Honneur de l’athlétisme

J’ai encore couru hier quarante-cinq minutes, sur 5 km, donc plus lentement encore que la dernière fois, en m’efforçant de respecter constamment la fréquence cardiaque de l’endurance fondamentale. C’est un peu frustrant de ne pouvoir aller plus vite, mais d’un autre côté c’est bien de constater qu’on peut courir longtemps sans jamais avoir envie de marcher, même si courir à 6 km/h ou un peu plus est à peine plus rapide que marcher. Le mouvement n’est pas le même, en courant on ne touche pas le sol comme en marchant, et s’entraîner à cette fréquence cardiaque basse doit faire progresser l’endurance, mais aussi la vitesse à laquelle on peut courir en endurance. Je suis sûre que je vais progresser. Il me semble que déjà ma fréquence cardiaque au repos a baissé, donc progressé, puisqu’elle est descendue à 52 la nuit dernière. Pour ma prochaine sortie, j’essaierai quelque chose d’autre, ni intense comme le fractionné de lundi dernier, ni aussi lent que l’endurance fondamentale, j’ai une idée en tête, d’après ce que j’ai déjà expérimenté au début, on verra ce que ça donne. Il faut suivre les conseils des coureurs et des coachs (que j’écoute et lis en ligne) mais aussi trouver comment les adapter au mieux pour soi-même, en l’absence de coach personnel. Et pour mon anniversaire, dans quelques jours, j’aurai le livre d’un fameux coach américain du nom de… Jack Daniels. Un nom de flacon à ivresse. J’adore apprendre et étudier, et expérimenter et progresser.

L’année dernière fut celle où, dans un intense travail, je traduisis en vers l’Odyssée en entier, et une bonne partie de l’Iliade – partie que je compte mettre en ligne aussi, car il semble que je ne sois pas près de m’y remettre. Même inachevée, ma traduction pourra peut-être servir ; et le jour viendra, inch Allah, où je la terminerai. Cette année est bien partie pour être celle de la course. Je courrais tous les jours si je n’étais avertie qu’augmenter brutalement la quantité d’entraînement mène droit aux blessures. Ces jours-ci j’ai une légère douleur aux genoux, soit à cause des back squats (squats en portant des poids sur les épaules), car c’est là que ça a commencé, soit du fait du changement de chaussures, car il faut que je m’y habitue : les précédentes me causaient une inflammation au métatarse, celles-ci pas du tout mais peut-être dois-je veiller davantage à ma foulée. Aujourd’hui à la salle je me suis donc contentée d’une petite demi-heure de rameur, toujours fort dynamique, suivie de mon yoga habituel, toujours en finissant les pieds derrière la tête. De bons exercices ni trop fatigants ni traumatisants, car j’espère rester assez en forme pour retourner courir une troisième fois avant la fin de la semaine.

J’aime me rappeler que le marathon vient de la Grèce antique, et aussi les passages de l’Odyssée où les hommes s’entraînent et se défient aux jeux athlétiques, dont la course à pied, bien sûr. Ce sont des moments de paix et de rencontre, des expressions parmi les plus hautes de la civilisation. Dans ce monde grec, les hommes y prouvent leur valeur et s’y honorent autant qu’à la guerre ou dans la poésie. La victoire et la gloire de l’athlète, c’est la vie, la vie réelle, avec son sang, son muscle, ses nerfs, ses os, exaltés.

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Se mettre à courir tard. La meilleure élection


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Dimanche, par temps radieux, je suis allée au stade et j’y ai sauté à la corde. Hier, lundi, par temps très venteux, j’y suis retournée en courant, pour y courir en fractionné. Sauter à la corde, courir, c’est aussi vivre l’enfance en soi. On parle de libération de l’endorphine en courant ; au-delà de l’hormone du plaisir qui envahit le corps, c’est la joie qui habite en plénitude corps et âme.

Je me suis mise à courir il y a dix-sept mois, sans plan, en y allant une fois par semaine, parfois deux, mais en n’y allant plus pendant certaines périodes. Les progrès, qui ne peuvent être rapides quand on s’y met ainsi à la soixantaine, ont été lents mais j’ai progressé quand même, et j’en suis à me mettre à courir davantage, en profitant davantage des enseignements trouvés en ligne, notamment sur la nécessité d’apprendre à courir en endurance. Pas significatifs : j’ai changé de chaussures, laissant mes anciennes sneakers pour de vraies runnings, je me suis procuré une montre cardio, et j’ai pris rendez-vous chez le cardiologue pour un test d’effort, dans quelques semaines.

J’ai peu couru jusque là donc, mais j’ai fait d’autres sports, et c’est aussi ce qui m’a permis de parvenir à courir quarante-cinq minutes aujourd’hui. Après avoir eu deux cancers entre 2015 et 2018, subi quatre opérations dont une mastectomie, suivie de reconstruction du sein, une radiothérapie et deux hormonothérapies très fatigantes dont la dernière est toujours en cours pour vingt mois encore, eh bien je n’étais plus en très grande forme. C’est alors que je me suis tournée d’abord vers le yoga. J’ai suivi un cours pendant quelques mois, qui m’a permis de reprendre l’exercice en douceur, puis j’en ai fait quotidiennement à la maison. Là aussi il m’a fallu progresser, car les opérations avaient raidi tout un côté de mon corps, je ne pouvais plus par exemple tendre complètement le bras droit au-dessus de ma tête ; le yoga m’a rendu toute ma souplesse et je n’ai par exemple aucun mal à tendre mes bras pour prendre mes orteils dans mes mains quand je pose mes pieds derrière ma tête :-)

Sans abandonner le yoga, je suis passée à d’autres formes de gymnastique et renforcement musculaire, au fitness plus généralement. Cet hiver je me suis inscrite dans une salle de sport pour compléter ma remise en forme avec les machines de cardio-training. Tous sports confondus, je m’entraîne environ cinq heures par semaine, sur cinq ou six jours, plus ou moins selon mon état de forme – je dois toujours composer avec les handicaps induits par mon traitement, fatigue, ostéoporose et douleurs articulaires entre autres. Tout cet entraînement participe aussi à me rendre plus apte à courir. Et la paix, le sentiment de plénitude, la joie de départ du yoga, se perpétuent à travers toutes ces formes d’exercice.

Nous sommes responsables de la vie qui nous a été donnée par « le ciel », nous avons le devoir d’en prendre soin. Je ne veux pas seulement en prendre soin, je veux aussi continuer à l’exalter, l’alléger au mieux du poids des ans, en rendre grâce en moi. Comme dit Dieu dans le Coran, « je suis plus près de vous que votre veine jugulaire ». Ma montre cardio me classe en « élite » par rapport à mon âge, et cette « élection », celle du réel réel, est la meilleure que chacune et chacun peut gagner.

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Mon premier entraînement sur 5 km

Aussitôt rentrée, je n’ai qu’un désir, refaire la sortie pour la faire mieux, en tenant compte de ce que j’y ai expérimenté. Cette fois j’ai couru 5,3 km en 45 minutes, ce qui n’est certes pas un exploit mais s’explique. D’abord c’est la plus longue course que j’aie jamais faite, et je me suis efforcée de la faire en endurance fondamentale, un exercice que tous les coachs disent indispensable, même si on doit aller très lentement. Je suis donc allée plus lentement que d’habitude, et j’ai couru sans fatigue et sans avoir à prendre de temps en temps quelques secondes pour souffler en faisant quelques pas de marche, comme quand je cours plus vite. J’ai couru lentement (sauf un petit sprint en côte sur la fin), mais tout le temps. Ensuite, je le redis, je suis petite, donc ma foulée est plus petite aussi, et puis j’ai bientôt 66 ans et je cours depuis peu de temps. Enfin, mes appareils de mesure cafouillent parce que je n’ai pas d’abonnement internet sur mon téléphone (mais je vais en prendre un) pour pouvoir connecter ma montre Polar à l’appli Polar Flow : tout seul, le gps de la montre saute des portions de parcours, je vérifie donc la distance en lançant sur mon téléphone l’appli Adidas Running, mais je dois la lancer avant de régler ma montre et donc un bout de temps avant de pouvoir partir… bref, je dois ensuite me fier au temps indiqué par la montre mais à la distance indiquée par le téléphone, et comme en courant je ne consulte que la montre, je ne sais pas vraiment où j’en suis. Le parcours est varié, petites rues, jardin des Plantes, quais à traverser, puis à suivre dans leurs détours, et avec variations de terrains et de sols, bitume, béton, terre, pavés. Cette fois je suis allée jusqu’au pont de la Tournelle, c’est très agréable de longer la Seine. Il faisait froid, il soufflait un petit vent de nord-ouest charmant, je n’avais pas de musique dans les oreilles, j’écoutais les bruits ambiants et c’était le bonheur, d’autant que j’étrennais mes Puma Deviate Nitro, que je venais juste de recevoir. Mes premières vraies chaussures de running, une merveille. Bondissantes et roses-rouges, je compte bien aller loin avec elles.

Je ne suis pas du tout fatiguée, la prochaine fois je ferai une sortie en fractionné, sans me soucier de m’en tenir à une fréquence cardiaque à 70 % de ma fcm. Du reste j’ignore quelle est ma fréquence cardiaque maximum, pour régler correctement mes entraînements sur elle. Je l’ai estimée à 175 mais je ne serais pas étonnée qu’elle soit plus élevée, j’ai pris rendez-vous pour un test d’effort avant le printemps et une fois fixée je pourrai améliorer mes entraînements. D’ici là, je continuerai à apprendre à courir en courant.

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Back squats, rameur, running… joies du corps venues de loin

Aujourd’hui j’ai fait des squats avec une barre sur les épaules (back squats) et ça m’a beaucoup plu, quoique j’aie mis un peu trop de poids pour une première fois (10 kg en plus des 18 kg de la barre), et en garde un léger pincement aux lombaires. À la salle de sport, j’ai aussi fait quelques exercices avec des haltères, bref je ne suis pas restée dans la partie cardio comme d’habitude, j’ai commencé à me familiariser avec la salle de musculation. Ce sera très bien pour m’aider à progresser en running. J’ai fait une demi-heure de rameur (très vigoureusement) et une demi-heure de vélo, puis mes vingt minutes de yoga habituelles en conclusion, mais pas de tapis de course aujourd’hui. Je me réserve quasi-amoureusement pour mes nouvelles chaussures, que j’attends. Jusque là j’ai couru avec une vieille paire de Puma Hybrid, que j’aime bien mais qui ne sont certainement pas l’idéal pour s’entraîner un peu mieux, comme j’en ai l’intention. J’aime beaucoup cette marque, Puma, depuis toujours, et après m’être bien renseignée j’ai fini par commander d’autres Puma, les Deviate Nitro. J’ai hâte de les tester ! J’espère être en forme le jour où elles vont arriver, en ce milieu de semaine. Je sais qu’elles sont surtout bien pour la course rapide, mais les moments où je fais de petits sprints sont ceux que je préfère dans mes sorties, où je m’efforce de courir en endurance pour pouvoir courir un peu longtemps. On verra si ça m’aide.

J’avais mis le bracelet en coton que j’ai fait hier soir au crochet, un bijou qui ne gêne pas pendant la pratique sportive. Je réalise plusieurs choses à la fois en ce moment au crochet, notamment un tapis pour la sortie de douche, que je fais avec des bandes que je découpe dans deux vieilles polaires ; c’est ce découpage qui me prend le plus de temps, mais je suis toujours intéressée par le principe de récupération, et si le résultat n’est pas spécialement beau, il promet d’être un régal pour la plante des pieds. L’une des toutes premières nouvelles que j’ai écrites, dans mes vingt ans, était sur un coureur qui courait avec un pied chaussé et l’autre nu ; et j’ai publié il y a plus de vingt ans dans Libé, puis dans un livre, Corps de femme, une ode aux pieds qui foulent la terre. Il était temps que je me mette à courir.

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Running, croquer la vie

J’avais projeté de faire un running de 4 km, j’ai fait 4,5 km, et si je n’étais pas arrivée devant ma porte j’aurais pu continuer un bon moment. Je suis rentrée fraîche et joyeuse, contente de mes progrès de débutante, dus à mon entraînement diversifié mais aussi aux enseignements de coachs en ligne et aux conseils de ma montre Polar Ignite qui me renseigne sur mon état de forme – ce qui n’est pas du luxe, surtout avec le traitement fatigant que je dois prendre pendant 20 mois encore ; mais justement le sport contrebalance bien tous ses mauvais effets secondaires.
Je sais donc maintenant que je suis tout à fait capable de faire une course de 5 km, même s’il est bien sûr hors de question pour moi d’approcher des podiums ; peu importe, c’est avec moi-même que je fais la compétition. Et je crois bien que je pourrai bientôt faire même un 10 km, si je continue ainsi. Je sais que je pourrai améliorer aussi mes temps, et mes capacités physiologiques qui, à en croire ma montre cardio (et les médecins) sont excellentes pour mon âge, peut-être aussi, me dis-je, grâce au temps que j’ai passé en montagne à arpenter les pentes, jadis.

Lisant hier un article sur les bienfaits de la pomme, j’ai pensé : Eve avait raison. Et les intellectuels, qui ont prétendu dans un livre qu’elle avait fermé la porte du paradis terrestre aux humains, ont menti : au contraire, elle l’a ouverte.

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Running

aujourd’hui sur les quais de Seine, photo Alina Reyes

Je recommence à courir dehors. C’est le bon moment, avec la lumière qui augmente, dans l’air et dans le cœur. J’ai fait mon repérage aujourd’hui pour ma prochaine sortie, que je veux de 4 km. Mon but étant d’arriver dans quelques semaines à 5 km, et de pouvoir participer bientôt à une course de cette longueur.

Quand je me suis remise à courir, en août 2020, à soixante-quatre ans, alors que je n’avais pas couru depuis le lycée (mais je venais de faire un trekking de 100 km, sac au dos, dans le causse Méjean, en Lozère, et c’est ce qui m’avait donné envie de me mettre à courir), les premières fois je tenais 200 ou 300 mètres, puis ce fut le double, et à raison de trois ou quatre fois par mois, à l’automne j’en étais à plus de 1500 mètres. L’hiver suivant je n’ai presque pas couru et quand je m’y suis remise, au printemps dernier, je faisais 2,5 km, et toujours avec un entraînement peu intense, sans doute moins d’une fois par semaine en moyenne (mais en faisant d’autres sports à côté), je suis arrivée à près de 3,5 km cet automne. Cet hiver j’ai couru essentiellement en salle, sur tapis, de temps en temps, et maintenant je me sens tout à fait prête à faire 4 km, voire 5 – mais je vais quand même y aller progressivement. Je suis petite, donc les distances sont d’autant plus longues pour moi, et puis à mon âge, quand on n’a pas couru avant, on progresse lentement, mais on progresse. J’arriverai peut-être à 10 km, qui sait ? En tout cas c’est tant de joie ! Je continue à pratiquer d’autres entraînements, cardio et renforcement musculaire via différentes techniques, et puis le yoga toujours (c’est par le yoga que je suis revenue au sport), qui me garde souple et zen ; je commence aussi à faire de temps en temps cinq minutes de cohérence cardiaque (voir sur Youtube), le mieux est d’en faire trois fois par jour, si on arrive à en prendre l’habitude c’est excellent aussi pour le système nerveux autonome. Bref, c’est la grande forme.

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Éden

work in progress

Après avoir fait, telle Candide, le tour d’un certain monde somme toute assez risible, j’ai le bonheur de cultiver les mille essences de mon jardin dans une paix joyeuse. En ce moment c’est le sport, toujours avec le même enthousiasme, et le crochet, que je pratique comme j’ai pratiqué la peinture, dans l’expérimentation des couleurs et de la texture, avec des points en reliefs et des fils très fins crochetés par trois de couleurs différentes, en faisant varier l’une ou l’autre des couleurs et contemplant l’effet. Cela après m’être refait la main en crochetant un assortiment de disques démaquillants et de lavettes multicolores, remplaçant avantageusement cotons jetables et éponges. J’ai l’intention, une fois que j’aurai terminé cet ouvrage en cours, un boléro, d’expérimenter d’autres matières. Les travaux manuels et les exercices physiques donnent une paix et une joie sans pareilles. Et si tout le monde parvenait à rester dans la paix et la joie, le monde se porterait mieux. On ne parle ni des trains qui arrivent à l’heure ni des gens qui vont bien, mais ce sont eux qui maintiennent la vie bien active et bien pesée. Il y a une paresse morale à se laisser aller à la morosité ou au mal. Dans le monde naturel tout est à son ouvrage, à sa fonction, et nous en faisons partie, de ce beau monde.

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