Avant la représentation, j’ai photographié le plafond de l’Odéon, peint par André Masson
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Ce mercredi soir je suis allée écouter à l’Odéon, sur invitation, une lecture des écrits de la comédienne trop tôt disparue Valérie Lang. Réflexions sur le théâtre, sur l’engagement politique, sur son expérience de vie, qui ont notamment beaucoup intéressé le jeune comédien qui m’accompagnait. Trois lecteurs se relayaient : Josiane Balasko, Stanislas Nordey, Pascal Rambert. La présence extraordinaire de Josiane Balasko rendait le texte qu’elle lisait littéralement vivant. Elle lisait sobrement, se tenait sobrement assise, était vêtue sobrement, ne cherchait pas d’effets, mais elle habitait tout le théâtre. Valérie Lang dans ses écrits parlait à plusieurs reprises de la question de l’être. Voilà, Balasko était, est.
En rentrant, j’ai songé à ce que m’avait dit le kiné qui me faisait faire ma rééducation après que je m’étais cassé la cheville, à la montagne. Il avait eu l’occasion de soigner des sportifs de haut niveau, et de constater que leurs qualités physiques naturelles, leurs capacités de récupération etc., étaient exceptionnelles. Ils n’étaient pas faits comme tout le monde, et mon kiné en était resté aussi stupéfait et admiratif que je l’ai été ce soir en constatant la présence exceptionnelle de Josiane Balasko. L’être est un don. Et comme dans tout art, il ne suffit pas d’avoir la technique, d’avoir fréquenté les bonnes écoles ou les bons ateliers d’écriture : si tu n’as pas l’être, si tu en as trop peu, ton art ne vaudra rien. Tout art est théâtre, lieu où l’on vient voir l’invisible, et il ne peut se manifester et se voir que s’il est plein d’être.
Par la belle journée d’hier, O a repris son vélo avec Madame Terre et l’a emmenée accomplir le rituel chez Pauline Viardot, une cantatrice étoile en son temps comme Maria Callas au siècle suivant, auprès de qui vécut Ivan Tourgueniev, auteur à redécouvrir, qui contribua notamment par ses écrits à l’abolition du servage en Russie. Et, tout près de leur datcha, chez leur voisin Georges Bizet, que nous écouterons chanté par Maria Callas.
L’accès à la maison est clôturé par un haut grillage, mais O a trouvé un endroit où il a pu passer par-dessus et entrer
cherchez les trèfles à quatre feuilles !
Puis, à quelques dizaines de mètres de là, la maison de Bizet
Aujourd’hui Bizet aurait sans doute du mal à composer de ce côté de sa maison, bordé par une route très passante, mais à l’arrière, toujours la paix de la Seine…
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Pour finir, Maria Callas, qui sait se faire attendre, et se donner :)
L’idolâtrie occidentale envers le Dalaï-lama témoigne d’un romantisme, d’un aveuglement, pour tout dire d’une bêtise consternante. Je réédite cette note du 23 février dernier en supprimant la vidéo d’un film médiocre sur la voyageuse et en la remplaçant par des enregistrements extrêmement intéressants où elle parle du Tibet et de son histoire. Y sont évoqués notamment Gurdjieff, qui fut précepteur du dalaï-lama, les guerres et les férocités séculaires entre Chine et Tibet et aussi entre Tibétains, qu’elle appelle « grotesque et sanglante comédie », la doctrine bouddhiste, la vie des moines tibétains.
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Voici un documentaire tourné dans sa dernière maison, où on la voit notamment parler à l’âge de 101 ans avec une parfaite vivacité intellectuelle. Elle devait mourir quelque temps après, alors qu’elle venait de faire renouveler son passeport.
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« Féministe, anarchiste, cantatrice à ses débuts, théosophe, écrivain et journaliste… Le plus grand explorateur du XXème siècle est une femme ! Alexandra David-Néel, exploratrice, féministe, anarchiste, bouddhiste, première femme lama, premier européen à être entré au Tibet en 1914… » Ainsi la présente le site qui lui est consacré.
Je l’ai lue il y a très longtemps avec bonheur. Et je fus ermite en montagne moi aussi – à une moindre altitude, mais véritablement seule (elle, était accompagnée de son serviteur). « Je suis ce qui fut, ce qui est et ce qui sera et nul n’a jamais levé mon voile », disait-elle.
Le travail de ces artistes femmes sur le corps des femmes est capital. Les musées sont pleins de nus, spécialement féminins, peints par des hommes, et le monde ne dispose que du regard des hommes sur les femmes, ou presque.
Et les gardiens de musée, comme elle dit, jouent leur rôle : celui de gardiens de choses mortes, et de chasseurs d’êtres vivants. Exactement comme en littérature, dans l’édition, la critique, on vante les poètes et les auteurs morts, et on se débarrasse des vivants, soit en les poussant à se conformer au marché, soit en neutralisant leur œuvre par le traitement qui en est fait, le plus souvent au prétexte de la promouvoir (mais les plus promus sont les moins vrais, les plus insignifiants, les plus assimilables, c’est plus sûr), soit encore, s’ils sont irrécupérables, en les excluant.
Car si pour ces gardiens les œuvres qu’ils gardent étaient réellement des œuvres vivantes, comme elles le sont pour qui les voit avec des yeux bien vivants, s’ils reconnaissaient et aimaient vraiment l’art, ils ne songeraient pas un instant à chasser Deborah de Robertis. Mais les amateurs d’art et de littérature, ou du moins ceux qui vivent de l’art et de la littérature faits par d’autres, ne sont en fait que des conformistes, des assis parlant volontiers de révolution et mourant dans leur confort, des imposteurs contribuant à l’imposture et à l’aveuglement du monde que les artistes et les auteurs révèlent.
Voici une présentation de cette grande artiste, puis des vidéos dans lesquelles on la voit peindre.
« Judy est née dans le milieu des années 1930 à Yanungkanji et morte en 2016. Judy montre une vigueur exceptionnelle pour une femme aborigène de son âge et de son gabarit (elle est petite et menue comme Minnie Pwerle). Les motifs, très probablement inspirés par le site sacré de Mina Mina sont particulièrement dynamiques et très riches en couleurs, marque des artistes de Yuendumu. Au Temps du Rêve, des Bâtons à Fouir (kuturu) ont émergé de la terre à Mina Mina et Kimayi.
Les Femmes vont s’en saisir pour leur voyage vers l’Est. Durant leur périple elles réalisèrent des cérémonies, chantant et dansant et créèrent des sites sacrés comme Janyinki. » Source et suite
« Il est dit que dans le temps du rêve, deux créatures ancestrales émergèrent du sol. Ces créatures plutôt femmes, avaient noms Napangadi et Napanangka. Autour d’elles la terre était sans relief, sans lumière et sans vie. Elle désirèrent alors ardemment que le monde prenne vie et se se mirent à le chanter, et par leur puissance mentale peut-on dire, l’eau parut sous forme des lacs Mina Mina.
Elles en furent joyeuses et se mirent à danser entre les points d’eau en formant deux lignes sinueuses qui s’entrecroisaient. Alors un végétal apparut : la liane Ngalyipi. (mot qui signifie « petit serpent »). Elles s’en firent des ceintures et continuèrent à danser. Alors surgirent les fruits et les racines qu’elles collectèrent avant de poursuivre leur route. » Source et suite
En ce moment difficile de notre histoire, rappelons-nous que nous, centaines de milliers, millions de femmes, de trans, d’hommes et de jeunes qui sommes ici à la Marche des Femmes, représentons les puissantes forces de changement déterminées à empêcher les cultures moribondes du racisme et de l’hétéro-patriarcat de se relever.
Nous reconnaissons que nous sommes les agents collectifs de l’histoire et que l’histoire ne peut être supprimée comme les pages web. Nous savons que nous nous rassemblons cet après-midi sur les terres indigènes et nous suivons la voie des premiers peuples qui malgré la violence génocidaire massive n’ont jamais renoncé à la lutte pour la terre, l’eau, la culture, leur peuple. Nous saluons particulièrement aujourd’hui le Sioux Rock Permanent.
Les luttes des Noirs pour la liberté, qui ont façonné profondément l’histoire de ce pays, ne peuvent être balayées d’un geste de la main. On ne peut pas oublier que les vies noires importent. Ce pays est ancré dans l’esclavage et le colonialisme : pour le meilleur ou pour le pire, là est le fond de l’histoire des États-Unis, une histoire d’immigration et d’esclavage. Ce n’est pas en propageant la xénophobie, en hurlant des accusations de meurtres et de viols, ni en construisant des murs, qu’on effacera l’histoire.
Aucun être humain n’est illégal.
La lutte pour sauver la planète, pour arrêter le changement climatique, pour garantir l’accès à l’eau sur les terres de Standing Rock Sioux, à Flint, au Michigan, en Cisjordanie et à Gaza ; la lutte pour sauver l’air : c’est le point de départ de la lutte pour la justice sociale.
C’est une marche des femmes et cette marche des femmes représente la promesse du féminisme contre les pouvoirs pernicieux de la violence étatique. Un féminisme inclusif et intersectionnel qui nous invite tous à nous joindre à la résistance au racisme, à l’islamophobie, à l’antisémitisme, à la misogynie, à l’exploitation capitaliste.
Oui, nous saluons la lutte pour 15 [pour un salaire minimum à 15$]. Nous nous consacrons à la résistance collective. La résistance aux milliardaires, aux profiteurs d’hypothèques et à la gentrification. Résistance à la privatisation des soins de santé. Résistance aux attaques contre les musulmans et les migrants. Résistance aux attaques contre les handicapés. Résistance aux violences étatiques perpétrées par la police et par le complexe industriel carcéral. Résistance à la violence sexiste institutionnelle et intime, en particulier envers les femmes trans de couleur.
Les droits des femmes sont les droits humains partout dans le monde et c’est pourquoi nous demandons liberté et justice pour la Palestine. Nous célébrons la libération imminente de Chelsea Manning et celle d’Oscar López Rivera, mais nous demandons aussi celle de Leonard Peltier, de Mumia Abu-Jamal et d’Assata Shakur.
Au cours des mois et des années prochaines, nous serons appelés à intensifier nos revendications de justice sociale, à devenir plus militants dans notre défense des populations vulnérables. Ceux qui défendent encore la suprématie de l’hétéro-patriarcat blanc masculin feraient bien d’y faire attention.
Les 1459 jours à venir de l’administration Trump seront 1459 jours de résistance. Résistance sur le terrain, résistance dans les salles de classe, résistance au travail, résistance dans notre art et dans notre musique.
Ce n’est que le début, et pour reprendre les mots de l’inimitable Ella Baker : « Nous qui croyons en la liberté, nous n’aurons de cesse jusqu’à ce qu’elle advienne ». Merci.