Scènes et obscènes

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César de la honte à Polanski. France, pays arriéré. Eux, eux, eux, toujours tout pour eux : des vieux à l’esprit congelé dans les glaces du vieux monde, soutenant et récompensant ceux en lesquels ils se mirent. Ils n’en ont plus pour longtemps, ça fond et ça pue. Bien vivantes, elles, Adèle Haenel et Florence Foresti n’ont pas eu leur langue dans leur poche ni leur cul cloué à leur fauteuil.

Le million de Pénélope Fillon pour un travail inexistant. L’argent public légalement distribué aux Matzneff, Polanski et autres, pour leur permettre de continuer à vivre la vie d’artiste entretenu. Et les 40 euros par jour ou par nuit aux ouvriers africains sans papiers ni contrat de travail, pour trimer sur le chantier du prochain siège du Monde et de L’Obs (même groupe, vive la liberté de l’information en France).

Les gendarmes du service central du renseignement criminel évoquent dans un rapport un autre scénario possible pour l’assassinat du petit Grégory : celui d’un meurtre collectif. D’après ce qu’on connaît des humains, voilà qui n’aurait rien d’extraordinaire.

 

 

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Petites pensées sur le Coronavirus

ce soir à mon bureau, photo Alina Reyes

roi et mage, ce soir à mon bureau, photo Alina Reyes

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Les rassemblements, c’est festin pour les virus. Manquerait plus que quelque invité des Césars ait le Coronavirus et le refile à l’assemblée pailletée. Polanski a bien fait de rester chez lui, à son âge ça ne pardonne pas.

Je remarque que quasiment personne ne dit Covid-19, le nom qu’on a donné à la maladie, mais que quasiment tout le monde continue à parler du Coronavirus. Le mot n’est pas si simple à prononcer mais il est plus humain que l’autre nom de science-fiction. Et puis corona, couronne, c’est joli. Il y en a peut-être qui pensent plutôt à la bière – celle qui se boit, pas celle où on enterre, du moins je l’espère.

Que peut-il bien y avoir dans la tête d’un virus ? Dans celle du Coronavirus ? Un virus a son intelligence et il sait s’en servir pour bien se débrouiller dans la vie. Celui-ci a l’élégance de plutôt épargner les jeunes personnes, contrairement aux polanskis et autres matzneffs. Il y a deux ans, j’avais tiré une leçon politique des virus. Et maintenant c’est un virus qui prend le commandement de la politique.

Le Coronavirus c’est un peu comme, dans la Bible, Dieu qui se manifeste dans un léger souffle, alors qu’on l’attendait dans quelque énorme catastrophe naturelle. L’un n’empêche pas l’autre, évidemment. Mais le virus, avec ou sans couronne, montre clairement à quel point tous les rois et les césars du monde sont petits, bien plus que lui.

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Nos dames de Paris et autres maires

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Notre-Dame de Paris brûlée, mais Notre-Dame de Paris bientôt rendue aux Parisiens sous la forme d’une maire nouvelle ou renouvelée ? Hidalgo, Dati, Buzyn ne sauraient faire office de femmes providentielles – tant mieux, ce n’est pas de Providence ni de symboles ni de consolation dont nous avons besoin, mais de bonne politique – domaine dans lequel les trois candidates se sont déjà révélées tout aussi médiocres, voire mauvaises et/ou peu honnêtes, que l’ensemble de la classe politique de ces temps.

la parisiennePlutôt que pour l’une de ces dames, je voterais bien pour une Parisienne très éloignée de toute cette pesante bourgeoisie : l’antique Crétoise nommée La Parisienne pour sa grâce et son allure de grande liberté, éternellement jeune et vivante, qui sourit, aussi lumineusement que la Joconde, des aléas du temps. Électrices, électeurs, nous avons en nous la possibilité d’une autre élection, celle de notre propre esprit.

Quand on voit certaines décisions ou certains projets de maires ou de candidats, certains endettements de municipalités pour des grands travaux inutiles ou même nuisibles, pour des entreprises sans avenir (pensons par exemple aux stations de ski entêtées à maintenir à n’importe quel prix cette seule activité alors que la neige disparaît) on peut se dire que des administrateurs se contentant de faire en sorte que ce qui est fonctionne et que la ville ou le village restent vivables pour tous, feraient moins de mal que des élus à lubies perdant pied avec la réalité, comme cela se produit aussi au plus haut sommet de l’État. Moins de compétitions d’égos et plus d’écoute de la réalité, plus de concertation et une entière honnêteté, voilà ce qui rend possible la vie en commun, jour après jour.

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street art 10-minCes jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

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Sur la littérature, la vérité et la vie

 TRACÉ DE PÉTROGLYPHES SUPERPOSÉS, CRESWELL CRAGS. Il s’agirait des œuvres rupestres les plus anciennes répertoriées, puisqu’elles datent de l’ère glaciaire (43 000 ans). Photo : stone-circles.org.uk


TRACÉ DE PÉTROGLYPHES SUPERPOSÉS, CRESWELL CRAGS.
Des œuvres rupestres parmi les plus anciennes répertoriées (43 000 ans). Photo : stone-circles.org.uk

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Peut-être les hommes préhistoriques traçaient-ils dans les grottes des lignes superposées parce qu’ils avaient remarqué, ou senti, le phénomène de la superposition des phénomènes ? Par exemple, quelque chose se passe dans tel espace, et se repasse, de façon décalée mais très comparable, dans tel autre espace, pour un même être situé dans les deux espaces. Si ce quelque chose est chargé de morbidité et si les deux espaces se rencontrent et se renforcent mutuellement, alors le risque mortel devient plus grand. Nos ancêtres préhistoriques, comme nous avaient besoin d’apprendre à réchapper des risques mortels, et la superposition des traits pouvait être, consciemment ou non, une expression conjuratoire du risque, parce qu’elle était d’abord le signe d’une connaissance.

Ce que je dis là peut paraître obscur. C’est en cherchant des exemples concrets correspondant à la situation que j’indique qu’on peut le comprendre. Que chacun peut le comprendre en le rapportant à quelque chose qui se serait passé, dans son existence ou dans celle d’un autrui, et dont il aurait connaissance. Par exemple, le texte de ma précédente note pourrait être écrit de façon similaire avec un il à la place du elle et d’autres indices factuels, sans que le sens général, sans que la nature profonde du phénomène en question ne change. La littérature repère des trajets, des lignes existentielles et inter-existentielles, et les transpose en lignes tracées. Jacques Bouveresse écrit :

« Si on a souvent parlé de « littérature pure » à propos de Proust, on aurait tout aussi bien pu parler de la Recherche comme d’une entreprise de « connaissance pure ». Le terme « pur » renvoie ici à ce que Thibaudet voulait dire quand il a écrit qu’ « il y a chez Proust une fusion d’éléments pareillement rebelles à tout pli professionnel : vie mondaine pure, psychologie pure, littérature pure ». La connaissance pure est une connaissance qui, comme c’est le cas justement de celle de l’écrivain, ne comporte rien de spécialisé et de professionnel, ne raisonne pas en fonction des conséquences et des applications pratiques, et ne se préoccupe que de la vérité. Se détourner de la recherche de celle-ci revient, pour Proust, à se détourner de la littérature elle-même ; et c’est ce que font ceux qui s’efforcent de la mettre au service d’objectifs qui, en réalité, ne constituent que des prétextes pour s’éloigner d’elle et échapper à ses exigences, comme la description exacte des faits ou de la réalité, le triomphe du droit, l’intérêt de la nation, etc. L’artiste ne peut servir sa nation qu’en tant qu’artiste, par la contribution qu’il apporte à la connaissance, au sens indiqué, « c’est-à-dire qu’à condition, au moment où il étudie ces lois, institue ces expériences et fait ces découvertes, aussi délicates que celles de la science, de ne pas penser à autre chose – fût-ce à la patrie – qu’à la vérité qui est devant lui » [Bouveresse cite ici Thibaudet in Réflexions sur la littérature]

Jacques Bouveresse, La connaissance de l’écrivain. Sur la littérature, la vérité et la vie, éd Agone, 2008

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Vérité et mort

 

La vérité peut faire si peur que certaines personnes préfèrent affronter la mort.

Pourtant ce n’est pas une bonne façon de mourir que de mourir sans avoir fait la vérité. Ni pour soi, ni pour les autres.

Et ce n’est pas non plus une bonne façon de vivre que de continuer à vivre en continuant à occulter la vérité, aux dépens d’autrui. Ce n’est pas une bonne façon : d’une part parce qu’on fait ainsi du mal, à autrui et à soi ; d’autre part parce que c’est du temps où nous sommes vivants qu’il faut apprendre à bien mourir. Dans quel autre temps que celui où nous sommes vivants apprendrions-nous à être justes, ou simplement honnêtes, dans quel autre temps apprendrions-nous à quitter honnêtement notre carrière sur cette terre ?

Ce matin j’ai fini ma séance de yoga, une fois relevée de shavasana, la « posture du cadavre », une fois revenue en siddhasana, « posture parfaite », en prononçant le mantra Sat nam, qui signifie, en sanskrit, une identification avec la vérité. La mort ne fait pas la vérité. Seule la vie la fait.

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Haïkus du yoga

« Il y a un moment où le langage cesse (moment obtenu à grand renfort d’exercices), et c’est cette coupure sans écho qui institue à la fois la vérité du Zen et la forme, brève et vide, du haïku ». Roland Barthes

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Tapis de yoga.

Assise en siddhasana

je n’ai pas de poids

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Couchée sur le dos

en shavasana, yeux clos.

Paix fluide de l’eau.

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Changement de forme.

Relevée, mon âme

fait vibrer le Aum.

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Les âmes mortes, suite : abus et dissimulations (Jean Vanier etc.)

 

Révélations sur Jean Vanier, fondateur de l’Arche, idole internationale des catholiques et autres, copain du pape François et, de long temps, de Julia Kristeva (lucidité de ces prétendus spécialistes de l’esprit humain : zéro – ou bien c’est que l’abus leur est commun*). Complice pendant des décennies d’un prédateur sexuel et lui-même accusé d’abus sexuels, viols de femmes sous emprise « spirituelle », sur une période d’au moins trente-cinq ans.

« Lorsqu’on s’autorise à rencontrer l’autre, on trouve des trésors », disait-il, gardant pour lui la suite : « à piller ». Le bonhomme causait toujours, d’une voix doucereuse, des personnes en état de vulnérabilité : il en connaissait un rayon, puisqu’il s’en servait. Jamais aimé sa parole sirupeuse, son cinéma de gourou, sa contenance de tartuffe. Mais la bonne société apprécie ça, toujours. Ces façades en trompe-l’œil de ses tristes maisons.

« Mais ce n’est pas le fait que le héros déplaira qui est pénible, c’est la certitude absolue que ce même héros, ce même Tchitchikov aurait pu plaire aux lecteurs. Si l’auteur n’avait pas sondé les replis de son âme, remué au fond ce qui échappe et se dérobe à la lumière, révélé les pensées les plus secrètes que l’homme ne confie à personne, s’il l’avait montré tel qu’il parut à Manilov et à toute la ville, — tout le monde eût été enchanté et l’aurait trouvé intéressant. C’eût été un mannequin dépourvu de vie ? Soit ; mais aussi, la lecture terminée, on pouvait en toute quiétude retourner à la table de jeu. » Nicolas Gogol, Les âmes mortes, trad. d’Henri Mongault

*cf Sollers-Kristeva, l’un acoquiné avec Matzneff, l’autre avec Vanier