Mise en page et running

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Je continue à travailler à la préparation du livre papier Une chasse spirituelle, en complément de l’ebook. Quand il sera prêt, j’enverrai l’info à la presse, et on verra bien s’ils traitent un livre autoédité comme un livre publié par un éditeur établi. Que chacun fasse son travail honnêtement, sans calculs ni manœuvres, et tout ira bien. S’ils ne veulent pas le faire, tant pis. J’ai vu ou revu plusieurs films de Clint Eastwood ces jours derniers, c’est intéressant de retrouver le monde tel qu’il va mal, en effet, dans ses fictions. J’ai apprécié tout particulièrement la fin de l’un d’eux, où Clint Eastwood dit au cinglé qui se croit indispensable face à lui en incarnant le mal : « je n’ai pas besoin de toi ». Non, la vie n’a pas besoin d’actes retors, elle a juste besoin de s’en débarrasser quand ils prétendent la régenter.

Deuxième running ce matin. Quel bonheur. J’y vais doucement bien sûr, n’ayant quasiment pas couru depuis le lycée, ce qui fait un bail. J’ai lu les conseils, j’alterne course et marche, et cette fois j’avais préparé une playlist sur mon téléphone, la musique aide bien. J’espère retrouver au moins en partie les bonnes dispositions que j’avais pour le 400 mètres au collège. Quoi qu’il en soit ça fait du bien et c’est bon aussi pour me préparer au voyage à vélo que nous projetons, O et moi (je ne pourrai jamais suivre son rythme de très bon vététiste de montagne alors je louerai un vélo électrique, qui apporte une assistance dans les côtes tout en nécessitant quand même des efforts). En rentrant j’ai fait une petite séance de yoga après running, des étirements pour éviter les courbatures. La vie est belle.
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Ce matin au retour de mon running

Ce matin au retour de mon running


à Paris, photos Alina Reyes

De la littérature, du sport

"Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous" Franz Kafka. Un café dans mon quartier, photo Alina Reyes

« Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous » Franz Kafka. Un café dans mon quartier, photo Alina Reyes

Il y a un problème avec la littérature. Un jour, l’un de mes éditeurs m’a dit, en parlant d’un autre éditeur et de ses amis – si l’on peut parler d’amitié dans ce milieu : « tu ne sais pas de quoi les libertins sont capables ». Il avait raison : non, je ne le savais pas. Comment se fait-il que je ne le savais pas, alors que j’avais lu tant de livres, y compris de libertins ? Eh bien, c’est que la littérature fonctionne comme une religion à l’envers : on n’y croit pas. Le lecteur non-criminel ne croit pas que le mal décrit dans la littérature puisse être commis dans la réalité par des amateurs de littérature, ni a fortiori par des écrivains. La littérature tenant du sacré, on imagine que ses pratiquants sont, sinon saints, du moins sages, magnanimes et serviteurs de la vérité. C’est le constat que fait à peu près Vanessa Springora dans Le consentement. Elle était jeune adolescente à l’époque où elle a été confrontée à une réalité toute contraire, mais ce genre d’enfer peut s’ouvrir sous vos pieds à tout âge. Certaines personnes vont sans doute tomber de haut en apprenant, grâce à une enquête du New York Times (et pas des journaux français), que Christophe Girard, l’un des « amis » et soutiens de Matzneff, est maintenant accusé lui aussi, documents à l’appui, d’avoir abusé d’un adolescent. Ouvrons les yeux : la littérature est pour tout un tas de gens l’alibi de leur vie criminelle. C’est pourquoi la littérature est en si mauvais état aujourd’hui dans notre pays : à force d’être utilisée comme façade, une façade maquillée mais faite de pourriture, elle s’écroule, et les maisons qui l’ont abritée vont tomber aussi.

Pour ma part, tout en continuant à lire j’en suis à « l’autre tigre », comme dit Borges, celui qui n’est pas dans les livres. Après avoir marché quinze jours sac au dos, ce matin j’ai enfilé ma tenue de yoga, je suis sortie et je me suis mise à courir. La prochaine fois que nous voyagerons, O et moi avons décidé de le faire à vélo.

Trek en Lozère. 4) Pas à pas, le chemin

Nous avons évoqué dans les notes précédentes les ciels du causse Méjean ; puis son bestiaire ; puis l’architecture et l’habitat traditionnels de la Lozère. Voici pour finir un retracé de notre parcours, commencé par un grand V du nord-est au sud et du sud ou nord-ouest sur le causse au départ de Florac la première semaine, et continué du nord-ouest au nord-est le long des gorges du Tarn. Au total 100 km à pied, plus 12 km en canoë-kayak (mine de rien, c’est sportif, avec de délicieux petits rapides), et à la fin des deux semaines, pour O. qui avait loué un vélo, deux grands tours en VTT. Voici les images, commentées :

trek lozere 1-minPremier soir à Florac-Trois-Rivières (voir la note sur l’architecture, comme pour tous les autres villages mentionnés), dans un petit camping au bord de la rivière, où nous nous sommes baignés après avoir planté la tente. Ça, c’était avant les coups de soleil sur les jambes (n’ayant pas pris de crème solaire) attrapés le lendemain en montant là-haut et au-delà, 500 mètres de dénivelé en plein cagnard :
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trek lozere 3-min Arrivés là-haut, quel plaisir de se détendre et de casser la croûte sous un (maigre et rare) arbre avant de reprendre la marche !
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trek lozere 5-minLe soir venu, nous plantons notre tente sous ce beau pin et nous admirons le coucher de soleil, puis le ciel nocturne splendidement déployé, comme le jour, sur 360° d’horizon dégagé. La Voie lactée, les constellations, les étoiles filantes sont au rendez-vous, le premier croissant de lune aussi, et Vénus, et sans doute la comète Néowise mais sa chevelure n’étant plus visible nous ne pouvons que la supposer, à tel point brillant où elle est dite se trouver.
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trek lozere 7-minReprise du chemin le lendemain matin, d’abord le long de champs de blé puis à travers monts et vaux, sans suivre le GR, par de splendides paysages.
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trek lozere 9-min Nous faisons une longue halte à midi sur un col. Nous sommes les seuls sur le terrain, depuis le matin.
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trek lozere 10-minLe soir, nous arrivons en vue du chaos de Nîmes. Nous allons jusqu’au Veygalier, où la fermière nous autorise à camper dans son champ, et nous dînons à la ferme. Cette famille habite seule tout le hameau et possède 700 brebis, des vaches, des cochons, et bien sûr des poules et un potager, et cultive aussi le blé.
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trek lozere 11-minLe lendemain nous allons visiter le chaos de Nîmes, avec ses dolomies fantastiques (voir la note sur le bestiaire). Nous nous y reposons à l’ombre d’un rocher aux heures les plus chaudes du jour puis nous repartons et marchons encore quelques heures jusqu’à trouver un endroit où bivouaquer. C’est là que nous nous faisons agresser par des patous (voir également la note sur le bestiaire).
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trek lozere 12-minLe lendemain, après 20 km de marche dans la chaleur à travers des paysages époustouflants, avec une boucle passant par la Bégude blanche et le hameau Marcel, où nous nous réapprovisionnons en eau (pas d’eau sur le causse, nous devons toujours consulter la carte IGN pour repérer les rares fermes où remplir nos gourdes, car les 5 litres que nous transportons ne suffisent pas pour deux jours), nous prenons un peu de repos à Nivoliers, où nous dormons et dînons au gîte.
trek lozere 13-minLe lendemain matin, nous partons voir les chevaux de Przewalski (voir note sur le bestiaire), dont nous avons la veille traversé le vaste enclos de steppes, en escaladant les barrières.
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trek lozere 14-minAprès une deuxième nuit au gîte, nous repartons pour 15 km. Dès qu’un arbre se présente, nous profitons de son ombre pour boire ou manger. La dernière partie du trajet est une longue et très raide descente dans les gorges, par un étroit chemin dans la forêt, sur Sainte-Enimie.
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trek lozere 18-minNous nous installons dans un petit camping au bord de la rivière, où nous nous baignons, et le lendemain nous partons visiter Saint-Chély (voir la note sur l’architecture de la Lozère). Le surlendemain, en descendant le Tarn en canoë, nous passons nous tremper sous sa cascade. En attendant, nouveau bain dans la rivière.
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trek lozere 21-minLa descente en canoë se fait par des gorges somptueuses. Je fais une photo à l’arrivée, à Hauterives, et O m’y photographie dans l’eau.
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trek lozere 23-minLe lendemain, nous repartons vers l’est en longeant la rivière, tantôt au bord, tantôt dans les hauteurs. Arrivés au très beau village de Castelbouc (voir la note sur l’architecture), quel bonheur de se reposer sous les arbres dans le petit camping !
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trek lozere 25-minLe lendemain, O loue un VTT et part en faire pendant que je vais me balader à pied. Et le surlendemain, nous revoici en chemin le long de la rivière, jusqu’à Montbrun (voir la note sur l’architecture). De là nous trouvons un endroit où pique-niquer et O remonte à VTT sur le causse, à l’endroit d’où nous sommes partis voici une dizaine de jours.
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En fin d’après-midi la loueuse de VTT vient récupérer son vélo et nous avance en voiture (la seule fois où nous serons montés en voiture) jusque là où nous voulons dormir, non loin de là, au camping utopique « Le petit monde ».
trek lozere 27-minLa soirée y est toute joyeuse des chants de marins de nos voisins campeurs bretons, dont une accordéoniste, et d’autres musiciens, accordéoniste et violoniste, qui font aussi résonner la buvette proche tard dans la nuit de musique et de chansons, dont Bella ciao.
trek lozere 28-min Thibaut a conçu son éco-camping au bord de la rivière dans un esprit d’harmonie, entre les gens et entre les gens et la nature – avec zones humides, zone de compost, et tarifs doux et constants. Exactement le sens dans lequel le monde aspire à aller, loin de l’esprit « start-up nation » et envie de devenir milliardaire.
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Le lendemain nous partons pour Quézac et Ispagnac, deux villages proches que nous visitons dans la journée (voir la note sur l’architecture). Nous passons la dernière nuit de ce trek dans un petit hôtel.
trek lozere 29-min Un selfie dans l’abribus avant de prendre la navette pour Florac, puis le car pour Alès, puis le train pour Nîmes où nous passons l’après-midi en attendant la correspondance pour Paris.
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Voilà, le Ouigo nous ramène à la maison, heureux comme roi et reine !
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photos Alina Reyes

voir aussi :

les ciels du causse Méjean
le bestiaire du causse Méjean
l’architecture traditionnelle en Lozère
l’art urbain à Quézac

Leçons de confinement : comment Mandela a su rester en forme dans sa minuscule maison de Soweto et en prison

Je republie cet article de Gavin Evans paru dans The Conversation, média dans lequel j’ai publié plusieurs articles il y a quatre ans, alors que j’étais doctorante (depuis je suis devenue, en 2018, docteure en Littérature comparée). D’autres de mes notes sur Nelson Mandela se trouvent ici.

L’ancien président sud-africain Nelson Mandela avec l’ancien champion du monde de boxe américain Marvin Hagler. Cette photo non datée a été prise après la libération de Mandela.
Louise Gubb/Getty Images

Gavin Evans, Birkbeck, University of London

La propagation du Covid-19 a forcé des millions de personnes dans le monde à se confiner chez eux et à abandonner les exercices en plein air. Quand on possède une grande maison et un jardin, la situation est gérable, mais que faire quand on vit dans des maisons exiguës ou des appartements minuscules ? Peut-on éviter de se laisser aller pendant le confinement ? Gavin Evans examine comment l’ancien boxeur et icône de la lutte de libération sud-africaine Nelson Mandela a réussi à garder la forme alors qu’il était incarcéré dans une minuscule cellule de Robben Island.


15 février 1990 : Nelson Mandela se réveille comme toujours à 5 heures du matin et commence son programme d’exercices d’une heure. La différence, cette fois-ci, est qu’au lieu d’une cellule de prison, sa salle de gym est une pièce de sa maison « boîte d’allumettes » – appelée ainsi pour sa petite taille – située au 8115 Vilakazi Street, à Soweto. Et que, bientôt, il sera assiégé par des journalistes, des sympathisants, des diplomates et des membres de sa famille qui viendront le saluer après sa sortie de prison quatre jours plus tôt.

Je l’interviewe quelques heures plus tard pour lui demander ce qu’il a prévu de faire. Ses réponses sont claires et concises et je suis trop nerveux pour approfondir. Mais vers la fin, je lui pose une question sur la boxe, et son attitude réservée change soudain. Rayonnant de joie, il commence à parler de ses boxeurs préférés et de la façon dont il a suivi l’actualité de ce sport en prison.

Mandela a commencé la boxe quand il était étudiant à l’université de Fort Hare. Il s’est mis à s’entraîner plus sérieusement pendant ses années d’études, de travail et de lutte à Johannesburg dans les années 1940 et 1950, bien qu’il ne soit pas allé jusqu’à combattre en compétition. Des décennies plus tard, il se montrait modeste sur son niveau : « Je n’ai jamais été un boxeur exceptionnel », a-t-il écrit dans son autobiographie Long Walk to Freedom.

« J’étais dans la division des poids lourds, et je n’avais pas assez de puissance pour compenser mon manque de vitesse, ni assez de vitesse pour compenser mon manque de puissance. »

Il appréciait particulièrement la rigueur de l’entraînement – une routine périodiquement rompue par les arrestations et les exigences de la « lutte ». Il écrivait ainsi :

« Je passais ma colère et ma frustration sur un punching-ball plutôt que de m’en prendre à un camarade ou même à un policier. »

Se réfugier dans l’exercice

Mandela considérait que cette routine était la clé à la fois de sa santé physique et de sa tranquillité d’esprit.

« L’exercice dissipe les tensions, et la tension est l’ennemie de la sérénité. J’ai découvert que je travaillais mieux et pensais plus clairement lorsque j’étais en bonne condition physique, et je me suis donc inflexiblement plié, toute ma vie durant, à la discipline de l’entraînement

Nelson Mandela était un passionné de boxe. Ici vers 1950.
Getty Images

Quatre matins par semaine, il partait courir et trois soirs par semaine, il s’entraînait dans une salle de boxe de Soweto – sa façon de se perdre « dans quelque chose qui n’était pas la lutte ». Il disait qu’il se réveillait le lendemain matin en se sentant plus frais, « mentalement et physiquement plus léger » et « prêt à repartir au combat ».

À partir de 1960, Mandela s’est mis à organiser la campagne clandestine de la branche militaire du Congrès national africain, umKhonto weSizwe, se déplaçant dans tout le pays déguisé en chauffeur et se rendant à l’étranger pour rallier des soutiens, si bien que son entraînement à la boxe est devenu sporadique. Le « Mouron noir », comme on l’appelait (« Black Pimpernel », en référence au héros du roman de cape et d’épée britannique The Scarlet Pimpernel, le « Mouron rouge »), a été arrêté en 1962 – suite, comme on l’a appris plus tard, à un tuyau donné par la CIA à la police de l’apartheid – et a passé les 27 années et demie suivantes en prison, dont dix-huit à Robben Island.

La vie derrière les barreaux

À l’arrivée de Mandela à Robben Island, un gardien de prison a ricané : « Bienvenue dans l’île. C’est ici que tu vas mourir. » Une partie de la difficulté de sa vie de prisonnier consistait à s’habituer à la monotonie. Comme il l’a formulé lui-même :

« La vie en prison est une question de routine : chaque journée est identique à la précédente, chaque semaine également, de sorte que les mois et les années se fondent les uns dans les autres. »

La routine quotidienne du matricule 46664 consistait en un travail manuel exténuant : il s’agissait de travailler dans une carrière pour extraire le calcaire en utilisant de lourds marteaux pour briser les roches en gravier. Ce travail était épuisant, mais Mandela n’en a pas pour autant abandonné ses exercices physiques d’antan. Désormais, le rituel commençait à 5 heures du matin et se déroulait dans une cellule humide de 2,1 mètres carrés plutôt que dans une salle de boxe de Soweto trempée de sueur. « J’ai essayé de suivre mon ancienne routine de boxe, qui consistait à faire de la course et de la musculation », a-t-il expliqué.

Il commençait par courir sur place pendant 45 minutes, suivi de 100 pompes avec doigts en extension, 200 abdos, 50 flexions profondes des genoux et des exercices de gymnastique appris lors de son entraînement en salle (à l’époque, et aujourd’hui encore, cela comporte des sauts en étoile et des « burpees » – des mouvements où l’on commence debout avant de s’accroupir, de poser les mains au sol, de projeter ses pieds en arrière, puis de revenir en position accroupie et de se relever).

Mandela se tenait à cette routine du lundi au jeudi, puis se reposait pendant trois jours. Il a tenu ce rythme même pendant ses nombreux séjours en isolement.

Vaincre la tuberculose

En 1988, âgé de 70 ans, il contracte une tuberculose qu’exacerbe l’humidité de sa cellule. Il est admis à l’hôpital, toussant du sang. Transféré dans la maison d’un gardien de prison à Victor Verster Prison près de Paarl, il reprend rapidement une version tronquée de son programme d’exercices, qui comprend désormais des longueurs de piscine.

Il est libéré de prison, avec d’autres prisonniers politiques, le 11 février 1990, neuf jours après la levée de l’interdiction du Congrès national africain et d’autres mouvements de libération. Il devient ensuite le premier président d’une Afrique du Sud démocratique, poste qu’il a occupé de 1994 à 1999.

Naturellement, lorsqu’il a atteint la barre des 80 ans, il a allégé son programme d’exercices mais ne l’a jamais abandonné. Il est décédé le 5 décembre 2013, à l’âge de 95 ans, d’une infection respiratoire.

Mandela pensait que l’habitude de faire de l’exercice toute sa vie durant l’avait aidé à survivre à la prison et à en sortir prêt à relever les défis qui l’attendaient. « En prison, il était absolument essentiel d’avoir un exutoire pour mes frustrations », a-t-il déclaré – des mots qui parleront sans doute à tous ceux qui se retrouvent aujourd’hui, du fait de l’épidémie de Covid-19, contraints d’affronter des mois de confinement dans des conditions d’exiguïté…The Conversation

Gavin Evans, Lecturer, Culture and Media department, Birkbeck, University of London

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Exercices pratiques contre les effets néfastes du confinement

 

Le Parisien propose des cours de sport et des cours de yoga en ligne, gratuitement, pendant le confinement. C’est excellent. D’autres médias le font, mais souvent pour leurs abonnés. C’est excellent, surtout quand on est confiné en appartement, sans possibilité de sortir dans son jardin. Attention tout de même : en cas de maladie, il faut laisser le corps se reposer. O et moi sommes confinés depuis plus de deux semaines, le coronavirus s’étant invité chez nous avant le confinement général. O a subi des symptômes assez sérieux ; la fièvre a baissé assez rapidement avec les cachets mais la fatigue et la toux ont perduré pendant quatorze jours. Pour ma part j’ai été paucisymptomatique, très peu atteinte, mais j’ai constaté, en continuant mon yoga quotidien, que lorsque je faisais une séance un peu trop sportive mes petits symptômes se ravivaient – et cela n’est pas tout à fait terminé, ce coronavirus se comportant comme une entité itinérante, qui se manifeste tantôt ici tantôt là dans le corps, auquel il occasionne ainsi la fatigue de devoir se défendre.

Cela dit, oui, faire de l’exercice est excellent pour le corps, et au moins autant pour l’esprit. Le confinement est particulièrement révélateur de l’état de calme ou d’agitation de notre esprit, et c’est une période pénible ou même dangereuse pour les enfants et les gens qui vivent avec des personnes agitées ou violentes, physiquement ou psychiquement. Le stress est aussi contaminant qu’un virus et tout ce qui peut l’apaiser est bienvenu. Chacun le sait, mais chacun ne l’applique pas pour autant, et cela fait partie des choses qu’il ne faut pas hésiter à répéter malgré leur banalité, leur simplicité. Nous devons sans cesse nous encourager les uns les autres, et nous encourager nous-mêmes, aux choses simples, à la simplification de notre vie. La simplification est une hygiène.

Simplifier notre vie, c’est la libérer de tout ce qui l’encombre inutilement. Exactement comme dans les diverses formes de la méditation on libère l’esprit des pensées parasites. Chacun de nous, placé au pied du mur, devant l’injonction « simplifie ta vie », sait très bien ce qu’il lui faut faire pour cela. Ne reste plus qu’à trouver courage et détermination. Comment ? C’est en pratiquant qu’on devient pratiquant.

Rien ne peut détruire notre paix royale.

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Grimper

Cette vidéo d’un cours pour grimper à la corde, avec un instructeur admirablement athlétique, me réjouit. Enfant et adolescente, j’adorais grimper à la corde, je grimpais très vite (il y avait une corde attachée haut dans les branches d’un arbre, dans la forêt, et puis au gymnase on grimpait aussi, chronométrés). Il y a très longtemps que je n’en ai plus eu l’occasion, mais je suis sûre que ça reviendrait. Je grimpais aussi aux poteaux, aux arbres, sur les toits (au collège j’ai été punie pour avoir grimpé par l’échelle de pompiers en séchant un cours)… À dix-neuf ans, enceinte de plusieurs mois, j’ai grimpé sur le toit d’une maison par une échelle pour sauver un chat qui ne pouvait plus en redescendre. À trente-neuf ans, enceinte de plusieurs semaines, j’ai fait un long vol en parapente (avec un ami moniteur) dans la montagne. Je n’ai pas eu l’occasion de faire de l’escalade (sauf une petite fois avec O comme instructeur, et une descente en rappel qui m’a ravie) mais j’ai des fils qui en font. Il y a tant de façons de grimper, avec son corps et avec sa tête. Je vis le yoga comme une sorte de grimpe intérieure.

 

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Yoga-gym. De la charrue, et des bœufs

 

À tout prendre, mieux vaut réduire le yoga à une gymnastique, plutôt que de le pratiquer dans une spiritualité débile. À condition tout de même de conserver aux séances calme, élégance et dignité. En se rapprochant de la gymnastique, le yoga rapproche l’Inde de la Grèce antique, voilà qui est intéressant si on veut bien y penser.

Mon yoga quotidien est souvent un yoga-gym, avec un peu de méditation en plus : hatha yoga, vinyasa yoga, yin yoga se prêtent aisément à cet usage. Mais de temps en temps je pratique un yoga plus spirituel, notamment avec le yoga kundalini (en restant consciente qu’il y a des bêtises aussi dans le kundalini, genre « ouverture du cœur »), ou en suivant de vieux cours indiens enregistrés sur mon pc, plus proches du hatha yoga traditionnel – ou bien seule, en construisant moi-même ma séance, ou mon complément de séance, avec ou sans musique.

charrueHier je me suis un peu blessée aux lombaires dans un étirement trop forcé, dans la posture de la charrue – je n’ai pas encore retrouvé complètement la souplesse que j’avais il y a dix ou vingt ans, quand j’ignorais que la chandelle et la charrue étaient des postures de yoga et que j’aimais les faire, juste comme ça, à la maison, en m’amusant à la fin à enserrer mes oreilles entre mes genoux. Vouloir aller trop loin quand on n’est pas encore prêt, c’est ce qui s’appelle mettre la charrue avant les bœufs, ou le but avant la réalité. Ce matin j’ai donc fait une séance plus courte et plus douce, et ça va déjà mieux. Ces choses qu’on apprend dans n’importe quel sport sont aussi de la spiritualité, après tout. Ceux et celles qui mettent le yoga à toutes les sauces psy à la mode, « self-care » et compagnie, mettent plus gravement la charrue avant les bœufs : ce qu’on peut attraper ainsi est pire qu’un lumbago, c’est un abrutissement de l’esprit. Exactement le contraire du yoga.

L’une de mes prochaines séances sportives, repérée aujourd’hui :

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