L’heureux et bienvenu sens des réalités

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Enfin une lueur dans cette crise du coronavirus. Anne Hidalgo, contrairement à Macron, prend des mesures. D’ici un mois, des masques pour tous les habitants de sa ville, des tests ciblés, des hôtels pour la mise en quatorzaine des contaminés. Que d’autres villes, d’autres régions prennent aussi les dispositions que l’État est incapable de prendre ! C’est difficile car Macron dans son délire jupitérien les a privés de beaucoup de moyens, mais il ne semble pas y avoir d’autres voies de salut que de passer outre son pouvoir et régler ce qui doit être réglé selon les endroits, pas tous touchés de la même façon par la pandémie.

J’évoquais l’autre jour l’article de Forbes montrant que bien des cheffes d’État dans le monde (Angela Merkel, Jacinda Ardern, etc.) avaient beaucoup, beaucoup mieux géré la crise que beaucoup de leurs homologues masculins. Il ne s’agit pas d’estimer que les femmes sont meilleures par essence. Nous avons assez d’exemples contraires en France, de certaines femmes politiques aussi nulles ou nuisibles que certains de leurs confrères – et Dieu sait si en macronie la stupidité sert de norme-, pour savoir la fausseté d’une telle théorie. Seulement, là où le patriarcat baisse un peu la garde, là où les gens sont assez éclairés pour élire des femmes, et des femmes qui ne soient pas de ces caricatures créées par le patriarcat ou son déchet l’illusionnisme, eh bien le sens des réalités se retrouve aussi bien chez les responsables politiques que chez les citoyens qui les ont élu·e·s.

Vivement la fin du jacobinisme, de la Ve République et de l’imposture macroniste. Espérons que cela attendra 2022, afin de donner du temps à la préparation de la suite et afin que cela puisse se dérouler au mieux. La vie nous attend, ne la décevons pas.
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ces jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

ces jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

Le Grand Remplacement, par Younès (actualisé)

18-12-2019. C’est un des rôles essentiels des artistes que d’ « exorciser » le monde de ses mauvais démons. Younès a ici parfaitement fait le job, ils sont sortis par légions. Molière aussi faisait ainsi, et en eut quelques problèmes. Mais il ne serait pas Molière s’il ne l’avait pas fait. Baudelaire disait que la ruse du diable était de faire croire qu’il n’existait pas. Si on ne voulait pas croire à la virulence du racisme caché dans les replis de nos sociétés, par l’art d’un titre Younès a fait apparaître cette réalité.

Ajout du 7-12-2019 : Un jour après sa mise en ligne, la vidéo a été commentée par une horde de fachos que la jalousie enrage, haha. Si ces « identitaires » avaient un peu de la culture française de Younès, ils rendraient plutôt hommage à sa discrète mais puissante actualisation du Cyrano d’Edmond Rostand, avec sa tirade sur le nez et son indissociable tirade des « Non, merci ».

« Rien ne se remplace, tout se transforme », dit-il. Écoutez, voilà du son, du rap, de la poésie, de la musique, de la vie, de la bonne politique aussi. Je lui laisse la parole :

 

J’suis parti d’chez mes ronds-da sans un rond gars
C’est du pera pas du reggae j’ai décidé d’me décider faire d’la musique
Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi

 

 

Le grand remplacement ?
C’est ta fille qui me kiffe,
Qui va me faire des enfants
Et ils auront mon pif !

 

J’déboule dans ta vie comme les trottinettes à Paris
J’veux l’argent des Qataris Monsieur l’agent sur l’tatami

[Pré refrain]
J’suis parti d’chez mes ronds-da sans un rond gars
C’est du pera pas du reggae j’ai décidé d’me décider faire d’la musique
Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi Comme basidi

[Refrain]
Elle veut qu’j’lui fasse un bébé
Puis deux, puis trois
Elle veut qu’j’lui dise que je l’aime
Puis que, j’y crois
J’suis jamais sûr de moi,
Quoi l’amour dure trois ans ?
Han l’amour dure deux mois
Ouais l’amour dure deux mois
L’grand remplacement c moi
Puis eux, puis toi,
Les grands méchants c’est nous, Rebeu, Renoi
Moi perso ça me va
J’préfère mourir loup garou
Que vivre en villageois
Que vivre en villageois

(suite des paroles sur Youtube)

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Tags, clip, couleur au plein air vs le ventre des Mimis

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ces jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

ces jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

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Les secrets qui scellent les pouvoirs sont de misérables secrets – c’est parce qu’ils sont misérables qu’ils sont secrets, et c’est parce qu’ils servent à sceller qu’ils sont de si mauvais secrets, aussi infectés que des kleenex partagés par des bandes de pestiférés. Dans leur livre Mimi, sur Mimi Marchand, « papesse des paparazzis, gardienne des rumeurs », qui se fit photographier faisant le V de la victoire derrière le bureau présidentiel au lendemain de l’élection de Macron, les auteurs évoquent ces « rouages obscurs où se terrent les secrets et où se négocient les alliances qui les préservent. Dans le ventre cliquetant de la machine ».

C’est dans ce ventre cliquetant que se trament les récupérations de certain·e·s Gilets jaunes. Et personne n’est dupe. Qu’importe, ce ne sont là qu’épiphénomènes, capables tout au plus de retarder de quelques instants le flux de l’Histoire, qui va et ira toujours son cours, infiniment plus puissant que les petites affaires des petits humains occupés à tenter de détourner, à l’aide d’instruments aussi malins et dérisoires que toutes les Mimi du monde, ce qui les emporte et les emportera, inexorablement.

Les mouvements populaires ont leurs traits au grand air et leurs airs aux paroles publiquement chantées. Un autre rap (après celui-ci) de la « canaille » (« eh bien j’en suis ») a fleuri :

 

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Révolution : le ciel reconnaît les siens

à Paris ces jours-ci, photo Alina Reyes

à Paris ces jours-ci, photo Alina Reyes

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Les violences des polices de la pensée peuvent s’acharner, elles ne font pas plier le peuple juste : les pouvoirs abusifs veulent à tout prix se faire reconnaître de lui mais, lui, tel Dieu, reconnaît les siens, laisse les faux.

Je lis ou relis les Contes cruels de Villiers de l’Isle Adam et Le meilleur des mondes d’Huxley. Les deux textes peuvent être téléchargés en ligne gratuitement ici et ici. Pour ma part j’ai emprunté le premier en bibliothèque, et trouvé dans la rue, sur un banc, une belle édition du second. J’ai l’intention d’en parler bientôt, car ces textes éclairent singulièrement les temps que nous vivons. Nous sommes au départ d’un long périple, il fait nuit encore, nous avons besoin de lampes frontales pour y voir. Nous atteindrons là-haut les splendides sommets, là-bas les rivages enchanteurs. Voyons-les, nous y sommes à chaque pas.

Deux cairns musicaux pour danser et sourire toute la journée :

 

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Madame Terre au moulin bibliothèque d’Aragon et Triolet, une merveille

L’eau y coule dedans comme dehors. Très beau lieu dans une très belle nature, site désormais ouvert aux visiteurs et aux artistes, cet ancien moulin de Saint-Arnoult en Yvelines fut leur maison de campagne, de repos et de travail,  avec les 30 000 livres de leur bibliothèque, toujours là et disponible pour les chercheurs. La présence d’Elsa Triolet et de Louis Aragon y est maintenue vivante, tant par les souvenirs et objets d’art qui furent leurs que par ceux qui témoignent de la continuité de la création jusqu’à nos jours.

Hier après-midi, faisant fi de la canicule, O s’y est rendu, toujours à VTT et par les chemins buissonniers depuis Paris, pour y présenter Madame Terre – qui y a été très bien comprise et reçue, merci – et accomplir le rite que les lecteurs de ce blog connaissent bien depuis l’année dernière. Avant de donner les photos qu’il a prises en chemin et sur place, voici deux vidéos – la première sur un mode poétique, la seconde reportage pour la télévision – présentant la maison : un enchantement. Puis, après les photos, nous écoutons et voyons les deux auteurs parler de littérature, notamment Triolet sur Tchekhov et Aragon sur Stendhal. Enfin, musique ! Aragon qui aimait qu’on change ses poèmes en chanson adore certainement cette interprétation de « Gazel du fond de la nuit » par Gnawa Diffusion, rejoignant le Ghazal, l’art raffiné de la poésie courtoise arabe – et le texte du poème.

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mme terre vers triolet aragon 2une ferme en chemin

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mme terre vers triolet aragon 5un vestige du chemin de Compostelle

mme terre vers triolet aragon 6le chemin se poursuit par les sentiers en forêt du noble chevalier errant

mme terre vers triolet aragon 7puis c’est l’arrivée à destination

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Je suis rentré dans la maison comme un voleur
Déjà tu partageais le lourd repos des fleurs au fond de la nuit

J’ai retiré mes vêtements tombés à terre
J’ai dit pour un moment à mon cœur de se taire au fond de la nuit

Je ne me voyais plus j’avais perdu mon âge
Nu dans ce monde noir sans regard sans image au fond de la nuit

Dépouillé de moi-même allégé de mes jours
N’ayant plus souvenir que de toi mon amour au fond de la nuit

Mon secret frémissant qu’aveuglement je touche
Mémoire de mes mains mémoire de ma bouche au fond de la nuit

Long parfum retrouvé de cette vie ensemble
Et comme aux premiers temps qu’à respirer je tremble au fond de la nuit

Te voilà ma jacinthe entre mes bras captive
Qui bouges doucement dans le lit quand j’arrive au fond de la nuit

Comme si tu faisais dans ton rêve ma place
Dans ce paysage où Dieu sait ce qui se passe au fond de la nuit

Ou c’est par passe-droit qu’à tes côtés je veille
Et j’ai peur de tomber de toi dans le sommeil au fond de la nuit

Comme la preuve d’être embrumant le miroir
Si fragile bonheur qu’à peine on peut y croire au fond de la nuit

J’ai peur de ton silence et pourtant tu respires
Contre moi je te tiens imaginaire empire au fond de la nuit

Je suis auprès de toi le guetteur qui se trouble
A chaque pas qu’il fait de l’écho qui le double au fond de la nuit

Je suis auprès de toi le guetteur sur les murs
Qui souffre d’une feuille et se meurt d’un murmure au fond de la nuit

Je vis pour cette plainte à l’heure ou tu reposes
Je vis pour cette crainte en moi de toute chose au fond de la nuit

Va dire ô mon gazel à ceux du jour futur
Qu’ici le nom d’Elsa seul est ma signature au fond de la nuit !

 

Louis Aragon (in Le Fou d’Elsa, 1963)

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à voir aussi : une précédente note comprenant la vidéo du film d’Agnès Varda sur Aragon et Triolet

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Musique des anges

Les anges de Patrice Contamine de Latour et Érik Satie

LES ANGES    (à notre ami Charles Levadé)

Vêtus de blancs, dans l’azur clair,
Laissant déployer leurs longs voiles,
Les anges planent dans l’éther,
Lys flottants parmi les étoiles.

Les luths frissonnent sous leurs doigts,
Luths à la divine harmonie.
Comme un encens montent leurs voix,
Calmes, sous la voûte infinie.

En bas, gronde le flot amer ;
La nuit partout étend ses voiles,
Les anges planent dans l’éther,
Lys flottants parmi les étoiles.

José-Maria Patricio Contamine de Latour

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Madame Terre chez Érik Satie et autres notes sur lui

et tous les Anges d’ici, à ce jour

et toutes les Chansons

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