Homère : il m’a donné sa tête à manger (en rêve), et je l’ai mangée. Elle était pleine de fils multicolores, c’était un peu comme manger des spaghetti, mais avec un goût d’ambroisie.
Rimbaud : il est venu chez moi (en rêve), je lui ai donné un lit pour la nuit. Je suis aussi allée sur sa tombe à Charleville-Mézières (en réalité), où il m’a effleuré l’épaule.
Kafka : je l’ai regardé à travers une porte (en rêve).
Poe : j’ai traduit plusieurs de ses nouvelles, quand j’avais dans les vingt-sept ans – mais je n’ai pas gardé les traductions, elles ont disparu dans l’un de mes déménagements.
Lautréamont : j’ai passé quelques jours à Tarbes avec lui, notamment dans le parc. Je suis aussi allée chercher sa tombe au cimetière de Montmartre. C’était une belle journée d’automne, j’ai longtemps marché dans les allées, avec un corbeau qui marchait à côté de moi et à qui je parlais. Il n’y avait personne. Je n’ai pas trouvé sa tombe alors je suis allée me renseigner au bureau du cimetière. Les personnes qui étaient là ne savaient pas qui il était, j’ai expliqué que c’était un grand poète à l’existence mystérieuse. J’ai donné son nom d’état-civil, Ducasse. Nous avons cherché ensemble dans les registres de 1870, remplis de noms écrits à la plume. Finalement il s’est avéré que ses ossements avaient été déplacés deux fois, et qu’on ne sait pas aujourd’hui où ils se trouvent. Avoir vécu cela, seule dans le cimetière avec le corbeau, puis plongée avec un employé dans l’encre du grand registre des morts, était aussi beau que de le lire.