Camille Claudel, profonde penseuse

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Au moment de son internement, en 1913, Camille Claudel évoquait dans sa correspondance « un art vraiment nouveau que j’avais découvert, un art qui n’a jamais été connu sur la terre » (citée par Aline Magnien in Camille Claudel, éditions Musée Rodin/Fundacion Mapfre/Gallimard, 2008 – ouvrage dans lequel j’ai repris ces photos de ses petites Profonde Pensée).

Mais ce qu’elle a découvert, les hommes ne l’ont pas encore compris. Sans doute sa vie a-t-elle éclipsé son œuvre dans le regard du public. L’histoire avec Rodin, qui n’est après tout qu’un classique vaudeville petit-bourgeois. Les difficultés de l’artiste en tant que génie femme – là encore, malheureusement, un classique. Et la figure de l’artiste maudit – un classique aussi. Aujourd’hui encore et plus que jamais, règne l’esprit « pour Sainte-Beuve », qui ne sait voir que ce qui se voit, le social, le psychologique, l’humain borné par l’humain.

Ce qui préoccupait Camille Claudel, c’était bien moins « La Fouine », comme elle avait surnommé Rodin qui avait ses façons cachées de continuer à être obsédé par elle, et même moins le poids que faisaient peser la société et le milieu de l’art sur sa singularité dérangeante, que son art. Si elle cessa de créer pendant les trente années où elle fut très iniquement enfermée par sa mère et son frère, c’est parce qu’elle refusait l’enfermement. Je crois que si elle n’avait pas subi, enfant, une éducation catholique, elle aurait pu se sortir de cet enfermement. Mais elle n’a pas pu, la faute en incombe totalement à son frère, à sa mère, et à tous ceux qui ont laissé faire. Et dans ces conditions, comme Rimbaud a préféré cessé d’écrire dans cette société aliénante, elle a choisi de cesser de sculpter. Il s’agit là de résistance.

Alors que le temps était à l’industrialisation de l’art (à laquelle Rodin se consacrait) mis au service des commandes publiques, Camille Claudel s’engageait dans une tout autre voie. Plutôt que de faire impression par la quantité de la matière et le monumentalisme (et nous en sommes toujours à cette facilité en 2015), Camille Claudel s’engage dans la voie du petit, du coloré, de l’artisanal. Qu’est-ce à dire ? Camille Claudel n’est pas dans la monstration, elle ne cherche pas à passer à la télé, à être une vedette, ni à se vendre à prix d’or. Camille Claudel passe par le chas de l’aiguille. Elle pense agenouillée devant le trou de l’âtre. Sa façon de sculpter est une façon de philosopher. Ses sculptures sont des écritures. En quelque sorte, elle pressent la physique du très-petit, qui est une physique du passage. Sa matière n’est pas inanimée, elle vit secrètement, comme les atomes ondulent. Tout en passant, elle demeure, à la fois feu et foyer. Ses corps ne sont pas réalistes, ils ne sont pas des signes non plus, ils sont des idées, des phrases, des textes entiers. De la pensée pure.

Ce qu’elle dit n’a pas encore été entendu, mais cela vient. Et rejoint notamment la thèse que je veux développer. À suivre, donc.

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Littérature et nourriture

Feuilletant le numéro de la revue Page consacré aux livres de la rentrée littéraire. Eh bien, pour du roman, y a du roman. Et beaucoup de bon, sans doute, voire du très bon ou très intéressant. Littérature française, littérature étrangère… des histoires, en veux-tu en voilà. Le monde vu sous toutes ses coutures sociales, psychologiques, politiques, historiques… Très bien très bien, il en faut. Mais le reste ? Je veux dire, la littérature qui ne se résume pas à des histoires, et à des histoires d’humains, trop humains ? Où sont les Nerval, les Kafka, les Borges, les Céline, les Kerouac d’aujourd’hui ? Où est le rêve profond, la spiritualité sidérante, déménageante, où ce qui sort l’homme de l’homme, de son monde si étroit, si peu lumineux, si peu étonnant, si prévisible ? Où la langue, le sens de la langue ? Où la poésie ? Le roman aujourd’hui a phagocyté la langue, et dans sa part la plus basse : celle qui sert à communiquer. Les supermarchés ne sont pas des lieux qui fournissent de la nourriture. La nature fournit la nourriture. Si on ne s’intéresse qu’aux supermarchés en oubliant la nature, il n’y aura plus rien à manger.

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« Maison de la Recherche »

Je me suis photographiée dans le miroir avant de sortir, puis je suis allée retirer un dossier d’inscription en thèse de doctorat à la Maison de la Recherche, puis j’ai fait quelques photos sur le chemin du retour – notamment à la fontaine Saint-Michel et dans la cour du Collège de France, où Champollion réfléchit

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cet après-midi à Paris 6e et 5e, photos Alina Reyes

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