Pandémie : renverser la table de la loi patriarcale

Macron répond à la détresse des étudiants par de la charité, des actes de dame patronnesse. De l’humiliation. C’est une injustice criante que les jeunes, privés d’études, privés de travail, doivent porter le poids le plus lourd dans cette pandémie. Alors que si on adoptait des mesures spécifiques pour les populations à risque, si on leur demandait, en attendant d’être vaccinées, d’aller faire leurs courses à des horaires réservés et de ne pas sortir dans les autres lieux publics fermés, les jeunes, les travailleurs de la culture, les restaurateurs, les gérants de salles de sport, tous ceux qui sont asphyxiés depuis un an maintenant, pourraient retrouver un peu d’air, en s’adaptant bien sûr aux mesures sanitaires.

Cette crise sanitaire met en évidence la lourdeur et l’iniquité du patriarcat. Les jeunes sont sacrifiés. C’est Abraham, le couteau sur la gorge de son fils, mais aucune instance supérieure en lui ne l’empêche de commettre le crime. Il en va de même dans les affaires d’inceste et de pédophilie, et nous en sommes réduits à signer des pétitions pour qu’on cesse de demander aux enfants s’ils étaient consentants. Il y en a assez de cet esprit pourri, il est plus que temps de renverser la table de la loi patriarcale et gérontocrate.

Homère et Maïakovski

"Maïakovski", collage sur papier 31x41 cm

« Maïakovski », collage sur papier 31×41 cm

« Il y a dans la mer fortement agitée,
En face de l’Égypte, une île appelée Phare »

Homère, Odyssée, chant IV, v.354-355 (ma traduction)

Un jour, inch’Allah, j’apprendrai assez de russe pour pouvoir traduire le grand Maïakovski. En attendant le grand Homère (dont je suis en train de traduire toute l’Odyssée) fait très bien l’affaire. J’aime les poètes qui se coltinent l’univers, et j’aime me coltiner l’univers des poètes.

La grande syntaxe de l’être, avec Ptolémée

"Ways" Technique mixte sur papier 31x41 cm

« Ways »
Technique mixte sur papier 31×41 cm

« Je sais que moi je suis mortel, éphémère ; mais quand,
Des astres, je cherche le cours incessant, spiralant,
Mes pieds ne touchent plus terre mais c’est de l’ambroisie,
Nourri par Zeus lui-même, qu’alors je me rassasie. »

Ptolémée, Anthologie Palatine, IX.577 (ma traduction)

« Qu’on n’objecte pas à ces hypothèses, qu’elles sont trop difficiles à saisir, à cause de la complication des moyens que nous employons. Car quelle comparaison pourrait-on faire des choses célestes aux terrestres, et par quels exemples pourrait-on représenter des choses si différentes ? Et quel rapport peut-il y avoir entre la constance invariable et éternelle, et les changements continuels ? Ou quoi de plus différent des choses qui ne peuvent aucunement être altérées ni par elles-mêmes, ni par rien d’extérieur à elles, que celles qui sont sujettes à des variations qui proviennent de toutes sortes de causes ? Il faut, autant qu’on le peut, adopter les hypothèses les plus simples aux mouvements célestes ; mais si elles ne suffisent pas, il faut en choisir d’autres qui les expliquent mieux. Car si après avoir établi des suppositions, on en déduit aisément tous les phénomènes comme autant de conséquences, quelle raison aura-t-on de s’étonner d’une si grande complication dans les mouvements des corps célestes ? »

Ptolémée, Almageste (ou la Grande syntaxe), XII, 2, trad. Halma, 1813

L’auteur selon Peter Brook

"Théâtre" Technique mixte sur bois 45x30 cm Ces vers de Paul Valéry sont gravés au fronton du théâtre de Chaillot à Paris

« Théâtre »
Technique mixte sur bois 45×30 cm
Ces vers de Paul Valéry sont gravés au fronton du théâtre de Chaillot à Paris

Dans ces passages de L’Espace vide (livre important dont j’ai déjà donné d’autres extraits), Peter Brook parle de l’auteur de théâtre (et je me sens concernée, me considérant moi-même comme une auteure de théâtre même si mes textes n’ont pas l’apparence de textes de théâtre – en particulier mes textes de non-fiction, comme mes livres Voyage ou Une chasse spirituelle, pour l’instant hors circuit, dont la scène est l’espace mental de qui lit).
*
« En théorie, peu d’hommes ont autant de liberté qu’un auteur de théâtre. Il peut évoquer l’univers entier sur la scène. Mais (…) il est malheureusement rare que l’auteur de théâtre se donne la peine de relier le détail qu’il a choisi à une structure plus large.
(…)
Qu’un auteur explore la profondeur et les ombres de sa propre existence ou qu’il explore le monde extérieur, dans les deux cas, il croit son univers complet. Si Shakespeare n’avait pas existé, il serait tout à fait compréhensible que nous établissions une théorie selon laquelle les deux genres d’auteurs ne peuvent en aucun cas cohabiter. Il y a quatre cents ans, il était donc possible à un dramaturge de présenter dans une même situation conflictuelle des événements du monde extérieur et les sentiments intérieurs d’hommes complexes, isolés en tant qu’individus, l’immense tension de leurs craintes et de leurs aspirations. Le drame élisabéthain, c’était la révélation, c’était la confrontation, c’était la contradiction, et cela conduisait à l’analyse, à l’engagement, à la reconnaissance et, en fin de compte, à l’éveil de la compréhension.
(…)
Pourtant, un nouveau théâtre élisabéthain, fait de poésie et de rhétorique, serait une monstruosité.
(…)
L’auteur contemporain est encore prisonnier de l’anecdote, de la cohérence et du style. Il est également conditionné par les valeurs qui subsistent du XIXe siècle, à tel point qu’il trouve inconvenant le mot d’ « ambition ». Et pourtant, il en a infiniment besoin. Si seulement il était ambitieux ! Si seulement il voulait décrocher la lune !
(…)
Bien que l’auteur nourrisse son œuvre de sa propre existence et de la vie qui l’entoure – le théâtre n’est pas une tour d’ivoire -, le choix qu’il fait et les valeurs qu’il exalte n’ont de force qu’en fonction de leur théâtralité. (…) Même l’auteur qui ne s’intéresse pas au théâtre en tant que tel mais seulement à ce que lui, l’auteur, essaie de dire, se trouve forcé de commencer par le commencement : s’attaquer à la nature même de l’expression théâtrale. Il n’y a pas moyen d’y échapper, à moins que l’auteur n’accepte d’enfourcher un véhicule d’occasion, hors d’état depuis longtemps, et vraisemblablement incapable de le mener où il veut aller. Le problème essentiel de l’auteur et le problème essentiel du metteur en scène vont de pair. (…) Si l’on veut que la pièce soit entendue, alors il faut savoir la faire chanter. »

Peter Brook, L’Espace vide, Points Seuil (Londres 1968, éd du Seuil 1977 pour la traduction française, par Christine Estienne et Franck Fayolle)
Autres extraits du livre ici

L’œil en éveil. L’oreille, la corde vocale, le corps entier aussi (note actualisée)

Samedi après-midi : j’actualise la note avec quelques images du jardin des Plantes enneigé aujourd’hui

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J’ai dit, en regardant par la fenêtre : « bon, on attend la neige », et quelques secondes après la neige s’est mise à tomber. Rien de magique, c’est juste que la couleur de l’air m’avait prévenue. Nous avons si souvent le nez sur nos smartphones ou nos écrans que nous ne regardons pas beaucoup vers le haut. Ni vers ailleurs. Parfois des gens s’arrêtent un instant, surpris, quand ils me voient prendre une photo. Surpris parce qu’ils se demandent ce que je peux bien être en train de photographier. Eux n’avaient rien vu. Ils me le disent, parfois. Et parfois en profitent pour entamer une petite conversation.

Notre rapport au monde a bien changé avec la technologie, nous le savons tous mais n’y faisons pas toujours attention. Je pense aussi à la musique. Avant les enregistrements, il n’y avait que le concert comme moyen d’entendre la musique savante. On l’écoutait une fois, et puis c’était fini, ou il fallait attendre un autre concert pour la réentendre. D’un autre côté, la musique populaire était sans doute plus vivante, dans la mesure où les gens chantaient beaucoup dans leur vie quotidienne.

Exercer ses sens et son corps, voilà le secret de la joie et de la pensée fraîche. Je me suis procuré de petits haltères et de temps en temps je fais un peu de musculation et de barre au sol pour changer du yoga quotidien. Je marche pas mal et je cours un peu, quoique moins par ces temps gris. La médecin à l’hôpital (visite de routine) m’a demandé si j’avais une bonne alimentation et sans attendre ma réponse a dit : « Oui, et je vois que vous faites de l’exercice ». Je referais bien de la danse, je referais bien du chant choral, on verra ça quand la pandémie sera finie. Je traduis, je peins, je lis, j’écris. Je cantille le Om chaque matin après l’exercice, en tenant la note le plus longtemps possible. Je vais bientôt faire tatouer mon sein reconstruit, avec un tatouage d’art jusqu’à l’épaule. Il faut sans cesse rendre à la vie les couleurs qu’essaient d’effacer les voleurs. Le blanc est l’une des plus belles.
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Hier (le store) et aujourd’hui (la neige) à Paris, photos Alina Reyes

Marcher dans les airs, Capitole et #MeToo : journal intime et chronique publique

Technique mixte sur panneau 50x65 cm, réalisé à partir de quelques-unes de mes photos peintes

Technique mixte sur panneau 50×65 cm, réalisé à partir de quelques-unes de mes photos peintes

Refait cette nuit ce rêve très ancien et récurrent où je marche en lévitation à plusieurs mètres au-dessus du sol, m’élevant à volonté au-dessus de la ville et du paysage, goûtant la caresse des feuillages bruissants. Cependant le vent soufflait de plus en plus fort et malgré ma joie je veillais à ne pas me laisser emporter, à tenir fermement ancrée dans les airs comme sur terre.

Je continue à actualiser la note sur l’affaire du Capitole, en espérant une destitution de Trump, qui est d’autant plus dangereux qu’il est loin d’être seul. Très soutenu par une large partie de la population et par des groupes d’extrême-droite violents – suprémacistes, néonazis, etc. – dont le but déclaré est de déclencher une guerre civile. Ceux qui, ici en France, pleurnichent parce que les réseaux sociaux ont enfin pris leurs responsabilités en fermant les comptes de Trump sont très inquiétants eux aussi. C’est avec ce genre de faiblesse face aux forces de mort, de complaisance avec les semeurs de mensonge, et de déni des libertés et responsabilités individuelles (en l’occurrence celle de ces réseaux sociaux privés) qu’on laisse monter et s’installer les fascismes.

« «Toujours nier» : c’est la réponse de Donald Trump lorsqu’on l’a interrogé sur les accusations de harcèlement sexuel. » Nécessaire tribune de l’historienne Laure Murat dans Libé aujourd’hui : La sinistre exception culturelle du #MeToo à la française (en accès libre). Elle note que « Si les cas de pédocriminalité ne sont pas les seuls du #MeToo à la française, loin s’en faut, ils ont été, et de loin, les plus médiatisés, les seuls à vraiment retenir l’attention et à être pris au sérieux » et que « Ces affaires, portées par la presse, écœurent le public mais n’ébranlent pas les institutions. Comme si l’essai n’était jamais transformé, ni l’événement suivi d’une réforme de fond ». La marque d’une vieillesse délétère du pays, qui n’a élu un président jeune que parce qu’il était porté par des vieux, étant lui-même vieux dans sa tête depuis son enfance, et resté à la fois immature et vieux, parfait représentant de la caste intellectuelle qui se tient au pouvoir et empêche les réformes de fond des mentalités et la libération des vieilles dominations.

"Good Play" Collage sur papier A4

« Good Play »
Collage sur papier A4


"Dans la rue" Collage sur papier A4

« Dans la rue »
Collage sur papier A4

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