Vestes jetées, vestes endossées, vestes tournées

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photo extraite de l’exposition « Regards sur les ghettos », en ce moment au  Mémorial de la Shoah

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Messieurs Hollande et Valls ou la politique du chacun pour soi. De femme en femme, le président de la République fuit. Il s’occupe de lui. Son ministre de l’Intérieur, lui, occupe le devant de la scène. L’ordre qu’il fait régner n’est pas celui de la res publica, au service de tous, mais celui de ses propres penchants. Voir des basanés dans sa ville le dépite. Quant aux Roms, dans leur misère, ils le hérissent. Des enfants déshérités comme ceux des ghettos juifs au siècle dernier sont chassés de leurs camps et mis à la rue par ses services de police. Il n’en veut pas. Mais « lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël », il endosse la veste de ministre de la protection des juifs. Un jour il leur déclare qu’ils peuvent être fiers de porter la kippa, un autre jour il déclare digne d’intérêt l’idée d’interdire le foulard islamique à l’université. Quand des chrétiens, deux ans plus tôt, manifestaient contre un spectacle anti-chrétiens, Golgotha Picnic, lui manifestait pour défendre ce spectacle grossier. Quand des musulmans poseront une demande pour manifester suite aux caricatures ordurières que Charlie Hebdo multiplie contre eux, fait rarissime, il interdit la manifestation. Enfin il livre son combat personnel contre un humoriste antisémite à qui il aurait suffi de faire payer ses amendes, n’hésitant pas, pour satisfaire sa rage personnelle, à se substituer à la Justice et à compromettre la démocratie. Triste spectacle, aussi triste que celui de Dieudonné, aussi triste que celui de ceux qui s’empressent de filer dans le sens du vent, tel Nicolas Bedos dont on peut se rappeler son sketch de 2010, à écouter ici (à partir d’1mn 50).

Censure d’État sur Dieudonné : quelques réactions

« La France croit-elle vraiment aux libertés publiques ? Dans quelle autre démocratie constitutionnelle les politiciens réussissent-ils à faire interdire des spectacles ? (…) C’est en fait un pitoyable aveu de faiblesse démocratique. » Article du chroniqueur Yves Boisvert à lire en entier dans La Presse (Québec)

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« Cette interrogation, que je me pose avec d’autant plus d’aisance que je n’ai jamais fait mystère de mes origines juives, la voici : un ministre de l’Intérieur, Manuel Valls en l’occurrence, peut-il interdire, sans enfreindre les règles de cette démocratie précisément, la liberté d’expression, de parole ou de pensée ? Et ce, quand bien même elle heurterait le sens moral, une quelconque conviction religieuse ou communauté civile ? Davantage : un État tel que la France, historique patrie des droits de l’homme, peut-il se substituer ainsi à la Justice, sans contrevenir à la Constitution elle-même (…) le paradoxe s’avère, on en conviendra, énorme : voici que la France se met à porter atteinte, au nom des droits de l’homme, à la liberté d’expression ! (…) À propos (autre inénarrable, s’il n’était tragique, paradoxe) : les Français savent-ils que leur prix littéraire le plus prestigieux, ce Prix Goncourt dont ils s’enorgueillissent tant, est la création, en la personne d’Edmond de Goncourt, de l’un des plus abjects homophobes, misogynes et antisémites (tiens, quand l’on parle du loup !) que la culture française ait malheureusement connu ? » Texte du philosophe Daniel Salvatore Schiffer à lire en entier dans Le Plus Le Nouvel Obs.

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« L’interdiction des spectacles de Dieudonné constitue-t-elle une atteinte à la liberté d’expression ? – Oui, à deux niveaux. L’interdiction administrative souhaitée par Manuel Valls est un processus attentatoire aux libertés publiques. C’est un scandale par rapport à l’Etat de droit. » Interview de l’avocat Philippe Bilger dans le Journal du Dimanche.

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« La semaine prochaine verra l’anniversaire de l’assassinat de Hrant Dink, le journaliste turco-arménien qui militait pour un dialogue ouvert sur le génocide arménien (en Turquie ce qui est tabou, c’est la reconnaissance du génocide, non sa négation). Quand le gouvernement français proposa de voter une loi similaire pour le génocide arménien à celle concernant la Shoah [loi Gayssot], Dink déclara qu’il irait à Paris afin de rompre la loi, pensant, comme moi, que la stricte réglementation de ce qu’on a le droit de dire et de ce qu’on n’a pas le droit de dire, en définitive nous diminue tous. » Texte de l’historien britannique Andrew Hussey à lire en entier (en anglais) dans The Guardian.

Du juste combat

La Femen russe qui, quoique ne parlant pas français, vient de recevoir son passeport français et sert de modèle à la dernière Marianne sur nos timbres, a déclaré sur Itélé qu’elle accepterait des fonds de n’importe qui, même du diable. C’est bien ce qu’elle fait, comme tous ceux qui prostituent leur âme, c’est pourquoi elle le dit. Le diable, voilà ce qui habite ceux qui soutiennent ces femmes qu’ils réduisent à l’état de femelles souillées et souilleuses en prétendant œuvrer à la libération des femmes : le menteur est un autre nom du diable.

Les Femen, qui agressent chrétiens et musulmans en souillant églises et mosquées – mais jamais les synagogues – sont protégées et promues par les pouvoirs publics français et les médias, tout comme Charlie Hebdo dont les cibles sont les mêmes. J’ai déjà parlé assez longuement de l’enfer où est tombé ce magazine, cent fois plus ordurier que les spectacles de Dieudonné. Le pire est sans doute son traitement des Roms. Mais qui se soucie des Roms ? Certes pas Manuel Valls, qui ne les voit pas comme appartenant à la commune humanité.

Ce qu’on appelle racisme ou antisémitisme dans ce pays n’est bien souvent que la manifestation d’une solidarité ou d’une adversité de classe. Les dominants n’aiment pas leurs victimes, qui leur renvoient à la figure leur iniquité. Pour supporter leur iniquité, il leur faut considérer leurs victimes comme des sous-hommes – phénomène similaire à celui du sexisme. Les victimes n’aiment pas les abuseurs, et elles aussi pour supporter leur condition cèdent souvent à la facilité de les essentialiser, de les rejeter pour ce qu’ils sont alors que ce qu’il faut, c’est combattre ce qu’ils font. Le combattre et le refuser, en refusant premièrement de collaborer à leur mauvais système. Car tout ce qui est mauvais finit au néant, rien n’est plus sûr.

Les hommes ne doivent pas combattre entre eux, les uns contre les autres, mais combattre contre le mal, d’abord en le rejetant de leur vie. Et pour cela, apprendre tous les jours à le voir, à l’identifier clairement, sans se tromper. Ainsi le combat sera-t-il véritablement efficace. Le combat ayant ses racines dans la vérité est le seul combat promis à la victoire. D’autres combats peuvent emporter des victoires éphémères, comme celles que nous voyons tous les jours s’étaler dans les journaux, mais ce sont de fausses victoires. D’une part parce qu’elles seront balayées par l’Histoire, d’autre part parce qu’elles n’apportent nulle paix aux hommes qui les remportent. Alors que le juste, même apparemment vaincu par le monde, est bienheureux.

« … que rien ne change »

Aux autorités polonaises qui souhaitaient enquêter sur un archevêque polonais accusé d’actes pédophiles alors qu’il était en poste en République Dominicaine, et que le pape François a fait revenir à Rome en septembre dernier, « le Vatican a affirmé qu’il n’extradait pas ses citoyens et que Jozef Wesolowski jouissait de l’immunité diplomatique. » (Associated Press)

Ni l’église espagnole ni le pape François ne daignent donner la moindre réponse aux demandes des associations qui tentent d’aider les victimes du vol de bébés (peut-être 300 000 bébés) pendant les années franquistes et jusqu’en 1990, avec la complicité active de l’Église. « Le Vatican a ignoré les demandes répétées d’aide aux victimes de l’Espagne, et ce qui est pire, le refus continu de la part de l’Eglise catholique, y compris face aux demandes des autorités judiciaires, de remettre des informations biologiques de mères et d’enfants qui désirent se retrouver », écrit leur avocat Enrique Vila Torres. Il dénonce « l’opposition claire manifeste, constante et déterminée des institutions ecclésiastiques espagnoles » de fournir des informations. Enrique Vila Torres affirme avoir écrit à cinq reprises entre décembre 2012 et novembre 2013 à la conférence épiscopale espagnole, l’archevêque de Valence, le secrétaire de l’État du Vatican, et directement au nouveau pape François. « Malheureusement, le silence absolu et l’indifférence ont été l’unique réponse ».(Article entier sur Fait Religieux.com).