Singeries

Beaucoup de singes ont des positions de pouvoir dans la société parce que beaucoup d’humains se laissent fasciner par la singerie.

La singerie, c’est le bluff, le simili, simili-savoir, simili-grandeur, simili-bonté, simili-intelligence, simili-philosophie, simili-poésie, etc., et même simili-amour, par quoi briller de plus de paillettes que n’en voudraient présenter le vrai savoir, la vraie grandeur, la vraie bonté, la vraie intelligence, etc. C’est ainsi que bien des humains qui disposent, par exemple, d’une vraie intelligence, se laissent séduire, comme les imbéciles, par la singerie, qui flatte leur humilité au double sens où les paillettes du singe, dont ils croient voir quelques reflets sur eux, leur semblent donner un peu de lustre à leur propre talent, jusque là moins préoccupé de briller que de s’exercer honnêtement, et où le singe singe en même temps que la brillance l’humilité, semblant ainsi se faire proche du vrai humble.

Il me semble que les hommes sont particulièrement sensibles à la singerie. Les femmes aussi, mais comme elles sont opprimées depuis la nuit des temps par la singerie des singes mâles, elles la démasquent plus souvent plus aisément. Alors que l’enjeu est autre pour les hommes : les singes étant habiles à monter à l’échelle sociale, leur manifester des signes de soumission ou d’admiration ou simplement de respect est un moyen séculaire aussi pour les hommes de s’assurer dans une société de mâles. Les femmes qui flattent les singes pour grimper à l’échelle doivent donner plus en retour, soit de leur corps, soit de leur service. Les singes mâles s’entraident naturellement, tout en se concurrençant et en se détestant, car c’est la condition de survie de leur système, et c’est en recrutant parmi les hommes et les femmes (en moindre proportion, le système l’exige) de nouveaux singes qu’ils font prospérer ce même système, qui permet d’écarter autant que possible les humaines et les humains de leurs affaires de singes.

Après tout, c’est leur vie de singes. Leur affaire. Pas la mienne. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain.

De la langue, et du Moyen Âge présent et à venir

Les paroles s’envolent, les écrits restent, selon le dicton. Homère, lui, dit souvent qu’il est mal de parler en vain, et distingue ce bavardage du discours apteros, c’est-à-dire « qui ne s’envole pas ». Cette parole-là, tout orale qu’elle soit, reste, s’imprime dans l’esprit de qui la reçoit, et par là, agit.

Est-il vain de parler des discours vains ? En partie, dans le sens où c’est donner de l’importance à la confusion qui règne. Mais nul corps ne peut se dispenser d’évacuer ses déchets, et le corps du Discours, comme le corps social, doit être régulièrement assaini par un travail de rejet des discours vains et faux.

Macron estime maintenant que nous vivons « des temps très moyenâgeux ». Voilà qui est plus qu’approximatif, mais la clarté intellectuelle n’est pas son fort, et comme il est une boussole qui indique toutes les directions en même temps sauf le nord, on pourrait en déduire qu’au contraire nous allons vers des temps médiévaux (et non moyenâgeux). Le fait est que tous les temps sont médiévaux, au sens où médiéval signifie entre deux, époque de transition. Un autre fait est que le partage de l’Histoire en grandes époques à épithètes n’est qu’une convention grossière, remise largement en question par les historiens. Enfin un autre fait à considérer quand on parle aujourd’hui de Moyen Âge est l’extraordinaire engouement des plus ou moins jeunes générations pour une culture inspirée de l’imaginaire médiéval, dans les mangas, les jeux vidéos, le cinéma… sur à peu près toute la planète. Tout le contraire du vieux fantasme d’un sinistre Moyen Âge « moyenâgeux » dont il faudrait sortir.

Les discours de Macron, comme d’une très grande partie des divers discoureurs qui occupent l’espace médiatique, s’envolent parce que, contrairement aux oiseaux, ils ne savent reposer sur rien de concret. Tant que la colombe du Déluge ne peut revenir à l’arche avec un rameau d’olivier, tant qu’elle n’a trouvé nul endroit sur lequel se poser, l’esprit humain est ballotté par les flots, perdu dans le néant, menacé de destruction prochaine. Ce qui perd l’homme et les peuples, c’est la confusion intellectuelle.

L’époque où a vécu Homère (huitième siècle avant notre ère) a souvent été qualifiée de moyen âge de l’Antiquité grecque. Avoir étudié la littérature du Moyen Âge, l’avoir lue en ancien français, m’aide beaucoup, de fait, à comprendre ce qui jusqu’ici est resté incompris, tant dans l’Odyssée que je suis en train de traduire, que dans ce qu’est un Moyen Âge moderne, nullement moyenâgeux, vers lequel nous pourrions aller, pour trouver le monde habitable. Cela passe par une innocence et une libération de la langue.

Détournements d’âmes, chauvinisme et boomerang

« Exhorte-les à arrêter ces folies, en les conseillant gentiment ; ils ne t’obéiront pas, parce que pour eux s’avance le jour fatal. » Homère, Odyssée, XVI, 278-280 (ma traduction)

Macron détourne pour sa promotion les youtubers Mcfly et Carlito. Outre l’indignité politique de l’opération, qui continue à défigurer le fait politique en France, il faut souligner la tristesse qui en résulte pour tous les jeunes qui appréciaient ces youtubers et qui se trouvent maintenant pris dans ce piège tendu par le pouvoir. Beaucoup, trop déçus, ne veulent pas regarder la récupération en question. D’autres regardent et se sentent plus ou moins salis de le faire. Macron fait partie de ces gens qui salissent tout. Ça a commencé avec une campagne électorale pleine de bidonnages, public commandé, applaudissements commandés, etc., ça a continué, dès son élection, avec les insultes aux Français, puis avec la violence criminelle contre les Gilets jaunes, puis tous les actes de division du peuple, comme le discours antiséparatiste qui est en fait, en classique inversion « diabolique », une action de séparatisme, de division pour mieux régner, mieux faire régner le discours de l’extrême-droite, à la fois pour le récupérer et pour se poser en rempart contre lui, le moment venu. Quand on regarde le plan d’action de Joe Biden pour son pays, alors que dans notre pays seules les manœuvres politiciennes, et du plus bas étage, font office de politique et de gouvernance, on se dit qu’il faudra qu’on vire notre micro-pseudo-Trump et qu’on trouve un Biden qui, sans être plus parfait que ne l’est Biden, aura du moins comme lui le courage d’agir, au lieu de remuer du vent.

Je lis que Cyril Hanouna voudrait qu’on destitue le groupe rock italien qui a gagné l’Eurovision au motif qu’on les soupçonne de s’être drogués (en fait le test prouve ce soir qu’ils ne s’étaient pas drogués), et qu’on donne ainsi la première place à la Française, arrivée deuxième. Cette dernière a déclaré qu’ils avaient été élus et que le reste, « qu’ils se droguent ou qu’ils mettent leur culotte à l’envers », ça ne la regardait pas. Merci à elle pour cette réponse au chauvinisme français, une hystérie aux relents nationalistes dans la ligne du discours dominant, discours d’extrême-droite, de gens qui salissent tout. Trump non plus n’a pas accepté de n’être pas l’élu. Qui vole un œuf vole un bœuf, dans l’état d’esprit où est la France de Macron et d’Hanouna, on pourrait bien avoir des problèmes aux prochaines présidentielles. Gare à l’effet boomerang, messieurs.

L’insupportable morgue et domination des journalistes

Corporatisme des journalistes qui n’aiment pas qu’on attaque tel ou tel titre ou journaliste. Les articles bidonnés ou bâclés par certain·e·s de leurs confrères et consœurs, ils ne les voient pas ? Ils les gobent comme le lecteur moyen, qui ne sait pas ? Ils ignorent à ce point leur métier ? Ou bien ils voient, et cela ne leur fait ni chaud ni froid ? Je dis qu’un titre trop accommodant avec le mensonge perd toute crédibilité, même si certains de ses journalistes font un travail correct. Il devient illisible, comme tout ce qui est corrompu à la racine.

Même des journalistes de gauche, ceux qui aiment bien dénoncer les dominations, soutiennent et exercent eux-mêmes une domination sournoise, minable, voire criminelle, à la fois sur leurs lecteurs et sur les gens dont ils parlent. Se permettant si souvent de déformer les propos qu’on leur tient, de déformer des faits, d’affirmer sans avoir enquêté, et même de bidonner des articles, d’inventer ce qu’ils présentent comme vrai, de mentir (raison pour laquelle, les ayant trop pris sur le fait, je n’ouvre plus ni L’Obs ni Libé). J’ai une formation de journaliste et je vois ce qu’ils font, depuis cette formation et aussi depuis ma position de proie potentielle pour les journalistes – combien de fois m’a-t-on prêté des discours que je n’avais pas tenus, combien de fois a-t-on rapporté avec des approximations énormes ce que j’avais dit ou fait, combien de fois m’a-t-on insultée parce qu’on avait la possibilité de le faire et que je n’avais pas la possibilité de répondre, à combien de milliers de gens ont-ils de la même façon nui, combien de fois ai-je vu leur traîtrise, leurs connivences avec tel ou tel pouvoir, leur fausseté, leur propension non à dire les faits mais à promouvoir ou salir telle ou telle personne, tel ou tel événement.

Voilà qui ferait un beau sujet d’étude pour des sociologues. Le journalisme a sa noblesse, s’il est exercé avec honnêteté. La France fait partie des pays, malheureusement, où il est particulièrement corrompu et vendu. En toute impunité. Cela aussi devra changer. Cette domination inique, si largement répandue, elle aussi devra être largement dévoilée, remise en question, mise en accusation, sanctionnée. Afin que puisse continuer à vivre, et vive, un journalisme au service des faits et des citoyens, plutôt qu’au service de tel ou tel notable, de tel ou tel pouvoir.

Palestine, et combat des forces morbides contre les forces de vie

Pourquoi les médias ne parlent-ils jamais des mouvements de gauche de la résistance palestinienne ?, se demande-t-on dans cet article de Oumma.com. Mais déjà, en 2006, cet article dans Le Monde rappelait comment et pourquoi Israël avait favorisé le Hamas.

Le mot apartheid pour désigner le régime israélien n’est plus tabou aux États-Unis, même dans des médias mainstream, détaille cet article de Mondoweiss (en anglais).

Alexandra Schwartzbrod, directrice adjointe de la rédaction de Libération, le journal encore promoteur de violeurs, déclare à la télé que la colonisation est un cancer pour Israël. Discours pernicieux, propageant l’idée d’un Israël toujours victime. C’est pour les Palestiniens que la colonisation est un cancer, comme pour tous les peuples colonisés et sous régime d’apartheid.

Manifester à Paris pour soutenir les Palestiniens, comme cela se fait un peu partout dans le monde, est interdit. Devant la violence coloniale, fermer les yeux – et si besoin avec des grenades lacrymogènes, pour ceux qui les garderaient ouverts. C’est l’exception française. L’exception d’un pays où tant de coincé·e·s ne supportent ni la vue d’une femme voilée, ni la vue d’une femme dévoilée, comme dans ce fait divers où, à Bordeaux, une jeune femme a été frappée par une autre femme, sans que personne ne vienne à son secours, parce qu’elle allaitait son bébé en public. Comme personne ne vient au secours des femmes battues et menacées, malgré les belles paroles de nos sinistres ministres et président. Fait divers emblématique du combat des forces morbides contre les forces de vie, combat qui prend de l’ampleur dans notre pays, et ailleurs dans le monde.

Bella Hadid l’a dit : «Les générations futures regarderont en arrière, incrédules, et se demanderont comment nous avons pu laisser la souffrance des Palestiniens durer si longtemps.»

Je suis la Palestine,
sans fin spoliée, réduite, martyrisée.
Mais nul autre que la vie ne gouverne chez moi.
Et je sais que toujours un jour vient
où tout se retourne.
Que les criminels sont vus pour ce qu’ils sont.
Au ciel – et c’est le plus terrible, dit-on,
mais sur terre aussi.
Il y a bel et bien un jugement des humains
sur les humains.