Château de Chambord, bords de Loire, Clos Lucé (dernière maison de Léonard de Vinci)

« Qui s’oriente sur l’étoile ne se retourne pas » Léonard de Vinci

Attention, splendeurs ! Visiter les bords de Loire, c’est aller aux noces de la nature et de la culture. La puissante rivière sauvage, indomptable, nourrit un paysage plein de verdure et de douceur, où les châteaux ont poussé comme des fleurs, notamment à la Renaissance. O et moi sommes allés hier au château de Chambord, puis, après avoir longé la Loire, à Amboise dans le beau castelet avec parc et jardin où la vie et l’œuvre de Léonard de Vinci ont été magnifiquement reconstitués par la famille Saint Bris, propriétaire de l’extraordinairement émouvante maison où, sur l’invitation de François 1er, le génie des arts et des sciences  a passé les trois dernières années de sa vie, après avoir traversé les Alpes, à l’âge de 64 ans, avec La Joconde, La Vierge à l’Enfant avec sainte Anne, Saint Jean Baptiste, ainsi que ses carnets, croquis, dessins, et manuscrits.

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chambord 1-minDans la brume matinale, apparition féérique du château de Chambord

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chambord 4Un poêle immense, où l’on pourrait brûler un arbre entier !

chambord 5Le lettre de François 1er et son emblème, la salamandre

chambord 7-minJe trouve à ce roi une riante allure de Gascon, qui rappelle l’esprit de Montaigne

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chambord 9-minL’escalier à double révolution inspiré de Léonard de Vinci : deux hélices entrecroisées qui ne se rencontrent jamais : à gauche sur l’image, l’arrivée de l’un, à droite, celle de l’autre

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chambord 12-minla couronne

et la fleur de lys

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chambord 14-minBeaucoup de murs du château sont couverts de graffiti, souvent anciens ou très anciens. Jean de La Fontaine et Victor Hugo feraient partie de ces centaines de tagueurs. « J’ai visité Chambord. Vous ne pouvez-vous figurer comme c’est singulièrement beau. Toutes les magies, toutes les poésies, toutes les folies même sont représentées dans l’admirable bizarrerie de ce palais de fées et de chevaliers. J’ai gravé mon nom sur le faîte de la plus haute tourelle. », écrivit en 1825 Hugo à son ami, le poète Saint-Valry.

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Puis, traversant de somptueuses forêts, nous avons rejoint et longé la Loire, splendide et souveraine même dans ses voiles de brume, avec ses îles et ses oiseaux :

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Enfin nous avons visité le bouleversant Clos Lucé :

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clos lucé 4-minla chambre de Léonard

clos lucé 6-minson atelier

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clos lucé 7-minson cabinet de travail

clos lucé 8-minavec son cabinet de curiosités

clos lucé 9-minla salle à manger

clos lucé 10-minla cuisine

clos lucé 11-mintoute une partie du castelet est dédiée à la reconstitution de ses multiples inventions scientifiques et technologiques époustouflantes

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clos lucé 12-minLa silhouette de Léonard dans le souterrain de 700 mètres que François 1er avait fait creuser entre le château royal d’Amboise et le Clos Lucé, et par où il rendait visite chaque jour au génie

clos lucé 14-minPuis nous descendons au jardin et dans le parc, où ont été également reconstituées, et intégrées harmonieusement dans la nature, plusieurs de ses machines fantastiques. Leonard est clairement le génie du mouvement.

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clos lucé 18-minJe photographie mon reflet dans le panneau qui protège son moulin à eau

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clos lucé 20-minO fait tourner l’hélicoptère inventé par Léonard

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clos lucé 27-minétude du corps et nature

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clos lucé 29-minphotos Alina Reyes

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site du Clos Lucé

site du château de Chambord

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Zeppelins sur Paris

zeppelin sur paris, dessin-minEn marge de la terrible guerre des tranchées qui faisait rage à une centaine de kilomètres de là, le soir du 29 janvier 1916, deux zeppelins furent envoyés en raid sur Paris. L’un dut faire demi-tour pour avarie, l’autre, à la faveur des nuages qui le dissimulaient, largua rapidement ses bombes sur Belleville et Ménilmontant, faisant 26 morts et 32 blessés.

Voici le compte-rendu de l’évènement dans L’Humanité du lendemain :

DES ZEPPELINS SUR PARIS

DES BOMBES TOMBENT
boulevard de Belleville, rue de Ménilmontant et rue Haxo. Un immeuble détruit. Il y a des victimes.

À vingt-deux heures moins un quart, alors que comme les jours précédents, Paris était dans le calme le plus complet, les pompiers sortaient de leurs casernes, parcouraient les rues à toute vitesse, en cornant, tandis que les clairons sonnaient le « Garde à vous ». Des zeppelins ou des aéroplanes allemands étaient signalés comme ayant franchi les lignes du camp retranché de Paris.

En effet, à vingt-et-une heures vingt, le gouvernement militaire était informé que des zeppelins étaient passés au-dessus de la Ferté-Milon, à 30 kilomètres de Château-Thierry et à 80 kilomètres de Paris.

La nouvelle fut accueillie avec une placidité parfaite. Loin de se cacher dans les caves, les habitants se précipitèrent vers les places et surtout vers la butte Montmartre. Ceux qui étaient chez eux sortirent sur les trottoirs, scrutant le ciel qu’éclairaient les projecteurs.

Tout à coup, à vingt-deux heures dix, trois détonations qui furent entendues d’un bout à l’autre de Paris et même en banlieue, ébranlèrent les maisons.

Sans doute des coups de canon à blanc destinés à effrayer les mécaniciens des aéronefs pour leur faire rebrousser chemin, pensa-t-on aussitôt, tant les coups avaient suivi de près l’alerte.

Telle n’était point, hélas ! la vérité, c’était bien des bombes et des obus qui venaient d’être lancés d’une grande hauteur, car on ne vit rien, absolument rien, dans le ciel.

Un premier projectile était tombé boulevard de Belleville, près de la rue Risson. Deux arbres furent déracinés, une excavation d’un diamètre de six mètres fut creusée mais il n’y eut là aucun accident de personne.

Une seconde bombe tomba près du 88 de la rue de Ménilmontant. Il y aurait eu là plusieurs blessés.

La plus violente explosion se produisit rue Haxo. Un obus tomba sur l’immeuble du numéro 86, qui fut en grande partie démoli et on en eut à déplorer la mort de plusieurs personnes.

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La parole du jour est au poète belge Émile Verhaeren, sur un précédent raid des zeppelins :

LES ZEPPELINS SUR PARIS

21 Mars 1915.

Sous les étoiles d’or d’un ciel ornemental
Glissent les Zeppelins dans la clarté hardie
Et le vent assaillant leurs parois de métal
En fait luire et siffler l’armature arrondie.

Un but sûr, mais lointain, les hèle et les conduit ;
Et tandis qu’ils ne sont encor qu’ombre et mystère
Leur vol énorme et lourd s’avance dans la nuit,
Et passe on ne sait où, au-dessus de la terre.

Les plaines et les bois se dérobent sous eux
Et les coteaux avec leurs fermes suspendues
Et le bourg et la ville aux étages nombreux
D’où leur présence proche est soudain entendue.

Aussitôt jusqu’au Sud, et de l’Est et du Nord,
S’émeut et retentit le télégraphe immense ;
La menace est criée et la vie et la mort
Organisent partout l’attaque ou la défense.

De toutes parts est perforé l’espace gris ;
Des foyers de lumière en tous coins se dévoilent
Et leurs barres de feu vont ramant sur Paris
Avant de remonter se cogner aux étoiles.

Ceux qui guident le vol des navires, là-haut,
Voient luire à leurs côtés la grande Ourse et les flammes
D’Hercule et d’Orion, d’Hélène et des Gémeaux,
Et s’estomper au loin le Louvre et Notre-Dame.

La ville est à leurs pieds et se tasse en sa nuit
Et se range et s’allonge aux deux bords de la Seine ;
Voici ses palais d’or et ses quais de granit
Et sa gloire pareille à la gloire romaine.

L’ivresse monte en eux et leur orgueil est tel
Que rien jusqu’à leur mort ne le pourra dissoudre.
Ne sont-ils pas à cet instant les rois du ciel
Et les dieux orageux qui promènent la foudre ?

Ils bondissent dans l’air lucide ; ils vont et vont,
Évoquant on ne sait quel mythe en leur mémoire
Et creusent plus avant un chemin plus profond,
Dites, vers quel destin de chute ou de victoire.

Les projecteurs géants croisent si fort leurs feux
Qu’on dirait une lutte immense entre les astres
Et que les Zeppelins se décident entre eux
À déclencher soudain la mort et les désastres.

Pourtant jusqu’à Paris aucun n’est parvenu.
Avant qu’un monument ne devienne ruine
Ils s’en sont allés tous, comme ils étaient venus
Avec le coup de l’échec dur en leur poitrine.

Ils n’ont semé que ci et là, de coins en coins,
La mitraille qu’ils destinaient au dôme unique
Où dort celui qui les ployait sous ses deux poings
Et les dominait tous, de son front titanique.

Et, peut-être, est-ce lui qui les a rejetés
Du côté des chemins où la fuite s’accoude,
Rien qu’à se soulever, lentement, sur son coude
Tel que pour le réveil Rude l’avait sculpté.

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texte : wikisource

Rude et la longue histoire des carnages :

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voir aussi Mémoire des lieux de la Grande Guerre dans la Somme

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« Galeries Lafayette », par Gertrude Stein (ma traduction)

René Magritte, "Golconde", 1953

René Magritte, « Golconde », 1953

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Un, un, un, un, il y a un tas d’eux. Il y a tout un tas d’eux. Il y a un tas d’eux. Chacun d’eux est un. Chacun est un, il y a un tas d’eux. Chacun est un, il y a un tas d’eux, il y a tout un tas d’eux. Chacun est un, il y a un tas d’eux.

Chacun est un. Chacun est un, il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chacun est venu s’accoutumer à ça. Chacun est un. Il y a un tas d’eux.

Chacun est un, chacun s’est accoutumé à ça. Chacun est un. Chacun est un, il y a un tas d’eux. Chacun est accoutumé à ça. Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un, chacun a l’habitude d’être cet un. Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un, chacun a tout à fait l’habitude d’être cet un. Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un, chacun a tout à fait l’habitude d’être un. Chacun a tout à fait l’habitude d’être cet un. Chacun est un. Chacun a tout à fait l’habitude d’être cet un. Chacun est un. Il y a un tas d’eux.

Chacun est un. Chacun est cet un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chacun est cet un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un.

Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est cet un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chacun est accoutumé à ça. Chacun est un. Il y a un tas d’eux.

Chacun est accoutumé à être un. Chacun est accoutumé à être cet un. Il y a un tas d’eux. Chacun est accoutumé à ça.

Chacun est un. Chacun est cet un. Chacun est tout un d’eux. Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chacun est cet un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chacun est tout un d’eux. Chacun est un. Chacun est accoutumé à être cet un. Chacun est accoutumé à être tout un d’eux.

Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chacun est accoutumé à être cet un. Chacun est tout à fait accoutumé à être cet un. Chacun est un. Chacun est l’un qu’un est en étant cet un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un qui est un en étant l’un d’eux. Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chacun est un.

Chacun est un. Chacun est accoutumé à être cet un. Chacun est un. Chacun est accoutumé à être cet un étant cet un. Certains sont accoutumés à cet un étant cet un. Certains sont parfois accoutumés à cet un étant cet un. Cet un est accoutumé à cet un étant cet un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chacun est cet un. Chacun est tout à fait accoutumé à chaque un étant cet un. Chacun est un. Chacun est tout à fait accoutumé à être cet un. Chacun est un. Chacun est cet un. Chacun est accoutumé à être un. Chacun est un. Chacun est un.

Chacun est un. Chacun est cet un qu’est un. Chacun est un. Chacun est en train d’être un. Chacun est un. Chacun est en train d’être l’un qu’est en train d’être un. Chacun est un. Chacun est en train d’être l’un que chaque un est en train d’être. Chaque un est en train d’être un. Chacun est en train d’être l’un qu’un est en train d’être. Chacun est un. Chacun est un.

Chacun est un. Chacun est très bien accoutumé à être un. Chacun est très bien accoutumé à être cet un. Chacun est un. Chacun est un. Chacun est très bien accoutumé à être cet un, à être l’un qu’est en train d’être un. Chacun est un. Chacun est très bien accoutumé à être cet un. Chacun est très bien accoutumé à être un qu’est en train d’être un. Chacun est un. Chacun est très bien accoutumé à être l’un que chacun est en train d’être. Chacun est un. Chacun est un. Chacun est en train d’être l’un qu’est en train d’être un.

Il y a un tas d’eux. Chacun est un étant cet un. Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un. Chaque un est tout un, tout un est chaque un. Chacun est un. Chacun est un et chacun est l’un que chaque un est en train d’être en étant cet un. Chacun en étant un est un étant un étant spécialement cet un. Chacun en étant un est un étant cet un, est un étant un étant spécialement cet un. Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un et est en train d’être cet un, en train d’être cet un spécial, spécialement en train d’être cet un. Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un étant spécialement cet un, spécialement l’un qu’est en train d’être un.

Chacun est un et est cet un et est spécialement cet un et est cet un spécial et est accoutumé à être cet un, est habitué à être cet un, est tout à fait habitué à être cet un, est très bien accoutumé à être cet un, est certainement très bien accoutumé à être cet un spécial, est très bien accoutumé à être spécialement cet un, est très bien accoutumé à être l’un qu’est un, est un qu’est en train d’être un et chacun est un et il y a un tas d’eux et chacun est tout un et tout un est un, est un spécial un, et chacun est un, et il y a un tas d’eux et chacun est tout un d’eux et tout un d’eux est un spécial un, et chacun est un, chacun est l’un qu’est en train d’être cet un, et chacun est un, et chacun est en train d’être l’un que chacun est en train d’être, et chacun est un, et chacun est en train d’être chaque un, et chacun est en train d’être l’un que chaque un est en train d’être, et chacun est un est l’un qu’est un, chacun est en train d’être un est un étant l’un qu’est un. Chacun est un. Il y a un tas d’eux. Chacun est un étant l’un spécial qu’un est en train d’être.

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Gertrude Stein par Man Ray, en 1926

Gertrude Stein photographiée par Man Ray en 1926

One, one, one, one, there are many of them. Le texte originel en américain peut être lu ici (en cliquant sur la dernière page proposée), dans le volume Portraits and Prayers de Gertrude Stein (1934).

Pour le traduire, j’ai été attentive à la sonorité, et j’ai joué avec les mots un (chaque un) et être, qui sont les deux mots de ce fascinant poème, et aussi –  ce qui n’y est pas en anglais -, avec le « d’eux » qui peut évoquer, par homophonie, deux ou d’œuf.

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Faire œuvre (et contrer les forces de mort)

coquillagesphoto Alina Reyes

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Que vais-je faire de ces quelques coquillages ramassés l’autre jour sur la plage, à Saint-Malo ? Tout en travaillant à mon œuvre d’écriture en cours, je suis travaillée par le désir de faire œuvre d’art plastique. En arts plastiques, je ne suis qu’une petite amateure, mais cela n’empêche pas que ce genre de travail, de recherche, de création, a une grande importance pour moi. Chaque être humain doit exercer sa capacité d’invention, faire œuvre de recherche, quel que soit le domaine de recherche qui l’appelle.

Qu’est-ce que l’art ? La recherche. Qu’est-ce que l’art ? La condition du vivant. Pas seulement la condition de l’homme vivant : la condition du vivant. J’appelle art tout travail d’invention, que ce soit celui de la chenille qui se transforme en papillon, celui de la plante qui fleurit, celui de l’oiseau qui chante, fleurit et danse sa cour d’amour, celui du mathématicien qui ouvre des mondes, etc. Que ce soit en art ou en littérature ou bien en sciences, en technologie, en cuisine, etc. Notre vie aussi peut être une œuvre d’art. À condition de sortir de l’existentialisme affirmé ou diffus qui nous enjoint d’ « exister », qui donne comme condition à atteindre notre être la nécessité de développer notre existence, une existence qui prend le sens de place dans la société et de visibilité dans le monde, une existence qui est enflure de l’ego et destruction de l’être, l’être originel qui nous est donné et que nous n’avons nullement à conquérir, l’être-enfant dont nous avons seulement à préserver la vie en nous, la fraîcheur, l’inventivité, à les faire fructifier en adultes. La différence entre un·e grand·e artiste et un·e artiste amateur·e vient de la qualité et de la quantité d’être et de temps investi dans l’art en question. Rien d’autre. Tout enfant est artiste, tout enfant invente.

J’ai écouté avec grand intérêt la conférence d’Anish Kapoor au Collège de France, et je regarde avec grand intérêt aussi les vidéos d’Arte sur des artistes, dans la série Rendez-vous chez les artistes et dans la série l’atelier A. Je ressens le désir de retourner dans les rues avec mon caddy à la recherche de choses à récupérer pour en faire autre chose. Je ressens le désir d’accompagner mon travail littéraire par un travail de recherche qui déborde la littérature, qui déborde l’art aussi, qui prenne toute la vie. Je l’ai écrit il y a 27 ans : il faut inventer sa vie. Ce qui revient à la donner. Inventer, c’est, étymologiquement, venir dans ; alors qu’exister, c’est sortir de ; or on ne peut sortir de soi si on ne descend pas d’abord en soi, épuiser le soi : c’est par le fond qu’on sort de soi (comme lorsqu’on jouit, qu’on soit homme ou femme). L’existence existentialiste n’est qu’un oubli de l’être profond et une enflure du soi superficiel, porteuse des pires et des plus dévastatrices valeurs, comme la grenouille dans la fable de La Fontaine, fonctionnant à l’envie, à la compétition, à la stupidité, à la morbidité. Nous voyons malheureusement ce que cela donne politiquement en ce moment, avec la montée des néofascismes en Europe et outre-Atlantique.

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Des classifications. Exemple : le clownesque

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La science avance en inventant (trouvant) de nouvelles classifications. Les classifications passent trop souvent pour des réalités définitives alors qu’elles ne sont que des points de vue circonstanciés. La science avance en multipliant les points de vue. J’ai une idée de classification nouvelle et révolutionnaire en biologie, je l’exposerai peut-être un jour. Les sciences humaines aussi nécessitent une constante remise en question et réinvention des classifications. Les historiens par exemple remettent en question les classifications « Moyen Âge » et « Renaissance ». Réinventer les classifications ne signifie pas rejeter tout des classifications anciennes, mais permet de sortir de leurs limites et de se donner de nouveaux outils, de voir autrement, et à partir de là de découvrir d’autres choses.

En littérature et en art, nous avons besoin aussi d’ouvrir notre regard. Nous apprenons en littérature à distinguer le baroque, le classicisme, le romantisme, le réalisme, le naturalisme, le symbolisme etc. Nietzsche a inventé le dionysiaque et l’apollinien, classifications qui ouvrent un autre point de vue au-delà des classifications académiques précédentes. Pour ma part, je ferais entrer Nietzsche dans une classe que j’appellerai le clownesque. Une classe qui se joue des époques. Le mot clown date du XVIe siècle, il désigne d’abord le paysan, d’après une racine germanique signifiant « motte de terre », avant de devenir un personnage de cirque et de théâtre. Mais le clownesque, dans ma conception de cette catégorie, est de tous les temps. Il y a des clowns de l’Homme – véreux, fascistes, populistes et autres autocrates, imposteurs de la pensée, de l’art, de la littérature, qui mettent l’homme plus bas que l’homme. Et les clowns de Dieu qui, partant de l’humilité de l’homme, l’élèvent à ce qui le dépasse – ce sont là les inventeurs que je classe comme clownesques. J’emploie le mot humilité car il renvoie aussi, étymologiquement, à la terre, à la motte de terre, comme le mot clown. Le clownesque pourrait s’apparenter au baroque mais à la différence de ce dernier, qui tient son nom d’un mot portugais signifiant « perle irrégulière », le clownesque ne part pas d’une préciosité, même détournée, mais d’une humilité. Si le clownesque peut aboutir comme le baroque à une forme d’exubérance, ce n’est pas comme le baroque par l’exubérance et la richesse des moyens, mais par leur humilité, leur économie. Et je vois dans cette catégorie des créateurs et des interprètes aussi variés que, entre beaucoup d’autres, Sophocle, Shakespeare, Bach (la classification comme baroques de ces deux derniers pose problème), Nietzsche, Kafka, Gogol, la Callas, Glenn Gould ou Basquiat. Toute une étude peut être développée sur ce concept du clownesque, sa métaphysique, ses façons de dépasser l’homme tantôt en auguste et tantôt en clown blanc, à partir de diverses formes d’humilité.

Dans une émission de télévision de 1960 sur CBS, Leonard Bernstein compare une partition de Bach et une page de Shakespeare. De même que Bach écrit des suites de notes presque toujours dépourvues d’indications musicales, Shakespeare établit une liste de personnages sans didascalies qui indiqueraient quel temps il fait, etc., dit-il. On pourrait dire que Bach, à la base, ce sont des notes et un clavecin, c’est tout. Et Bonnefoy disait qu’on devrait jouer Shakespeare sans décors. Les personnages de Sophocle, comme les clowns, sont des masques. Les enjeux sont métaphysiques, non pas psychologiques, sociologiques, humains-trop-humains. Nietzsche parle depuis l’animal, comme souvent Kafka, par ailleurs dépouilleur de langue. Gogol parle depuis le fou, la Callas depuis la blessée, Glenn Gould depuis l’autiste, Basquiat depuis la rue. C’est depuis leurs humilités respectives, et par la distance qu’elles instaurent entre eux et l’humain content de lui-même, que ces artistes atteignent des sommets inouïs. Et si on les écoute très bien, ils font rire. C’est ainsi qu’ils rendent les humains (leurs auditeurs, leurs lecteurs…) non pas passifs, comme lorsque tout ce qu’il y a à servir leur est servi (et plus ce qu’il y a à servir est peu de chose, plus ce peu leur est tout entier servi – ainsi dans l’art et la littérature à bon marché, faciles, « grand public »), mais actifs, nécessairement interprètes de tout ce que l’humilité foncière de leur art délègue à leurs libres interprétation, pensée, développement.

Voici le passage de l’émission avec Bernstein et Gould (qui joue à partir de 5:08)

L’émission vaut grandement d’être écoutée en entier, avec notamment à partir de 40:06 la présence de Stravinsky en personne dirigeant les trois dernières scènes de son Oiseau de feu :

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Sur la prétendue « autodestruction d’une œuvre de Banksy »

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Ce bout de toile ne pouvait avoir ni la volonté ni la capacité de se détruire lui-même. L’acte a été réalisé par la volonté et l’ingéniosité de Banksy. Il ne s’agissait pas d’un acte de destruction d’une œuvre, puisqu’il n’y avait pas là une œuvre mais la reproduction à l’acrylique et à l’aérosol sur une toile d’une œuvre originelle réalisée dans un espace public, sauvagement. Dans cette salle des ventes, la déchiqueteuse de bureau, manipulée à peu de distance, n’a fait que découper mécaniquement, avec plus de froideur qu’un boucher, une pièce déjà morte.

– x – = +

Comme dit l’autre, si vous voulez de la vie, laissez les morts enterrer les morts. Une salle des ventes, une machine à broyer, une contrefaçon d’œuvre : c’est bien plus que le marché de l’art que Banksy a remis en question par la création de cette œuvre saisissante que les médias appellent « autodestruction d’une œuvre de Banksy ». C’est toute la société actuelle, son traitement mensonger, morbide, des humains eux-mêmes et de ce qui est humain. Ce coup d’éclat est la réalisation d’une œuvre invisible, la mise en évidence de l’invisibilisation de l’œuvre par la police politique. Le 23 octobre 2013, il y a cinq ans, Banksy postait sur son compte Instagram, à la place d’une photo de son œuvre du jour, un panneau disant sobrement noir sur blanc : « Today’s art has been cancelled due to police activity ».

Screenshot_2018-10-07 Banksy ( banksy) • Photos et vidéos Instagram

La destruction spectaculaire de son ersatz d’œuvre par Banksy constitue une œuvre en forme de trace. Trace de l’activité de la « police » (police des puissances de l’argent et du spectacle au sens debordien) entravant ou annulant la parution libre de l’œuvre portant témoignage de vérités, ou la neutralisant en la récupérant. Trace de la puissance et de la présence puissante de l’artiste invisible, ou inconnu faudrait-il dire comme pour le soldat. Trace de la spectacularisation du faux et de l’invisibilisation du vrai. Trace de la séparation grandissante entre l’art et les forces bourgeoises de la société, manifeste dès le tournant des XIXe et XXe siècles – que l’on songe à l’occultation des œuvres d’un Rimbaud, d’une Camille Claudel ou d’un Van Gogh, elles aussi, depuis, récupérées par les forces de l’argent. Trace de la misère de toutes ces forces morbides conjuguées, de leur néant de machines à broyer qui ne peuvent en vérité broyer que leurs propres productions comme toute bureaucratie génère, en même temps que de la paperasse, de la destruction de paperasse.

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La recherche est sauvage, pénétration dans la sauvagerie, la forêt (c’est le sens étymologique de sauvage) de l’être. L’art est recherche. La science, la littérature sont de l’art. Le reste n’est que fausse littérature, destinée à finir dans les égouts du temps (la toile pendouillant du cadre marronnasse n’évoque-t-elle pas du papier toilette pendouillant du distributeur ?) Le geste de Banksy ne dit pas seulement la misère du marché qu’est devenu le monde, ou du moins le monde visibilisé par lui-même. Il révèle la puissance des vérités occultées, que leur occultation rend plus puissante encore en les rendant doublement témoins, en acte : des forces de la mort, et de celles de la vie.

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L’amour court les rues, voici ses traces du jour

trottoir 1Je devais aller chercher un livre que j’avais commandé. Sur le chemin, boulevard de l’Hôpital, j’ai photographié les inscriptions sur le trottoir

trottoir 2

trottoir 3*

La boutique où je devais retirer mon livre était fermée, j’avais près de deux heures devant moi avant son ouverture. Je suis allée à la mairie du 13e, où je savais qu’il y avait une nouvelle exposition d’un peintre chinois.

shanping liuSa fille était en train de finir de l’installer, j’ai parlé avec elle.

shanping liu,

shanping liu 1Shanping Liu peint beaucoup, à l’encre, les cyprès, nommés en Chine arbres de vie, et qui peuvent vivre 5000 ans

shanping liu 2C’est très très beau. Et aussi la montagne, et ses monastères

shanping liu 3

shanping liu,,

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graff

Comme il me restait encore du temps, je suis allée, de l’autre côté de la place d’Italie, jusqu’à ma friperie préférée, Guerisol, où j’ai trouvé un bon pull et un chemisier quasi neufs à 3 euros chacun

guerisol

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Puis je suis retournée à la boutique où j’ai enfin récupéré mon colis. Je me suis dirigée vers le jardin des Plantes dans le but de m’y asseoir pour découvrir mon livre. En chemin, j’ai photographié des espaces végétalisés sur les trottoirs.

anarchie vegetale pour un monde moins brutalSur le petit panneau en haut de celui-ci, on pouvait lire : « anarchie végétale pour un monde moins brutal »

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vegetal,

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Une fois au jardin, j’ai ouvert mon colis et découvert cette merveille,

monsters,,My Favorite Thing is Monsters, le roman graphique d’Emil Ferris, tout au stylo. Il vient de paraître aussi en traduction française, mais je préférais avoir la version originale. Magnifiquement dessiné, mis en page, raconté.

monsters

monsters,

Après avoir lu et contemplé les premières pages au soleil, je suis allée à la bibliothèque du jardin où je me suis assise pour dessiner « les doigts verts » dans mon carnet avec mon stylo 4 couleurs

arbre,

Hier après-midi à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes

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