels au cours des trois dernières années, elle n’aura pas droit aux indemnités journalières de vingt euros auxquelles elle aurait eu droit précédemment. Vingt euros par jour, ce n’est pas une fortune, mais cela compte, quand on est pauvre. Et ce n’est pas demander la charité publique, quand on a cotisé pendant quarante-et-un ans. Je suis dans le cas de cette personne, je n’ai jamais demandé d’arrêt maladie de toute ma vie, et c’est au moment où j’en ai besoin que j’apprends l’existence de ce tout récent décret, qui sape complètement les droits des plus faibles revenus, pour les indemnités de maternité comme pour la maladie. Si cela m’arrive, cela arrive certainement aussi à beaucoup d’autres de tomber malades et de se voir refuser le droit aux indemnités pour lequel ils ont cotisé pendant des décennies. Qui gouverne ce pays ? La gauche, paraît-il.

J’ai plusieurs livres en cours d’écriture, je suis en ce moment fatiguée, je ne peux travailler comme je le voudrais. J’ai obtenu une bourse du Centre National du Livre, elle va bien tomber – beaucoup d’auteurs ont bénéficié au cours de leur carrière de nombreuses bourses et autres aides, résidences d’écriture etc (pour compenser le statut pratiquement dénué de droits des écrivains, derniers servis dans le système de l’édition, mais malheureusement pas de façon équitable, puisqu’il faut avoir l’heur de plaire aux instances chargées de distribuer la monnaie). Ce ne fut jamais mon cas, et une fois remboursées les dettes dues au refus des éditeurs de me publier depuis quelques années, il ne me restera rien de cette bourse. Quoiqu’il en soit, je continuerai à écrire ce que j’ai à écrire.

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Joyeux printemps !

Malgré une éclipse qui nous rappelle les heures les plus sombres de notre histoire.

À Paris où je suis, pollution et ciel bas, la lumière baisse mais pas de croissant de soleil avec le café ce matin.

La dernière fois, en 1999, nous avions quitté Paris en voiture vers le nord avec nos bébés, pour aller l’observer. Avec beaucoup d’autres. Des voitures sur les routes, puis garées partout sur les bas-côtés… On aurait dit un exode, mais heureux. En 2003, j’ai observé une éclipse partielle dans les Pyrénées au pied du pic du Midi, avec télescope sur la place du village, c’était le printemps, les enfants étaient là, tout le monde était là, c’était convivial et il faisait très beau, les montagnes rayonnaient.

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Localité, universalité, actualité de la Commune

http://dai.ly/x2jnfs6
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Intéressant lapsus d’Alain Badiou dans cet entretien avec Kristin Ross : « on ne peut pas le faire sans oublier que l’ennemi veut le crime », dit-il, en voulant dire le contraire. Or c’est ce qu’il prononce malgré lui qui est vrai.
Un événement comme celui de la Commune n’implique pas le crime en retour, mais le fait que le crime ait lieu est simplement une preuve (non nécessaire) de la réussite de la Commune. Qui, comme tout événement juste, continue à vivre, à être en mouvement – qu’il ait été tué ou non. Simplement cela ne se passe pas dans le monde apparent, le monde que nous croyons réel alors qu’il est mortel et sans cesse mourant, mais dans le monde profond, d’où il s’épiphanise ici et là dans l’espace et le temps, tout en étant à la fois l’un des moteurs et l’un des guides de l’humanité, comme le sont les juments et les jeunes filles dans le poème de Parménide.
Il faut « oublier » que « l’ennemi veut le crime » au sens où : il faut le faire malgré la menace. Il ne s’agit pas ici d’un oubli qui altérerait la vérité, mais d’un oubli qui vainc la volonté de l’ennemi. Un « oubli » qui permet de faire ce qu’il faut faire malgré la menace. Ainsi, malgré la volonté de crime et l’accomplissement du crime, ce qui (de l’événement juste) a été fait, en pensée, en parole ou en action, continue à se faire : rien n’a pu l’empêcher de se faire, rien ne pourra l’empêcher de continuer à se faire, rien ne pourra le défaire qu’il ne s’en renouvelle, qu’il n’en renaisse ou n’en ressuscite. Ce qui lui donne sa force est justement de n’avoir pas cédé à la tentation de se protéger par une organisation qui entrerait d’une façon ou d’une autre en contradiction avec ce qu’il est (comme cela fut fait dans l’instauration des régimes communistes), et qui tôt ou tard assurément le conduirait à sa fin (comme c’est arrivé) : le communisme léniniste ou maoïste est fini, contrairement à l’esprit de la Commune, qui est resté pur, donc viable. La Commune ne s’est laissée ni récupérer, absorber par le système dominant, ni laissée aller à la tentation de se maintenir et de vaincre par un système de domination qu’elle aurait elle-même mis en place. Dans l’un et l’autre cas, elle aurait signé elle-même sa mort, à plus ou moins long terme. Or, nous le voyons bien, elle est toujours vivante – c’est-à-dire non pas identique dans ses manifestations à ce qu’elle fut lors de son apparition, mais identique en son « idée » et changée en ses expressions selon le mouvement naturel, non forcé, de la vie. Et elle est encore toute jeune. Dans son enfance ou sa petite-enfance, même.

Art brut ?

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Visitation du jeune homme de Caillebotte, image Alina Reyes

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« Nous entendons par là [Art Brut] des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistiques, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écritures, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. » Jean Dubuffet, tiré de L’Art Brut préféré aux arts culturels, Paris, Galerie René Drouin, 1949.

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« L’Art Brut doit être envisagé comme un pôle, ainsi que l’a précisé Jean Dubuffet. Certaines expressions – comme l’art naïf, l’art enfantin, l’art primitif, mais aussi l’art populaire ou les graffiti –, tout en étant foncièrement distinctes de la radicalité de l’Art Brut, en sont plus ou moins proches : il y souffle le même vent. » Lucienne Peiry

Ce texte et d’autres sur le site de la Collection de l’art brut de Lausanne 

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« Tels sont ces artistes, l’expression d’aucune école, et pourtant sortis des disciplines les plus endurcies de la résistance au monde. » Erri De Luca, in L’Art Brut dans le monde (ouvrage collectif)

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« Qu’aiment aujourd’hui artistes et amateurs dans l’art « brut » ? Son entière liberté. »
Philippe Dagen

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Voir aussi mes autres notes avec des images d’oeuvres d’artistes singuliers