Demain 2014

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L’arbre de vie dans la forêt la nuit, acrylique sur bois (Isorel) 18×30 cm

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Et malgré tout ce que m’ont fait subir un tas d’imbéciles, je suis et je serai toujours la même, la même que celle que j’étais aussi loin que je m’en souvienne, à l’âge de quatre ans, à l’âge de sept ans, à l’âge de quatorze ans, à l’âge de dix-sept ans, à l’âge de trente ans, de quarante-quatre ans, de cinquante-cinq ans. Et ainsi en est-il de chacun de vous. Certes il est possible de tuer un être humain, à force de lui faire du mal, mais pas de le changer, ni de le détruire. C’est-à-dire que même une fois mort, il est toujours ce qu’il fut toujours.

Alors qu’est-ce que l’appel à la conversion, au changement ? Un appel à vivre. Non pas à changer d’être, mais à changer de milieu. À quitter le milieu de la mort pour le milieu de la vie. À se laisser arracher à la mort par la vie. Qu’est-ce que le milieu de la mort ? Le mensonge. Qu’est-ce que le milieu de la vie ? La vérité.

Chaque homme sait très bien, au fond, s’il vit dans le mensonge ou dans la vérité. Souvent il ne le sait que très au fond, là où c’est sombre d’être si au fond, là où il ne regarde jamais. Mais s’il va y voir, il saura.

Chaque homme sait très bien, aussi, que le mensonge le perd, et que la vérité le sauve, même si elle semble moins facile, plus risquée, presque impossible parfois. Mais comme c’est le métier du skieur d’affronter la pente, c’est le métier de l’homme d’affronter la vérité. C’est alors, quand il s’y lance, qu’il peut commencer à connaître la délivrance qu’elle donne, et puis la grâce, et l’assurance de l’éternité. C’est alors qu’il peut savoir ce que c’est de marcher sur les eaux. De voler mieux qu’un oiseau. D’habiter partout. D’être pour toujours, au-delà du temps.

Animaux de Noël

Il me vient à l’esprit que si Matthieu a dit, étrangement, que Jésus, pour entrer à Jérusalem, a monté une ânesse et son ânon, c’est peut-être parce que ce dernier était dans le ventre de sa mère. L’ânon est, dit Jésus, avec elle : le mot grec meta peut aussi se traduire par après. Après elle. D’une certaine façon, Noël promet de venir après Pâques, porté par l’animal.

Passage à la peinture

Adam et Eve sans haut ni bas va être le premier d’un petit triptyque. Je suis très très heureuse de peindre. Depuis que j’ai acheté pour la première fois de la peinture acrylique, il y a exactement quatorze jours, je n’ai pas arrêté : dix-huit œuvres d’autodidacte débutante, et justement j’aime être débutante. Je l’ai écrit quelque part, quand j’étais enfant je voulais être écrivain parce que j’aimais lire et écrire mais aussi parce que ce qui m’attirait, c’était la vie d’écrivain. Non bien sûr celle de l’écrivain salonnard, qui croit ne rien pouvoir, mais celle de l’écrivain sur l’île déserte, qui la peuple de lui-même, de ses écrits et de ses lecteurs. Je n’ai jamais quitté l’île déserte, le royaume. Et maintenant je la peuple en peignant. La vie du peintre aussi m’a toujours attirée. J’ai vécu plus d’un an avec des artistes du monde entier, à la Cité des Arts, rue Norvins à Montmartre puis quai de l’Hôtel de Ville. C’était le paradis, comme ensuite l’atelier où j’ai vécu quelques mois en colocation avec un peintre rue Albert dans le 13ème. C’est seulement depuis le paradis que l’on peut recréer le monde, de même que Dieu se tient dans son royaume et crée de là. Au paradis, Dieu y est, c’est pour cela que la création advient à travers qui s’y tient, et s’y laisse traverser. Pour tout le monde.

Un

En peignant, je me rappelle quand j’ai peint le mur du fond de la grange, en blanc, et les encadrements des portes et des fenêtres, en rouge. Avec mon frère et d’autres personnes, nous avons transformé cette étable d’estive en maison. Je ne l’ai plus mais d’autres très chers l’ont, et c’est toujours le paradis. Je me rappelle aussi quand nous vivions en colocation avec un peintre, O et moi, combien j’aimais aller dans son atelier, un autre paradis. Mon atelier ici à Paris est un tout petit espace, une table sur tréteaux dans la pièce commune qui nous sert de salon, de bureau et de chambre. Au fond de la table, contre le mur, sont alignés mes Bible, mes Coran, mes dictionnaires d’hébreu et d’arabe (pour le grec, j’utilise les dictionnaires numérisés), le Mathnawî de Rûmi, Voyage. Puis le pot à stylos, crayons et marque-pages, le pot à pinceaux, et la panière à peintures et autres couleurs. Quand je veux peindre, je pousse mon petit ordi et je mets le chevalet de table à la place. Je peins debout pendant des heures, oubliant de boire et de manger tant que ce n’est pas fini. J’aime beaucoup le côté chantier, comme quand j’allais sur les chantiers avec mon père, plâtrier, dans mon enfance. Quand je vois ce qui peut paraître à d’autres des scènes de démolition ou même de ruines, j’en suis bienheureuse car pour moi ce sont des scènes de construction. Les Pèlerins d’Amour sauront comment être Pèlerins d’Amour en voyant dans quel esprit je vis, j’ai vécu. Il ne suffit pas par exemple de dire que nous sommes indépendants des institutions, il faut le prouver. Les œuvres de bienfaisance sont des pansements sur les plaies du système, elles ont leur utilité mais ce qui sauve c’est le pouvoir de voir derrière la façade du système ses ruines, et dans ses ruines un chantier. Ma parole n’est pas un prétexte ni un paravent ni un instrument, elle est au fondement, à la racine, elle est la racine et l’accomplissement, le chantier et la maison construite, elle est l’alpha et l’oméga. C’est ainsi seulement, par la manifestation d’une parole et d’une vie indissolublement épousées, unies, que vient aux hommes la lumière, la libération.