J’ai exulté et dansé sur mon siège au cinéma en regardant le fantastique film Les Indes galantes, documentaire de Philippe Béziat autour de la création donnée à l’Opéra Bastille en 2019 avec des danseurs et danseuses de krump et autres street dances sur la musique éponyme de Jean-Philippe Rameau. Hélas je n’ai pas vu l’opéra à l’époque, mais heureusement ce film est là pour en restituer l’histoire, dans la mise en scène de Clément Cogitore et la chorégraphie de Bintou Dembélé, avec le formidable chef d’orchestre Leonardo García Alarcón, de puissantes chanteuses et chanteurs solistes, un très excellent chœur.., toutes ces personnes et les autres travaillant manifestement en chœur dans une magnifique vitalité artistique. Le film montre très bien toute l’humanité du projet aussi, avec des artistes issus d’un peu partout, qui font le Paris d’aujourd’hui – la France d’aujourd’hui, jeune et puissante quand on ne l’empêche pas d’exprimer ses talents. Moment émouvant, quand une jeune danseuse fait écouter un chant traditionnel de la tribu amérindienne de sa grand-mère, qui a vécu dans la forêt, et que le réalisateur met en évidence la continuité entre ce chant, cette musique, et celle de Rameau. Moment exaltant, quand après avoir dansé en répétition la scène des « Forêts paisibles », après la fin les danseurs continuent à danser, emportés par leur pure joie. Je me régalais de tout cela, et je pensais après avoir vu ça, je peux mourir avec au cœur la joie de savoir que l’humanité que j’aime est toujours en route. Et puis aussi, je me disais, je vais encore faire quelque chose de grand, je le sens, tout mon corps, tout mon esprit le préparent.
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Vivre et écrire comme on danse, dans la grâce, la précision, le geste juste, l’art : voilà ce que m’inspirent ces trois chorégraphies du Scottish Ballet, que le Festival international d’Edimbourg, ne pouvant se tenir en cette année de pandémie, partage en ligne ainsi que d’autres performances artistiques (ici) – « to keep a hopeful light burning in dark times ». Merci Edimbourg, je partage aussi.
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« Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat ; son combustible vient d’un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l’huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient. » Coran 24-35, verset dit de la Lumière, traduit par Muhammad Hamidullah
Au bout d’un mois ou deux, le milieu de l’édition s’alarme des lourdes conséquences de la pandémie pour les auteurs, les éditeurs, les libraires. Qu’on imagine les conséquences pour un auteur empêché de publier depuis plus de dix ans, après avoir vécu de ses droits d’auteur pendant vingt ans. C’est mon cas, pour avoir, notamment en arrachant son masque à l’un de ses parrains, déplu à ce même « milieu » qui pleure maintenant. J’ai vécu dans la plus grande pauvreté jusqu’à mes 33 ans, au point d’avoir souvent faim malgré mes 43 ou 44 kilos qui ne demandaient pas beaucoup de nourriture ; puis je m’en suis sortie par mon travail mais en refusant de me soumettre au système, raison pour laquelle il a fini par m’éliminer – tant pis pour lui, il a perdu une littérature hors normes et qui pourtant se vendait bien, en France et dans le monde.
À force de postures sur les mains, j’ai un léger cal sur la partie charnue de la paume. Plus d’un mois de confinement, et je vois ce qui m’est le plus vital : non pas d’abord l’intellectuel, mais le physique et le spirituel : ce qui me permet de tenir dans cette privation de sortie ce n’est pas la lecture ni la culture, même si elles y ont leur place, très importante, mais le yoga (ou d’autres gymnastiques) et la méditation ou la contemplation, que je pratique de plus en plus assidûment à mesure que le temps passe. Et je ne dois pas être la seule à ressentir ces priorités : les exercices physiques et les exercices spirituels sont bien ce qui fonde l’humain. Là où ils manquent, manque l’humain. Dans beaucoup de sphères de notre monde, manque l’humain. Voilà ce qui est à corriger, si l’on veut bâtir un monde vivable – affirmation dangereuse parce qu’elle attire tous les charlatans et abuseurs, d’où la nécessité de faire soi-même un vrai travail sur le corps et l’esprit.
Mon cinéma du jour sera ce film de Marcel Schüpbach, B comme Béjart. On y suit son travail de création d’un spectacle dansé sur la Lumière, accompagné par Brel, Barbara, le Boléro de Ravel et la Messe en si de Bach, une œuvre que j’adore, ainsi que son Magnificat, que j’ai chanté dans des chœurs, adolescente et plus tard. Béjart était un amoureux de l’islam comme moi, d’où la référence implicite, dans la dernière image du spectacle, au verset coranique de la Lumière ; et peut-être ce B fait-il référence à la première lettre de la Genèse, qu’il cite aussi ? Bereshit, « Au commencement… Dieu dit : que la lumière soit ». Il n’est pas anodin non plus qu’au tout début du film il indique à une danseuse comment faire correctement la posture de la chandelle (posture que je tiens aussi tous les matins pendant plusieurs minutes). « Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe… »
J’ai trouvé le film sur la plateforme du cinéma MK2 mise en place pour présenter des films pendant le confinement, « Trois couleurs ». On ne peut pas le partager et je suppose qu’il ne restera pas en ligne longtemps, c’est donc LÀ qu’il faut aller le voir. Un moment plein de joie, de grâce et de beauté.
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Si certain·e·s écrivain·e·s pouvaient arrêter d’écrire ici et là que les écrivain·e·s adorent le confinement, s’ils voulaient bien arrêter de parler au nom des autres, nous ferions peut-être un petit pas dans l’intelligence, un grand pas pour l’humanité. Moi en tout cas, je n’aime pas plus le confinement qu’une lionne ou un oiseau n’aime une cage. Sans doute ne suis-je pas écrivain·e. Oui, évidemment, s’ils le sont, si elles le sont, c’est que je ne le suis pas.
Sylvain Tesson, qui est à l’aventure ce que BHL est à la philosophie, crache chez Gallimard sur les Gilets jaunes. Crachat récupéré sans dégoût par l’Obs, quand tant de ceux qui manifestèrent la nécessité de changer de société, nécessité que le coronavirus met aujourd’hui en évidence, sont sur le front à risquer leur santé et leur vie pour que ce fils à papa et ses arrogants pareils puissent continuer à manger, être soignés, être débarrassés de leurs abondants déchets… Et puisqu’il finit son glaviot infesté par un appel ridicule au silence des Chartreux : allons, fiston Tesson, eux aussi savent dire « petit con ».
Un journaliste, Akram Belkaid, fait sur son blog le récit du Covid qu’il a contracté et soigné à la maison. Il finit par des recommandations, dont celle de faire des inhalations bouillantes. Je laisse un commentaire pour lui souhaiter bon rétablissement et lui signaler que plusieurs médecins ont alerté sur les inhalations, qui fragilisent les poumons et rendent ainsi le virus encore plus dangereux. Il ne passe pas mon commentaire, ni le deuxième où j’ajoute les sources. Il ne rectifie pas non plus son texte. Il ne reste plus qu’à espérer qu’aucun de ses 6000 abonnés ne tombe malade et ne suive son dangereux conseil. Irresponsabilité quand tu les tiens, quels qu’ils soient.
Comme le disait O à nos enfants quand ils étaient petits et qu’ils s’attardaient trop à l’intérieur: « La vraie vie, c’est … ? » « Dehors ! », criaient-ils. Se confiner au printemps, quand les animaux sauvages se déconfinent, c’est bien un truc des hommes, ça. Plus les humains sont élevés dans la société, à tous les sens du terme, plus ils sont domestiqués, habitués à être encagés. Leur encagement, ce n’est pas ce confinement sanitaire que nous devons supporter afin de pouvoir en sortir au plus tôt, vivants. L’encagement, ce sont les structures de la société auxquelles « ceux qui ont réussi » sont si attachés ; qui leur servent de barreaux et de garde-fous ; sans lesquelles ils ne pourraient exister.
Alors qu’être suffit.
Que le confinement ne nous fasse pas oublier la vie pleine, la pleine liberté. Voici quelques fantastiques courts-métrages trouvés sur la chaîne youtube de l’Opéra de Paris.
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Dans la suite de l’appel à la liberté de Forêt profonde (note précédente), deux interprétations du joyeux et merveilleux rondeau des « forêts paisibles » dans les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau. Celle-ci, dans une mise en scène d’Andrei Serban, décor et costumes de Marina Draghici, direction des Arts florissants par William Christie, avec Patricia Petibon et Nicolas Rivenq :
Une interprétation régulièrement accusée d’ « appropriation culturelle », avec des arguments tels que « Atrocious, inexcusable and insulting cultural misappropriation. Seriously, Europe, you gotta do better. C’est affreux ». Ou encore : « mise en scène grotesque qui ne passerait plus aujourd’hui, en tout cas au Canada et Etats-Unis. Les Indiens ne sont pas identifiés, de quelle nation s’agit-il ? En fait ce sont des indiens imaginaires stéréotypés et ridiculisés, tels que vus par des européens qui n’y connaissent rien. Le calumet de certaines tribus (qui prend des formes différentes) est remplacé par une pipe. L’héroïne porte un chapeau de plumes (ces chapeaux ne sont portés que par des hommes de certaines tribus, et pas par des femmes). Les danses sont ridicules, etc, etc. »
Accusations auxquelles j’ai apporté ces réponses, dans les commentaires de la vidéo : Ne confondez pas imaginaire et réalité ! Ou bien vous détruisez toute la littérature et tout l’art, comme les intégristes religieux. Si vous les trouvez ridiculisés, c’est votre regard qu’il faut interroger pour savoir où est le racisme. Moi je les trouve extrêmement gracieux. J’ai déjà été confrontée à cette réaction de Nord-Américains, là-bas le concept d’appropriation culturelle est le nouveau tabou. Mais personne ne trouve rien à redire aux westerns spaghetti, par exemple. Et les Amérindiens portent des jeans ou des chapeaux de cow-boys sans qu’on crie à l’appropriation culturelle. C’est de l’iconoclasme à géométrie variable.
Voici maintenant ce même rondeau, dit « baroque » (ne perdons pas de vue que cette qualification est elle-même une interprétation datant de l’époque moderne) mis en scène par Clément Cogitore avec des danseurs de Krump, style de hip-hop violent inventé dans les ghettos de Los Angeles, sur une chorégraphie de Bintou Dembele, Grichka et Brahim Rachiki. Ici cette dernière entrée de l’opéra-ballet intitulée « Les Sauvages » trouve sa grâce dans une expression plus terrienne, plus chtonienne des habitants de la forêt (n’oublions pas que sauvage signifie, étymologiquement, « de la forêt »). Le Krump est une danse révolutionnaire, qui dit la rage et la joie de vivre de jeunes générations grandies dans un monde hostile, qu’elles parviennent à dépasser comme la nature sort de terre au printemps. Une sorte de Sacre du printemps.
Hier matin dans la salle de danse, photo Alina Reyes
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Effet du hasard ou d’une communication des âmes ? Sans nous être concertées, nous sommes arrivées toutes les trois vêtues de rose vif et de noir pour le cours de danse. La prof nous a fait répéter la chorégraphie en nous tenant les unes les autres par l’épaule, afin que nous dansions vraiment ensemble, que nous sentions physiquement les vibrations et les mouvements d’un corps à l’autre, que nous les accordions ainsi plus finement, avant de danser à la fois individuellement et ensemble. Avec nos morphologies différentes, nos peaux de couleurs différentes, nos âges différents, nos personnalités différentes, nous avons été, chacune et ensemble, heureuses.
Il faut savoir danser seul·e pour pouvoir danser ensemble, et réciproquement. L’une des plus belles inventions des Gilets Jaunes est cette façon de faire mouvement ensemble, en réunissant différentes sensibilités sans pour autant se ranger rigidement derrière une idéologie directrice. Jusqu’ici, ils ont réussi cette chose difficile sans se laisser défaire par les tensions qu’une telle composition génère, et cette réussite est ce qui stupéfie le plus les classes représentantes et garantes de l’ordre social institué, de plus en plus raide à mesure qu’il vieillit. Cette souplesse du mouvement, qui évoluera, s’effacera peut-être mais pour réapparaître plus forte, est un signe de jeunesse à venir pour notre monde.
En face, du côté de l’ennemi (ce n’est pas le peuple qui en fait son ennemi mais lui qui se prouve chaque jour ennemi du peuple), rigidité des genoux et vieilles ficelles machiavéliques. Un attentat tombant à point pour alimenter les « théories du complot », cela prouve seulement que le peuple ne peut avoir confiance en un président et un pouvoir utilisant obscènement au 20 h à la télé le drame des migrants et la question pourrie de l’identité nationale pour détourner des exigences de justice sociale, des exigences de justice. La justice demande la justesse, et pour trouver la justesse, il faut apprendre à danser.
5 décembre, 20h40
Je trouve cette vidéo de Mamoudou Bassoum, médaillé d’or français de taekwondo, monté sur le podium en gilet jaune :-)
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5 décembre, 15h30
La police de Macron tire sur les enfants. C’est ainsi que Macron menace de mort les manifestants. Planqué, regrettant sans doute son nounours Benalla, frappeur de peuple.
Je me souviens de Barèges 2013. L’avalanche en hiver, puis la crue au printemps. Emportant toutes les constructions faites en contradiction avec la nature.
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5 décembre, 15h10
Un enfant de seconde se trouve entre la vie et la mort, après avoir été flingué au flashball par un policier devant son lycée à Saint-Jean-de-Braye.
16h40 : Son pronostic vital n’est plus engagé. Mais on apprend qu’un autre adolescent a été très gravement blessé à Garges-les-Gonesses par un tir du même « super-flashball ».
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5 décembre, 14h30
Excellent lapsus de Benjamin Griveaux : « le président de la République a dit… que la VOYANCE, euh pardon, la violence, que nous voyons s’exercer depuis plusieurs semaines… » Haha. Il y a une heure, je parlais ici de faux prophètes. Eh bien contre eux, nous avons de véritables voyants, des gens qui voient clair dans l’imposture ; et ce que dit ce lapsus, c’est que cette voyance est vécue comme une violence par les imposteurs. « Il faut se faire voyant », disait Rimbaud, l’un des très rares auteurs de l’époque à être sympathisant des Communards.
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5 décembre, 13h30
Un plaisir de le constater : l’histoire de France en train d’avoir lieu montre combien Houellebecq s’est planté avec son Soumission. Totalement, et sur tous les plans. Quand je dis Houellebecq, il faut entendre toute la classe médiatique avec, et même toute la caste bien-pensante, privilégiée, dominante, contre laquelle les Gilets Jaunes, pas du tout soumis, se lèvent maintenant. Et combien j’avais raison avec Forêt profonde, avec Poupée, anale nationale, avec La grande illusion, figures de la fascisation en cours (à lire gracieusement ici) – titres qui m’ont valu d’être finalement bannie des médias et de l’édition, les éditeurs étant peu enclins à publier un auteur boycotté par les médias. Toute la caste se trompe. Même Édouard Louis, jeune auteur issu du peuple et célébré pour ses combats prétendus pour le peuple, ne sait, en bon rejeton des grandes écoles et starlet de quelques universitaires gauchistes américains et français ou des Inrocks, produire sur ce peuple d’où sont nés les Gilets Jaunes que des textes misérabilistes et extraordinairement condescendants, prétendant leur apprendre le langage politiquement correct.
Oui, la fascisation en cours vient de la caste au pouvoir, comme on peut le voir aujourd’hui avec la violence de Macron, louangeur de Thiers le versaillais et de Pétain, et elle s’annonçait depuis des années, avec le trucage des élections par la com’, déjà en place pour Hollande et ayant atteint son apogée pour Macron. Et il existe un risque de voir le soulèvement des Gilets Jaunes récupéré par cette fascisation en cours (absolument pas islamiste, contrairement à la fausse prophétie houellebecquienne et germanopratine). Le risque est partout, mais la fascisation est déjà en acte au sein du pouvoir, et l’urgence est de la renverser de là où elle agit.
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5 décembre, 12h10
Traître et pleutre. Voilà le fond de Macron, révélé par cette histoire avec des journalistes du Monde, du temps où il travaillait pour les puissances de l’argent et que ces dernières ne l’avaient pas encore porté à l’Élysée. Ne pas oublier, lire ou relire cette sale histoire, qu’il répète aujourd’hui avec le peuple français, se cachant après que son dessein, plumer les citoyens au profit des puissances de l’argent qui sont en train de détruire le monde, a été mis à nu.
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4 décembre, 23h30
Samedi, Zineb Redouane, une vieille dame, a été tuée à Marseille par une grenade lacrymogène. Ce mardi à Grenoble, une lycéenne de 16 ans a été très gravement blessée au visage par un tir de flashball au visage.
Samedi, des Gilets jaunes essaient de se mettre à l’abri de la charge de la police et des lacrymos rue de Wagram en se réfugiant dans un fast-food fermé. À voir jusqu’au bout :
4 décembre, 21h50
« Ordure », « fils de pute », « connard », « crève sur la route », et bien sûr « démission », voilà les mots qui ont volé vers Emmanuel Macron quand, passant aujourd’hui au Puy-en-Velay, il a voulu saluer la foule par la vitre ouverte de la voiture. Je ne crois pas avoir jamais entendu l’expression d’une haine aussi féroce envers un président de la République. C’est très impressionnant. Et cela s’explique par la fausseté totale qu’il incarne. Le faux fait ou peut faire illusion un moment mais une fois démasqué, s’il s’obstine il provoque un rejet violent, inextinguible. C’est une question métaphysique, une question de vie et de mort. Le faux s’assimile à la mort et ce qui est mort doit être enterré.
Les Gilets Jaunes sont vivants, leur action essaime en France et commence à servir d’exemple suivi ou vanté par des résistants dans plusieurs pays d’Europe et jusqu’en Irak.
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4 décembre, 16h15
Que pense Madame Trogneux de la façon dont son mari et ex-élève est en train de violenter les lycéens en grève, de les gazer, de les menacer au flashball, de les molester, un peu partout en France ? Est-il normal, par exemple, que des enfants soient gazés à bout portant à Taverny, alors qu’ils sont nassés, immobilisés – et que trois d’entre eux, ne pouvant plus respirer du fait du gazage, aient dû être pris en charge par les pompiers ?
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4 décembre, 16h
Dany le Bourge le dit, il a peur face au mouvement des Gilets Jaunes. Bien sûr il a peur, comme tous ceux de sa caste, tous ceux qui ont confisqué le capital symbolique, le capital financier, le capital culturel, le capital médiatique. Alors ils choisissent, comme lui, de ne voir dans ce mouvement que le spectre de l’extrême-droite. Ils essaient de faire partager leur peur à ceux qui n’ont pas de raison d’avoir peur parce que, contrairement à eux, ils n’ont pas à perdre un tas de biens, symboliques ou matériels, qu’ils auraient acquis au détriment d’autrui et par complicité de caste.
J’ai parlé ce matin de ce mouvement avec ma prof de danse, à l’hôpital. Bien sûr qu’elle le soutient, qu’elle est heureuse comme beaucoup de ce qui est en train de se passer. Que ferions-nous sans des gens comme elle, qui dans des associations ou ailleurs, consacrent leur vie à sauver chaque jour la société du désastre ? Que serait la société s’il n’en restait plus qu’une start-up nation, sans humanité ? Une organisation froide et inhumaine, qui ne pourrait que déboucher sur un génocide réel, après le génocide symbolique. Voilà ce que les Gilets Jaunes, dans leur grande intelligence, ont compris, et voilà pourquoi ils ont agi. D’où leur vient-elle, cette intelligence ? De la vérité. Du fait qu’ils vivent dans la vérité, contrairement à la caste des privilégiés. La vérité donne la compréhension, la tactique, sans qu’il soit besoin de les calculer, et donne aussi la force qu’il faut.
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4 décembre, 13h
Pour mémoire, cette parole. Une parole vraie, contre la parole constamment fausse de ceux qui se prennent pour des rois alors qu’ils ne sont que des serviteurs de la com’ :
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4 décembre, 0H40
Il n’y a pas que Macron, la classe politique et la classe médiatique qui soient dans l’embarras (litote) face aux Gilets Jaunes. Certains intellectuels de gauche, surtout très à gauche, certain·e·s militant·e·s et pour ainsi dire pros de la révolution, semblent l’avoir un peu amère de voir ces hors-jeu faire le job plus efficacement qu’ils n’ont su le faire depuis très longtemps. Moi aussi, c’est vrai, je trouve qu’il y en a un peu trop parmi eux qui ont le gilet puant, politiquement parlant. Mais eux aussi, ils le savent. Ils savent qu’ils sont loin de partager tous les mêmes idées, sans parler d’idéaux. Et ce serait tomber dans le travers de Macron que de les prendre pour des cons. Ils sont dans l’action immédiate, pour ça ils assurent, et pour le projet politique, ils y pensent. Ce n’est pas tout pensé, tant mieux. La création vient en créant.
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3 décembre, 23h20
Les ambulanciers sont toujours à la Concorde, les camionneurs bloquent Rungis, la contestation a commencé à s’étendre aux lycées… la tache d’huile s’agrandit très vite. Le président de la République, enfant élevé dans la soie puis lancé comme un produit par des industriels, commence peut-être à comprendre ce qu’est le peuple français. Quelque chose qui le dépasse. De beaucoup.
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3 décembre, 21h40
(lendemain : la vidéo du Monde a été retirée de Youtube, un doute étant apparu sur le fait que la vidéo incluse montrant un manifestant passé à tabac par huit policiers soit ce jeune homme, Mehdi, également tabassé par plusieurs policiers )
Benoît, un autre jeune homme, visé à la tête par un CRS armé d’un flashball alors qu’il était inoffensif, est dans le coma à Toulouse. Les images des immondes et lâches violences policières qui n’arrêtent pas de se commettre contre les manifestants, y compris très jeunes et lycéens, révulsent plus que tout. Macron a promis une prime exceptionnelle aux forces de l’ordre mobilisées pour faire le sale boulot. Violence policière et mutisme : défaite de la politique et de la raison. Chaque jour un pas de plus dans la débâcle et l’ignominie du pouvoir, voilà son en marche.
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3 décembre, 14h50
« Les jours heureux ». L’histoire du Conseil National de la Résistance et de l’élaboration de son programme pour une société meilleure reste à méditer, en ces temps d’éloge présidentiel à Pétain, d’achèvement de la destruction de la République – la chose publique – et de mouvements de résistance et de révoltes qui se succèdent depuis le début du XXIe siècle sous des formes diverses, dans un long et souvent douloureux accouchement, qui finira logiquement par une nouvelle mise au monde.
Dès l’élection de Macron, alors que ce blog était en panne pendant quelques jours, j’avais ouvert un autre blog, intitulé Magazine des jours heureux, par référence au CNR. Alors que la plupart vantaient l’avènement du nouveau président et, dans les milieux littéraires, de sa ministre de la Culture, j’alertais déjà sur les dérives prévisibles de cette escroquerie politique.
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2 décembre, 21h30
Gilets jaunes. Ils me rappellent les images des gilets de sauvetage des migrants. Bien sûr la situation de ces derniers est pire, dramatiquement plus tragique. Mais au fond, tous les peuples sont victimes du même système mondial, et des mêmes personnes, qui protègent et font régner ce système qui les enrichit. Réagir contre ce système, c’est aussi se battre pour les autres peuples, et se battre pour que nos enfants ne subissent pas un sort aussi terrible.
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2 décembre, 18h30
Quoi qu’il advienne par la suite, c’est déjà une belle satisfaction de savoir dans quelle merde se trouvent Macron, son gouvernement et ses soutiens. La merde dont il est sorti (Freud l’a bien dit, le fric c’est la merde) et dont il a voulu imposer la loi au pays, il y retourne, par la voie des chiottes de l’histoire.
Vive le peuple français qui ne se laisse pas marcher sur les pieds !
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2 décembre, 10h45
Castaner et Griveaux parlent d’instaurer l’état d’urgence, les flics d’Alliance veulent que soit fait appel à l’armée contre le peuple. Voilà où on en est, après dix-huit mois d’un président marionnette. En même temps, dans les supermarchés où on fait ses courses en veillant à tous les prix, en évitant les produits frais trop chers même quand on gagne correctement sa vie, on est sollicité pour les banques alimentaires, toujours plus dans le besoin d’année en année.
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2 décembre, 10h
Je parle plus de Paris parce que c’est là où je vis, là où je suis les manifs ces dernières années et y fais des reportages photo (cet automne, ma santé ne me permet pas de le faire, d’autant que les manifs sont de plus en plus éprouvantes). Mais je suis aussi, bien sûr, ce qui se passe ailleurs en France. Il y a eu des actions pacifiques et il y a eu des actions violentes un peu partout. Je viens de lire que des émeutes très violentes se sont déroulées cette nuit à Pouzins, village de 3000 habitants dans l’Ardèche, avec incendies et affrontements violents entre les émeutiers et la police. Certes il y a aussi du pire parmi les Gilets jaunes (je pense surtout à l’extrême-droite) et c’est dangereux, mais on ne peut réduire ce mouvement et ses violences à ses extrêmes. La vérité est que la « France profonde » va mal. Et qu’elle a des raisons d’aller mal. La France profonde, ça signifie les Français, pas les syndicats ou autres organisations. Les Français eux-mêmes dans leur vie. Cela va mal, cela va de plus en plus mal comme un peu partout à cause de la dérive capitaliste qui réduit les non-riches à rien, qui les considère comme une sous-humanité juste bonne à enrichir davantage les riches. Et à cause d’un président, Macron, président des riches, qui jamais n’a un mot contre l’évasion fiscale et autres multiples abus de cette classe, mais en dix-huit mois a accumulé les insultes faites aux autres, aux classes pauvres et aux classes moyennes, sacrifiées, dépossédées de la République en tant que telle : chose publique, bien public.
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2 décembre, 0h10
« Ce discrédit de la politique et de ceux que l’on appelle les élites est une tragédie », dit BHL, qui twitte en rafale contre « l’infamie de ce qui se commet » (l’expression de la colère du peuple) et fustige « ceux qui ont joué avec le feu ».
BHLHOOQ.
Les privilégiés, les riches ont chaud au cul, le feu de la demande de justice commence à leur brûler le derrière.
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1er décembre, 23 h
La plus belle vidéo du jour : Nadia Vadori danse dans la brume de lacrymo et fait danser les Gilets jaunes :
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1er décembre, 16 h
Mai 68 était à la base fondé sur des revendications sociétales (les étudiants voulaient pouvoir entrer dans les dortoirs des étudiantes – aujourd’hui on en est à rappeler à certains de ces ex-jeunes devenus vieux abuseurs que l’accord des femmes est nécessaire). Cinquante ans plus tard, le mouvement des Gilets jaunes, rassemblant toutes sortes de gens avec le soutien d’une très large majorité de Français, s’est fondé contre le mépris du peuple incarné par la finance, l’écart monstrueusement grandissant entre riches et pauvres, et la politique de Macron qui incarne la soumission à ce système. En 68 à Paris le Quartier latin portait le cœur de la révolte, en 2018 la contestation se porte logiquement dans le quartier des Champs Élysées, quartier de détrousseurs de peuples.