eschatologie
Onzième lecture
Qu’est-ce qu’on peut entendre comme bêtises. Des gens qui confondent tomber et descendre. Non, ce n’est pas du tout la même chose, c’est même tout le contraire. Dieu descend, le diable tombe. Des gens qui disent « on retombe tout le temps, c’est ça qui est merveilleux ». Non on ne retombe pas tout le temps, on peut tomber, se relever et ne plus retomber. On peut aussi ne jamais tomber, même si le pied trébuche souvent sur les chemins. Et pour ceux qui retombent tout le temps, cela n’a rien de merveilleux, c’est terrible, pour eux-mêmes et pour ceux qui sont autour d’eux. Des gens qui disent que Lazare est le symbole du « mourir à soi-même ». C’est complètement faux. Mourir à soi-même est bon et ne pue pas. Mourir à soi-même exhale un parfum de roses innombrables. Ce qui est arrivé à Lazare, c’est de se laisser gagner par la mort. C’est tout autre chose.
Tout cela dit en quelques minutes à la télévision. Par des auteurs de livres sans doute tout aussi pleins de faussetés. Et personne pour entendre combien c’est faux, combien on assomme les hommes de parole fausse. Partout, tout le temps. Le mal que cela fait, le mal que cela propage, le mal dont cela couvre la terre comme une énorme pollution dont on peut se demander s’il est encore possible de la sauver. Après le dernier enfant, « les hommes seront pareils à des bêtes », dit Ibn Arabî. Voilà où mènent les bêtises. Et Michel Chodkiewicz, à la toute fin de son livre Le Sceau des saints, ajoute :
« Alors aussi le Coran, qui est le « frère » de l’Homme Parfait, sera en l’espace d’une nuit effacé des cœurs et des livres. Vide de tout ce qui reliait le ciel à la terre, un univers glacial et dément s’enfoncera dans la mort : la fin des saints n’est qu’un autre nom de la fin du monde. »
Lisez bien cela, avant de dire n’importe quoi. Ignorants qui paradez dans le monde. Abrutis qui ne comprenez rien à rien. Vicieux qui vous trompez tout le temps. Pourris qui paradez dans les maisons de Dieu. Maniganceurs, fourbes et rusés qui vous posez en vrais. Inclinez-vous donc vraiment devant Ce qui est tellement plus grand que vous, inclinez-vous devant l’enfant dont la bouche dit la vérité, et servez-le plutôt que d’en faire le dernier.
En lisant « Le Sceau des saints », de Michel Chodkiewicz (10 et fin)
cet après-midi, sortie de la prière du vendredi par le Jardin des Plantes, photos Alina Reyes
J’y étais aussi, selon la demande pressante qui m’a été faite en rêve cette nuit. Après qu’il m’avait été demandé de rester plusieurs semaines sans prière rituelle, ni islamique ni chrétienne, pour faire le point.
L’islam c’est la lumière, l’évidence du vrai, la perfection. L’accomplissement de la paix. Ibn Arabî dit qu’à la fin des temps, Jésus revient, apporter la paix dans le monde, et suivant la règle de Mohammed. C’est ce qui se passe. Je ne suis pas Jésus, mais je suis de lui, je suis chrétienne, il vient à travers moi, musulmane. Comment l’expliquer, c’est bien plus fort que tout, il est impossible qu’il en soit autrement, voilà tout. Sans doute est-ce difficile pour beaucoup de monde, c’est pourquoi il faut plus que jamais avoir la foi, être sûr que Dieu va tout guider pour qu’il en soit selon Sa volonté, en gardant à chacun de ses peuples son charisme, tout en œuvrant pour les unir tous, réunir tous ses enfants.
Le point est fait. Terminons notre lecture de ce livre (éd tel gallimard) sous-titré Prophétie et sainteté dans la doctrine d’Ibn Arabî. Voici le chapitre 10, intitulé La double échelle.
C’est écrit dans Voyage, cela y fut écrit bien avant que je n’entre à la mosquée : la fête d’avenir, c’est celle de tous les saints. Le ciel veut la sanctification de la terre. Ensuite il emportera la planète et nous tous au lieu où nous sommes attendus.
« Comment devient-on un saint ? Si elle s’inscrit nécessairement dans une économie spirituelle qui en régit les formes et en distribue les fonctions, la sainteté est d’abord le fruit d’une quête personnelle et toujours sans précédent : « À chacun de vous Nous avons assigné un chemin et une voie » (Cor. 5 : 48). Ibn Arabî insiste constamment sur l’irrépétabilité absolue des théophanies et donc des êtres, des choses, des actes. Jamais deux « voyageurs » (sâlik) ne passeront par la même route. L’aventure de l’un ne sera jamais l’aventure de l’autre.
Il n’en reste pas moins que tout voyage initiatique, quelles qu’en soient les particularités, connaît des étapes et des périls dont la nature et la répartition se conforment à un modèle à défaut duquel, d’ailleurs, la notion même de « maître spirituel » n’aurait aucun sens. Cet itinéraire type, enrichi d’innombrables variantes, fait partie des topoi de la littérature du soufisme. Comme ailleurs, mais plus qu’ailleurs parce que, en Islam, le mi’râj du Prophète est une référence majeure, il se présente souvent comme la description d’une ascension. » (pp 151-152)
Michel Chodkiewicz décrit ensuite le voyage spirituel d’Ibn Arabî, en suivant son ouvrage L’Épître des Lumières (Risâlat al-anwâr), sous-titré « Sur les secrets qui sont octroyés à celui qui pratique la retraite cellulaire ». Nous n’en reprendrons pas ici le détail, mais notons ces passages :
« Une autre formulation de ce passage, celle relative à la « circularité » des chemins, peut paraître énigmatique. Ibn Arabî en éclaire le sens dans un chapitre des Futûhât où il représente symboliquement la manifestation par une circonférence dont le point initial (l’Intellect premier, ou le Calame, qui est la première des créatures) et le point final (l’Homme Parfait) coïncident. Le « chemin » qui conduit du Principe à l’ultime frontière de la création (« le plus bas de l’abîme » : asfal sâfilîn, Cor. 95 : 5) reconduit de cette limite extrême au lieu originel (symbolisé dans la même sourate par le « Pays sûr » – al-balad al-amîn) dont les âmes ont la nostalgie. (…) en raison de l’infinitude divine, qui exclut toute répétition, le retour [à Dieu] ne peut être une simple inversion du processus d’éloignement : les créatures ne reviennent pas sur leurs propres pas. C’est la courbure de l’espace spirituel où elles se meuvent qui les ramènent à leur point de départ. » (pp 166-167)
« C’est, dit Ibn Arabî, parce que Moïse était à la recherche d’un feu, comme le mentionnent ces versets [Cor. 28 : 29-30], que la Voix de Dieu a surgi pour lui d’un arbre en feu. Chaque fois que nous nous représentons ce dont nous avons – matériellement ou spirituellement – besoin c’est, que nous le sachions ou non, une représentation de Dieu que nous nous formons car « tout besoin est besoin de Dieu ». Celui qui désire une chose pour sa beauté, c’est la Beauté divine qu’il aime en elle. Mais il ne connaîtra de la Beauté divine que ce que cette chose peut en contenir. (…) les théophanies seront à l’image et à la mesure de nos désirs. » (pp 170-171)
« La perfection spirituelle implique la hayra – la stupéfaction, la perplexité, un éblouissement perpétuel accordé au renouvellement incessant des théophanies dont chacune apporte une science nouvelle qui n’est jamais le nec plus ultra. « (p. 173)
« … la différence entre le walî [saint, rapproché] et l’homme ordinaire est tout entière dans le regard qu’ils portent sur les choses. (…) Cette cécité de celui qui regarde les théophanies sans les voir est la racine du péché et la substance même de son châtiment. Seul y échappe celui qui connaît « sa propre réalité », son haeccéité éternelle (ayn thâbita) » (p.176)
« Le walî, s’il a su, à chaque étape successive, résiter à la tentation de s’arrêter en chemin – chaque paragraphe de l’Épître s’ouvre sur un rappel lancinant de ce péril -, est donc parvenu à la « station de la Proximité » (maqâm al-qurba), à la sainteté plénière, que Jésus scellera à la fin des temps. (…) L’homme, au terme de ce mi’râj, se réduit à l’indestructible secret divin sirr ilâhi) déposé en lui au commencement des temps par l’insufflation de l’Esprit (nafkh al-rûh) dans l’argile adamique. (…) Cependant, si l’ « arrivée » à Dieu (al-wusûl) est le point final de l’ascension, elle n’est pas, pour les plus parfaits, la fin du voyage. Le mi’râj, en arabe, est un mot qui peut se traduire par « échelle » : mais il s’agit, en l’occurrence, d’une échelle double. Parvenu au sommet, le walî doit redescendre par des échelons distincts mais symétriques de ceux qu’il a gravis. (…) Mais les choses auront « d’autres formes » car ce qu’il regardait « par l’œil de son ego » (bi ayn nafsihi), il le contemple « par l’œil de son Seigneur » bi ayn rabbhi). À chaque stade de la descente, il reprendra cette part de lui-même qu’il y avait laissée. Cette récupération progressive de ce qu’il avait abandonné derrière lui n’est cependant pas une régression : selon une belle image qu’emploie le commentateur, chaque « tunique » dont il s’est défait à l’aller a été par là même retournée comme une robe qu’on enlève en la saisissant par le bas. Ainsi ce qui était à l’envers est devenu l’endroit, ce qui était caché est devenu apparent. Le walî se « revêt » au retour de tous les éléments constitutifs de son être qu’il avait initialement restitués à leurs mondes respectifs, mais ces éléments ont été métamophosés par cette rétroversion. » (pp 177-179)
« Ibn Arabî identifie l’Homme Parfait à l’arbre « dont la racine est ferme et la ramure dans le ciel » (Cor. 14 : 24) (…) il est l’ « isthme » (barzakh) des « deux mers ». S’il est le garant de l’ordre cosmique, et donc éventuellement l’instrument de la Rigueur divine, sa fonction, quel que soit son rang dans la hiérarchie initiatique, est d’abord d’être l’agent de « la Miséricorde qui embrasse toute chose » (Cor. 7 : 156) : c’est pourquoi sa « génération héroïque » (futuwwa) s’étend « aux minéraux, aux végétaux, aux animaux et à tout ce qui existe ». (p.184)
À bientôt.
Le temps de la perversion
La Résurrection des morts et le jugement dernier, acrylique sur bois, 25 x 20 cm. Une oeuvre de Dimo, à voir en grand, ainsi que d’autres, sur son site.
Pour être libérées, les Femen européennes arrêtées en Tunisie ont présenté leurs excuses et se sont désavouées. Tu parles de militantes. Au premier problème, elles se déculottent. Voilà ce qu’il en est des soumis au système qui les emploie : achetés, ni courage ni honneur.
En Europe, elles sont assurées de n’être sanctionnées ni pour leurs attentats à la pudeur ni pour leurs manifestations non autorisées. Alors qu’un jeune manifestant du mouvement les Veilleurs a écopé de quatre mois de prison, dont deux avec sursis, pour refus d’obtempérer. Mais lui n’était pas une serpillière au service de la cause de l’Occident contre les Arabes ni contre l’honneur de l’être humain.
Toujours pas de nouvelles de ce qui s’est passé à Argenteuil il y a quelques semaines, où des femmes voilées ont été agressées, l’une d’elles en perdant le bébé dont elle était enceinte. L’enquête avance-t-elle vers la mise au jour de la vérité, ou vers l’enfouissement de la vérité ?
Un médecin italien se déclare prêt à greffer des corps de morts en bonne santé sur des têtes bien vivantes, qu’il couperait de leur corps handicapé ou malade. Dans la deuxième partie du dix-neuvième siècle, des médecins multipliaient les expériences d’électrisation de têtes guillotinées, pour les voir faire d’horribles grimaces et tenter de les rendre à une vie. L’un d’eux alla jusqu’à injecter son propre sang dans une tête coupée. Et l’on rêvait de pouvoir interroger les têtes de meurtriers ainsi ravivées pour obtenir leurs aveux.
Aujourd’hui le mal se cache mieux que ça. Et il ne faut pas y aller de main morte pour libérer les hommes qu’il enterre.
En lisant « Le Sceau des saints », de Michel Chodkiewicz (9)
Poursuivons notre lecture avec le neuvième chapitre (Le sceau de la sainteté muhammadienne) de ce livre (éd tel gallimard) sous-titré Prophétie et sainteté dans la doctrine d’Ibn Arabî.
« Dans un chapitre consacré au Paradis, (…) Ibn Arabî évoque la possibilité pour l’homme de percevoir dès à présent sa propre nature paradisiaque et de se trouver donc « en plusieurs lieux à la fois », c’est-à-dire d’occuper consciemment en même temps tous les états de l’Être et non pas seulement celui que définit la condition humaine ordinaire ». (p.134)
Nous avons vu dans le chapitre précédent que Jésus est, dans l’optique d’Ibn Arabî, le Sceau des saints, ou Sceau de la sainteté universelle. Le deuxième Sceau, celui de la sainteté muhammadienne, dérive du Sceau des prophètes, Muhammad – « en définitive, précise M. Chodkiewicz, ces deux fonctions n’appartiennent véritablement qu’à un seul et même être » (p.148). Ibn Arabî a reçu des visions lui révélant qu’il était lui-même ce Sceau, le dernier saint directement issu de sa proximité du cœur de Muhammad.
« Tout entier nourri par la méditation des écrits d’Ibn Arabî », l’émir bien-aimé des Français Abd el-Qader, libérateur de l’Algérie et sauveur de chrétiens, « aboutit aux conclusions suivantes :
– Tout walî, nabî ou rasûl « puise » dans l’ « océan muhammadien » (…)
– La « prophétie générale » (al-nubuwwa al-âmma) correspond au degré suprême de la walâya – celui qu’on appelle aussi « station de la proximité » (…) [proximité qui] exprime, dans un langage conforme à la perspective islamique, la restauration de l’Unité primordiale.
– Ceux qui atteignent ce degré sont les afrâd. (…) [cf chapitres précédents]
– La « prophétie générale » peut être mutlaqa – libre, indépendante : c’est celle qui est héritée d’un prophète autre que Muhammad – ou muqqayyada – restreinte : c’est celle qui est héritée de Muhammad.
– La prophétie générale restreinte est scellée par le Sceau de la sainteté muhammadienne, qui est Ibn Arabî. (…)
– La prophétie générale indéterminée est scellée par Jésus lors de son retour à la fin des temps (…)
– Les autres degrés de la walâya [sainteté, proximité] resteront cependant ouverts jusqu’à l’avènement du Sceau des enfants (…) Le destin de ce troisième Sceau, à la toute dernière extémité de l’histoire, s’inscrit nécessairement dans la période au cours de laquelle, selon les données eschatologiques traditionnelles, Jésus fera régner la paix sur la terre ». (pp 146-147)
Nous avons déjà évoqué ce mystérieux Sceau des enfants lors de notre lecture du chapitre précédent. Il me vient en ce moment à l’esprit que cette vision d’Ibn Arabî coïncide avec celle que j’eus en écrivant l’épilogue de Souviens-toi de vivre.
Le prochain et dernier chapitre de ce livre s’intitule La double échelle, nous le lirons bientôt, incha’Allah. Dieu veut nous guider.