Littéralement physique : Point Reyes Ligthhouse, work in progress et work in promesse

"Point Reyes Lighthouse", acrylique sur bois, 46x30 cm (d'après le phare du même nom)

« Point Reyes Lighthouse », acrylique sur bois, 46×30 cm (d’après le phare du même nom)

Excellente annonce hier, que j’attendais ardemment : la Bibliothèque nationale va rouvrir. Le 6 juillet pour les chercheur·e·s, dont je suis, le 15 pour tout le monde. Car le travail d’écriture m’appelle de plus en plus fort. Je ne peux pas écrire à la maison – pas assez d’isolement – et toutes les bibliothèques, publiques, universitaires… sont fermées depuis mars. J’en ai d’autant plus désir, un désir littéralement physique, que je vois O écrire nuit et jour depuis le déconfinement, dans un formidable élan créateur. Moi je peins sans me lasser, avec grand bonheur. En attendant donc le 6 juillet j’ai ressorti hier soir ma plus grande peinture, que j’ai commencé à repeindre, après avoir repeint toutes les autres. Je l’ai mise sur un vieux drap pour ne pas tacher le sol et voilà, réinventons ! Quand je serai de retour à mes manuscrits et recherches, je vais faire des étincelles !

work in progress-min Aussitôt fini de repeindre « Point Reyes Ligthhouse », je m’installe pour repeindre « Apocalypse » et termine « Z », petite peinture carrée réalisée avec les restes de peinture de ma palette, comme précédemment « Clock » (et j’ai couvert de Gesso un calendrier dépassé pour utiliser à mesure les restes de peinture de mon nouveau work in progress).

"Z", gouache et acrylique sur papier, 21x21 cm

« Z », gouache et acrylique sur papier, 21×21 cm

De la couleur avant toute chose

couleurs 1-minLe pied d’O sur la table et les tournesols qu’il m’a offerts en me disant : que vas-tu en faire, Vincent ?

couleurs 2-minLes roses de la roseraie, hier au Jardin des Plantes, si belles, si odorantes, si sensuelles

couleurs 3-minLes oiseaux du paradis, si éclatants qu’on les entendrait chanter, dans le même jardin
Et les arbres, la lavande, les pavots…

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Et puis les masques que je continue à fabriquer pour tout le monde autour de moi, dans des t-shirts colorés ou à motifs devenus sans usage, des leggings, des jeans (super-protection), etc. Avec un minimum de couture, ou sans couture. En avoir suffisamment permet de ne pas toujours les laver : il suffit, s’ils ne sont pas sales, de les laisser à l’air libre deux ou trois jours pour qu’ils se désinfectent d’eux-mêmes. (J’en ai acheté un à 5 euros pour voir si c’était plus confortable : pas du tout, et il n’est pas plus sûr non plus, et j’aime mieux le style de mes propres masques fantaisie, souvent hauts en couleurs. En voici quelques-uns (non repassés mais une fois sur le visage ils se défroissent d’eux-mêmes) :

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Voir aussi : ma thèse en couleurs et bien sûr mes peintures

Trajets de déconfinement dans Paris

Je continue ce « journal de déconfinement » initié en plein confinement, quand personne encore n’avait parlé, du moins publiquement, de déconfinement (mot qui n’existait pas jusque là). J’ignore jusqu’à quand et peu importe. Dépasser les confins, c’est mon truc. Briser les barreaux, que passe qui veut passer.

Hier, ayant à transporter des choses lourdes, nous avons pris le métro (nos masques maison sans couture sur la figure) plutôt que le vélo pour nous rendre du 13e au 12e arrondissement. J’en ai profité pour photographier les œuvres de street art visibles de la ligne 6, entre Italie et Austerlitz. Je les ai déjà photographiées plusieurs fois à pied, mais je leur trouve un charme particulier photographiées d’en haut et d’en mouvement.
Au retour, débarrassés de notre charge, nous sommes rentrés à pied, quelques bons kilomètres avec un détour par l’est de la BnF (nous avions un achat à faire dans un magasin de sport mais devant la file d’attente sur le trottoir nous y avons renoncé) et sur la fin une traversée de la Pitié-Salpêtrière. Voici les images.

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Hier après-midi à Paris, photos Alina Reyes
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Christ aux cheveux verts

"Christ aux cheveux verts. Ceci est mon corps, ceci est mon sang" Acrylique sur bois (isorel) 74x42 cm

« Christ aux cheveux verts. Ceci est mon corps, ceci est mon sang » Acrylique sur bois (isorel) 74×42 cm


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En écrivant cette icône, j’ai songé que le maintien de la fermeture des parcs et jardins en Ile-de-France, malgré les demandes d’ouverture d’Anne Hidalgo et de Valérie Pécresse, et alors que rouvrent centres commerciaux, écoles, bureaux, chantiers, transports en commun, lieux de culte avec autorisation de cérémonies…, et alors que les études montrent que la pandémie se transmet essentiellement dans les lieux clos, est une mesure de coercition de type fasciste, totalitaire : une mesure contre la vie, contre la liberté, contre le bonheur.

J’aurais pu intituler cette icône « la multiplication des pains », avec cette chair du Christ changée en myriades d’hosties. Mais ce qui est essentiel, c’est que cette figure soit encadrée de vert et d’or. En ce jour d’Ascension, une façon de s’élever pour voir d’en haut que la vie et la lumière sont nos véritables trésors, avec l’amour rendu par la libéralité du don de soi, un soi aux mesures de l’univers et en communion avec lui.

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« Le visage tourné »

"Le visage tourné", acrylique sur toile 46x37 cm

« Le visage tourné », acrylique sur toile 46×37 cm

Par la fenêtre ouverte la lumière, la douce chaleur, les couleurs des briques et des fleurs, les senteurs de la verdure montant de la cour, avec les voix du voisinage qui composent une musique du quotidien, et de temps en temps celle d’un proche ou d’un autre qui interpellent d’en bas : « Regarde, j’ai ramené le vélo », « lance-moi la clé », « L. est là, on va se promener », etc. Avec le réchauffement climatique, une ambiance de Sud à Paris. En attendant la réouverture des jardins, je me balade à vélo ou à pied dans la ville, et en attendant la réouverture des bibliothèques où travailler, je peins. Bienheureuse.

« Quatre vents », avec Orhan Pamuk. Le déconfinement révélateur

"Quatre vents", acrylique sur bois (isorel) 75x51 cm

« Quatre vents », acrylique sur bois (isorel) 75×51 cm

Je ne sais pas pourquoi, mais le fait est que nous soyons là tous les quatre à regarder me procurait un apaisement.

« Qu’y a-t-il de commun entre l’aveugle et le voyant ? » a récité Le Noir après un long silence. Faisait-il allusion, en dépit du caractère obscène de l’image, à la noblesse de cette jouissance visuelle que Dieu nous a donnée ? Cigogne, pour son compte, ne captait rien à ces choses-là, vu qu’il ne lit jamais le Coran. Je savais que ce verset était de ceux que les anciens Maîtres de Hérat citaient le plus souvent, en particulier pour répondre aux imprécations des détracteurs de la peinture, ceux qui prétendent qu’elle est contraire à notre foi et que les peintres iront en Enfer, au jour du Jugement dernier. Pourtant, avant ce jour magique, je n’avais jamais entendu Papillon parler comme il l’a fait alors, l’air de rien :

« Je voudrais peindre quelque chose qui montre que l’aveugle n’a rien de commun avec le voyant.

– Qui est aveugle ? Et qui est voyant ? a demandé Le Noir avec naïveté.

– L’aveugle et le voyant n’ont rien en commun, c’est ce que veut dire wa mâ yastawi-l’âmâ wa-l-bâsirûn, a dit Papillon, avant de réciter :

Il n’y a rien de commun
Entre lumière et ténèbres
Entre la chaleur et le frais
Entre les morts et les vivants.

Orhan Pamuk, Mon nom est Rouge, traduit du turc par Gilles Authier

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Poisson d’amour et monde d’après, maintenant

"Poisson d'amour", acrylique sur bois, 50x50 cm

« Poisson d’amour », acrylique sur bois, 50×50 cm


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poisson d'amour 3-min
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Peignant ce matin mon « Poisson d’amour » à la peinture dorée, la capuche sur la tête (il faisait frais), après mon yoga et dans la paix de ma musique de méditation, j’ai songé que j’étais comme un moine en train de peindre une icône, c’est-à-dire d’écrire, les icônes étant considérées comme une forme d’écriture. En tout cas la peinture est un exercice spirituel. Plus elle l’est, plus elle peut atteindre la grandeur. Il y a de grandes peintures qui sont peu spirituelles, comme celles de Picasso, que j’aime moins depuis que j’aime mieux la grande peinture spirituelle, comme celle de Jean-Michel Basquiat. Le vingtième siècle a mieux compris l’art peu spirituel, ou n’a pas bien compris l’art spirituel, mais le vingtième siècle est derrière nous et nous pouvons le relire autrement qu’il ne l’a été par ses contemporains.

Il y a aussi des peintures spirituelles qui ne sont pas grandes d’un point de vue artistique, peut-être parce qu’elles sont comme la poésie, qui, comme le dit Yves Bonnefoy en parlant de Rimbaud, n’est pas de l’art, mais autre chose. Il est temps de passer à autre chose. J’écoute de la musique nuit et jour.

Un très beau texte de Bonnefoy sur Rimbaud, qui parle aussi bien d’aujourd’hui :