Virgile, Les Bucoliques, Eglogue 2 (ma traduction)

C’est l’histoire du berger Corydon qui aime le bel Alexis, sans espoir. J’ai traduit en alexandrins son monologue discrètement érotique, qui charme et fait sourire, le voici :

(N.B. Il ne s’agit pas de ma traduction définitive, je la corrigerai au fil de mon travail, de ma traduction de toute l’œuvre)

Églogue II

Le berger Corydon, pour le bel Alexis,
Joie du maître, brûlait, sans espoir d’être admis.
Il venait assidu sous les faîtes ombrés
Des hêtres denses. Là, seul et désordonné,
5 Il jetait aux monts, aux forêts, sa vaine ardeur :
« Ô cruel Alexis, tu dédaignes mes chants ?
Sans pitié de moi ? J’en mourrai finalement.
C’est l’heure où les bêtes cherchent l’ombre et le frais,
L’heure où les lézards verts se cachent dans les haies,
10 Où Thestylis broie aux moissonneurs fatigués
Par la rude chaleur l’ail et le serpolet.
Avec moi, qui tourne dans tes traces, s’exhale
Des arbres, au soleil, le son rauque des cigales.
Mieux ne vaut-il tristes colères et mépris
15 Hautains d’Amaryllis, mieux ne vaut être épris
De Ménalque, lui, noir autant que tu es blanc ?
Ne te fie pas trop à la couleur, bel enfant !
Blanc troène tombe, noirs vaciets sont cueillis.
Tu me prends de haut, ne veux savoir qui je suis,
20 Combien riche en troupeaux, en laitages neigeux.
J’ai mille brebis en Sicile aux monts herbeux ;
Le lait frais ne me manque, l’hiver ni l’été ;
Je chante ce qu’appelant ses bêtes chantait
Amphion de Dircé sur l’Aracynthe actéen.
25 Je me suis vu hier, je ne suis pas vilain,
Miré dans la mer calme ; je ne craindrais pas
Daphnis à tes yeux, si l’image ne ment pas.
Veuilles-tu habiter avec moi les cabanes
Et transpercer les cerfs dans ces humbles campagnes,
30 Pousser aux vertes mauves les chevreaux, d’un chant
Imiter avec moi, unis dans les bois, Pan !
Lui qui, à la cire, conjoignit les pipeaux,
Pan qui veille aux brebis et aux chefs des troupeaux.
N’aie regret de frotter ta lèvre au flageolet ;
35 Pour connaître ces airs, qu’Amyntas n’a-t-il fait ?
J’ai une syrinx à sept tuyaux inégaux,
Dont autrefois Damète me fit le cadeau.
« Te voilà son second », me dit-il en mourant,
Et le sot Amyntas en fut tout jalousant.
40 De plus j’ai trouvé au fond d’un ravin risqué
Deux petits chevreuils encor de blanc tachetés,
Qui chaque jour épuisent deux pis de brebis ;
Je te les garde ; mes dons t’inspirent mépris ?
Les auront donc qui les demande, Thestylis.
45 Viens, bel enfant : voici pour toi, pleines de lis,
Des corbeilles portées par les nymphes ; pour toi,
La blanche Naïade cueille violettes pâles
Et pavots, puis narcisse et aneth aromale,
Les tresse avec herbes suaves et daphné,
50 Peint de jaunes soucis les flexibles vaciets.
Moi je cueillerai des coings au tendre duvet,
Des châtaignes que mon Amaryllis aimait ;
Puis de blondes prunes, fruit honoré aussi ;
Et vous, lauriers, et toi, myrte bien assorti,
55 Qui, tout proches, mêlez vos suaves parfums. 
Simple es-tu, Corydon : Alexis n’a aucun
Souci de tes dons ; Iollas n’y céderait pas
Non plus. Hélas ! qu’ai-je voulu, pauvre de moi ?
Perdu, lançant l’Auster aux fleurs, le sanglier
60 Aux sources. Qui fuis-tu, fou ? Les dieux habitaient
Aussi les forêts, et le Dardanien Pâris.
Que Pallas réside entre les remparts bâtis 
Par elle ; et qu’à nous, les forêts plaisent, avant tout.
La lionne aux yeux farouches suit le loup ; le loup,
65 La chèvre ; la chèvre lascive, le cytise ;
Toi, Corydon, Alexis : chacun, qui l’attise.
Regarde, les taureaux ramènent les charrues,
Le soleil bas double les ombres étendues :
Moi je brûle encor ; quelle mesure à l’amour ?
Ah, Corydon, Corydon, quel démentiel tour !
Ta vigne dans l’ormeau est taillée à moitié ;
Que ne tresses-tu donc quelque chose en osier
Et jonc souple, dont tu aurais besoin ? Et puis,
S’il ne veut, tu trouveras un autre Alexis.

*
Pour comparaison, on peut voir cette traduction en prose disponible en ligne ; on peut comprendre que j’ai dû çà ou là renoncer à un adjectif ou à quelque substantif, l’alexandrin forçant à la concision. Mais il me semble que l’essentiel y est ! Je viens à l’instant de terminer cette traduction, commencée hier, je la réviserai peut-être plus tard mais elle me semble déjà présentable.
Demain je passe à la troisième églogue, c’est un exercice qui me plaît beaucoup comme je l’expliquais hier. À suivre !

Qui est Ulysse ?

« Je suis Ulysse, fils de Laërte, connu de tous hommes
Pour mes amorces, et ma renommée va jusqu’au ciel.
J’habite Ithaque qu’on voit au loin ; le mont Néritos,
Remarquable, y agite son feuillage ; tout autour,
Se trouvent des îles nombreuses et très proches entre elles,
Doulichion, Samè, et Zacynthe couverte de forêts.
Ithaque est basse, et située au plus profond du couchant ;
Les autres îles sont plus loin, vers l’aurore et le soleil.
Elle est rude, mais bonne nourrice de garçons ; et moi
Je ne peux imaginer de terre à la saveur plus douce.
Certes Cacheuse, déesse entre les déesses, me tint
Dans ses grottes creuses, me voulant vivement pour époux ;
Ainsi même Circé, par ses amorces, me retint
Dans ses demeures d’Aiaié, me désirant pour époux ;
Mais jamais elles n’ont convaincu mon cœur dans ma poitrine.
Tant rien ne peut se trouver de plus doux que la patrie
Ou les parents, même si on habite, en pays lointain,
Dans une riche demeure, mais séparé des siens. »

Homère, Odyssée, chant IX, v.19-36 (ma traduction)

*J’ai traduit le mot dolos par son sens premier, « amorce », plutôt que, comme on le fait habituellement, par « ruse », d’autant que l’histoire du mot ruse, en français, révèle qu’il s’agit d’une tactique d’échappement pour les animaux chassés, alors que l’amorce est au contraire une tactique pour attraper. Ce mot dolos se retrouve dans le qualificatif qu’applique Ulysse à Circé, je l’ai donc fait ressortir aussi comme « amorce ».
Au sens figuré, je trouve l’amorce d’Ulysse ici particulièrement habile. On dirait James Bond se présentant : « My name is Bond. James Bond ». N’est-elle pas magnifique, cette tirade de présentation de lui-même, qu’il finit par faire devant Alkinoos et les Phéaciens après être arrivé chez eux en naufrageant, en malheureux errant, suppliant d’être secouru ? Et le voici soudain dans sa souveraineté.

C’est là que j’en suis cette nuit de ma traduction de l’Odyssée, qui avance vite et bien, poussée par un vent vif et doux.

Hommage à Lawrence Ferlinghetti : son poème Autobiography, dans ma traduction

Lawrence Ferlinghetti, photo John O’Hara / The Chronicle

Lawrence Ferlinghetti, photo John O’Hara / The Chronicle

Lawrence Ferlinghetti est mort ce lundi 22 février, à l’âge de cent un ans (à un mois de ses cent deux ans). En l’apprenant cette nuit, j’ai aussitôt pensé à la City Lights Bookstore, la librairie de la Beat generation qu’il a fondée et où je suis bien sûr allée quand j’étais à San Francisco, il y a trente ans. Et surtout à son poème Autobiography, que j’avais traduit un peu après, un été à Barèges, juste comme ça, ainsi que d’autres poèmes de ses comparses de l’époque, comme Corso. Il se trouve que par exception, alors que j’ai perdu quasiment tous mes manuscrits, il me reste quelques feuilles écrites à la main de ces traductions, dont celle-ci. Je l’ai revue et complétée, car il ne me reste pas tout le texte, la voici. Je n’ai pu la confronter à d’autres traductions en français, j’espère n’avoir pas fait de faux sens mais la langue en elle-même est assez simple, ça devrait aller.
J’aime le rythme de ce poème de 1958, qui rappelle La Prose du Transsibérien de Cendrars (1913), voire Howl de Ginsberg (1956), ou le rouleau de Sur la route de Kerouac (1957). J’ai retranscrit les majuscules en français, là où d’habitude on n’en met pas, pour être plus proche de l’esprit du texte en américain. Je me suis demandé pourquoi il disait que les billets de dollars ne portaient pas l’inscription In God we trust – et découvert qu’en fait ils l’ont portée peu après l’écriture du poème.
*

Je mène une vie tranquille
chaque jour sur Mike’s Place
à regarder les champions
de l’Académie de billard Dante
et les accros du flipper français.
Je mène une vie tranquille
sur Lower East Broadway.
Je suis un Américain.
Je fus un garçon américain.
J’ai lu l’American Boy Magazine
et je suis devenu boyscout
en banlieue.
Je me prenais pour Tom Sawyer
pêchant l’écrevisse dans la Bronx River
et imaginant le Mississipi.
J’ai eu une batte de baseball
et un vélo American Flyer.
J’ai livré le Woman’s Home Companion
à cinq heures de l’après-midi
ou le Herald Trib
à cinq heures du matin.
J’entends encore le bruit sourd du papier qui cogne
sur des porches perdus.
J’ai eu une enfance malheureuse.
J’ai vu la terre de Lindbergh.
J’ai regardé à la maison
et je n’ai pas vu d’ange.
Je me suis fait prendre en train de voler des crayons
au Five and Ten Cent Store
le même mois où j’ai fait Eagle Scout.
J’ai coupé des arbres pour le CCC
et je me suis assis dessus.
J’ai débarqué en Normandie
dans une barque qui s’est renversée.
J’ai vu les armées éduquées
sur la plage à Douvres.
J’ai vu des pilotes égyptiens dans des nuages violets
des commerçants roulant leur store
à midi
salade de pommes de terre et pissenlits
aux pique-niques anarchistes.
Je lis « Lorna Doone »
et une vie de Hans Most
terreur de l’industriel
une bombe sur son bureau à tout moment.
J’ai vu la parade des éboueurs
à la Parade du Jour de Colomb
derrière les désinvoltes
pétants trompettistes.
Je n’ai pas fait de longue retraite
dans un cloître
ni aux Tuileries
mais je pense toujours
à y aller.
J’ai vu la parade des éboueurs
quand il neigeait.
J’ai mangé des hotdogs dans des terrains de baseball.
J’ai su le discours de Gettysburg
et le discours de Ginsberg.
Je me plais ici
et je ne retournerai pas
d’où je viens.
J’ai aussi cavalé sur des wagons wagons wagons
J’ai voyagé parmi des inconnus.
J’ai été en Asie
sur l’Arche avec Noé.
J’étais en Inde
quand Rome fut bâtie.
J’ai été dans la Crèche
avec un Âne.
J’ai vu le Distributeur Éternel
d’une Colline Blanche
dans le sud de San Francisco
et la Femme Qui Rit à Loona Park
à l’extérieur de la Fun House
sous une pluie torrentielle
qui riait encore.
J’ai entendu le bruit des festivités
dans la nuit.
J’ai erré solitaire
comme une foule.
Je mène une vie tranquille
à l’extérieur de Mike’s Place chaque jour
à regarder le monde marcher
dans ses étranges chaussures.
Un jour j’ai commencé
à faire le tour du monde
mais j’ai échoué à Brooklyn.
Ce Pont était trop pour moi.
Je me suis engagé dans le silence
l’exil et la ruse.
J’ai volé trop près du soleil
et mes ailes de cire sont tombées.
Je cherche mon Vieil Homme
que je n’ai jamais connu.
Je cherche le Chef Perdu
avec qui j’ai volé.
Les jeunes hommes devraient être des explorateurs.
Mais Mère ne m’a jamais dit
qu’il y aurait de telles scènes.
Entrailles-lasses
je repose
j’ai voyagé.
J’ai vu la ville idiote.
J’ai vu le fatras de la masse.
J’ai entendu pleurer Kid Ory.
J’ai entendu prêcher un trombone.
J’ai entendu Debussy
tendu à travers une feuille.
J’ai dormi dans cent îles
où les livres étaient des arbres.
J’ai entendu les oiseaux
qui sonnent comme des cloches.
J’ai porté des pantalons de flanelle grise
et j’ai marché sur la plage de l’enfer.
J’ai habité dans cent villes
où les arbres étaient des livres.
Quels métros quels taxis quels cafés !
Quelles femmes aux poitrines aveugles
membres perdus parmi les gratte-ciel !
J’ai vu les statues des héros
aux carrefours.
Danton pleurant à l’entrée d’un métro
Colomb à Barcelone
pointant vers l’Ouest sur les Ramblas
vers l’American Express
Lincoln dans sa chaise de pierre
Et un grand Visage de Pierre
dans le Dakota du Nord.
Je sais que Colomb
n’a pas découvert l’Amérique.
J’ai entendu cent Ezra Pound domestiqués.
Ils devraient tous être libérés.
Ça fait longtemps que j’étais berger.
Je mène une vie tranquille
chaque jour sur Mike’s Place
à lire les annonces classées.
J’ai lu le Reader’s Digest
d’un bout à l’autre
et remarqué l’identification profonde
des États-Unis à la Terre Promise
où sur chaque pièce est marqué
In God We Trust
mais pas sur les billets de dollars,
qui sont les dieux en eux-mêmes.
Chaque jour je lis les petites annonces
à la recherche d’une pierre une feuille
une porte introuvable.
J’entends chanter l’Amérique
dans les Pages Jaunes.
On ne croirait jamais
que l’âme a ses fureurs.
Chaque jour je lis les journaux
et j’entends l’humanité bancale
dans la triste pléthore d’imprimé.
Je vois où l’étang de Walden a été vidé
pour faire un parc de loisirs.
Je vois qu’ils sont en train de faire à Melville
manger sa baleine.
Je vois qu’une nouvelle guerre arrive
mais je ne serai pas là pour la combattre.
J’ai lu ce qui est écrit
sur le mur des cabinets.
J’ai aidé Kilroy à l’écrire.
J’ai défilé dans la Cinquième Avenue
soufflant dans un clairon au milieu d’un peloton compact
mais je me suis dépêché de rentrer à la Casbah
chercher mon chien.
Je vois une similitude
entre les chiens et moi.
Les chiens sont les véritables observateurs
par monts et par vaux dans le monde
à travers le pays de Molloy.
J’ai descendu à pied des ruelles
trop étroites pour des Chrysler.
J’ai vu cent chariots à lait sans chevaux
dans un terrain vague à Astoria.
Ben Shahn ne les a jamais peints
mais ils sont là
de travers à Astoria.
J’ai entendu l’obbligato du ferrailleur.
J’ai roulé sur des autoroutes
et j’ai cru aux promesses des panneaux de signalisation
Traversé les Jersey Flats
et vu les Cités de la Plaine
Je me suis vautré dans la nature sauvage de Westchester
avec ses bandes errantes d’autochtones
dans des breaks.
Je les ai vus.
Je suis l’homme.
J’étais là.
J’ai souffert
un peu.
Je suis un Américain.
J’ai un passeport.
Je n’ai pas souffert en public.
Et je suis trop jeune pour mourir.
Je suis un self-made man.
Et j’ai des projets d’avenir.
Je suis en lice
pour un super job.
Je vais peut-être déménager
à Detroit.
Je ne suis que temporairement
vendeur de cravates.
Je suis un bon gars.
Je suis un livre ouvert
pour mon boss.
Je suis un total mystère
pour mes plus proches amis.
Je mène une vie tranquille
chaque jour sur Mike’s Place
à contempler mon nombril.
Je fais partie de la longue folie du corps.
J’ai erré dans divers bois de la nuit.
Je me suis penché aux portes saoules.
J’ai écrit des histoires folles
sans ponctuation.
Je suis l’homme.
J’étais là.
J’ai souffert
un peu.
Je me suis assis sur une chaise instable.
Je suis une larme du soleil.
Je suis une colline
où courent les poètes.
J’ai inventé l’alphabet
après avoir observé le vol des grues
qui font des lettres avec leurs pattes.
Je suis un lac sous la plaine.
Je suis un mot
dans un arbre.
Je suis une colline de poésie.
Je suis un raid
sur l’inarticulé.
J’ai rêvé
que toutes mes dents tombaient
mais ma langue vivait
pour raconter l’histoire.
Car je suis un alambic
de poésie.
Je suis une banque de chant.
Je suis un pianiste
dans un casino abandonné
sur une esplanade en bord de mer
dans un brouillard dense
continuant à jouer.
Je vois une similitude
entre la Femme Qui Rit et
moi-même.
J’ai entendu le son de l’été
dans la pluie.
J’ai vu des filles sur des promenades
avoir des sensations compliquées.
Je comprends leurs hésitations.
Je suis un cueilleur de fruits.
J’ai vu comment les baisers
causent de l’euphorie.
J’ai risqué l’enchantement.
J’ai vu la Vierge
dans un pommier à Chartres
et Sainte Jeanne brûler
au Bella Union.
J’ai vu des girafes dans les Jim la jungle
leur cou comme l’amour
enroulé autour des circonstances de fer
du monde.
J’ai vu la Vénus Aphrodite
sans bras dans son couloir à courant d’air.
J’ai entendu une sirène chanter
au One Fifth Avenue.
J’ai vu la Déesse Blanche danser
dans la rue des Beaux-Arts
le 14 juillet
et la Belle Dame Sans Merci
se curer le nez au Chumley’s.
Elle ne parlait pas anglais
Elle avait des cheveux jaunes
et une voix rauque.
Je mène une vie tranquille
chaque jour sur Mike’s Place
à regarder les joueurs de billard de poche
faire la scène du minestrone
louper les macaronis
et j’ai lu quelque part
le Sens de l’Existence
déjà oublié
où exactement.
Mais je suis l’homme
Et je serai là.
Et je peux faire que les lèvres
de ceux qui sont endormis
parlent.
Et je peux fabriquer mes carnets
dans des brassées d’herbe.
Et je peux écrire ma propre
éponyme épitaphe
intimant aux cavaliers
de passer.

*
Le texte en américain est ici

Homère et Maïakovski

"Maïakovski", collage sur papier 31x41 cm

« Maïakovski », collage sur papier 31×41 cm

« Il y a dans la mer fortement agitée,
En face de l’Égypte, une île appelée Phare »

Homère, Odyssée, chant IV, v.354-355 (ma traduction)

Un jour, inch’Allah, j’apprendrai assez de russe pour pouvoir traduire le grand Maïakovski. En attendant le grand Homère (dont je suis en train de traduire toute l’Odyssée) fait très bien l’affaire. J’aime les poètes qui se coltinent l’univers, et j’aime me coltiner l’univers des poètes.

La grande syntaxe de l’être, avec Ptolémée

"Ways" Technique mixte sur papier 31x41 cm

« Ways »
Technique mixte sur papier 31×41 cm

« Je sais que moi je suis mortel, éphémère ; mais quand,
Des astres, je cherche le cours incessant, spiralant,
Mes pieds ne touchent plus terre mais c’est de l’ambroisie,
Nourri par Zeus lui-même, qu’alors je me rassasie. »

Ptolémée, Anthologie Palatine, IX.577 (ma traduction)

« Qu’on n’objecte pas à ces hypothèses, qu’elles sont trop difficiles à saisir, à cause de la complication des moyens que nous employons. Car quelle comparaison pourrait-on faire des choses célestes aux terrestres, et par quels exemples pourrait-on représenter des choses si différentes ? Et quel rapport peut-il y avoir entre la constance invariable et éternelle, et les changements continuels ? Ou quoi de plus différent des choses qui ne peuvent aucunement être altérées ni par elles-mêmes, ni par rien d’extérieur à elles, que celles qui sont sujettes à des variations qui proviennent de toutes sortes de causes ? Il faut, autant qu’on le peut, adopter les hypothèses les plus simples aux mouvements célestes ; mais si elles ne suffisent pas, il faut en choisir d’autres qui les expliquent mieux. Car si après avoir établi des suppositions, on en déduit aisément tous les phénomènes comme autant de conséquences, quelle raison aura-t-on de s’étonner d’une si grande complication dans les mouvements des corps célestes ? »

Ptolémée, Almageste (ou la Grande syntaxe), XII, 2, trad. Halma, 1813

Odyssée, Chant IV, v. 1-58

technique mixte sur papier 10x16 cm

technique mixte sur papier 10×16 cm

C’est la fête des lumières chez Ménélas ! Voici donc nos deux jeunes héros arrivant, incognito, chez l’illustre roi. Plus je traduis Homère, plus je le sens proche, ce génie, au point d’en être au bord des larmes, de joie et aussi de mélancolie de n’avoir pu le connaître de son vivant. Heureusement, il y a longtemps déjà, il m’a visitée en rêve et m’a donné à manger sa tête, d’où s’élevait une nourriture en forme de spaghetti multicolores.
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Ils arrivent au fond du ravin de Lacédémone
Et se rendent au palais de l’illustre Ménélas.
Ils le trouvent offrant chez lui à de nombreux convives
Un repas pour les noces de son fils et de sa fille
Irréprochable, qu’il envoie au fils d’Achille, briseur
De rangs ennemis. Jadis à Troie il l’avait promise
D’un signe de tête, et les dieux maintenant les marient.
Il la fait donc conduire avec des chars et des chevaux
Dans la fameuse ville des Myrmidons, où il règne.
Il marie aussi la fille du Spartiate Alector
À son petit dernier, le vigoureux Megapenthès,
Né d’une esclave – car les dieux n’annonçaient plus d’enfant
À Hélène après qu’elle avait eu son aimable fille,
Hermione, semblable à la rayonnante Aphrodite.
Ainsi festoient, dans la grande et haute maison,
Les voisins et les parents de l’illustre Ménélas,
Qui se réjouissent ; parmi eux chante un divin aède,
Jouant sur sa lyre tandis que deux danseurs, en rythme,
Cabriolent et tournoient au milieu de l’assemblée.
Et c’est devant les portes du palais que le héros
Télémaque et le splendide fils de Nestor arrêtent
Leurs chevaux. Alors qu’il sort, le noble Étéonée,
Diligent serviteur de l’illustre Ménélas, les voit,
Et va par la maison les annoncer au berger des peuples,
Lui adressant, debout près de lui, ces paroles ailées :

« Voici deux étrangers, ô Ménélas, nourrisson de Zeus,
Deux hommes qui ont l’air d’être de la race du grand Zeus.
Dis-moi, devons-nous dételer leurs chevaux rapides,
Ou les envoyer ailleurs où ils seront accueillis ? »

Grandement indigné, le blond Ménélas lui répond :

« Jusque là tu n’étais pas insensé, Étéonée,
Fils de Boéthos ; mais voilà que tu parles en enfant.
N’avons-nous pas tous deux mangé maintes fois chez des hôtes
Étrangers avant de revenir ici ? Que Zeus
Nous préserve de la misère à l’avenir ! Dételle
Les chevaux des hôtes, amène-les prendre part au festin. »

Il dit. Étéonée s’élance à travers la grande salle,
Presse les autres diligents serviteurs de le suivre.
Ils détachent du joug les chevaux couverts de sueur
Puis vont les attacher aux mangeoires des écuries,
Leur apportent de l’épeautre qu’ils mêlent à l’orge blanche,
Appuient ensuite le char contre un mur tout brillant,
Et font entrer les hôtes dans la divine maison
Du roi nourrisson de Zeus. En la voyant, ils s’émerveillent :
C’était comme si l’éclat du soleil ou de la lune
Tombait de la haute maison de l’illustre Ménélas.
Après l’avoir contemplée à en rassasier leurs yeux,
Ils entrent dans les baignoires bien polies pour s’y laver.
Des servantes leur donnent le bain et les effleurent d’huile,
Puis leur enfilent des tuniques et d’épais manteaux de laine.
Ils s’assoient sur des trônes auprès de l’illustre Ménélas.
Une servante s’avance, apportant l’eau dans une belle
Aiguière d’or, la verse dans un bassin d’argent,
Qu’ils se lavent les mains, puis étend une table polie
Devant eux. La digne intendante leur apporte le pain
Et maintes nourritures qu’elle offre libéralement
De ses provisions. Le découpeur leur présente des viandes
Diverses et place devant eux des coupes d’or.

*
le texte grec est ici
dans ma traduction le premier chant entier , le deuxième , le troisième
J’arrête là le feuilleton en ligne de ma traduction, mais la traduction se poursuit !

Odyssée, Chant III (entier, dans ma traduction)

Hier au jardin du Luxembourg, vue vers l'Observatoire, photo Alina Reyes

Hier au jardin du Luxembourg, vue vers l’Observatoire, photo Alina Reyes

Et voici donc le troisième chant entier, dont il ne nous manquait plus que la fin, admirablement animée, sonore, vibrante et colorée. Jusqu’ici, j’ai mis un mois exactement pour traduire chaque chant. Si je poursuis au même rythme, il me faudra donc vingt-quatre mois pour traduire tout le poème. Je n’ai jamais eu autant de bonheur à traduire un texte, même si j’en ai eu immensément à traduire de longs passages de la Bible (de l’hébreu) et de brefs passages du Coran, aussi fantastiques textes, et même si j’ai toujours beaucoup de bonheur à traduire les textes que je choisis. Mais là c’est l’accomplissement de mon aspiration, mes élans, mon amour de jeune adolescente, quand mon excellente professeure de grec, au collège, nous faisait traduire l’arrivée d’Ulysse sur les rivages de Nausicaa, et quand, à dix-sept ans, après avoir travaillé tout l’été pour me payer le voyage, passant pour la première fois la frontière grecque, je me suis aussitôt, spontanément, prosternée sur sa terre.
La prochaine fois nous entrerons avec Télémaque dans le chant IV au royaume de Ménélas et de la belle Hélène, sans qui rien ne serait arrivé.
*
*
*
Le soleil s’élance, quittant une splendide mer d’huile,
Dans le toit d’airain du ciel, pour éclairer les immortels
Et les humains mortels sur les terres fécondes.
Ils arrivent à Pylos, la citadelle bien bâtie
De Nélée. Sur la plage les gens offrent un sacrifice
De taureaux tout noirs à l’ébranleur de terre aux cheveux noirs,
Poséidon. Il y a neuf rangs de bancs, cinq cents hommes
Par rang, et devant chaque rang neuf taureaux.
Ils viennent de manger les entrailles et font brûler les cuisses
Pour le dieu, quand les Ithaciens abordent au rivage.
Ils carguent les voiles de la nef bien proportionnée,
Jettent l’ancre et débarquent. Télémaque descend, suivant
Athéna aux yeux brillants de chouette, qui parle en premier :

« Télémaque, tu ne dois pas être timide, pas du tout :
Car tu as navigué sur la mer pour te renseigner
Sur ton père, savoir quelle terre le cache, quel sort
Le poursuit. Allons droit chez Nestor, le dompteur de chevaux !
Voyons quelle pensée il renferme dans sa poitrine.
Supplie-le de te parler avec sincérité.
Il ne mentira pas, car il est très réfléchi. »

Ainsi lui répond à haute voix le prudent Télémaque :

« Mentor, comment irai-je ? Et comment l’aborderai-je ?
Je n’ai pas l’expérience des sages discours
Et un jeune homme n’ose pas questionner un ancien. »

Ainsi lui réplique Athéna aux yeux brillants de chouette :

« Télémaque, d’une part tu y songeras dans ton cœur,
Et d’autre part, un dieu t’inspirera, car tu n’es pas né
Ni n’as été élevé, je pense, en dépit des dieux. »

Ayant ainsi parlé, Pallas Athéna va de l’avant
Promptement. Et Télémaque suit la trace du dieu.
Ils arrivent au lieu où les Pyliens sont assemblés.
Là sont Nestor et ses fils, et autour d’eux les compagnons
Préparent le repas, grillant des viandes, en perçant d’autres.
Dès qu’ils voient les étrangers, ils vont tous ensemble vers eux,
Les attirent de la main, les exhortent à prendre place.
Pisistrate, fils de Nestor, s’approche le premier,
Les prend tous deux par la main et les fait asseoir au festin
Sur des toisons moelleuses posées sur les sables marins,
Auprès de son frère Thrasymède et de son père.
Puis il leur donne des portions d’abats et leur verse
Du vin dans une coupe d’or. La levant, il salue
Ainsi Pallas Athéna, fille de Zeus porteur d’égide :

« Ô étranger, prie maintenant le roi Poséidon :
Car pour lui est le festin auquel vous venez vous asseoir.
Après avoir fait les libations et prié dans les règles,
Donne à ton ami la coupe de vin doux comme le miel,
Qu’il en verse à son tour, car lui aussi, je pense, prie
Les immortels : tous les hommes ont désir et besoin des dieux.
Mais comme il est plus jeune, à peu près de mon âge,
C’est d’abord à toi que je donne cette coupe. »

Sur ces mots, il lui met en mains la coupe de vin doux.
La sagesse et la justesse de cet homme réjouissent
Athéna, à qui il donne en premier la coupe d’or.
Aussitôt avec force elle prie le roi Poséidon :

« Écoute, Poséidon qui tiens et entoures la terre,
Ne refuse pas à ceux qui te prient l’accomplissement
De leurs vœux. Mais tout d’abord glorifie Nestor et ses fils !
Puis sois favorable à tous les autres habitants de Pylos,
En récompense de cette magnifique hécatombe.
Enfin, donne à Télémaque et moi le retour et le but
Qui nous fait voyager sur notre vive et noire nef. »

Ainsi dit-elle sa prière, qu’elle exauce elle-même.
Puis elle passe à Télémaque la belle double coupe
À pied évasé, et le cher fils d’Ulysse prie de même.
Quand les bons morceaux sont grillés et retirés du feu,
On distribue les parts et on mange le glorieux festin.
Dès qu’est contenté le désir de boire et de manger,
Le cavalier Nestor, de Gérènos, prend la parole :

« Voici le moment parfait pour interroger nos hôtes,
Leur demander qui ils sont, maintenant qu’ils sont rassasiés.
Étrangers, qui êtes-vous ? D’où, par les routes mouillées,
Naviguez-vous ? Est-ce pour une affaire ou errez-vous
Vainement, en pillards égarés aux esprits agités,
Apportant le malheur dans les pays où ils pénètrent ? »

Ainsi lui répond à haute voix le sage Télémaque,
Hardiment ; car Athéna a placé la hardiesse
Dans son âme, pour qu’il s’informe sur son père parti
Et gagne une noble renommée parmi les hommes.

« Ô Nestor, fils de Nélée, grande gloire des Achéens,
Tu demandes d’où nous sommes. Eh bien je vais te le dire.
C’est d’Ithaque, sous le mont Néios, que nous venons.
Pour une affaire privée, non publique. Je m’explique :
Je cherche à m’informer sur mon père à la gloire fameuse,
Le divin Ulysse à l’âme courageuse, qui, dit-on,
Combattant avec toi, détruisit la ville de Troie.
De tous les autres qui guerroyèrent contre les Troyens,
Nous savons où chacun a péri d’une triste mort.
Mais de lui, le fils de Cronos laisse inconnue la mort.
Non, nul ne peut dire clairement le lieu où il est mort,
Ni s’il a été dompté sur terre par des ennemis,
Ou bien en pleine mer par les flots d’Amphitrite.
C’est pourquoi je viens à tes genoux te supplier,
Si tu veux bien, de me dire quel fut son triste sort,
Que tu l’aies vu de tes yeux ou que tu l’aies entendu dire
Par un autre errant. Car sa mère l’enfanta misérable.
N’adoucis pas les choses par pitié, pour me ménager,
Mais dis-les moi exactement comme tu les as vues.
Je t’en prie, si jamais mon père, le vaillant Ulysse,
A, par la parole ou l’action, mené à terme ses plans
Dans le peuple de Troie, où vous avez souffert, Achéens,
Souviens-t’en pour moi maintenant, et parle-moi vrai. »

Ainsi dit alors le cavalier Nestor de Gérènos :

« Ami, tu me rappelles les souffrances que dans ce peuple
Nous avons endurées avec courage, fils indomptables
Des Achéens, quand nous errions en bateau sur la mer sombre,
En quête de butin, sous le commandement d’Achille,
Ou encore quand dans la grande ville du roi Priam
Nous combattions. Là périrent bien des meilleurs d’entre nous.
Là gît le martial Ajax, et là aussi Achille,
Et là Patrocle, qui savait guider comme les dieux,
Et là mon cher fils, à la fois si fort et irréprochable,
Antiloque, rapide à la course et au combat.
Et nous avons souffert bien d’autres maux encore !
Qui parmi les mortels pourrait les dire tous ?
Si tu restais cinq ou six ans à m’interroger
Sur les maux qu’endurèrent là-bas les divins Achéens,
Tu repartirais avant, lassé, dans ta patrie.
Neuf ans nous ourdîmes contre les Troyens de noirs desseins,
Les cernant de maints pièges. Et le fils de Cronos en finit
À peine. Là personne n’aurait voulu se proclamer
Égal en intelligence au divin Ulysse, bien plus
Expert en ruses diverses – ton père, s’il est vrai
Que tu es né de lui ; mais à te regarder, le respect
Me saisit. Car tu parles comme lui, et tu n’as pas l’air
D’un si jeune homme, tant ton discours est semblable au sien.
Quand nous étions là-bas, jamais le divin Ulysse et moi
Ne parlions différemment au conseil ou à l’agora,
Nous y exprimant d’un seul cœur, par l’esprit et la sagesse,
Afin que pour les Argiens tout se déroule pour le mieux.
Après avoir détruit la ville escarpée de Priam,
Nous avons repris nos bateaux, mais un dieu a dispersé
Les Achéens : Zeus tramait dans son cœur un triste retour
Pour les Argiens, car tous n’étaient pas réfléchis ni justes !
Et beaucoup d’entre eux ont suivi la voie d’un sort désastreux,
Par la funeste colère d’Athéna aux yeux brillants
Et au fort père qui mit la discorde chez les deux Atrides.
Ces derniers convoquèrent à l’agora tous les Achéens,
Sans raison, en dépit du bon ordre, au coucher du soleil.
Les fils des Achéens s’y rendent alourdis par le vin
Et tous deux expliquent pourquoi ils rassemblent le peuple.
De là Ménélas exhorte tous les Achéens
À songer au retour sur le vaste dos de la mer.
Mais Agamemnon n’est pas du tout d’accord : lui veut
Retenir le peuple pour faire de saintes hécatombes
Afin de calmer la terrible colère d’Athéna.
Puéril ! On n’est pas en mesure de convaincre les dieux
Sur l’instant ! L’esprit des éternels ne tourne pas si vite.
Debout, les deux échangent des paroles pénibles.
Alors les Achéens aux belles jambières bondissent,
Et dans un prodigieux vacarme clament leur division.
On passa une rude nuit, à s’exciter en pensée
Les uns contre les autres. Zeus préparait notre malheur.
Au point du jour nous tirons nos nefs sur la vaste mer,
Y chargeant nos biens et les femmes aux hanches ceinturées.
Cependant la moitié des soldats se tient à distance,
Restant auprès de l’Atride Agamemnon, leur berger.
Nous qui avons embarqué, nous partons ; à toute vitesse
On file : un dieu aplanit la mer aux énormes baleines.
Arrivés à Ténédos, nous offrons des sacrifices
Aux dieux, espérant le retour. Mais Zeus n’en veut pas encore.
Funeste, il suscite à nouveau une mauvaise querelle.
Certains remontent à bord, retournent leur nef en ramant
Des deux côtés. Le sage Ulysse aux ressources variées
Les conduit vers l’Atride Agamemnon, pour l’assister.
Quant à moi, ayant rassemblé les nefs qui me suivent,
Je m’enfuis, pressentant les maux que nous réservent les dieux.
Le martial fils de Tydée fait se lever ses compagnons
Et fuit aussi. Plus tard, le blond Ménélas nous rejoint
À Lesbos où nous délibérons sur notre long voyage :
Passerons-nous au-dessus de la rocailleuse Chios,
La laissant à notre gauche vers l’île de Psyrie,
Ou bien au-dessous de Chios, près de Mimas battue des vents ?
Nous demandons au dieu un signe ; il nous l’envoie,
Nous révélant qu’il nous faut fendre par le milieu la mer
Vers Eubée, afin d’échapper au plus vite au malheur.
Un vent sifflant se lève, soufflant favorablement.
À toute allure on file à travers les routes poissonneuses ;
Dans la nuit on arrive à Géreste. Ayant traversé
La grande mer, on brûle maintes cuisses de taureaux
Pour Poséidon. Le quatrième jour, les compagnons
De Diomède, dompteur de chevaux et fils de Tydée,
Arrêtent en Argos leurs nefs bien proportionnées.
Moi je poursuis vers Pylos, et le vent que le dieu envoya
Ne tombe pas. Ainsi suis-je arrivé, cher fils, sans savoir
Lesquels des Achéens se sont sauvés, et lesquels sont morts.
Mais tout ce que j’ai entendu dire en me reposant
Dans mon palais, il est juste que je t’en fasse part ;
Je n’y manquerai pas. Les Myrmides à la lance furieuse
Sont bien rentrés, dit-on, sous la conduite du glorieux fils
Du magnanime Achille. Bien rentré aussi
Philoctète, le fier fils de Péas. Et Idoménée
A ramené en Crète tous ses compagnons réchappés
De la guerre et de la mer. Pour l’Atride, vous avez su,
Même en habitant loin, son retour, et la triste fin
Qu’Égisthe lui trama – et qu’il paya misérablement.
Comme il est bon qu’un homme laisse un fils après sa mort !
Car celui-ci s’est vengé du meurtrier de son père,
Du fourbe Égisthe qui avait assassiné son glorieux père !
Et toi, ami, beau et grand comme je te vois,
Sois vaillant, que les hommes du futur parlent bien de toi ! »

Ainsi lui répond à haute voix le sage Télémaque :

« Ô Nestor, fils de Nélée, grande gloire des Achéens,
Certes, celui-là s’est bien vengé, et les Achéens
Porteront loin dans le futur sa bonne renommée.
Si seulement les dieux m’avaient revêtu d’autant de force,
Que je fasse payer aux prétendants leurs pesants forfaits,
Ces vaniteux, ces insolents qui machinent contre moi !
Mais les dieux ne nous ont pas assigné ce bonheur,
À mon père et à moi. Il ne me reste qu’à supporter. »

Ainsi réplique le cavalier Nestor, de Gérènos :

« Ami, puisque tu en parles, tu m’en fais souvenir :
On dit que, pour ta mère, de nombreux prétendants
Contre ta volonté machinent le mal dans ton palais.
Mais dis-moi : es-tu soumis avec ton consentement,
Ou bien des gens du peuple te haïssent-ils, à cause
De quelque oracle ? Qui sait s’il ne reviendra pas punir
Leur violence, soit seul, soit avec tous les Achéens ?
Si Athéna aux yeux brillants de chouette voulait t’aimer
Comme elle prit soin de l’illustre Ulysse au milieu
Du peuple des Troyens où nous, Achéens, avons souffert –
Je n’ai jamais vu un dieu aimer si manifestement
Que Pallas Athéna, manifestement à ses côtés –
Si elle voulait t’aimer ainsi, se soucier de toi,
Certains oublieraient leur désir de mariage ! »

Ainsi répond à haute voix le prudent Télémaque :

« Vieillard, je ne crois pas que jamais se réaliseront
Tes dires. Tu vois trop grand ! J’en suis stupéfait ! Espérer
Cela, je ne le peux, même si les dieux le voulaient. »

Ainsi dit alors Athéna aux yeux brillants de chouette :

« Télémaque, quelle parole a franchi la barrière
De tes dents ? Un dieu, s’il veut, même de loin sauve aisément
Un homme. Moi j’aimerais mieux endurer beaucoup de maux
Et rentrer à la maison, voir le jour du retour,
Plutôt que de mourir en arrivant, comme Agamemnon,
Tué par la fourberie d’Égisthe et de sa femme.
Cependant la mort, égale pour tous, même les dieux
Ne peuvent l’écarter de l’homme qu’ils chérissent,
Quand le funeste sort l’a tiré et couché dans la mort. »

Ainsi lui répond à haute voix le sage Télémaque :

« Mentor, n’en parlons plus, quoique cela nous préoccupe.
En vérité il ne reviendra plus, mais déjà
Les immortels ont conçu sa mort et son noir destin.
Maintenant je veux m’informer d’autre chose en questionnant
Nestor, lui qui est plus que tous à la fois juste et sensé,
Lui qui a régné, dit-on, sur trois générations d’hommes,
Lui qui, à le voir, me paraît semblable à un immortel.
Ô Nestor, fils de Nélée, dis-moi la vérité !
Comment a péri le grand chef, l’Atride Agamemnon ?
Où était Ménélas ? Quelle mort lui avait préparée
Le fourbe Égisthe, qui tua un homme très supérieur ?
Ménélas n’était-il pas en Argos, mais en train d’errer
Quelque part parmi les hommes, pour qu’Égisthe ose tuer ? »

Ainsi parle alors le chevalier Nestor, de Gérènos :

« Eh bien oui, fils, je vais te dire toute la vérité.
Tu as pressenti toi-même ce qui serait arrivé
Si le blond Ménélas, au retour de Troie, avait trouvé
Dans le palais de l’Atride Égisthe vivant ;
On n’aurait jamais répandu de terre sur son cadavre,
Les chiens et les oiseaux l’auraient déchiqueté, gisant
Dans la plaine loin de la cité, et pas une Achéenne
Ne l’eût pleuré : son crime, prémédité, était trop grand.
Nous, nous étions là-bas, à livrer de nombreux combats ;
Lui, tranquille à l’intérieur d’Argos où paissent les chevaux,
Charmait de douces paroles la femme d’Agamemnon.
D’abord la divine Clytemnestre a repoussé
Cet acte indigne, conformément à son noble esprit ;
Et se tenait auprès d’elle un aède à qui l’Atride,
En partant pour Troie, avait bien demandé de la garder.
Mais quand le sort assigné par les dieux l’eût domestiquée,
Liée, alors l’aède fut déporté sur une île
Déserte et abandonné là pour y devenir la proie
Des oiseaux. Puis il la conduisit, voulant ce qu’il voulait,
Dans sa maison. Il brûla maintes cuisses sur les autels
Sacrés des dieux, suspendit maints ornements, tissus et or,
Ayant accompli une grande action, inespérée.
Pendant ce temps, revenant de Troie, nous naviguions ensemble,
L’Atride et moi, avec l’un pour l’autre une même amitié.
Mais en arrivant au Sounion, cap sacré des Athéniens,
Apollon le Brillant, allant au pilote de Ménélas,
Lui porta de ses traits une mort douce et soudaine,
Alors qu’il avait en mains le gouvernail de la nef
Qui courait sur les eaux. C’était Phrontis, fils d’Onétor,
Le meilleur pilote parmi les humains dans les tempêtes.
Ménélas fit halte là, quoique pressé de poursuivre,
Le temps d’enterrer son compagnon et de l’honorer.
Mais quand, repartant à la course sur la mer lie-de-vin
À bord de ses nefs creuses, il parvint au mont élevé
Des Maléens, alors Zeus qui voit au loin lui prépara
Un affreux voyage, faisant retentir des vents sifflants,
Nourrissant des vagues énormes, telles des montagnes.
La flotte est dispersée, il en pousse une partie en Crète,
Où vivent les Cydoniens, sur les rives du Iardanos.
Il y a là dans la mer une haute roche lisse,
À l’extrémité de Gordyne, dans les eaux bleu sombre.
Là le Notos fait monter de grandes vagues à gauche
Du cap de Phaestos, et une petite pierre brise
Les grandes vagues. C’est là qu’ils arrivent, les hommes,
Fuyant avec peine la mort. Et les vagues brisent
Leurs nefs sur les écueils. Mais cinq bateaux à la proue sombre
Sont poussés vers l’Égypte, portés par le vent et l’eau.
Tandis que Ménélas, amassant beaucoup de vivres et d’or,
S’élançait avec ses nefs parmi des humains d’autres langues,
Égisthe resté chez lui machinait ses perfidies.
Sept ans durant il régna sur Mycènes riche en or,
Ayant tué l’Atride et soumis le peuple à son joug.
Mais la huitième année, pour son malheur, le divin Oreste,
Revenant d’Athènes, tua l’assassin de son père,
Le fourbe Égisthe, meurtrier de son illustre père.
L’ayant tué, il donna aux Argiens le repas funèbre
Pour son odieuse mère et pour le lâche Égisthe.
Le même jour, revint Ménélas au vaillant cri de guerre,
Chargé d’autant de richesses qu’en pouvaient porter ses nefs.
Et toi, mon ami, n’erre pas plus longtemps loin de chez toi,
Que ces arrogants n’y dévorent pas tous tes biens
En festoyant, rendant ainsi ton voyage inutile.
Pour ma part je te conseille vivement d’aller
Chez Ménélas. Il vient de revenir de l’étranger,
De contrées dont nul parmi les hommes n’espère en son cœur
Revenir, une fois égaré par les tempêtes
Sur une mer si vaste que pas même les oiseaux
Ne la passent dans l’année, tant elle est grande et terrible.
Mais pars donc maintenant avec ta nef et tes compagnons.
Si tu veux y aller à pied, voici un char, des chevaux,
Voici aussi mes fils, qui te serviront de guides
Jusqu’en la divine Sparte où est le blond Ménélas.
Prie-le alors de te parler avec sincérité ;
Il ne te mentira pas, car c’est un homme sensé. »

Ainsi dit-il. Et le soleil plonge, l’obscurité vient.
Parmi eux, Athéna aux yeux de chouette prend la parole :

« Ô vieillard, tu as exposé les choses avec justesse.
Allons, coupez donc les langues et mêlez le vin,
Qu’à Poséidon et aux autres immortels nous fassions
Les libations, puis songions à nous coucher ; car il est l’heure.
Déjà la lumière disparaît sous les ténèbres ;
Il ne faut rester assis au banquet des dieux, mais partir. »

Ainsi parle à haute voix la fille de Zeus ; ils l’écoutent.
Des hérauts versent alors de l’eau sur les mains,
Des garçons couronnent les cratères de vin
Et pourvoient à la distribution des coupes pour tous.
On jette ensuite les langues au feu, on se lève et verse
Les libations. Cela fait, on boit selon son désir.
Athéna et Télémaque beau comme un dieu
Veulent tous deux retourner sur leur nef creuse.
Mais Nestor les en empêche en leur adressant ces paroles :

« Que Zeus et les autres dieux immortels me préservent
De vous laisser partir de chez moi sur vos nefs rapides
Comme si j’étais vraiment sans vêtement, un indigent
Qui n’aurait dans sa maison ni tapis ni couvertures
Pour pouvoir y dormir mollement, et lui, et ses hôtes.
Mais le fait est que moi j’ai de beaux tapis et couvertures.
Assurément non, jamais le cher fils du héros Ulysse
N’ira dormir sur le plancher d’un bateau tant que moi
Je vivrai, et après moi je laisserai dans mon palais
Mes enfants, qui recevront les étrangers qui y viendront. »

Ainsi lui répond la déesse, Athéna aux yeux de chouette :

« Tu as bien parlé, cher vieillard, et il convient
Que Télémaque t’obéisse : ce sera beaucoup mieux.
Il va donc maintenant plutôt te suivre, afin de dormir
Dans tes appartements. Moi je vais sur notre noire nef
Rassurer nos compagnons et détailler les consignes.
Car j’ai l’honneur d’être le plus âgé d’entre eux.
Les hommes qui nous assistent par amitié sont plus jeunes,
Tous ont à peu près l’âge de Télémaque au grand cœur.
Je m’en vais donc maintenant dormir dans notre nef creuse
Et noire. Puis à l’aube j’irai chez les magnanimes
Caucones, recouvrer une dette aussi ancienne
Qu’importante. Quant à Télémaque, puisqu’il est ton hôte,
Envoie-le en char avec ton fils, et donne-lui
Des chevaux, les plus lestes et les plus puissants que tu aies. »

Ayant ainsi parlé, Athéna aux yeux brillants s’en va,
Sous l’aspect d’une orfraie. À cette vue, tous sont stupéfaits.
Le vieillard, qui l’a vu de ses yeux, en est émerveillé.
Appelant Télémaque, il lui prend la main et lui dit :

« Ami, je ne crois pas que tu seras faible ni lâche,
Si, tout jeune que tu sois, les dieux te font ainsi escorte.
De tous les habitants de l’Olympe, ce n’est autre
Que la fille de Zeus, l’illustre native du Triton,
Qui parmi les Argiens honora ton valeureux père.
Reine, sois-nous favorable, donne-nous noble renom,
À moi, à mes enfants et à ma vénérable femme !
Et je te sacrifierai une génisse d’un an
Au large front, indomptée, que l’homme n’a pas mise au joug.
Je te l’offrirai, ayant versé sur ses cornes de l’or. »

Telle est sa prière, et Pallas Athéna l’exauce.
Et le cavalier Nestor de Gérènos marche devant
Ses fils et ses gendres jusqu’en sa belle maison.
Et quand ils arrivent au très illustre palais du roi,
Ils s’assoient à la suite sur les sièges et les trônes.
Le vieillard mêle dans un cratère, pour les arrivants,
Du vin délicieux, un onze ans d’âge qu’une intendante
Vient d’ouvrir, en retirant le couvercle du vase.
L’ayant mêlé dans le cratère, le vieillard accomplit
Force libations et prières à Athéna, la fille
De Zeus à l’égide. Les libations faites et le vin bu
À loisir, chacun retourne chez soi se coucher,
Et le cavalier Nestor de Gérènos envoie
Télémaque, le cher fils du divin Ulysse,
Dormir dans un lit ciselé, sous le portique sonore,
Près de Pisistrate à la forte lance, chef des soldats,
Seul de ses enfants, dans la maison, non encore marié.
Quant à lui, il se couche au fond de sa haute demeure,
Dans le lit que son épouse la reine a préparé.
Lorsque paraît, née du matin, Aurore aux doigts de roses,
Le cavalier Nestor de Gérènos saute du lit
Et va s’asseoir dehors sur les pierres polies
Qui se trouvent devant les portes élevées,
Blanches, brillantes, comme huilées ; sur elles jadis
S’asseyait Nélée, conseiller aussi sage que les dieux.
Mais dompté par la mort, il était parti chez Hadès ;
Et maintenant, siégeait là Nestor de Gérènos, gardien
Des Achéens, sceptre en main. Autour de lui se rassemblent
Ses fils, sortis de leurs chambres nuptiales : Échéphron,
Stratios, Persée, Arètos, et aussi, beau comme un dieu,
Thrasymède. En sixième vient le héros Pisistrate,
Et ils lui amènent Télémaque, semblable aux dieux.
Le cavalier Nestor de Gérènos leur dit alors :

« Dépêchez-vous, mes chers enfants, d’accomplir mon souhait,
Que je me concilie la première des dieux, Athéna,
Qui s’est manifestée à moi pendant le festin du dieu.
Que quelqu’un aille dans la plaine chercher une génisse,
Qu’un autre aille à la noire nef de Télémaque au grand cœur
Et ramène tous ses compagnons en n’en laissant que deux ;
Qu’un autre aille chercher le fondeur d’or Laerkée,
Afin qu’il répande l’or sur les cornes de la génisse.
Quant à vous autres, restez rassemblés ici et dites
Aux servantes de préparer dans l’illustre maison
Un festin, d’apporter les sièges, le bois et l’eau claire. »

Ainsi parle-t-il, et tous s’empressent. La génisse arrive
Du pré, les compagnons de Télémaque au grand cœur arrivent
De leur nef rapide et bien proportionnée, le fondeur d’or
Arrive, outils de cuivre en mains pour pratiquer son art,
L’enclume, le marteau et la pince bien ouvragée
Avec lesquels il travaille l’or. Puis arrive Athéna
Pour recevoir l’offrande. Et le vieux cavalier Nestor
Donne l’or. Alors le doreur, l’ayant travaillé, le verse
Sur les cornes de la génisse, afin que la déesse
À cette vue se réjouisse. Stratios et le divin
Échéphron l’amènent par les cornes. Arètos arrive
Des appartements avec l’eau dans un bassin fleuri
Et dans l’autre main les grains d’orge en corbeille. Thrasymède
Le belliqueux, hache tranchante en main, s’apprête à l’abattre.
Persée tient le vase pour le sang ; et le vieux cavalier
Nestor répand l’eau et l’orge, et priant ardemment Athéna,
Commence par jeter dans le feu des poils de la tête.
Aussitôt accomplies les prières et répandu l’orge,
Le fils de Nestor, l’hypercourageux Thrasymède,
S’avance et frappe. La hache sectionne les tendons
Du cou, brise les forces de la génisse. Des cris
Stridulés montent des filles, des brus, de la digne épouse
De Nestor, Eurydice, aînée des filles de Clymène.
On soulève ensuite la victime, on la tient au-dessus
De la vaste terre ; et Pisistrate, chef des soldats,
L’égorge. Un sang noir jaillit d’elle, la vie quitte ses os.
Aussitôt on la découpe, vite on tranche les cuisses,
Toujours selon le rite, et on les couvre de graisse
Des deux côtés ; on place dessus d’autres morceaux crus.
Le vieillard les brûle sur les éclats de bois, les arrose
D’un vin couleur de feu. À ses côtés des jeunes tiennent
Les broches à cinq branches. Une fois les cuisses rôties
Et les entrailles mangées, on hache le reste, on l’embroche
Et on le fait cuire sur des piques tenues en main.

Pendant ce temps, la belle Polycaste donne le bain
À Télémaque. La plus jeune des filles de Nestor,
Fils de Nélée, le lave, l’effleure d’huile onctueuse,
Puis lui enfile une tunique et un beau manteau.
Quand il sort du bain, il a l’allure des immortels.
Puis il va s’asseoir près de Nestor, berger des peuples.
Les viandes rôties en surface et retirées du feu,
On s’assoit et on les mange ; de nobles hommes
Se lèvent, versent le vin dans des coupes d’or.
Après qu’on a bu et mangé selon son désir,
Le cavalier Nestor de Gérènos prend la parole :

« Mes enfants, donnez à Télémaque et attelez au char
Des chevaux à belle crinière, qu’il se mette en route ! »

Ainsi parle-t-il ; ils l’écoutent et obéissent de suite :
Ils attellent promptement au char des chevaux rapides.
L’intendante dépose dedans le pain et le vin,
Et tout ce que mangent les royaux nourrissons de Zeus.
Alors Télémaque monte sur le magnifique char.
À côté de lui le fils de Nestor, Pisistrate,
Chef des soldats, monte aussi et prend les rênes en mains.
Il fouette les chevaux, qui se déploient volontiers
Dans la plaine, quittant la cité escarpée de Pylos.
Tout le jour ils secouent le joug qui les tient de part et d’autre.
Le soleil plonge et toutes les routes s’emplissent d’ombre
Quand ils arrivent à Phères, au palais de Dioclée,
Fils d’Ortiloque, lui-même enfant issu d’Alphée.
Ils passent la nuit là, où il leur offre hospitalité.

Dès que paraît, née du matin, Aurore aux doigts de roses,
Ils attellent les chevaux, montent sur le char bigarré,
Sortent du vestibule et du portique sonore.
On fouette les chevaux, qui se déploient volontiers.
Allant par la plaine fertile, ils arrivent bientôt
Au bout du voyage, tant les chevaux les emportent vite.
Le soleil plonge, toutes les routes s’emplissent d’ombre.

*
le texte grec est ici
en entier dans ma traduction le Chant I , le Chant II
à suivre !