Victorine, la petite Roque et l’Odyssée

réponses de mes élèves à des questions sur "La petite Roque", posées sur le blog que j'avais créé pour eux

réponses de mes élèves à des questions sur « La petite Roque », posées sur le blog que j’avais créé pour eux


Le meurtre de Victorine Dartois, dix-huit ans, retrouvée noyée dans un ruisseau, me rappelle la puissante nouvelle de Maupassant intitulée La petite Roque – qui pourrait avoir inspiré, me semble-t-il, l’extraordinaire série de David Lynch Twin Peaks. Le texte peut être lu ou relu dans cette bonne édition électronique gratuite. (J’ai le cœur qui bat en pensant à mes élèves, avec qui j’avais étudié ce texte).

Comme dans la nouvelle de Maupassant, où l’on s’empressait d’accuser quelque vagabond, la fachosphère bruisse d’accusations xénophobes et racistes plus ou moins directes. À croire qu’il n’y a aucun tueur, détraqué, ou dépité violent parmi les bons chrétiens bien de chez nous. Nous avons eu l’horreur terroriste qui a stupidement conféré le grade de martyr à un journal raciste qui aurait dû s’expliquer devant les tribunaux comme Zemmour plutôt que de voir ses membres atrocement assassinés, nous avons toujours Zemmour malgré ses condamnations successives, nous avons des élites vieillies et aigries, nous avons un pays déprimé, mal gouverné, malade et donc prêt à sombrer dans la haine. Nous avons aussi des forces vives qui travaillent pour que la vie continue. Pour ma part, je continue à traduire l’Odyssée parce que je pense que c’est important. La prochaine fois, nous arriverons à la fin du premier Chant.
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Anthroposophie, racisme-nazisme, dérives sectaires de l’esprit d’un temps abêtissant

En ces temps où, suite au suicide d’une directrice d’école, des enseignants dénoncent le saccage de l’Éducation nationale par M. Blanquer, où les communes vont devoir payer des centaines de milliers d’euros aux écoles maternelles privées, et où un Zemmour déverse en direct à la télévision ses délires et paranoïas racistes, la bonne nouvelle de la victoire de Grégoire Perra dans le procès que lui a intenté la secte anthroposophique (voir son blog) donne à ses révélations tout leur poids inquiétant.

« L’Anthroposophie est probablement la secte la plus puissante d’Europe. Aucune autre n’a autant d’argent, d’écoles, d’entreprises, de réseaux…

« Françoise Nyssen, naguère ministre de la culture, a co-fondé une école Steiner qui a défrayé la chronique. Elle est une anthroposophe très active. »

… l’article entier, sur les menaces qui pèsent sur la Miviludes, Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, est à lire ici

« L’anthroposophie est un empire. Avec respectivement 14 milliards et 4 milliards d’euros d’actifs sous gestion, les banques Triodos et GLS, deux établissements fondés et dirigés par des anthroposophes, s’imposent comme des références de la « finance durable ». Elles soutiennent des entreprises d’inspiration anthroposophique. Pas moins de 1 850 jardins d’enfants et 1 100 établissements scolaires Steiner-Waldorf répartis dans 65 pays, appliquent les principes pédagogiques du touche-à-tout autrichien. Numéro un des cosmétiques biologiques en France et en Allemagne, les laboratoires Weleda ont réalisé 401 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017…

« Pour Steiner [fondateur de l’anthroposophie], Mars serait une planète liquide, la Terre un crâne géant, la Lune un amas de corne vitrifiée, et tricoter donnerait de bonnes dents ; les îles et les continents flotteraient sur la mer, maintenus en place par la force des étoiles ; les planètes auraient une âme ; les minéraux proviendraient des plantes ; les êtres clairvoyants pourraient détecter les athées, car ils seraient forcément malades ; initialement immobile, la Terre aurait été mise en rotation par le « je » humain (…)

« Le paysan qui accepte de se plier au cahier des charges de Demeter, la marque de certification des produits agricoles cultivés en biodynamie, ne se borne pas à produire des fruits ou des légumes biologiques — cette sorte de druidisme lui impose de manipuler des cornes remplies de bouse et des vessies de cerf et de respecter un calendrier cosmique. (…)

« L’œuvre de Steiner comporte une dimension plus sombre. Dès 1910, il affirme que les peuples germains et nordiques appartiennent au même groupe ethnique, la race aryenne, et dénonce « l’effroyable brutalité culturelle que fut la transplantation des Noirs vers l’Europe, [qui] fait reculer le peuple français en tant que race. »

« Entré dans l’anthroposophie à l’âge de 9 ans, après avoir effectué sa scolarité dans l’école Steiner de Verrières-le- Buisson (Essonne), M. Grégoire Perra y est resté trois décennies. Il a connu des anthroposophes malades du cancer. « Ils ont refusé d’être soignés en France et ont opté pour une clinique anthroposophique à l’étranger, se souvient-il. En guise de soins, ils y ont reçu des injections d’Iscador, de l’homéopathie et participé à des séances d’art-thérapie. Aucun n’est jamais revenu. Certains ont légué tous leurs biens à l’anthroposophie. » (…)

« C’est extrêmement impressionnant lorsque vous êtes enfant et que vous découvrez cette atmosphère occultiste », confie une ancienne élève. (…) En décembre 2017, sans que les parents d’élèves en aient été préalablement informés, ce rituel a été organisé au Domaine du possible. Sa fondatrice, la ministre de la culture, nous a affirmé, lors de la journée portes ouvertes, qu’il s’agit d’une école dont elle est « très fière ». « C’est dans des écoles alternatives comme celle-ci que s’invente l’avenir », assure-t-elle. »

L’article entier du Monde diplomatique, « L’anthroposophie, discrète multinationale de l’ésotérisme », est à lire ici.

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Depuis une douzaine d’années, j’ai été très souvent la cible des insultes, voire des menaces, de gens d’extrême-droite – beaucoup d’anonymes comme sur le site, aujourd’hui fermé, les ogres, ou sur Twitter ou Agoravox (ces anonymes, plaie de la société, qui sont de ceux qui dénoncent leurs voisins à l’ennemi en temps de guerre, et derrière lesquels se cachent aussi bien des monsieur-tout-le-monde que des personnalités en vue défoulant en ligne la haine qui les habite et qu’elles n’expriment pas en leur nom, par prudence) – beaucoup d’anonymes mais aussi quelques personnes dont la proximité avec l’extrême-droite s’est révélée plus tard (Moix, Enthoven…) ou accentuée misérablement avec le temps (à moins que les temps aident à la libération de la sale parole, à l’exposition des sales connivences). J’ai écrit un livre sur la « fascisation en cours », qu’aucun éditeur n’a voulu publier, pas même celui qui m’a répondu que le texte était remarquablement écrit et qu’il était d’accord à 200% avec ce que je disais. Pendant que des intellectuels en vogue croyaient ou voulaient voir en l’islam la grande menace sur notre temps, j’ai vu depuis longtemps que le réel danger restait celui des fascismes du siècle dernier, toujours vivaces (mon livre Poupée, anale nationale est paru en 1998), et j’ai dénoncé dès le début et à plusieurs reprises les dérives d’esprit sectaire dans le macronisme, comme ici, ici et là.

Je parle souvent du yoga ces dernières semaines et je dois dénoncer aussi la récupération qui en est faite par des entreprises sectaires, ésotériques, ou de « développement personnel », coaching, etc. Le « malheur de ne pouvoir être seul » que constatait La Bruyère est particulièrement aigu de nos jours dédiés aux réseaux sociaux (« virtuels » ou « réels ») et à l’intelligence collective : ce malheur ne fait pas que déprimer les gens et les intellectuels, il les rend incapables de penser en profondeur le monde dans lequel ils vivent. Selon son conditionnement politique, on y repère tel ou tel problème, mais la vision d’ensemble le plus souvent fait défaut. Nous avons besoin de pensées qui telles celles de Grothendieck reprennent les problèmes (mathématiques pour sa part) dans des synthèses nouvelles, audacieuses, surplombantes.

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Retour sur une fascisation en marche depuis des années

macronisme,*

Les réponses paranoïaques d’Emmanuel Macron au mouvement des Gilets jaunes ou à l’affaire Benalla, symptomatiques d’une société de l’occulte et du spectacle, marquent l’accélération, sous sa présidence, d’une fascisation du pouvoir politique en France, comme ailleurs en Europe.

« La démocratie peut disparaître en Europe », déclarait Jean Ziegler, vice-président du Comité des droits de l’homme de l’Onu, le 28 décembre 2014. Et il accusait comme dans son livre Retournez les fusils « les oligarchies financières globalisées » de la détruire. La dérive fascisante du pouvoir, dont l’un des symptômes est la tentation d’interdire toujours plus, sanctionner policièrement les paroles « déviantes », et notamment faire obstacle au droit de manifester, n’a pas commencé hier. En 2014, plusieurs manifestations en soutien à Gaza bombardée et martyrisée, ou en hommage à Rémi Fraisse, ont été interdites, dans un pays où, comme en toute démocratie, de telles interdictions sont rares. Ou du moins étaient rares. En revanche, ce sont les représentants de l’État qui ont appelé à la manifestation monstre du 21 janvier 2015, au cours de laquelle la police fut acclamée.

Selon Claude Guéant, l’ancien ministre de l’Intérieur, « il y a des libertés qui peuvent être facilement abandonnées »… pour, bien sûr, lutter contre le terrorisme. Mais les pouvoirs n’ont pas attendu la tuerie de Charlie pour s’emparer des libertés en organisant la surveillance à grande échelle des citoyens, nouvelle forme du fascisme. Qui, dans ce vieux pays hiérarchisé et cloisonné, trouve intérêt à ce jeu paralysant ? « La France a besoin d’autorité », déclarait Manuel Valls le 18 février 2015, en guise de justification du recours à l’article 49-3 pour imposer la loi Macron. La vérité est qu’un gouvernement plus faible que jamais, et affaibli par son manque de vision, d’intelligence et de respect, un gouvernement traître à toutes les promesses qui l’ont porté au pouvoir, n’a aucune véritable autorité. L’autorité vient de l’exemple que l’on est, que l’on donne. Quand l’autorité morale vient à manquer, quand les actes et les comportements contredisent les discours, l’autorité est défaillante : c’est alors que s’y substituent l’autoritarisme, l’abus, la violence, morale ou physique.

Les temps que nous vivons sont souvent comparés à ceux des années 30. L’histoire ne se répète jamais à l’identique. Si les conditions d’une advenue du fascisme sont réunies, ce dernier, ou sa forme nouvelle, ne vient pas forcément par où on l’attendrait, par où il est déjà venu. Certains portent la mauvaise parole, celle qui fit du mal autrefois, mais ont peu les moyens de nuire, voire ne croient pas eux-mêmes à cette mauvaise parole proférée et entendue avec distance. Alors que d’autres, porteurs d’une « bonne parole » mensongère, sont au pouvoir et n’hésitent pas à en abuser, à porter atteinte aux institutions républicaines et à la liberté d’expression.

Tandis que les irresponsables politiques de tous bords, depuis des décennies laissent empirer la situation de la société, où les inégalités se creusent non seulement sur le plan matériel mais aussi sur celui de l’éducation. Au bas de l’échelle certains pratiquent le trafic d’armes et de drogues comme d’autres, en haut de l’échelle, pratiquent le trafic de la vérité, les trafics politiques, les trafics financiers et les trafics d’influence. Le viol de la loi et le faux règnent du haut en bas de la société, et les uns les autres se regardent au miroir de la mort. Ils croient se combattre mais ils œuvrent pour le même camp, et c’est le pays entier, y compris les innocents et les hommes de bonne volonté, qui en est victime.

Oui, miroir de la mort. Guy Debord avait prophétisé la société du spectacle. Ajoutons qu’elle a son corollaire, qui se développe en même temps qu’elle : la société de l’occulte. Les deux n’en font qu’une. Société de fausse transcendance, creusant sa « fosse de Babel » comme le prophétisa plus synthétiquement encore Franz Kafka. Où est le spectacle, là est la fosse. Le spectacle est l’apparence, l’épidermique. Que font les discours des politiques et des médias dominants ? Ils poussent aux réactions épidermiques en désignant des gens à la vindicte. Quels gens ? Non pas de riches exploiteurs, non pas de puissants corrompus, non pas des intellectuels aux influents réseaux entraînant le pays à semer la mort et le chaos par ses guerres et autres ingérences au Moyen Orient ou en Afrique, et faisant régner en France, dans la presse et l’édition, la pensée unique, la promotion et l’exclusion de telle ou telle voix – mais les pauvres, les stigmatisés de longue date, les personnes parfois poussées au désespoir du fait du mépris dans lequel elles sont tenues, et étaient avant elles tenus leurs parents : tour à tour et à la fois les Roms, les immigrés et enfants d’immigrés, les migrants, les chômeurs, les Gilets jaunes maintenant… Voilà le ressort qu’exploitent les politiciens : épouvanter secrètement les gens, afin d’obtenir leur repli, leur défaite.

Ayant dû renoncer à ses colonies, c’est le peuple de métropole que l’État français s’est mis à coloniser. Ce peuple formé de beaucoup d’immigrés et enfants d’immigrés, du peuple de toujours et de sa jeunesse, de tous ceux qui n’ont pas pour but dans la vie de dominer et exploiter autrui. Au fond les colonisés sont déjà plus libres que les colons, prisonniers de ce besoin de coloniser sans lequel ils ont peur de ne pouvoir survivre. Mais c’est justement leur propre aliénation qui les pousse à faire en sorte que se perpétue leur domination, toujours menacée. Si les dominés ont toujours devant eux la perspective de renverser les dominants, les dominants, eux, passent leur existence dans la crainte de se voir dépouillés de leur domination, sans laquelle ils ne savent survivre. Et pour se maintenir ils sont prêts à tous les artifices, tous les mensonges, toutes les ruses, toutes les tromperies. L’illusionnisme, les tours de passe-passe, sont leurs misérables armes, portées par beaucoup de médias complaisants – aux mains de milliardaires et plus ou moins achetés par les aides que leur verse l’État. Le fascisme en marche en Europe depuis des années a fait ces derniers jours, ces dernières semaines, ces derniers mois, un bond en avant avec une spectaculaire banalisation de ses pulsions, de ses ressorts, de ses retours.

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Nuit Debout et la menace du reptile néofasciste

Je poursuis ma réflexion autour de Nuit Debout

facho*

Le fascisme est aujourd’hui comme le diable selon Baudelaire : il ruse en essayant de faire croire qu’il n’existe pas. Ou du moins qu’il n’existe plus, ou qu’il n’existe pas là où ceux qui ont du nez le sentent exister. Car le fascisme pue. La merde brune a l’odeur de l’argent – que certains croient sans odeur – et réciproquement. Elle est attachée aux ambivalences du stade anal, avec ses envies de rétention paranoïaque, d’expulsion sadique de ce qui peut être perçu comme corps étranger (le fœtus dans mon livre Poupée, anale nationale), de névrose obsessionnelle autour de la saleté et de la propreté, conduisant à considérer l’autre comme sale, et son propre territoire comme… propre, ou à nettoyer de la saleté qu’est l’autre, racisé et sexisé.

La non-résolution du stade anal ou la régression au stade anal conduisent au racisme et au sexisme. Il faut d’ailleurs parler du sexisme en premier, car l’humanité est sexuée partout (sauf là où la femme est exclue, car considérée comme trop impure, trop sale – et les hommes se rabattent alors sur des enfants, ou sur des prostituées qui leur permettent de réduire leur angoisse à la question de l’argent).

Le fascisme est un phénomène historique, il ne se répétera pas à l’identique. Mais une grande partie de ce qui l’a produit existe toujours, et continue à œuvrer sous différentes formes, souvent qualifiées de néofascismes, et dans différents esprits – d’où l’adjectif courant de facho, qui est l’équivalent familier de néofasciste ou fascisant.

Le fascisme s’est réalisé en Italie sous Mussolini. Outre l’origine de son nom, il est aisé de lui voir des racines dans la Rome antique, avec son césarisme, ses jeux du cirque, son goût de l’apparat et du spectaculaire si proches du fascisme rampant de nos actuelles sociétés de consommation et de communication. Mais c’est le catholicisme, lui aussi césarien et spectaculaire, qui par dévoiement en a fait une machine nihiliste totale, en lui donnant une possibilité d’ancrage plus profond : le dogme de la Trinité. Le Père, le Fils et le Saint Esprit, trois personnes qui n’en font qu’une : voilà déjà de quoi mettre en place un totalitarisme (illustré notamment par le goût de l’uniforme rigide – armée, police, scouts, clergé…) Et tous les éléments du fascisme s’y trouvent en germe. Le Père figure le nationalisme, via le patriotisme, le patriarcat et le sens de la lignée qu’il sous-tend. Le Fils, sacrifié par la volonté du père et soumis à cette volonté, figure l’autoritarisme (également présent dans le système hiérarchique de l’Église) qui s’autorise tous les abus, spirituels et physiques, y compris le droit d’infliger persécution, supplice et mort à l’innocent. Et le Saint Esprit, agent de circulation, de rapport entre les personnes, se trouve logiquement figurer dans ce contexte d’abus et de négation de la valeur humaine, l’argent, fausse valeur de remplacement au nom de laquelle les échanges se font. Corporatisme, racisme et sexisme dérivent aussi de la valeur patriarcale (et menacent toutes les sociétés patriarcales), au sens où cette dernière définit des tribus, sépare les humains selon leur gens et leur genre.

Si le néofascisme tend à se nier, comme le diable selon Baudelaire qui devait savoir de quoi il parlait, l’expression qui le révèle aujourd’hui est le racisme (voir par exemple Pegida). La soumission au capitalisme est une condition originelle du fascisme, et elle est parvenue aujourd’hui à un degré extrême, dans quasiment toutes les sociétés. Dans ce système où les figures de la mauvaise trinité sont en effet indissociables, le racisme (et le corporatisme ou le règne des lobbies) est le signe du fascisme enfoui, plus ou moins conscient, dans les esprits, et qu’une situation historique propice peut faire surgir des sous-sols aussi rapidement qu’un temps de pluie peut faire déborder les égouts. Ici et là le retour du refoulé fait signe : une ministre parle de « nègres », un académicien notoirement raciste se lâche une fois de plus et régresse au « gnagnagnagna », les adversaires du mouvement Nuit Debout inondent les réseaux sociaux de leurs accusations de crasse et de saleté. Et la plupart des médias, prenant le parti des notables contre ceux des citoyens qui veulent exercer leur citoyenneté, enjoignent ces derniers d’accueillir en leur sein le reptile. Le reptile ayant avec lui les pouvoirs médiatiques et politiques (les uns et les autres possédés par la finance et payant des gens qui n’ont pas envie de perdre ni leur place ni leur manne), se soumettre à cette injonction, laisser entrer le reptile dans la place, dans le jardin, serait se laisser avaler par lui.

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Terri Jentz vs Le Corbusier

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Péniche Le Corbusier à Paris, photo Alina Reyes

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Il y a soixante-dix ans les Françaises votaient pour la première fois. C’est une honte si grande qu’elle en est incroyable, comme le fait qu’aujourd’hui un ambassadeur soit refusé par le Vatican parce qu’il est homosexuel, ou qu’une petite fille de dix ans, au Paraguay, n’ait pas le droit d’avorter après avoir été violée par son beau-père, et bien qu’elle y risque sa vie. J’ai fini de lire cette nuit le récit de Terri Jentz, La nuit sauvage. À l’âge de vingt ans, alors qu’elle campait avec une amie, elles ont été agressées à la hache par un inconnu. Miraculeusement elles ont survécu, mais elle a dû « enterrer » l’histoire en elle pendant quinze ans avant de trouver la force de mener l’enquête pour découvrir le coupable, que la police avait laissé filer. Au cours de cette enquête, elle rencontre beaucoup de femmes victimes de la mauvaiseté de certains hommes, souvent qualifiés de sataniques, agresseurs de femmes et souvent d’enfants, manipulateurs, séducteurs et destructeurs. La litanie des maux endurés la conforte dans sa conviction que non seulement certains actes sont impardonnables, mais aussi que certains êtres sont irrécupérables. Le travail qu’a fait cette femme et que nous pouvons faire à travers elle, à travers son livre, est un bienfait, spécialement pour toutes celles et ceux qui ont eu à affronter la perversité en personne.

Le Centre Pompidou expose Le Corbusier, j’irai peut-être. On trouve dans Métro un article sur son fascisme, où il est dit notamment : « Le fascisme, c’est ça : le retour d’une société masculine, virile, sous une forme moderne. » Les projets architecturaux suivent : « la Cité radieuse correspond à un projet eugéniste. On y trouve des équipement sportifs pour créer cette race nouvelle, faciliter le retour du patriarcat, où tout est prévu pour que les femmes ne sortent pas de chez elles, parce qu’elles sont là pour faire des enfants. Le Corbusier met donc des écoles et des magasins à l’intérieur, où la maîtresse de maison et mère de famille peut jouer son rôle pleinement. » Choquant ? Ce n’est rien encore : Le Corbusier voulait « épurer les villes ». Autrement dit, chasser ceux qui « ne servent à rien » et retrancher les ouvriers dans des camps : « En 1922, rappelle Xavier de Jarcy, Le Corbusier a ce projet de Ville contemporaine pour 3 millions d’habitants, où le centre-ville est réservé à l’élite et à la classe moyenne supérieure, et où les ouvriers sont repoussés en banlieue avec une zone verte de sécurité qui les sépare de la ville pour qu’on puisse les tenir à distance et les contrôler… » L’architecte conçoit des tours, des barres de logements immenses, presque identiques aux HLM d’aujourd’hui : il n’hésite pas à parler d' »élevage humain ».