Ah tu verras, tu verras… On connaît la chanson. Et cinéma du jour

Il nous faudra donc attendre encore un mois pour avoir quelques tests et quelques masques – un masque par personne, un test pour les malades, voilà tout ce qui est annoncé. Rien sur les tests sérologiques, rien sur l’ouverture d’hôtels pour l’isolation des contaminés pas ou peu symptomatiques, etc. Et d’ici là nous sommes livrés au virus sans protection, sans les élémentaires protections que tant de pays, dont de bien moins riches que le nôtre, fournissent à leur population. Depuis 2017 la société française vit un cauchemar qui vraisemblablement ne pourra pas prendre fin tant que Macron sera là, à faire n’importe quoi, à faire tourner en bourrique la population avec ses incohérences, sa perversion narcissique, et avec son inertie ahurissante maintenant face à la pandémie.

couv_cnrIl a hier soir fait allusion, sans le dire, aux « jours heureux », le programme du CNR, qu’il détruit systématiquement (cette façon d’introduire toujours dans ses discours des plagiats, signant la fabrication, la volonté de manipulation). Comment pourrait-on lui accorder crédit quand il semble songer à y revenir, alors qu’il n’évoque jamais la part des riches, de la finance ? Au printemps 2017, lors de l’élection présidentielle, ce blog ayant été en panne quelques jours, j’en avais fondé un autre que j’avais intitulé Magazine des jours heureux, par référence aussi au Conseil National de la Résistance et pour avertir du désastre auquel on pouvait s’attendre avec Macron.

Et début décembre 2018, ici, je présentais ainsi le documentaire que je repropose en cinéma du jour, Les jours heureux :  « L’histoire du Conseil National de la Résistance et de l’élaboration de son programme pour une société meilleure reste à méditer, en ces temps d’éloge présidentiel à Pétain, d’achèvement de la destruction de la République – la chose publique – et de mouvements de résistance et de révoltes qui se succèdent depuis le début du XXIe siècle sous des formes diverses, dans un long et souvent douloureux accouchement, qui finira logiquement par une nouvelle mise au monde. »

Salam alaykoum, Michel Chodkiewicz

 

Michel Chodkiewicz est mort ce 31 mars à l’âge de 90 ans. Il était le président des éditions du Seuil quand j’y ai publié mon premier livre. Je ne l’ai jamais rencontré, et j’ignorais alors qu’il était un spécialiste du soufisme, et particulièrement d’Ibn Arabî, après s’être converti à l’islam à l’âge de dix-sept ans – ce qui témoigne déjà d’une sacrée personnalité pour un aristocrate d’origine polonaise et catholique. J’avais consacré une série de notes à son livre Le Sceau des Saints.

Dans la dernière de ces notes, je mentionnais ce mot de lui : « la fin des saints n’est qu’un autre nom de la fin du monde ».

Disons que le monde des menteurs, des manipulateurs, des criminels, des avides, bref des anti-saints, est un monde toujours en train de mourir et de s’enterrer dans son mensonge. Tandis que l’autre monde est toujours en train de donner et de rendre la vie, et de veiller sur elle. Comme nous le voyons avec éclat en ces temps de pandémie.

Allah y rahmou.

arbre 12-min

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Lettre ouverte à Vanessa Springora

 

Chère Vanessa Springora,

Quelques heures après sa parution, votre livre, Le Consentement, était déjà en rupture de stock à la Fnac où je suis allée le chercher. Cela n’est sans doute jamais arrivé à un livre de Gabriel Matzneff, dont les ouvrages se sont vendus à 800 exemplaires, 3000 dans le meilleur des cas. Le nombre de ventes ne dit rien de la qualité d’un livre mais il se trouve que le vôtre mérite amplement le succès – je peux le dire après l’avoir finalement trouvé dans une Maison de la Presse et l’avoir lu d’un bout à l’autre avant la fin de la soirée.

Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous, a écrit Franz Kafka. C’est ce que fait le vôtre, et non pas seulement en ce nous qu’est chaque lectrice, chaque lecteur, mais en ce nous qui composons une société, ébranlée ces derniers jours par votre livre, éberluée du silence complice dont elle accompagna les livres de Matzneff pendant des décennies, du soutien encore très récent, voire réitéré ces jours-ci, de certains personnages de ce petit milieu littéraire que vous connaissez, éberluée de leur aveuglement et d’un certain aveuglement collectif sur les abus commis impunément par des figures de notables des lettres ou de la culture.

Merci pour ce dégel, donc. Votre livre est parfait, témoignage vivant et poignant sans pathos ; et j’espère que sa publication finira de vous libérer de l’emprise inique exercée par cet adulte manipulateur, avec le consentement au moins passif de son et de votre entourage. Je vois avec tristesse, à vous lire, combien il est plus difficile de se rétablir d’une telle agression lorsqu’on l’a vécue dans son enfance ou son adolescence. J’ai eu aussi à supporter et combattre les agissements et les manipulations d’abuseurs de Saint-Germain-des-Prés, mais je n’étais plus une enfant depuis longtemps et je n’ai pas eu à souffrir de savoir que tel ou tel prédateur intellectuel prétendait me peindre dans tel ou tel ouvrage, car j’étais assez aguerrie spirituellement pour savoir que ces portraits n’étaient en rien les miens et qu’ils ne comptaient pas. Je me permets de vous le dire : ce n’est pas ce qu’a écrit Matzneff sur vous qui compte, ce ne sont pas non plus les lettres que vous lui avez envoyées et qu’il reproduit – puisque, vous l’expliquez très bien, ces lettres ne faisaient que remplir une sorte de cahier des charges de la lettre littéraire telle que Matzneff, bien peu inventif, la voulait. Ce qui compte, c’est votre parole à vous. Votre livre, plus fort que tous ceux de Matzneff réunis et d’ailleurs déjà tombés dans l’oubli. Votre désir de découper en confetti les écrits de Matzneff vous fait sans doute un inutile mal. Pour ma part, je me suis contentée de jeter à la poubelle (celle des ordures ordinaires, pas celle des recyclables) les livres qui ne méritaient pas d’autre sort à mes yeux.

Vous êtes directrice d’une maison d’édition, vous êtes une femme puissante. Ce que vous êtes, ainsi que votre livre, suffit à renverser le monde patriarcal et ses représentations éculées, si vivaces et coriaces chez Matzneff, selon qui le rêve secret des femmes est d’être lobotomisées, et ses amis qui ne comprennent pas non plus que nous sommes en train de changer de paradigme, je dirai même de politique. Toujours accroché au vieux monde, Matzneff se plaint puérilement que vous ne l’ayez pas peint à son avantage. Dans son vieux monde, les hommes écrivent des livres et pour les écrire se servent des femmes (ou des enfants) qu’ils manipulent afin de les plier à leur fantasme et à leur œuvre. Il n’est pas question, dans leur vieux monde, que leurs modèles se rebellent, ni tout simplement qu’elles se mettent à parler aussi. Et ils font tout, forts de leur alliance séculaire et organisée comme le crime, pour les faire taire. Mais dans le monde réel, et singulièrement dans le monde en train d’advenir, les femmes parlent. Et le cauchemar de ces « vieux hommes », c’est que beaucoup de femmes parlent mieux et plus fort qu’eux. Vous avez le pouvoir de le faire, continuez.

Le cœur léger, je vous salue

Alina Reyes

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voir aussi : Affaire Matzneff, le consentement au crime des élites

et : Dimension politique de l’affaire Matzneff

Le Grand Remplacement, par Younès (actualisé)

18-12-2019. C’est un des rôles essentiels des artistes que d’ « exorciser » le monde de ses mauvais démons. Younès a ici parfaitement fait le job, ils sont sortis par légions. Molière aussi faisait ainsi, et en eut quelques problèmes. Mais il ne serait pas Molière s’il ne l’avait pas fait. Baudelaire disait que la ruse du diable était de faire croire qu’il n’existait pas. Si on ne voulait pas croire à la virulence du racisme caché dans les replis de nos sociétés, par l’art d’un titre Younès a fait apparaître cette réalité.

Ajout du 7-12-2019 : Un jour après sa mise en ligne, la vidéo a été commentée par une horde de fachos que la jalousie enrage, haha. Si ces « identitaires » avaient un peu de la culture française de Younès, ils rendraient plutôt hommage à sa discrète mais puissante actualisation du Cyrano d’Edmond Rostand, avec sa tirade sur le nez et son indissociable tirade des « Non, merci ».

« Rien ne se remplace, tout se transforme », dit-il. Écoutez, voilà du son, du rap, de la poésie, de la musique, de la vie, de la bonne politique aussi. Je lui laisse la parole :

 

J’suis parti d’chez mes ronds-da sans un rond gars
C’est du pera pas du reggae j’ai décidé d’me décider faire d’la musique
Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi

 

 

Le grand remplacement ?
C’est ta fille qui me kiffe,
Qui va me faire des enfants
Et ils auront mon pif !

 

J’déboule dans ta vie comme les trottinettes à Paris
J’veux l’argent des Qataris Monsieur l’agent sur l’tatami

[Pré refrain]
J’suis parti d’chez mes ronds-da sans un rond gars
C’est du pera pas du reggae j’ai décidé d’me décider faire d’la musique
Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi

[Refrain]
Elle veut qu’j’lui fasse un bébé
Puis deux, puis trois
Elle veut qu’j’lui dise que je l’aime
Puis que, j’y crois
J’suis jamais sûr de moi,
Quoi l’amour dure trois ans ?
Han l’amour dure deux mois
Ouais l’amour dure deux mois
L’grand remplacement c moi
Puis eux, puis toi,
Les grands méchants c’est nous, Rebeu, Renoi
Moi perso ça me va
J’préfère mourir loup garou
Que vivre en villageois
Que vivre en villageois

(suite des paroles sur Youtube)

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L’école de l’air

J’ai préparé cette note le 25 novembre dans l’après-midi, un peu avant l’accident d’hélicoptère dans lequel treize soldats français sont morts en opération extérieure au Mali. Je rends hommage à leur courage.

 

« Zazen signifie être droit. C’est redresser sa colonne vertébrale et son cou, ne pas pencher à droite, ne pas pencher à gauche. Si votre corps est droit, votre esprit le sera aussi. Le corps et l’esprit sont liés. Un corps droit reflète un esprit droit. »
Ekiho Miyazaki, moine zen

« Perfection mentale et perfection morale sont toujours étroitement liées. »
«  Oubliez-vous, vous-même et vos misères, dans l’aspiration à une conscience plus vaste, sentez la Force plus grande à l’œuvre dans le monde et faites de vous-même un instrument pour un travail, si petit soit-il. Mais quelle que soit la méthode, vous devez l’accepter tout entière et y mettre toute votre volonté ; avec une volonté divisée et vacillante vous ne pouvez espérer réussir en rien : ni dans la vie ni dans le yoga. »
Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga

« Le discernement résolu
N’a qu’un seul but, cher Arjuna.» [le dieu s’adresse à l’archer Arjuna sur le champ de bataille]
Bhagavad-Gîtâ

«L’aigle de Jupiter, lassé de voir les Dieux
Descendit sur la terre faire des envieux
Il prit la mâle allure d’un Français de vingt ans
Qui de son masque dur rit au ciel hardiment.
Race d’aiglons jamais vassale
Monte sans peur vers le soleil
Le sol pour toi, n’est qu’une escale
Et ton royaume, c’est le ciel
Contre l’ennemi qui t’assaille
Ou le vent qui veut te dompter
Dans le ciel pour champ de bataille
Tu auras toujours à lutter.
De l’École de l’Air, c’est un jeune aspirant
Œil vif, l’âme guerrière, cependant cœur aimant.
Pour ce joyeux rapace, se battre est un plaisir
Quand il doit faire face, il sait vaincre ou mourir.
Dans le ciel bleu de France, bien des aigles sont morts
Recueillons leur vaillance, leur cœur palpite encore
De leur race nous sommes, nous serons dignes d’eux
L’aigle a quitté les hommes et fait trembler les cieux.
Jamais aiglon ne laisse ses ailes outragées
Jamais il n’a de cesse qu’il ne les ait vengées.
Accablé sous le nombre, remportant des victoires
Les aigles d’heures sombres sont triomphants de gloire.»

Chant de l’Armée de l’Air

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Mon goût de la vie monastique et mon sens du combat me font admirer pleinement les rites et les règles de l’École de l’Air de Salon de Provence. Comme « le Couteau du Yoga » (selon l’Upanishad éponyme), la discipline librement consentie, recherchée, fructifie en coupant les liens du désir. Ce qui ne signifie pas couper le désir. Mais délier l’être d’une vie soumise aux assauts et aux fluctuations des désirs de toute espèce. Purifier le désir en le coupant de la basse cour du monde. En faire un instrument, le poignard apte à se couper lui-même de ce qui le rend aveugle, de ce qui rend l’être aveugle. L’aigle a d’excellents yeux.

 

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