Galets peints

galets peints 1-min

galets peints 2-min

galets peints 3-min*

Au paradis on peut faire son travail avec cœur, ou tout simplement aller se promener ; on peut faire l’amour, ou tout simplement aimer ; on peut écrire, ou tout simplement peindre. Des cailloux, par exemple. O m’ayant rapporté des galets, j’ai eu envie de les peindre. En fait il y a un moment que j’ai envie de peindre, et que je ne le fais plus parce que mon appartement est saturé de peintures, et d’autre part parce que je suis occupée à écrire. Mais j’ai trouvé comment continuer : en peignant des galets, qui prennent peu de place, ou en peignant par-dessus d’anciennes peintures dont je ne suis pas satisfaite – c’est ce que je ferai quand je ferai une pause dans l’écriture, très bientôt peut-être car j’en ai grand désir. À moins que je ne parvienne à peindre le matin et la nuit, par exemple, et écrire l’après-midi. On verra. C’est moins une affaire de temps que de partage dans la tête, souvent il faut être toute entière à une création, sans passer de l’une à l’autre.

J’ai d’abord lavé les galets dans l’eau savonneuse, je les ai rincés et séchés. Puis, sans idée préconçue, j’ai commencé à les peindre à l’acrylique, en passant de l’un à l’autre : en attendant qu’une couleur sèche sur l’un, la passant sur un autre. Je les ai peints comme des tableaux, c’est-à-dire en superposant les couches si nécessaire, en improvisant sur le support jusqu’à ce que je sois satisfaite. Puis je les ai vernis. J’ai laissé le verso au naturel, afin qu’il témoigne de ce qu’était le caillou avant transformation. Avec les cailloux, comme avec le bois, l’intérêt est aussi de jouer avec la structure, les formes voire les couleurs naturelles du galet – comme avec les nœuds sur une planche de bois et les mouvements sur une branche sèche. Ceux-ci sont donc mes trois premiers, il m’en reste beaucoup d’autres et O m’en rapportera autant que j’en voudrai.

 

galets peints 4-mincopyright Dieu & Alina Reyes

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De manuscrit en manuscrit

Toujours, comme hier, en rapport avec mon manuscrit en cours, et après avoir fait mon quasi devoir conjugal avec mon journal intime, j’ai fait ce dessin cette nuit à main levée, en me regardant de temps en temps dans un tout petit miroir, pour étudier un peu les proportions. Puis j’ai ajouté cette citation du merveilleux Manuscrit trouvé à Saragosse, de Jean Potocki, que je suis en train de relire dans une version plus complète que celle que j’avais lue il y a longtemps – l’édition nouvelle établie par René Radrizzani, qu’on trouve au Livre de Poche, un bonheur.

 

image Alina Reyes

image Alina Reyes

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Serial ignorants et lonesome prophètes

Hier en fin d'après-midi au Jardin des Plantes, après mes heures d'excellent travail, encore, à la bibliothèque, photo Alina Reyes

Hier en fin d’après-midi au Jardin des Plantes, après mes heures d’excellent travail, encore, à la bibliothèque, photo Alina Reyes

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Acharnement médiatique sur Game of Thrones, acharnement thérapeutique sur Vincent Lambert… Les obsessions maniaques, la démence de ce monde éclatent dans les faits insignifiants comme dans les très signifiants – pour Vincent Lambert, sur le cauchemar catholique et son adoration de la souffrance. Pour GoT, j’ai regardé il y a un ou deux ans quelques saisons de la série mais je ne sais plus à laquelle je m’étais arrêtée. J’ai avalé les épisodes les uns après les autres en quelques jours, puis quand j’ai arrêté, j’ai à peu près tout oublié et le désir de regarder la suite m’a complètement abandonnée. Ainsi va le divertissement (vanté par une ministre et commenté par un philosophe fascisant – je n’ai pas gaspillé mon temps à écouter les aventures de Schiappa ni à lire l’article de Zizek, les titres suffisent souvent à s’informer). Et j’ai lu que cette dernière saison était ratée, du fait que les producteurs n’ont pas attendu que l’auteur du livre l’écrive lui-même. N’est pas auteur qui veut. J’ai lu aussi que Virginie Despentes n’était pas contente du tout de l’adaptation en série qui a été faite de ses romans, dont j’ai oublié le titre. Les raisons pour lesquelles des producteurs choisissent de médiocres scénaristes plutôt que d’excellents scénaristes sont nécessairement mauvaises. Il en va de même pour les éditeurs qui choisissent des auteurs médiocres. La médiocrité est d’abord celle de ces décisionnaires, à la fois trop paresseux, trop malhonnêtes et trop avides pour choisir l’excellence.

Dans Voyage en 2013 j’avais prophétisé le clocher d’une église écroulé, des barricades de voitures brûlées et la destruction de la cité, tout cela dans Paris. La destruction en cours de la cité ne vient pas d’un jeu de trônes, contrairement à ce que voudrait faire croire le divertissement, mais de l’imbécillité ordinaire et de la mauvaiseté politique de décideurs que, dans un monde orwellien, on appelle souvent élites, alors qu’ils sont ignorants. À part eux, tout vivant est savant, donc règne. Je suis vivante, reine et prophète.

 

dessin 3-minDessin réalisé hier soir dans mon cahier-chantier, en rapport avec ma journée d’écriture

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Barque à la licorne et chant d’Omar Khayam

barque à la licorne-min,

technique mixte, cette nuit et ce matin dans mon cahier d’écriture et dessin (qui s’inspirent réciproquement), avec hommage à Odilon Redon et à Gustave Moreau

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Ce caravansérail qu’on appelle le monde,
Tombe à double couleur, que jour ou nuit inonde,
C’est ce qui reste des banquets de cent Djamchid,
De cent Bahram couchés dans leur fosse profonde.

l’un des quatrains du poème « La roue tourne », in Omar Khayam,  Les Chants, traduit du persan par M.F. Farzaneh et Jean Malaplate, éd José Corti

Macron le minus

N'ayant pas de calendrier tout fait à afficher devant mon bureau, j'en ai fait un moi-même

N’ayant pas de calendrier tout fait à afficher devant mon bureau, j’en ai fait un moi-même

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Ma première chronique de l’année laissera la parole à Victor Hugo, dont le pamphlet sur Napoléon III, après la révolution de 1848 et le coup d’État de 1851 – pamphlet qui lui valut, non une légion d’honneur mais l’exil à Jersey – résonne de façon particulièrement adaptée à la situation d’aujourd’hui.

Je recopie la note que j’avais postée sur mon blog de secours le 16 mai 2017 (alors qu’ici était momentanément inaccessible), au lendemain de l’élection de Macron. Mon intuition n’a fait que se confirmer. La voici donc :

Monsieur Macron a déclaré vouloir être un président jupitérien. Il s’est fait passer le pouvoir avec une propagande et une emphase napoléoniennes. Mais s’il rappelle un Napoléon, pour l’instant, c’est celui que Victor Hugo dans un pamphlet célèbre appela « le petit » : Louis-Napoléon Bonaparte, jusque là plus jeune président d’une république française, élu à ce poste en 1848 à l’âge de quarante ans – avant de s’imposer au pouvoir par le coup d’État du 2 décembre 1851. Dans une semblable démangeaison d’autoritarisme à la romaine, où monsieur Macron parle de président jupitérien, monsieur Louis-Napoléon parlait de « démocratie césarienne ».

« Le citoyen Louis-Napoléon Bonaparte, écrit Victor Hugo, déplia un papier et lut un discours. Dans ce discours il annonçait et il installait le ministère nommé par lui, et il disait : « Je veux, comme vous, citoyens représentants, rasseoir la société sur ses bases, raffermir les institutions démocratiques, et rechercher tous les moyens propres à soulager les maux de ce peuple généreux et intelligent qui vient de me donner un témoignage si éclatant de sa confiance. »

Puis il y eut la suite. Il semble que Victor Hugo décrive les dirigeants d’aujourd’hui, qu’ils se nomment Macron ou autres, interchangeables qu’ils sont dans leur répétition d’une très vieille politique, comme on peut le voir :

« M. Louis Bonaparte se laisse volontiers entrevoir socialiste. Il sent qu’il y a là pour lui une sorte de champ vague, exploitable à l’ambition.

Alors il ne parle pas, il ment. Cet homme ment comme les autres hommes respirent.

(…) Dans ses entreprises il a besoin d’aides et de collaborateurs ; il lui faut ce qu’il appelle lui-même « des hommes ». Diogène les cherchait tenant une lanterne, lui il les cherche un billet de banque à la main. Il les trouve. (…)

M. Louis Bonaparte a réussi. Il a pour lui désormais l’argent, l’agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort, et tous ces hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que de la honte.

(…) Il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète.

Non, cet homme ne raisonne pas ; il a des besoins, il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Ce sont des envies de dictateur. La toute-puissance serait fade si on ne l’assaisonnait de cette façon.

(…) Il a fallu la lier, cette forcenée, cette France, et c’est M. Bonaparte Louis qui lui a mis les poucettes. Maintenant elle est au cachot, à la diète, au pain et à l’eau, punie, humiliée, garrottée, sous bonne garde ; soyez tranquilles, le sieur Bonaparte, gendarme à la résidence de l’Élysée, en répond à l’Europe »

en lire plus : le texte entier ; des extraits

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Mes 13 femmes de l’année et de l’avenir

Elles sont ce que je peux souhaiter de meilleur pour l’humanité qui vient. Mes femmes de l’année et de l’avenir sont d’abord deux jeunes filles de 16 et 14 ans, scientifiques et artistes, polyglottes, sportives et lectrices, fortes psychiquement et physiquement, d’un grand courage, sachant vivre dans différents pays et différentes conditions, en ville et dans la nature, à la dure, en route vers leur liberté accomplie. Les voyant, je vois sortir de moi, de nous, un peuple de justes.

Et de ma tête, et de mes mains, sortent des personnages qui s’écrivent, des figures qui s’esquissent et se dessinent. Voici celles de cette année 2018 qui s’achève  :

joconde roulée-min

h-min-1

t-min

la pensée-min

J'ai fait ce collage ce soir et je l'intitule Autoportrait en fête

obliques-min

h-min

evolution-min

figure-min

h,-min

t,-min

parfum-min

rando-min

 dessins et collages Alina Reyes

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Art du quotidien et autres « Origines littéraires de la pensée »

pour syd,-min

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Collage réalisé l’autre nuit. La photo n’est pas très droite et elle a des reflets qui mettent en évidence le scotch, mais c’est une occasion de montrer ma façon de faire, souvent, des collages, comme celui-ci : images récupérées dans des prospectus etc., collées sur un carton également récupéré, parfois reprises aux feutres, crayons, peintures… ou dont les contours sont comme ici simplement surlignés ; l’ensemble est ensuite protégé et solidifié par des bandes de scotch que j’aime bien espacer d’un demi-millimètre. Je pratique de même pour couvrir un agenda à 3 ou 4 euros, qui devient ainsi bien personnel, par exemple celui-ci.

La visite de l’exposition de patchworks américains me donne l’occasion de répéter l’importance de l’art, ou artisanat, pratiqué au quotidien. La société industrielle nous prive la plupart du temps de l’usage de nos mains, de l’intelligence et du savoir de nos mains. Tout s’achète tout fait, il n’y a plus rien à faire par soi-même ; c’est là un énorme facteur de dépression des êtres et des peuples. Car nous y perdons notre humanité. L’art ne doit pas être réservé à une élite. Bien sûr il y a de grands artistes, de grands écrivains, de grands musiciens, et il ne s’agit pas de confondre leur art avec l’art « ordinaire » qui fait partie, ou devrait faire partie, de notre vie de tous les jours. Mais il arrive aussi que cet art humble atteigne des sommets, alors que l’art vendu très cher est parfois une escroquerie artistique. Préoccupons-nous du geste, plutôt. Léonard de Vinci disait que c’était le geste, le plus important (l’une des raisons pour laquelle, souvent, il négligeait de finir ses œuvres, comme est censé le faire un « pro »). Ne déléguons pas l’art, pas plus que la politique, pas plus que notre vie, à des « pros ». Nous sommes tous des « pros », dont la profession est de vivre. Pleinement, humblement, librement.

J’ai complété la liste de mes livres en ajoutant, à la fin, plusieurs ouvrages collectifs (dont les Origines littéraires de la pensée contemporaine). Il en manque encore, que j’ignore ou dont j’ai oublié le titre, comme ce petit ouvrage publié en 2001 en soutien aux femmes forcées de se voiler (mais je ne suis pas pour l’interdiction du voile s’il ne cache pas le visage), auquel j’avais participé avec ce petit poème que j’ai retrouvé en ligne :

Noir, le voile.

Noire, la bouche close.

Noir, l’écran. Entre la mère et le fils, entre l’amante et l’amant, entre le frère et la sour, entre la femme et l’homme. Noir, noir, noir.

Noir, le drap de mort où ils t’emmurent vive.

Noir, le pubis qui a vu naître leurs idées noires.

Noire, la bête que tu es dans leur tête noire de haine.

Noire la tombe où tomba l’humanité.

Noires, leurs mains.

Noir sur noir, ma lettre, mes mots que tu ne peux pas voir, pas dire, et que tu renvoies pourtant, papillons noirs d’avant l’instant où l’on devient aveugle.

Je t’en supplie, garde dans ta chambre noire la lumière qu’ils ont perdue et dont ils auront besoin, un matin.

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