Naissance d’une chair nouvelle

 

Le jeûne rend plus lent, comme le fait de se retirer dans la solitude, dans un lieu isolé. Le temps se déploie, éventail, accordéon. La pesanteur perd de son pouvoir, le corps se détache, jette l’ancre, sort de ses empreintes. Le corps est l’âme. La lumière l’assaille de morsures d’amour. Éperdu, il demande et rend grâce.

Hier dans un instant de fatigue à la bibliothèque où je travaillais, j’ai fermé les yeux et j’ai eu une vision, beaucoup plus solide et concrète que toute vue que nous donnent nos yeux de chair. La marque sur mon pied s’ouvrait, tel un œil vertical, et par cette fente ouverte sur toute la longueur du pied, donnait naissance à une chair nouvelle, lovée sur elle-même en forme d’œuf, qui en s’apprêtant à se déployer m’a réouvert les yeux, mettant fin à la vision mais sans y mettre fin tant elle avait été vivante, charnelle, sensible.

Passage. J’ouvre le passage que le Ciel est en train d’ouvrir. Prions pour ceux qui souffrent.

 

Solide lumière d’eau

 

Cette nuit avec O et toute ma descendance nous sommes montés, dans un effort bienheureux, à la cascade de glace de Gavarnie, directement dans la neige. Puis, sans aucunement ressentir le froid, nous nous sommes assis paisiblement autour de ses grandes orgues de cristal où jouait splendidement la lumière, moi près d’Asia, et Zoé dans mes bras. Ensuite nous sommes redescendus, comme en montant droit et aisément dans l’à-pic neigeux, au grand restaurant d’altitude pour prendre un bon repas.