à la bonne heure

Totoro

Totoro

 

Ce matin j’ai parfumé mon café à la cardamome. Le bon passé revient, le mauvais s’en va, d’autre mauvais s’en vient mais le meilleur n’a pas dit son dernier mot.

Le premier devoir d’un responsable, et a fortiori d’un chef d’état, est de ne pas se laisser entraîner dans les combines des imposteurs : elles font perdre le réel et la réalité.

Ne sommes-nous pas tous responsables ? Notre première responsabilité est de rester digne, c’est-à-dire de ne pas accepter l’inacceptable, ni pour soi, ni pour les autres.

L’esprit humain est un pont lancé par-dessus les monceaux des esprits cadavériques de ceux qui ont perdu, avec le sens de l’inacceptable, leur dignité, leur grâce.

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La rose-texte de John Berger

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« …l’une de mes esquisses. C’est ce que j’appelle un texte : une rose blanche du jardin (…) Est-il possible de lire les apparences naturelles comme des textes ? »
John Berger, lettre à son fils, lue dans ce documentaire sur l’auteur dessinateur engagé qui vient de mourir, visible, et à voir, sur Arte pendant 27 jours encore

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Noël en Palestine

Vera Baboun, la maire de Bethléem, prépare Noël à la grotte et défend la cause palestinienne.
Dans le Coran, qui consacre beaucoup plus de versets à Marie que la Bible, et même une sourate entière, la sourate « Marie » qui suit immédiatement la sourate centrale, à savoir « La Caverne« …  Jésus est né sous un palmier. (C’est pourquoi je mets la crèche sous le sapin). Et pour Rûmî, c’est dans le cœur pur de l’homme que naît Jésus, c’est-à-dire le sceau de la sainteté, comme dit Ibn Arabî.
J’ai écrit ces poèmes il y a plus de deux ans.

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Je t’appelle Palestine, humble maison de l’Homme,
car où est notre cœur, là est notre trésor.
Tes enfants crient et pleurent entre ciseaux et gomme,
des bombes les effacent ou les jettent dehors.

Ô terre convoitée, Palestine aux mains nues
dressée face aux tueurs, ceux qui veulent ta peau,
aveuglés par la rage et toute honte bue.
Ô, écoute la mer baigner tes bons chevaux !

Poussière de béton, modernes sarcophages
de milliers d’innocents. Ils se retourneront,
soulevés par la vie d’un peuple mis en cage
et bondissant, iront enterrer Pharaon.

Ô jeune Palestine marchant sur les décombres
vers où tes oliviers t’appellent de leurs vœux,
tu troues sur ton passage les très épaisses ombres
de la nuit, annonçant l’aube des jours heureux.

Petite fiancée du ciel, petite mère,
tu auras, épousée, des enfants plein les bras.
Nés d’un déchirement et nourris de lumière,
ils montreront la paix aux hommes d’ici-bas.

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Petit pays au cœur du monde,
pays dépouillé de pays
comme l’enfant, mains sur les yeux,
se sent devenu invisible.

Terre sur laquelle le monde
des hommes qui ont un pays
ou même cent, ferme les yeux
afin de la rendre invisible.

Peuple palestinien, le monde
qui t’a dérobé ton pays
ne peut pas marcher droit, les yeux
rempli de ton sang, si visible.

Nous mangerons des roses, monde,
au paradis, notre pays,
et tu supplieras dans nos yeux
le feu sans fin de l’Invisible.

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E.T. & graffs & bâtisseurs de l’imaginaire

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ces jours-ci à Paris 13e et 5e, photos Alina Reyes

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J’avais l’intention d’aller cet après-midi à Montmartre, notamment à la Halle Saint Pierre voir les films sur les Bâtisseurs de l’imaginaire présentés par Claude et Clovis Prévost à l’occasion de la réédition de leur livre (pour le côté intérieur, peut-être faudrait-il y ajouter Nathalie Lopizzo ?). Mais hier soir, au retour de la Sorbonne, j’ai marché dans Paris et à cause de l’intense pollution je suis rentrée avec une migraine tenace, qui continuait ce matin. Je vais donc éviter de marcher aujourd’hui, d’autant que quand je suis à Montmartre il faut que je me balade, que je grimpe rues et escaliers… c’est le premier quartier où j’ai vécu à Paris, c’est aussi celui où, en rêve, je me suis baladée une fois morte, bienheureux fantôme ou esprit. Quand même, la pollution tue : si c’est bon d’avoir des fantômes en ville, il faudrait aussi y conserver des vivants, et qui ne soient pas empêchés d’y faire du sport sans sacrifier leurs poumons ! Vite, de plus en plus de transports en commun et non polluants, et de moins en moins de voitures !

« Quelque part entre les chênes à Beauregard, un homme a dés-
habillé le sol de sa terre. Dix-neuf années durant, Roger Rousseau
s’est laissé guider par les formes, la profondeur et le langage de la
roche. « 

La primaire de la droite et « le courage de la vérité »

eLa bocca della Verita, au jardin du Luxembourg, photo Alina Reyes

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Les bonnes nouvelles n’abondent pas au point qu’il soit permis de négliger de s’en réjouir. Je me réjouis donc de l’élimination, enfin, de Sarkozy aux casseroles si nombreuses et si sales qu’elles emplissaient l’air de cacophonie et d’odeur de cadavre. Comme quoi il ne faut pas désespérer tout à fait des Français. Du temps où j’avais un compte twitter, il y a quelques mois, j’avais annoncé que Juppé se fatiguait pour rien, et maintenant je dis que Fillon a eu tort de prendre pour slogan « le courage de la vérité ». Car c’est usurper cette parole, qui ne peut pas être un slogan. Aux divers aspirants au trône, comme à leurs divers soutiens cousus d’or et d’honneurs qui critiquent le peuple mécontent, je donnerais à méditer ces paroles prononcées par Michel Foucault lors de son dernier cours au Collège de France :

« Isocrate, au début du Discours sur la paix (paragraphe 13), évoque les orateurs que les Athéniens écoutent avec complaisance. Et quels sont ces gens qui se lèvent, qui prennent la parole, donnent leur opinion et sont écoutés ? Eh bien ces gens sont des ivrognes, ce sont des gens qui n’ont pas leur esprit (tous noun ouk ekhontas : ceux qui ne sont pas sensés), ce sont également ceux qui se partagent entre eux la fortune publique et les deniers de l’État. (…) discours vrai et discours faux, opinions utiles et opinions néfastes ou nuisibles, tout cela se juxtapose, s’entremêle… » Paroles d’un chapitre sur la démocratie à l’épreuve de la vérité dans ce cours intitulé « Le courage de la vérité ».  Les ivrognes dont parle Isocrate ne sont-ils pas ceux qui s’enivrent d’eux-mêmes, du pouvoir et des honneurs, et se rendent ainsi inaptes à gouverner ?

« Il n’y en aura que deux, Juppé et Sarkozy (…) Fillon n’a aucune chance » Qui a dit cela ? Ceux qui pratiquent le faux-semblant sont faux prophètes.

« Alètheia [la Vérité] est un don de voyance », écrit Marcel Détienne dans Les Maîtres de Vérité dans la Grèce archaïqueLa vérité s’accompagne de la justice, rappelle-t-il aussi.

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