Espèces en voie d’illumination et couleurs du bonheur

À partir du 16 novembre et jusqu’au 15 janvier, le Jardin des Plantes offrira une « promenade nocturne » pleine d’animaux et de plantes illuminées : « Espèces en voie d’illumination ». Pour l’instant, les espèces en question, tout juste déballées et pas encore en place, attendent leur heure sur les pelouses, telles un manuscrit en cours. Voici les couleurs de ma promenade du jour, couleurs du bonheur.

 

ander

especes en cours d'illumination 1

especes en cours d'illumination 3

especes en cours d'illumination 2

Je me suis assise en face de la grenouille et je l’ai dessinée dans mon carnet, puis je l’ai coloriée une fois de retour à la maison, en ajoutant en grec le mot bios, vie

bios

Mais avant de repartir du jardin, j’ai contemplé une fois de plus le beau manège des animaux disparus

manege des animaux disparusAujourd’hui à Paris 5e, photos Alina Reyes

*

Rues, cahiers. La résurrection permanente

« La résurrection permanente » : c’est le titre d’une très longue série de notes que je retrouve dans l’un de mes nombreux cahiers pleins d’écritures, que je consulte de temps en temps pour me rappeler tel ou tel de mes travaux des années passées, et afin qu’il ensemence à nouveau mon travail présent. Voici les trois premières de ces notes :

« – Ulysse en mer, perpétuellement en train de naufrager et de renaître.

– Moïse enfant confié à l’eau, puis fendant la mer en deux pour la libération.

– Lacan, Séminaire X p.60 : « L’homme trouve sa maison en un point situé dans l’Autre au-delà de l’image dont nous sommes faits. » »

Quelques images de visages photographiées dans la rue ces jours derniers, et l’un de ceux que j’ai dessinés dans mon cahier en cours, hier :

street art ander

street art

street art naoh

himages Alina Reyes

*

Sur la prétendue « autodestruction d’une œuvre de Banksy »

bansky-insta

*

Ce bout de toile ne pouvait avoir ni la volonté ni la capacité de se détruire lui-même. L’acte a été réalisé par la volonté et l’ingéniosité de Banksy. Il ne s’agissait pas d’un acte de destruction d’une œuvre, puisqu’il n’y avait pas là une œuvre mais la reproduction à l’acrylique et à l’aérosol sur une toile d’une œuvre originelle réalisée dans un espace public, sauvagement. Dans cette salle des ventes, la déchiqueteuse de bureau, manipulée à peu de distance, n’a fait que découper mécaniquement, avec plus de froideur qu’un boucher, une pièce déjà morte.

– x – = +

Comme dit l’autre, si vous voulez de la vie, laissez les morts enterrer les morts. Une salle des ventes, une machine à broyer, une contrefaçon d’œuvre : c’est bien plus que le marché de l’art que Banksy a remis en question par la création de cette œuvre saisissante que les médias appellent « autodestruction d’une œuvre de Banksy ». C’est toute la société actuelle, son traitement mensonger, morbide, des humains eux-mêmes et de ce qui est humain. Ce coup d’éclat est la réalisation d’une œuvre invisible, la mise en évidence de l’invisibilisation de l’œuvre par la police politique. Le 23 octobre 2013, il y a cinq ans, Banksy postait sur son compte Instagram, à la place d’une photo de son œuvre du jour, un panneau disant sobrement noir sur blanc : « Today’s art has been cancelled due to police activity ».

Screenshot_2018-10-07 Banksy ( banksy) • Photos et vidéos Instagram

La destruction spectaculaire de son ersatz d’œuvre par Banksy constitue une œuvre en forme de trace. Trace de l’activité de la « police » (police des puissances de l’argent et du spectacle au sens debordien) entravant ou annulant la parution libre de l’œuvre portant témoignage de vérités, ou la neutralisant en la récupérant. Trace de la puissance et de la présence puissante de l’artiste invisible, ou inconnu faudrait-il dire comme pour le soldat. Trace de la spectacularisation du faux et de l’invisibilisation du vrai. Trace de la séparation grandissante entre l’art et les forces bourgeoises de la société, manifeste dès le tournant des XIXe et XXe siècles – que l’on songe à l’occultation des œuvres d’un Rimbaud, d’une Camille Claudel ou d’un Van Gogh, elles aussi, depuis, récupérées par les forces de l’argent. Trace de la misère de toutes ces forces morbides conjuguées, de leur néant de machines à broyer qui ne peuvent en vérité broyer que leurs propres productions comme toute bureaucratie génère, en même temps que de la paperasse, de la destruction de paperasse.

banksy

La recherche est sauvage, pénétration dans la sauvagerie, la forêt (c’est le sens étymologique de sauvage) de l’être. L’art est recherche. La science, la littérature sont de l’art. Le reste n’est que fausse littérature, destinée à finir dans les égouts du temps (la toile pendouillant du cadre marronnasse n’évoque-t-elle pas du papier toilette pendouillant du distributeur ?) Le geste de Banksy ne dit pas seulement la misère du marché qu’est devenu le monde, ou du moins le monde visibilisé par lui-même. Il révèle la puissance des vérités occultées, que leur occultation rend plus puissante encore en les rendant doublement témoins, en acte : des forces de la mort, et de celles de la vie.

*

Reportage photo du jour dans le 13e

paris 13 1C’est parti pour deux heures de balade dans le sud du 13e, côté asiatique. Comme j’ai maintes fois photographié les très nombreuses œuvres de Street Art qu’on peut y admirer, je ne les ai pas rephotographiées, sauf quelques petites œuvres nouvelles ou changées avec le temps, comme celle-ci. Pour les grandes fresques et autres, suivre le mot-clé street art.

paris 13 2

paris 13 3

paris 13 4Il y avait là une fête nord-africaine avec de la bonne musique, tambour et une espèce de cornemuse.

paris 13 5En approchant de la fac de Tolbiac, la rue Nationale a été renommée rue Clément Méric.

paris 13 6

paris 13 7

Père et fils cassent la croûte sur des marches, rue de Tolbiac

paris 13 8

C’est trop beau, un camion de pompier, non ? J’adore les voitures et les camions, en vrai comme en jouets

paris 13 9Où les restos asiatiques peuvent se fournir en chats porte-bonheur

paris 13 10

paris 13 11

paris 13 12Un oiseau peint sur une feuille de journal chinois

paris 13 13

paris 13 14

paris 13 15À l’entrée du parc de Choisy

paris 13 16

paris 13 17

paris 13 18

paris 13 19

paris 13 20

paris 13 21

paris 13 22

paris 13 23

paris 13 24

paris 13 25

paris 13 26

paris 13 27

paris 13 28

paris 13 29Place de la mairie, un jour de mariages

paris 13 31

paris 13 30

Des enfants jouent aux cartes en attendant la fin de la cérémonie.

Cet après-midi à Paris 13e, photos Alina Reyes

Ensuite je suis allée marcher dans le 5e.

*

La grande ville

nina-berberovaSachant que j’aurais trois-quarts d’heure de battement entre deux rendez-vous, j’ai saisi dans ma bibliothèque le minuscule La grande ville de Nina Berberova et je l’ai glissé dans mon sac en partant. Un peu plus tard, assise sur un banc au fragile soleil dans la verdure de l’Allée haute de la Salpêtrière, j’ai relu lentement ces trente pages lues il y a longtemps. Toujours avec la même joie, le même transport littéraires. Voici un bref passage de ce texte tout entier dansé :

« Une chaise apparut derrière mon dos, une lampe s’alluma, un verre fut posé devant moi. Nous conversâmes de choses et d’autres, telles de vieilles connaissances. Tout y passa : la beauté et la magnificence de cette grande ville, comment trouver du travail, comment utiliser la cabine téléphonique près de l’ascenseur, où acheter le pain et le lait. Des mots précieux au sujet de choses futiles. J’avais ignoré que j’aimais ce genre de mots ; j’aimais aussi la douce voix qui les disait, la grande main qui me versait du vin, et l’expression attentive avec laquelle il m’écoutait. Je me sentais bien, au chaud, rassuré. Je lui dis que j’étais heureux de l’avoir rencontré, que ses jumelles étaient surprenantes, extraordinaires, hallucinantes, et qu’avec un petit effort on pouvait sans doute voir la pyramide de Khéops même d’ici. De nouveau, je m’approchai de la fenêtre. »

Nina Berberova, La grande ville (1952), trad. du russe par Luba Jurgenson

*

paris 13

paris 5 street art

rollers

jardin des plantes  Ces jours-ci à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes

*

L’amour court les rues, voici ses traces du jour

trottoir 1Je devais aller chercher un livre que j’avais commandé. Sur le chemin, boulevard de l’Hôpital, j’ai photographié les inscriptions sur le trottoir

trottoir 2

trottoir 3*

La boutique où je devais retirer mon livre était fermée, j’avais près de deux heures devant moi avant son ouverture. Je suis allée à la mairie du 13e, où je savais qu’il y avait une nouvelle exposition d’un peintre chinois.

shanping liuSa fille était en train de finir de l’installer, j’ai parlé avec elle.

shanping liu,

shanping liu 1Shanping Liu peint beaucoup, à l’encre, les cyprès, nommés en Chine arbres de vie, et qui peuvent vivre 5000 ans

shanping liu 2C’est très très beau. Et aussi la montagne, et ses monastères

shanping liu 3

shanping liu,,

*

graff

Comme il me restait encore du temps, je suis allée, de l’autre côté de la place d’Italie, jusqu’à ma friperie préférée, Guerisol, où j’ai trouvé un bon pull et un chemisier quasi neufs à 3 euros chacun

guerisol

*

Puis je suis retournée à la boutique où j’ai enfin récupéré mon colis. Je me suis dirigée vers le jardin des Plantes dans le but de m’y asseoir pour découvrir mon livre. En chemin, j’ai photographié des espaces végétalisés sur les trottoirs.

anarchie vegetale pour un monde moins brutalSur le petit panneau en haut de celui-ci, on pouvait lire : « anarchie végétale pour un monde moins brutal »

vegetal

vegetal,

*

Une fois au jardin, j’ai ouvert mon colis et découvert cette merveille,

monsters,,My Favorite Thing is Monsters, le roman graphique d’Emil Ferris, tout au stylo. Il vient de paraître aussi en traduction française, mais je préférais avoir la version originale. Magnifiquement dessiné, mis en page, raconté.

monsters

monsters,

Après avoir lu et contemplé les premières pages au soleil, je suis allée à la bibliothèque du jardin où je me suis assise pour dessiner « les doigts verts » dans mon carnet avec mon stylo 4 couleurs

arbre,

Hier après-midi à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes

*

La bibliothèque dans le miroir

Il y a quelqu’un à la montagne, l’un des hommes que j’ai mis au monde, qui lit ma bibliothèque de là-haut. De temps en temps il me rappelle quelque excellent titre qu’il vient de lire et que j’ai lu il y a longtemps. Tarass Boulba, de Gogol, la fois précédente. Ici le chemin se perd, de Peské Marty, il y a quelques jours. Comme il a fait mention de la fin où le personnage est initié au Zen, j’ai eu envie de le relire, et dès que j’ai été assez en forme pour cela, aujourd’hui donc, je suis allée le chercher à la bibliothèque.

Il y a ce moment extraordinaire à la fin du très génial Chien enragé de Kurosawa, qu’on peut voir en replay en ce moment sur Arte, où le personnage plus âgé qui fait en quelque sorte office d’initiateur au Zen pour le jeune enquêteur (lui apprenant à ouvrir son esprit, garder son calme, se débarrasser de la compassion envers ceux qui comme des chiens enragés sont pris dans l’engrenage du mal), cloué sur un lit d’hôpital, regarde le monde dans un petit miroir. Le dernier verbe est oublier. Il faut le voir, c’est magnifique.

Voici les images que j’ai prises en chemin :

street art 1

street art 2

street art 3

street art 4

street art 5

street art 6

street art 7

street art 8

street art 9Cet après-midi à Paris 5e, photos Alina Reyes

*