J’ai sans doute eu le choléra, d’après la médecin, il y a plus de vingt ans en Afrique du Nord, qui m’a conseillé de rentrer en France, n’ayant pas au village où nous étions de quoi faire les analyses (j’ai pris ses antibiotiques et dès que j’ai été en mesure de me remettre en route nous sommes partis). J’ai eu deux fois un cancer. J’ai eu le covid, sans gravité mais avec un peu d’inquiétude quand même. J’ai guéri des grands et des petits maux, comme j’ai guéri des souffrances mentales que la vie implique. La médecine est à remercier grandement, mais il faut parfois savoir guérir aussi par d’autres moyens, notamment quand il s’agit de souffrances mentales et que le psy refuse de croire ce que vous lui racontez, le mal qu’on vous fait. Le psy comme les autres – il y a des choses que personne ne veut savoir, beaucoup de rescapés d’horreurs diverses en ont fait l’expérience : il leur faut guérir autrement. Et guérir à la fois du mal qui leur a été fait, et du fait que personne ne veut l’entendre. Parce que les autres doivent aussi se protéger du nihilisme. Personne n’a envie de se pencher au-dessus de l’abîme, quand il est là. Malheureusement, à ne pas vouloir savoir, on risque fort de faire soi-même un pas fatal dans le gouffre qu’on n’a pas voulu voir.
Quand j’ai appris à ma médecin généraliste que j’avais un cancer (le premier), elle m’a dit, étonnée : « ça n’a pas l’air de vous affecter beaucoup ! ». C’est qu’en fait, j’avais des problèmes beaucoup plus graves. Mon cancer n’était pas a priori trop grave, je savais que la médecine était capable de me guérir. Alors que pour mes autres problèmes, dont tout d’abord la perte de mon travail, de ma possibilité de gagner ma vie comme je l’avais jusque là toujours fait en écrivant, il n’y avait aucune aide – à part l’amour des proches, qui est capital, mais qui ne peut tout arranger, d’autant que votre problème les touche eux aussi, gravement. Il semble qu’on fasse des progrès, tout de même, dans l’écoute des souffrances que jusque là on ne voulait pas écouter. C’est long, difficile, et très loin de profiter à tout le monde, mais ça existe quand même. C’est un bien pour l’humanité.
Dans l’Odyssée, nous voyons Ulysse et les autres guerriers qui peuvent être féroces, verser des torrents de larmes chaque fois qu’une peine les affecte. Ce sont des gens isolés, personne ne peut leur venir en aide. Mais comme le dit Homère à moment donné, ceux qui se lamentent n’agissent pas. Pour sauver l’humanité du mal que fait l’humanité, il faut agir, c’est certain. D’une manière ou d’une autre. Ulysse ou ses compagnons pleurent quand ils ne voient pas d’issue, mais dès qu’une manifestation divine se fait, la capacité d’agir revient, la lumière revient, le salut revient ; et nous savons qu’Ulysse va rentrer à la maison.
Je m’exerce à la course en fractionné, c’est-à-dire en alternant différents rythmes, sans autre méthode pour l’instant que mon ressenti. C’est très agréable d’accélérer ou de décélérer nettement de temps en temps, ça évite la monotonie de la course et ça permet de progresser. J’ai arrêté de courir en musique car j’en avais assez de ma playlist, il faudrait que je trouve le temps d’en faire une autre et aussi de changer mes vieux écouteurs qui tiennent mal dans les oreilles, car la musique aide bien aussi. La musique évite de trop regarder la distance, elle permet de l’oublier un peu, elle contribue à l’euphorie et aide à chercher à se laisser porter par sa propre course.
De temps en temps à la place du yoga quotidien je fais de la barre au sol ou autre gym et un peu de musculation avec mes petits haltères, c’est un tel bonheur de se sentir ferme et souple, de sentir ses muscles. Quand je me suis mise au yoga, il y a deux ans après quelques années sans sport, je me suis rendu compte, en faisant la chandelle en short, que la peau de mes cuisses en se renversant se révélait froissée par le temps. Mais quand j’ai remusclé mes cuisses, ma peau s’est trouvée de nouveau correctement tendue sur ma chair, les muscles étant plus fermes et ayant remplacé ce qui était sans doute un peu de graisse. Ce n’est pas cependant l’esthétique le principal, c’est la sensation de force et de bien-être qu’apporte le sport. La respiration, si bien développée par le yoga. Le nettoyage intérieur, y compris du cerveau, la joie, la paix.
J’adorais faire l’amour quand j’étais plus jeune, depuis quelque temps je me suis assagie mais grâce au sport mon corps exulte tout autant tous les jours – et sans les inconvénients de la libido de la jeunesse, qui apporte aussi souvent du trouble que de la joie (mais c’est la vie). J’y ai pensé en traduisant le passage où Circé demande à Ulysse de coucher avec elle afin qu’ils puissent désormais se faire mutuellement confiance, « en toute amitié ». Les femmes sont pleines de sagesse dans l’Odyssée. Et Ulysse plein de compréhension et de respect, que ce soit avec une jeune fille ou avec une sorcière. Ah mes amies, si nous pouvions rencontrer plus souvent ce genre d’hommes, plutôt que ceux que Circé change en porcs parce qu’ils en sont ! Allons, Ulysse monte dans le « très beau lit » de Circé et elle leur rend leur humanité.
Ma traduction de l’Odyssée est un marathon qui lui aussi me rend très bienheureuse.
*
L’image de Circé en vignette est une peinture de Wright Barker
Et voici un article d’Arash Javanbakht dans The Conversation France pour rappeler les bienfaits de l’exercice physique :
Comment l’exercice physique maintient notre cerveau en bonne santé et nous protège contre la dépression ou l’anxiété
En tant que psychiatre et neuroscientifique, j’étudie la neurobiologie de l’anxiété et la façon dont certaines interventions modifient le cerveau.
Voici quelques années en arrière, lorsque je recommandais à mes patients une activité physique, je n’y voyais rien d’autre qu’une tâche de médecin comme une autre, à l’image de nombreux praticiens. Il faut dire que je n’étais moi-même pas très actif. Les choses ont changé peu à peu : j’ai commencé à pratiquer la boxe, à faire davantage d’exercice, et j’ai fait l’expérience directe de ses effets positifs sur mon propre esprit. J’ai également commencé à faire des recherches sur les effets des thérapies par la danse et le mouvement sur les traumatismes et l’anxiété chez les enfants réfugiés, ce qui m’a permis d’en apprendre beaucoup sur la neurobiologie de l’exercice.
Peu à peu, j’ai commencé à considérer que prescrire à mes patients de l’activité physique n’est finalement pas très différent d’une prescription médicamenteuse : en réalité, je leur prescris leurs « pilules d’exercice ». Mes patients ont désormais conscience eux aussi de l’importance de l’activité physique, et presque tous s’engagent à s’y livrer à un certain niveau. J’ai pu en constater les améliorations qui en ont découlé dans leur vie quotidienne, y compris dans des domaines touchant à leurs moyens de subsistance.
Vous avez probablement déjà entendu parler de la façon dont l’exercice améliore les capacités musculo-squelettiques, cardiovasculaires, métaboliques, etc. Mais savez-vous ce qui se passe dans le cerveau ?
Biologie du cerveau et croissance
Faire de l’exercice régulièrement modifie la biologie du cerveau. On parle cependant d’activité physique régulière, pas simplement d’aller faire une promenade de temps en temps pour se sentir mieux. Le cardio, en particulier, a un véritable effet sur le cerveau, dont il modifie la structure. En effet, contrairement à ce que certains peuvent penser, le cerveau est un organe très « plastique » : de nouvelles connexions entre les cellules cérébrales, les neurones, se forment chaque jour, et de nouveaux neurones sont générés dans les régions cérébrales importantes. L’une de ces zones clé est l’hippocampe, qui joue un rôle dans l’apprentissage, la mémoire et la régulation des émotions négatives.
Une molécule appelée facteur neurotrophique dérivé du cerveau (« Brain-Derived Neurotrophic Factor » ou BDNF) aide le cerveau à produire des neurones. Divers exercices d’aérobic et d’entraînement en intervalles de haute intensité (« high intensity interval training ») augmentent de manière significative les niveaux de BDNF. Les travaux de recherches menés sur des modèles animaux ont démontré que ces changements se situent au niveau épigénétique, ce qui signifie que ces activités affectent la façon dont les gènes sont exprimés, entraînant des changements dans les connexions et la fonction des neurones.
Enfin, il existe des preuves des effets positifs de l’exercice sur les neurotransmetteurs (des substances chimiques cérébrales qui sont transmettent les signaux entre les neurones), la dopamine et les endorphines. Or, ces deux dernières substances sont impliquées dans la bonne humeur et la motivation.
L’exercice améliore les symptômes cliniques d’anxiété et de dépression
Pour les personnes qui expérimentent des symptômes physiques de l’anxiété, l’exercice peut même potentiellement agir comme une désensibilisation. Cela s’explique par la similitude entre les effets corporels de l’exercice (en particulier de l’exercice à haute intensité) et ceux de l’anxiété, notamment l’essoufflement, les palpitations cardiaques et l’oppression thoracique. En outre, la diminution de la fréquence cardiaque de base qui résulte de la pratique d’une activité physique régulière pourrait être interprétée par le cerveau comme le signal d’un plus grand calme physique intérieur (ce qui diminuerait l’impression d’anxiété).
Il est important de noter que la majorité des études scientifiques ont analysé les effets de l’exercice de manière isolée et non en combinaison avec d’autres traitements connus pour leur efficacité contre l’anxiété ou la dépression clinique, tels que la psychothérapie et les médicaments. Je ne suggère pas ici que l’activité physique peut se substituer à ces nécessaires modes de prise en charge de la dépression ou de l’anxiété. En revanche, l’exercice peut compléter l’arsenal thérapeutique, tout comme il peut également être utilisé à des fins de prévention.
Les avantages de l’activité physique ne se limitent pas à ses effets neurobiologiques. En sortant marcher, on s’expose à la lumière du soleil, au grand air et à la nature. Au cours de ses promenades régulières, l’une de mes patientes s’est liée d’amitié avec un de ses voisins. Depuis, ils se retrouvent tous les mardis pour de délectables « Taco Tuesday ». De mon côté, je me suis fait des amis formidables à la salle de boxe. Ils me motivent et constituent tous ensemble un formidable réseau social de soutien. Chacun peut trouver son compte comme bon lui semble, qui choisissant de prendre un chien pour s’entraîner à la course, qui rencontrant son futur compagnon, qui profitant de l’énergie débordante du gymnase… L’exercice peut également être une façon de pratiquer la pleine conscience et de s’éloigner des facteurs de stress quotidiens, de tous nos appareils électroniques ou de la télévision.
Concrètement, comment trouver le temps de faire de l’exercice, surtout avec toutes les contraintes de temps et les limitations supplémentaires imposées par la pandémie, qui a limité l’accès aux salles de sport ?
Choisissez une activité que vous aimez. Ce qui fonctionne pour l’un peut ne pas fonctionner pour l’autre. Nous ne sommes pas tous obligés de courir sur un tapis roulant (personnellement, je déteste ça). Essayez un ensemble d’activités variées et voyez laquelle vous préférez : course à pied, marche, danse, vélo, kayak, boxe, poids et haltères, natation… Pour éviter l’ennui, vous pouvez alterner entre plusieurs sports, ou en changer selon les saisons. Il n’est même pas forcément nécessaire de choisir un « sport ». Tout ce qui fait accélère votre rythme cardiaque peut faire l’affaire, même s’il s’agit de danser devant les publicités télévisées ou de jouer avec vos enfants ;
Utilisez à votre avantage la pression positive que peuvent exercer vos pairs. À 17h30, après une journée chargée à la clinique, j’ai parfois du mal à me motiver pour aller à la salle de sport, ou pour me consacrer à un entraînement en ligne (si vous rendre dans une salle de sport pendant la pandémie vous rebute, ce type d’entraînement est une alternative). J’ai donc mis en place sur la messagerie instantanée que j’utilise avec mes amis un groupe « salle de boxe ». Nous l’utilisons pour indiquer quand nous allons au gymnase, ce qui nous motive les uns les autres ;
Évitez de voir votre activité comme « tout ou rien ». Il ne s’agit pas de choisir entre faire une heure de voiture ou de vélo aller-retour afin de vous rendre à la salle de sport pour une heure d’exercice ou rester affalé sur votre sofa pendant toute la soirée… Comme je le dis toujours à mes patients : « un seul pas supplémentaire vaut mieux que rien, et trois squats valent mieux que pas de squat du tout ». Quand on est peu motivé ou que l’on débute, il faut prendre soin de soi. En faire autant que possible, mais sans exagérer. Danser trois minutes sur votre musique favorite compte aussi pour de l’exercice ;
Mélangez l’exercice avec d’autres activités : pendant que vous êtes au téléphone avec un ami, profitez-en pour faire un quart d’heure de marche. Même si vous tournez en rond autour de votre maison, cela reste de l’activité physique ;
Si vous hésitez à vous mettre en train, si vous manquez de motivation, posez-vous la question : « À quand remonte la dernière fois où j’ai regretté de m’être bougé ? » ;
Bien que l’activité physique aide à perdre du poids, il ne suffit pas à lui seul : il faut y adjoindre un régime alimentaire correct. Un gros brownie peut contenir plus de calories qu’une heure de course à pied ne permet d’en éliminer. Quoi qu’il en soit, même si vous ne perdez pas de poids, ne renoncez pas à l’activité physique : elle vous procure malgré tout tous les avantages dont nous venons de parler !
Enfin, même si vous ne vous sentez pas anxieux ou déprimé, prenez quand même vos pilules d’exercice : elles vous seront utiles pour protéger votre cerveau.
En traduisant le passage où les loups ensorcelés par Circé se tiennent autour des hommes comme de gentils toutous et « les flattent en remuant leurs longues queues », je pense à l’édito de Serge Raffy dont j’ai vu quelques passages sur Twitter (je ne vais plus du tout, depuis longtemps, sur le site de l’Obs), édito dans lequel, encore une fois, il tourne énamouré autour de Macron d’une façon telle que, comme dit un twitto, « un tel léchage de bottes, ça ne peut pas se faire en respectant les gestes barrière ». J’avoue, ma comparaison n’est guère scientifique, car d’une part je doute que Serge Raffy ait jamais été un loup, et d’autre part j’ignore tout de la longueur de sa queue, et de sa capacité à la remuer aussi vigoureusement qu’un chien remue la sienne.
Mais d’un autre côté, notre Emmanuel ne tient-il pas d’une Circé, d’une ensorceleuse, pour susciter tant de flagornerie ? Voyez ses mines, entendez ses formules (si vous supportez encore de l’entendre et de le voir), n’essaie-t-il pas constamment de subjuguer les humains ? Sans doute, mais alors il est bien moins doué que Circé, car si ça « marche » encore avec quelques professionnels de la chose comme Raffy et quelques vieux bourgeois, la catégorie dans laquelle il recrute ses fans depuis l’enfance, pour plus de gens sans doute il est plutôt le valet d’antichambre d’une autre sinistre sorcière qui attend à la porte de l’Élysée. Continuez à lui cirer les pompes, JDD et autres Nouvel Obs, vous ne faites que dégoûter encore plus de lui. Et ainsi servir le pire.
Quand je pense que Serge Raffy, en 1998, avait tenu à parler de mon livre Poupée, anale nationale, et à me donner la parole sur mes inquiétudes quant à la montée du Front national. Comment peut-il avoir sombré dans ce macronisme pitoyable ? Lui et ses pareils des médias ont non seulement porté Macron au pouvoir, mais certains continuent à le soutenir après la catastrophe de ses quatre ans au pouvoir ? Voilà comment s’avancent les régimes fascisants, par la démission intellectuelle, la compromission politique, l’aveuglement porté par une vie confortable, tout cela germant sur des choses plus louches encore, plus intimes, plus cachées. Tous ces gens qui chutent et essaient d’entraîner le plus de gens possible dans leur chute.
Il y a toujours des inquisiteurs qui croient pouvoir arriver à leurs fins par la torture.
sur le site du « livre scolaire », ce passage du chant 10 juste expurgé de l’énigmatique phrase sur les proches chemins de la nuit et du jour – surtout, évitons de réfléchir et de faire réfléchir les élèves !
*
*
*
Rêvé cette nuit que je démolissais complètement le bureau d’une espèce de fonctionnaire de la littérature, le mettant littéralement en pièces, sous ses yeux et ceux d’une foule de gens assis dans un immense amphithéâtre, pulvérisant tiroirs et autres morceaux sans exception, tout en me félicitant d’avoir musclé mes bras ces mois derniers.
En fait je ne pense pas que le moment soit venu pour dévoiler le sens, resté inconnu depuis près de trois mille ans, que j’ai annoncé la dernière fois avoir trouvé à l’énigmatique pays des Lestrygons. Ni le moment, ni l’endroit, tant que traînent des saccageurs de littérature et de vérité. Je suis comme les animaux qui, traqués par les humains, sont obligés de se retirer de plus en plus haut dans les montagnes. Mais mieux vaut vivre libre au désert qu’esclave en société – tant pis si ça exaspère les esclaves qui se prennent pour des maîtres.
Je continue à traduire, toujours avec le même bonheur. Et j’ai trouvé en avançant d’autres preuves, toujours solides et non tirées par les cheveux, du sens que j’ai découvert à ces fameux si « proches chemins de la nuit et du jour ». Tout cela est à la fois infiniment simple et subtil, et décidément oui, mieux vaut attendre, pour le donner, de pouvoir donner le tout, le livre entier.
Si je ne donne plus ni analyses ni traductions sur ce blog, où il n’y a déjà plus les photos depuis que je les mets sur mon compte Instagram, nous verrons bien à quoi il pourra servir. À noter mes rêves ? Pourquoi pas.