Voyage, la maison

4 mai 2010, en descendant de chez moi, avant d'y remonter quelques jours plus tard, pour encore de nombreux mois, seule (photos Alina Reyes)

 

Ma petite maison de pierre là-haut dans la montagne, dont j’ai dû me défaire, en vérité c’est la maison de Dieu, et elle le restera. Voyage aussi, c’est elle. Et il ne sera jamais permis que je laisse les faussaires corrompre sa parution.

Ce n’est pas seulement la maison, c’est la forêt, c’est la montagne, qui sont vivantes et qui me connaissent, et je leur serai fidèle, je veillerai à rester digne d’elles. Les gens ne comprennent rien parce qu’ils ne connaissent pas du tout Dieu. Ils ne comprennent absolument rien à ma démarche, ils ne comprennent pas que Voyage doit être préservé de la souillure. Ils ont les yeux malades et le nez bouché, la souillure ils ne la voient pas, ne la sentent pas, vivent dedans, la font, la vantent, croyant que là est l’ordre des choses.

Tant d’hommes sont malades. Ils ne se guériront pas avec des pansements souillés, des remèdes pourris. Ils ont fait de la vérité, de l’amour, de la littérature, des choses viciées, morbides. Ils ne savent, avec leurs instruments sales, que creuser un peu plus chaque jour la tombe de l’humanité. Même si je meurs, le diable ne sera pas autorisé à mettre la main sur ce livre. Quand Jésus tend l’autre joue, celui qui est assez mauvais pour ne pas renoncer à le frapper de nouveau, sa main s’y brûle, en prémices du feu éternel. Mais Jésus reste intact.

Beaucoup d’autres hommes marchent dans un chemin de lumière douce et fraîche comme la neige. Je suis la foi.

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L’étrange voyage de la vie

photos du jour, Alina Reyes

 

Dans la nuit j’ai très peu dormi. Une fois ensommeillée, un peu avant l’aube et l’heure de nous lever, j’ai vu en rêve que de mon front se dressait un signe qui était à la fois un phallus et une corne de licorne.

Nous avons chargé les bagages dans la minuscule voiture de location aux vitres givrées, nous nous sommes insérés dans l’espace restant, nous sommes partis. Une première visite à Bordeaux, puis nous sommes repartis. La longue route droite qui traverse les vignes et finit par plonger en plein désert de marais jaunes, le pays de mon enfance et de ma jeunesse. La deuxième visite. J’ai photographié la photo de lui dans le buffet, tout jeune et beau et sensuel dans son habit de soldat, pendant son service en Algérie. C’était avant la guerre, il ne l’a pas faite, mais a toujours critiqué amèrement les exactions françaises là-bas. Je ne lui ai parlé que de vieux souvenirs, ce sont les seuls qui lui sont restés, un peu. Nous sommes repartis, nous avons pris le bac pour traverser l’estuaire. Il va plus vite que du temps où je le prenais tout le temps, l’embarquement et le débarquement sont bien mieux sécurisés. Il pleuvait et pleuvait sur Royan, et encore bien après. J’ai pensé que la vie est bien faite : quand on est jeune, on est assez solide pour pouvoir se confronter au manque de confort en tout genre, et quand on n’est plus jeune, on peut le faire aussi sans problème parce qu’on a connu un temps où tout était bien moins confortable.

De toute façon, le confort, c’est la mort. Seigneur, bénis les tout-petits, qu’ils en soient au début ou à la fin. S’ils ne venaient et redevenaient si petits, ils ne pourraient venir de Toi ni retourner à Toi.

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