Échos de la basse-cour

Le combat contre Macron vire au combat de coqs. Un jeune mâle, coqueluche des friqués, pas encore sorti de sous l’aile de sa mère, s’étant fait porter au sommet du tas de fumier, suscite plus d’adversité dans la basse-cour qu’un mâle usé à la même vieille place. Surtout quand le pioupiou en question chante sur tous les toits, cocorico, qu’il est le nouveau roi d’Europe. De quoi hérisser les plumes des autres coquelets de sa caste (Ruffin, Branco) et de la prochaine reine du poulailler étoilé (AKK). Tout comme celles des pigeons et autres volatiles du peuple qui n’ont pas l’intention de laisser l’ergoteur leur marcher sur les arpions.

Branco rue dans les brancards, Ruffin plus malin que Mélenchon au lieu de se dupliquer en hologrammes façon science-fiction flippante se répand en cinéma bon enfant sur le peuple électeur. Le travailleur, la travailleuse qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts se mettent debout comme un seul gilet jaune, sévèrement tabassé par les poulets de la macronie. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, caquètent les gallinacées contents de leur sort dans le meilleur des mondes. En embuscade, la poularde Le Pen lorgne sur le tas de fumier. Pourquoi n’y poserait-elle pas sa crotte, elle aussi ?

Cette fantaisie poulaillère et son illustration font suite à mon article précédent sur l’architecture-poulailler et la fausse pensée, qui envisagent les humains comme élevages à parquer et rentabiliser.

poulailler*

Ceux qui défigurent le monde, et ceux qui l’envisagent autrement

samaritaine didier ryknerBernard Arnault, l’homme le plus riche de France, le financeur de la campagne de Macron (qui habille gratuitement Brigitte Macron) a détruit le bâtiment historique de La Samaritaine au cœur de Paris, datant des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, pour le remplacer par un de ces trucs en verre qui deviennent de plus en plus laids avec les années, et déparent lamentablement avec les immeubles environnants. Et « pour construire cela, il a fallu piétiner allègrement tous les règlements existants, parce qu’on ne refuse rien à Bernard Arnault », écrit l’auteur de la photo, Didier Rykner, dans La Tribune de l’art.

La surévaluée Fondation Louis Vuitton du même milliardaire, gros machin de verre et d’acier construit par Franck Gehry, sans être aussi vilaine que cette nouvelle Samaritaine, reste à mon sens d’une grande médiocrité architecturale, tant dans sa forme et ses couleurs extérieures que dans ses espaces intérieurs. Pourquoi les riches se piquent-ils, après avoir piqué l’argent des peuples, de décider de l’environnement, de la culture et de la politique à mettre en place ? Parce qu’il faut toujours plus de pouvoir pour se maintenir dans une position injustifiée et artificielle. Et parce qu’il leur faut aussi pour cela le prestige – aisément obtenu à coups de réalisations épate-bourgeois, épate-journalistes – et l’illusion d’être des influenceurs à la façon des artistes ou des intellectuels. Malheureusement leur tricherie fondamentale se retrouve aussi chez nombre d’artistes et d’intellectuels, corrompus financièrement, ou politiquement, ou moralement, ou les trois à la fois.

Nous voyons ces temps-ci éclater plus que jamais l’imposture de soixante-huitards et autres gauchistes ou progressistes désormais macronistes qui acceptent sans sourciller, voire défendent d’arrache-pied, des politiques iniques et ce qui les accompagne : violences policières et restrictions des libertés publiques. La trahison est écœurante mais n’est pas étonnante. D’une part parce qu’avoir soutenu le stalinisme ou le maoïsme prédispose très bien à soutenir n’importe quel autoritarisme ou fascisme. D’autre part parce que le décalage entre le discours et les actes est devenu un mode d’existence chez ces fils de bourgeois devenus ce qu’ils étaient réellement, des produits de leur caste, destinés à la défendre et à la perpétuer. En leur temps, Sartre et Beauvoir, qui se posaient en libérateurs du peuple et de la femme, pratiquaient sans vergogne la manipulation et l’asservissement de toutes jeunes femmes que la prétendue féministe séduisait d’abord pour elle, puis pour lui, à qui elle servait de rabatteur. Et lui, malgré leur pacte, mentait à sa bourgeoise comme l’eût fait n’importe quel bourgeois afin de s’amuser tout en s’assurant la permanence d’une femme parachute. Beaucoup de belles paroles distribuées au public, beaucoup de souffrances infligées en privé, entre eux et à leur entourage. Encore que ces paroles ne fussent belles qu’en apparence : l’existentialisme de Sartre, avec sa conception de l’homme comme « passion inutile », étant empreint d’une désespérance sans appel ; et le féminisme de Beauvoir d’une intense détestation du corps de la femme. Imposture qui se poursuit de nos jours où leur héritage est admiré ou adulé par conformisme, tandis que la posture de l’intellectuel imposteur est devenue quasiment la norme pour tout intellectuel médiatique, et déborde dans la politique où l’on nous a vendu pour président un Macron prétendument cultivé, intelligent et philosophe.

La métaphysique de la vie privée dévoile la métaphysique de la politique, a dit un jour Milan Kundera. C’est une maladie fort répandue chez les intellectuels, qui ont en France pour tradition de donner sans cesse des leçons au peuple, de ne pas conformer leur discours à leurs actes. Tout comme aucun des politiques, urbanistes et architectes complices n’habiterait les barres de béton parées de noms lumineux à la façon de la glorieuse ancêtre Cité radieuse (« maison du fada », rigolèrent les Marseillais, « réceptacle parfait d’une famille », dixit martialement Le Corbusier), où ils parquent les pauvres. L’idéologie fasciste de Le Corbusier était ainsi résumée dans un article de Métro en 2015, citant Xavier de Jarcy et son livre Le Corbusier, un fascisme français  : « La Cité radieuse correspond à un projet eugéniste. On y trouve des équipements sportifs pour créer cette race nouvelle, faciliter le retour du patriarcat, où tout est prévu pour que les femmes ne sortent pas de chez elles, parce qu’elles sont là pour faire des enfants. (…) Choquant ? Ce n’est rien encore : Le Corbusier voulait « épurer les villes ». Autrement dit, chasser ceux qui « ne servent à rien » et retrancher les ouvriers dans des camps ».

« Ceux qui ne servent à rien », ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, le « ceux qui ne sont rien » de Macron est du même acabit fasciste. « En 1922, rappelle Xavier de Jarcy, Le Corbusier a ce projet de Ville contemporaine pour 3 millions d’habitants, où le centre-ville est réservé à l’élite et à la classe moyenne supérieure, et où les ouvriers sont repoussés en banlieue avec une zone verte de sécurité qui les sépare de la ville pour qu’on puisse les tenir à distance et les contrôler… » L’architecte conçoit des tours, des barres de logements immenses, presque identiques aux HLM d’aujourd’hui : il n’hésite pas à parler d’ « élevage humain ».

 

la grande borne

L’architecte Émile Aillaud, qui construisit la cité de La Grande Borne sur les communes de Grigny et Viry-Châtillon dans les années 60, appelait les pauvres : « l’innombrable ». « L’architecture a une puissance occulte, disait-il, les individus finissent par ressembler à l’architecture ». Et il se vantait de « manipuler un devenir des gens. » Ce devenir, nous le voyons aujourd’hui : les 11000 habitants de sa cité qu’il voulut « labyrinthe » sont livrés au désœuvrement, au chômage, au trafic de drogue et d’armes, à la violence et à la déscolarisation. Dans la mythologie, le labyrinthe est un lieu d’enfermement où un monstre dévore les jeunes.

L’enfermement des pauvres par les architectes et les urbanistes déborde sur les classes moyennes et rurales par des politiques qui tendent à transformer de plus en plus le territoire en succession de périphéries, à la fois défigurées par des zones d’activité commerciale et dépouillées de leurs industries, de leurs services publics, de leurs commerces de proximité, de tout ce qui rend un vivre et un vivre-ensemble possibles.

De même que les urbanistes enferment le peuple physiquement, les médias, les intellectuels et les artistes médiatiques, complices du pouvoir en place, l’enferment psychiquement dans des réseaux de mensonges et de manipulations. Le premier de leurs mensonges est de se faire passer pour des élites, alors qu’ils n’en sont pas. Les énormes tulipes de Jeff Koons, roi du spectaculaire hideux, trôneront bientôt dans les jardins du Petit Palais à Paris parce que ces gens ne savent pas refuser un cadeau empoisonné quand il vient des États-Unis. Et dans le bureau de Macron trône une Marianne au style dangereusement années 30, peinte par Shepard Fairey, artiste américain aussi fameux que plat, malgré son tape-à-l’œil. Résumant l’allégeance de la France de Macron aux puissances de l’argent et à la médiocrité.

Dans ce monde où l’ « élevage » industriel se pratique aussi bien sur l’homme que sur le bétail, l’homme est un mouton pour l’homme. Et le grand bourgeois, qui se voudrait élite éclairée, n’est pas même un loup, il est un veau. « Ce ne sont pas les riches bourgeois qui achetèrent des tableaux de Cézanne et de Monet qu’ils dédaignaient », me rappelait le poète Sarane Alexandrian, ancien compagnon de route d’André Breton,  «  mais l’employé des douanes Vincent Choquet, le pâtissier Eugène Maurer, qui collectionna trente Renoir quand personne n’en voulait, le baryton Faure, etc. »

Ce sont les habitants de ronds-points et les constructeurs de cabanes où se retrouver et réfléchir qui retrouvent le chemin de l’humanité. Ce sont eux qui ont raison et intelligence, en ne se laissant pas endormir. Macron avec son projet de société verticale a tout faux. C’est l’horizontalité des relations humaines qui donne un horizon à l’humanité. C’est dans la vérité de l’horizontalité, du rapport franc et direct, non hiérarchisé, que peut se réinventer le monde, pour que tous puissent s’élever jusqu’à l’habiter en beauté.

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Peuples dans la rue, Benalla à Genève

 

Que fait Benalla à Genève ? La Tribune de Genève annonçait hier que deux témoins l’y avaient vu, et aujourd’hui qu’il s’y trouve toujours. Logeant à l’hôtel Président Wilson, l’un des plus luxueux palaces du monde, connu notamment pour sa suite à 60 000 euros la nuit, la plus chère du monde. À part la contemplation d’un grand jet d’eau et la dégustation de chocolats, qu’est-ce qui a pu amener le barbouze de Macron dans cette ville ? Ses banques ? Il est vrai que monsieur Benalla voyage beaucoup, et que vu son train de vie, beaucoup d’argent voyage avec lui. Ah me dira-t-on, ne parlez pas encore d’argent, c’est haineux, les gens ont bien le droit d’en avoir des tas, s’ils sont assez malins pour ça. En France plus qu’aux États-Unis les riches sont en grande proportion des héritiers, tel BHL dont nous parlions il y a quelques jours. Mais nous avons aussi quelques magnifiques self-made-men, tels l’escroc Tapie (qui ajoute quelques casseroles à son actif ces jours-ci avec des accusations d’achat d’arbitre au temps de l’OM et d’intoxication des joueurs des équipes adverses – outre une tentative d’entente secrète avec Le Pen père), et maintenant le petit dernier aspirant milliardaire comme les aime Macron, son nervi Benalla, jongleur ès cœur de président, ès secret-défense, ès matraque, armes à feu, parjures, violations de la loi, coffre-fort privé, contrat avec oligarques mafieux, russes et chinois, rendez-vous avec chefs d’État africains, passeports et autres valises diplomatiques. En voilà un malin, un premier de cordée, un qui n’est pas rien, un qui a réussi et qui mérite le respect des adorateurs du fric et du monde comme il va, mon bon monsieur.

Mais ne soyons pas complotistes. Il n’y a pas que des banques, à Genève. Il y a aussi Bouteflika. Que les Algériens courageux essaient de bouter hors du pouvoir en ce moment. Après tout Benalla sait aussi faire ça, les rencontres officieuses pour on ne sait quel office. Bouteflika est au plus mal, « sous menace vitale permanente » selon les médecins, mais il y a bien quelques personnes en bonne santé autour de lui capables de traiter avec qui il faut traiter. L’enjeu n’est pas mince. Au fait, on n’entend pas BHL là-dessus, lui qui soutint honteusement les généraux algériens au temps des massacres. Au Maroc, l’agitation de la rue algérienne inquiète. Si ça allait donner des idées aux sujets de Sa Majesté, ami de notre pays et de sa caste, dont BHL et quelques élites médiatiques d’origine marocaine proches du roi Mohammed VI qui se gave et laisse le peuple marocain s’enfoncer dans la misère et l’illettrisme, et quelques-uns de ses enfants des rues, drogués, abandonnés, dormir dehors en bande dans le nord de Paris ! Si ça allait, aussi, raviver la question du Sahara occidental, en partie sous domination marocaine et combattant pour sa libération – des négociations avaient lieu à Genève en décembre dernier pour essayer de sortir d’un conflit de quatre décennies entre Algérie, Maroc, Mauritanie et Front Polisario ! Le 360, magazine proche du pouvoir marocain, annonçait il y a quelques jours que Mohammed VI était en visite en France cette semaine – en toute discrétion. Et on apprenait par ailleurs que le Maroc avait fait pression sur l’Institut du Monde Arabe pour qu’il déprogramme, malgré les protestations de son directeur Jack Lang, Aziza Brahim, une chanteuse sahraouie accusée de militantisme. Et que l’IMA avait dû se coucher devant la volonté du roi. Benalla est à Genève, Aziza Brahim ne sera pas à Paris. Que va-t-il advenir du peuple sahraoui ? Du peuple algérien ? Du peuple marocain ? Du peuple français ?

 

 

Botul acculé : vulgarité et méchanceté des « élites »

"BHL partage une bouteille de vin avec un clochard". Source photo : le Tumblr 'BHL fait des trucs'

« BHL partage une bouteille de vin avec un clochard ». Source photo : le Tumblr ‘BHL fait des trucs’

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« Autrefois, j’avais un test que j’appelais le « test de la pouffiasse » : si je dînais avec une fille qui hésitait pendant des plombes avant de décider ce qu’elle allait prendre, c’était assez mal barré. Et si je lui disais : « Prenez donc de la morue aux épinards » et qu’elle s’abîmait dans une contemplation encore plus sidérée de la carte en me demandant d’une voix éteinte « Ouchais, j’voispas », ça devenait carrément rédhibitoire. » BHL dans une interview de GQ en 2009.

Le mépris et la vulgarité de l’industriel de la « philosophie » sont monnaie courante quand il parle des femmes, même si, aujourd’hui où le sexisme crasse passe moins bien, il surveille un peu plus son langage, par prudence. Il a déclaré par exemple que « le discours philosophique » était « étranger » aux femmes, que l’argent leur allait mal, qu’il s’amusait de l’émoi des « vilaines » quand il condescendait à les draguer, a déploré que les femmes qui travaillent soient souvent coiffées et maquillées un peu trop à la va-vite, etc. etc. Mais il a défendu Polanski, DSK et Carlos Ghosn, malheureux hommes riches poursuivis pour de simples histoires de viol ou d’abus de biens sociaux – si les élites ne peuvent plus rien faire, alors ! Et maintenant il diffame gravement Ruffin. Et, à travers lui ou directement, les Gilets jaunes.

La violence, la méchanceté, l’obscénité verbale de ceux qu’on appelle élites, qui se prennent pour des élites et qui prônent une politique de l’élitisme – celle des « premiers de cordée » – dépassent en ignominie les violences verbales qui peuvent venir du peuple parce qu’elles viennent de privilégiés qui n’ont aucune raison objective de sombrer dans la haine de moins favorisés qu’eux. Et pourtant c’est dans la haine qu’ils vivent : elle éclate au grand jour dès qu’ils se sentent menacés. Luc Ferry appelant à tirer sur les manifestants, Macron multipliant les insultes à l’égard des classes populaires (il y a quelques jours encore, il a traité de « bête étrange » une Gilet jaune qui avait le tort d’intéresser quelques journalistes plus que lui-même), et tant d’autres qui se répandent dans les médias en anathèmes contre le peuple, les chômeurs, les femmes voilées, les femmes et les hommes qui travaillent et n’arrivent pas à vivre correctement du fruit de leur travail : voilà où est le vrai danger pour la démocratie et pour la république. Ils accusent les populismes, mais ce sont eux qui les engendrent, par leur élitisme. Le populisme comme flatterie malhonnête du peuple n’est que le miroir de l’élitisme comme vanité criminelle des élites.

Quelle conception ont de l’humanité les pareils de BHL, qui lorsqu’il s’occupait encore de la société fondée par son père, des années 80 jusqu’en 1997, pilla les forêts en logeant ses ouvriers africains quasi esclavagisés « dans des niches mal aérées », selon une ONG qui enquêta sur place (citée par Nicolas Beau et Olivier Toscer dans Une imposture française) ? Qui rejoignit Sollers et Gluksmann à l’Internationale de la résistance, une officine créée en 1983 et financée par les services secrets américains, utilisée pour de sales besognes politiques en Amérique Latine, soutenant notamment les contras, milices du dictateur d’extrême droite Somoza ? Qui, en 2001, au moment du G8, traitait de « voyous publics » les altermondialistes qui osaient dénoncer les nuisances de la finance ? Qui continue aujourd’hui à se déclarer fier d’avoir poussé à semer la guerre, le chaos et la mort en Libye où sont maintenant mis en esclavage les migrants africains ? Qui… etc., etc., un article ne peut suffire à rappeler tous les méfaits de cet homme, toutes ses manipulations, tous ses mensonges, tous ses abus, commis par obsession de l’argent et de la gloire, comme c’est le cas pour ses semblables qui se prennent pour des élites au-dessus des lois – alors que les vraies élites sont ce qu’il y a de meilleur dans un ensemble d’êtres.

Derrida, cité par Jade Lindgaard et Xavier de La Porte dans Le nouveau B-A BA du BHL, disait : « Il n’y a pas de disciples de Bernard-Henri Lévy, de Sollers ou de Glucksmann. En même temps, parce qu’ils sentent – et ils sont assez intelligents pour cela – le jugement critique et sévère dans leur propre milieu de gens comme moi et d’autres, ils les haïssent. (…) Tout à coup, on s’aperçoit que Sollers défend Lévy, pourquoi ? Que Lévy défend Sollers, pourquoi ? Que tout à coup Finkielkraut, qui a toutes les raisons de ne pas être d’accord avec Bernard-Henri Lévy, fait alliance avec Lévy. […] Il y a là une configuration de tous ces intellectuels-là, ensemble, mécanique. Et je crois qu’ils se serrent les coudes, parce qu’ils sont à la fois combatifs et acculés. »

Les peuples peuvent se laisser plus ou moins illusionner un temps, mais de plus en plus ils voient que ces fausses élites qui prétendent gouverner le monde ne sont en rien ce qu’il y a de meilleur parmi les hommes. Que les personnes les meilleures d’entre nous sont celles qui œuvrent, d’une façon ou d’une autre, non pour leur enrichissement et leur gloire, mais pour le bien commun, pour plus de justice et plus de fraternité, pour plus d’épanouissement de l’humanité. Ce sont justement ces personnes-là, les réelles élites, qui sont l’objet des insultes les plus ignobles des fausses élites. Leurs insultes, leurs manipulations, leurs violences de toutes sortes sont les réflexes apeurés de gens acculés par leur propre mensonge existentiel.

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George Pell, n°3 du Vatican, condamné : l’Apocalypse continue

Comme on le sait, apocalypse signifie révélation. Il est indéniable que nous vivons un temps de révélations sur toutes les institutions dominantes et leurs représentants. Qu’ils aient ou non été décrétés sacrés, les livres contiennent la littérature qui nous permet de mieux comprendre et imager les événements que nous vivons, c’est pourquoi j’emploie ici – sans religiosité – le terme littéraire (grec) d’apocalypse pour mettre en évidence ce qui se passe.

 

 

George Pell, n°3 du Vatican, reconnu coupable de viol et abus sexuels sur mineurs, encourt jusqu’à cinquante ans de réclusion criminelle. Il ne manque plus qu’à trouver des preuves que Jorge Bergoglio, le pape actuel, a bel et bien dénoncé de jeunes prêtres et les a envoyés à la torture sous la dictature, pour achever le tableau d’une église catholique comme gigantesque imposture et empire du mal, heureusement en train de s’effondrer.

C’est en connaissance de cause que le pape François avait promu George Pell grand trésorier et n°3 du Vatican. Il y avait longtemps qu’il était dénoncé en Australie pour avoir couvert des prêtres pédocriminels et avoir lui-même violé des enfants. Il l’a protégé à Rome aussi longtemps que possible, lui évitant de se rendre en Australie où la justice le convoquait. Le scandale était immense en Australie, où de nombreuses victimes témoignaient des sévices subis, tandis que d’autres n’y avaient pas survécu, finissant suicidées ou mortes par overdose.

Tout en protégeant son immonde collaborateur, qui déclarait avec cynisme que les affaires de pédophilie n’avaient selon lui « pas grand intérêt », le pape multipliait, jusqu’à ces jours derniers, les discours de condamnation des abus sexuels – sans jamais rien faire de concret contre les violeurs et pour les victimes, comme elles l’ont déploré encore cette semaine au terme d’un « sommet sur la pédophilie » qui s’est conclu par… une accusation contre Satan et le paganisme, et le reste de la société.

Ce jésuite, comme Macron éduqué par les jésuites, pratique l’en-même-temps de tous les hypocrites. Belles paroles, actes criminels. La même politique est pratiquée par nos élites formatées par la culture catholique. Dernier exemple en date : Macron se faisant photographier accroupi devant la tente d’un SDF alors qu’il a programmé un plan d’économie de 57 millions d’euros sur les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Macron comme Bergoglio sont des illusionnistes, jouant le « que tout change pour que rien ne change » (selon la fameuse formule du personnage opportuniste dans le roman préféré du pape, roman prisé aussi de Macron, Le Guépard) : il s’agit de donner l’impression par le discours qu’on promeut le changement, alors qu’on fait tout pour que rien ne change, ou même pour que tout empire, en renforçant toutes les dictatures, internes et externes.

Rappelons que, dans les faits, le pape est de tous les combats contre la liberté. Il a reçu Constanza Miriano, auteure d’un livre on ne peut plus misogyne, Marie-toi et sois soumise, publié par l’archevêché de Grenade. Il refuse de répondre aux associations qui aident quelque 300 000 ex-bébés volés par le biais de l’église espagnole, sous le franquisme et plus tard, à retrouver leur mère qui les cherche. Des cas similaires existent ailleurs dans le monde, où l’église a été l’instrument des dictatures (notamment argentine) pour enlever des bébés à leurs parents opposants au régime ou dans des pays où l’évangélisation s’est faite sous acculturation forcée et vols d’enfants. En 2015, il a rejeté le nouvel ambassadeur français pour cause d’homosexualité (pourtant vécue discrètement, sans militantisme) – ce qui est assez comique à l’heure de la sortie du livre Sodoma, sur « l’omniprésence d’homosexuels » au Vatican et dans l’église.

Jusqu’à ces jours derniers, George Pell était toujours n°3 du Vatican. Le pape n’avait prononcé aucune sanction contre lui, pas plus que contre Barbarin, honteusement protégé en France par un Parquet aux ordres de l’État. La blancheur dont l’église et ses disciples, dont Macron et son monde font partie, aiment se parer, fond plus vite que les glaces du Pôle Nord en ce moment. Le mouvement MeToo, celui des Gilets jaunes et d’autres activistes révèle la corruption aux multiples têtes hideuses des élites de ce monde. Cette fonte de façade charrie des torrents de boues toxiques, dont il nous faut nettoyer nos pays, nos terres, comme de la pollution chimique afin d’y restaurer une possibilité de vie pour l’humanité.

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Ruffin vs Macron : ce pays que l’un aime, l’autre pas

Ce-pays-que-tu-ne-connais-pasRuffin vs Macron, c’est Dettinger vs la Police. Un humain vs l’incarnation d’un système. Puisqu’il a écrit son livre en s’adressant à Macron comme le boxeur s’est adressé aux forces de l’ordre, en homme, c’est dans ce rapport aussi que nous le lirons, par d’autres voies que la sienne, qu’il est inutile de répéter. Le christianisme de Ruffin vs celui de Macron, puisque, sans jamais être mentionné, il est souterrainement omniprésent dans l’existence de Ruffin comme dans la posture de Macron. L’art littéraire de Ruffin vs le néant littéraire de Macron, puisque la littérature est une préoccupation des deux hommes, le premier en faisant sans chercher à en faire, le second cherchant à en faire et s’en avérant incapable. Et le travail politique de Ruffin vs la manipulation politique de Macron illustrées par ces deux sortes d’implication ou côtoiement existentiels.

Le livre de Ruffin, Ce pays que tu ne connais pas (Les Arènes, 2019), est aussi vif, tendu, humain, bon à lire, que celui de Macron, Révolution (XO, 2016) est lourd, mou, insignifiant, illisible – le choix des éditeurs est en lui-même parlant : pour Ruffin l’éditeur de Denis Robert, pour Macron celui de Guillaume Musso. Comme on sait, Ruffin et Macron furent tous deux élèves, à deux ans d’écart, au lycée La Providence à Amiens. L’éducation religieuse qu’ils y ont reçue est peut-être le seul vrai point commun entre les deux hommes. Macron a surtout gardé du jésuitisme la brillance fourbe, Ruffin le caractère missionnaire. Sans mentionner cette formation, Ruffin l’incarne quand il oppose « le désir de s’élever » de Macron à son propre désir, « presque de descendre ». Macron désire être divinisé en dominant, Ruffin obtient son salut en descendant parmi le peuple : « Je me sauve par les autres ». Si Macron vient de se faire photographier un genou à terre devant une tente de SDF, n’était-ce pas, en réponse à Ruffin, pour se donner aussi le rôle d’un dieu qui s’abaisse, selon le dogme chrétien ? Encore une fois, Macron est dans la posture et l’imposture (puisqu’il a en fait réduit considérablement le budget consacré aux personnes sans abri), quand Ruffin, lui, est dans le réel, comme en témoignent son œuvre et les portraits sensibles d’humains qu’elle porte.

Du livre de Macron, que j’ai lu il y a peu, je n’ai rien trouvé à dire, tant il se résume à néant, dans sa forme comme dans son fond. Aucun style, aucune vie. Même les premières pages, où il évoque son enfance et sa proximité avec sa grand-mère, sont dénuées de toute chair, sentant à plein nez la pose, la volonté de singer les auteurs lyriques à la recherche de leur passé, cela sans parvenir un instant à faire vibrer la moindre corde, qu’en vérité il ne touche jamais, se contentant de simuler la chose. Le reste du livre est un exposé à prétention politique sans queue ni tête, boulgui-boulga d’ « en même temps » qui promet tout et son contraire et dont il n’est pas difficile de comprendre que rien de cette prétendue Révolution ne se tient ni ne sera tenu, sinon peut-être le pire, rôdant à chaque coin de phrase, comme celles-ci, qui par antiphrase ou directement empestent la tentation fasciste : « Je crois profondément dans la démocratie et la vitalité du rapport au peuple », et : « L’armée ne peut être qu’un ultime recours ».

Dans Ce pays que tu ne connais pas, Ruffin égrène les innombrables soutiens que Macron est allé chercher parmi les faiseurs d’argent à tout prix, « comme une prostituée » selon ses propres mots (oui, les mots de Macron parlant de lui-même), au cours des années pour se faire et arriver. Il raconte aussi un épisode où, instinctivement, il lui a sauvé la mise, lors de la rencontre sur un parking avec les Whirlpool. Dans la bousculade,

« La haine, autour, s’aiguisait. Comme un con, alors, comme un con comme un con, j’ai cherché un mégaphone, qu’on vous le porte, mais vous saviez pas le tenir, pas gueuler dedans, votre voix ne portait pas, les salariés s’énervaient : « Qu’il foute le camp ! Qu’il arrête son cirque ! » Avec Patrice, Patrice Sinoquet, on a gambergé vite fait, on a proposé ça : « Les Whirlpool, et Monsieur Macron, vous passez la barrière, et les journalistes vous restez ici ». Votre équipe a approuvé et ça s’est passé comme ça. Ça s’est calmé comme ça.
Vous mesurez le paradoxe ? Ce sont vos deux opposants les plus résolus qui, ce jour-là, peut-être, vous ont sauvé la mise. Moi, bon, mon CV, vous le connaissez. Mais Patrice Sinoquet, délégué CFDT, certes, mais militant frontiste aussi, un historique, tendance Jean-Marie. La vie est étrange, non ? Car nous vous avons bel et bien épargné, sinon la violence et les coups, le goudron et les plumes, du moins les cris, les crachats, les jets de canettes, les « Macron dégage ! » qui auraient plombé votre image, qui auraient signé le divorce, définitif, d’emblée, avant même le scrutin, entre vous et cette France en souffrance. »

Comme un con, oui. C’est ainsi que nous sommes trop souvent, face à ce genre de personnes. Face à tous les Macrons, avec leur morgue et leur fausseté qui incitent à la haine, mais aussi leur inaptitude totale. Inaptitude à la vie. Leur manque d’être. Et leur insatiable besoin de protection pour pouvoir se maintenir en ce monde. Comme des cons nous tombons dans la compassion. Parce que, contrairement à eux qui ne voient en autrui que des instruments pour leur propre satisfaction, nous sommes humains, nous participons de l’humaine condition – comme l’exprime, tout du long, le livre de François Ruffin, tout habité de l’humanité des personnes qu’il raconte, et de sa propre humanité, avec ses faiblesses et ses fiertés, exposées dans la vie comme dans l’écriture, sans protections. Et au fond, nous avons pitié de ce Macron qui ne peut survivre sans ses protections accumulées, sa femme, son garde du corps, ses milliardaires, ses chefs d’entreprise pollueurs et tueurs, ses ministres imbéciles, ses militants téléguidés par sms, ses médias achetés, sa police, son armée… Combien de temps, encore ?

Finalement la meilleure question que Ruffin pose à Macron dans ce livre est celle de son œuvre. Où est la grande œuvre que, plus jeune, Macron se vantait d’être en train d’écrire ? Elle n’est jamais venue au monde, ni sous la forme d’un livre ni sous une autre forme. Car en littérature comme en politique et dans la vie, Macron n’existe que dans l’illusion, en illusionnant les autres et en s’illusionnant lui-même. Ruffin a des livres, des films et un journal à son actif. De bons livres, de bons films, un bon journal. Il a des enfants, il a des combats, une vie d’homme libre, jamais inféodé, assumant sa fragilité sans pour autant avoir besoin de la protection de puissants. Et une activité politique fondée sur des relations et des actions concrètes avec les gens et en direction des gens. « Les intellectuels du futur agiront-ils en compagnons de route de nouveaux mouvements sociaux désireux de changer la réalité existante ? », se demandait Shlomo Sand dans La fin de l’intellectuel français ? Et : « Par quelle philosophie politique ces luttes seront-elles interprétées et accompagnées ? »

J’estime que Ruffin donne l’une des réponses possibles capitales à cette question. Son livre, très différent de la production habituelle des intellectuels avec son implication du « je », avec son ton libre, ses récits qui portent la réflexion et portent à la réflexion sans dogmatisme, son caractère habité franchement, sans tour de passe-passe, sans cet illusionnisme propre à tous les macronismes et aussi à tous les fascismes, tel un coup de poing dans un bouclier illustre une autre façon de penser : non pas au-dessus du peuple, en intellectuel surplombant (et envoyant les autres au casse-pipe), mais en travailleur intellectuel faisant son travail comme le fait un travailleur boulanger ou un travailleur ingénieur, honnêtement, courageusement, sans chercher à y gagner plus qu’un homme n’a à gagner : sa vie, et celle des gens qu’il aime. Or Ruffin aime les gens.

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Révolution permanente. La ville en jaune

Aujourd’hui des photos de jaune dans la ville, de la musique, et les paroles d’une chanson de Moustaki que je classe dans la catégorie « Poètes du feu de Dieu ». Il a été de ceux qui ont enchanté mon adolescence – je n’imaginais pas alors que quelques années plus tard, il me lirait, mais c’est ce qui se produisit. Ainsi la révolution permanente des Gilets jaunes donnera-t-elle aussi ses fruits. Déjà nous pouvons contempler et humer ses fleurs, la prise de conscience, le réveil qu’elle a introduits dans un pays sous anesthésie, paralysé par les communicants tueurs de pensée depuis des années, processus achevé par l’entièrement faux et sot Macron et son entièrement faux et débile gouvernement.

J’ai repris mon action poélitique #PostIt, avec des post-it jaunes cette fois. Je fais toutes les nuits des rêves fantastiques. Jamais je ne me suis sentie mieux de ma vie.

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jaune 16-minHier à Paris 5e et 13e, photos Alina Reyes

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Sans la nommer

Je voudrais, sans la nommer
Vous parler d’elle
Comme d’une bien-aimée
D’une infidèle
Une fille bien vivante
Qui se réveille
A des lendemains qui chantent
Sous le soleil
 
 
C’est elle que l’on matraque
Que l’on poursuit que l’on traque
C’est elle qui se soulève,
Qui souffre et se met en grève
C’est elle qu’on emprisonne,
Qu’on trahit qu’on abandonne
Qui nous donne envie de vivre
Qui donne envie de la suivre
Jusqu’au bout, jusqu’au bout
 
 
Je voudrais, sans la nommer
Lui rendre hommage
Jolie fleur du mois de mai
Ou fruit sauvage
Une plante bien plantée
Sur ses deux jambes
Et qui traîne en liberté
Ou bon lui semble
 
 
C’est elle que l’on matraque
Que l’on poursuit que l’on traque
C’est elle qui se soulève
Qui souffre et se met en grève
C’est elle qu’on emprisonne,
Qu’on trahit qu’on abandonne
Qui nous donne envie de vivre
Qui donne envie de la suivre
Jusqu’au bout, jusqu’au bout
 
Je voudrais, sans la nommer
Vous parler d’elle
Bien-aimée ou mal aimée
Elle est fidèle
Et si vous voulez
Que je vous la présente
On l’appelle
RÉVOLUTION PERMANENTE
 
 
C’est elle que l’on matraque
Que l’on poursuit que l’on traque
C’est elle qui se soulève
Qui souffre et se met en grève
C’est elle qu’on emprisonne
Qu’on trahit qu’on abandonne
Qui nous donne envie de vivre
Qui donne envie de la suivre
Jusqu’au bout, jusqu’au bout
 
 
C’est elle que l’on matraque
Que l’on poursuit que l’on traque
C’est elle qui se soulève
Qui souffre et se met en grève
C’est elle qu’on emprisonne
Qu’on trahit qu’on abandonne
Qui nous donne envie de vivre
Qui donne envie de la suivre
Jusqu’au bout, jusqu’au bout
 
Georges Moustaki

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