Petit récapitulatif de fin d’année

photo Alina Reyes

 

Un hadith qui faisait le tour d’internet s’est avéré venir, non pas de la bouche de Mohammed, mais de celle de Bob Marley. Après tout je l’ai constaté, il arrive même que certains professeurs inventent de faux hadiths. Pauvre Prophète, tout entier dédié à la vérité, et que l’on fait mentir (tandis qu’un hebdomadaire satirique puant, en besoin d’argent et obsédé par la figure de cet homme de Dieu qu’ils n’arrivent pas à se figurer, s’apprête à publier une bande dessinée sur sa vie).

Kalachnikov est sorti de l’hôpital de la république d’Oudmourtie, où il suivait un traitement prophylactique. Pas de prophylaxie dans le monde, cependant, contre ses armes à feu.

Les adeptes du marché noir de la parole sont horrifiés d’apprendre qu’en Chine il faudra donner son vrai nom pour se connecter à internet, quitte à utiliser un pseudo ensuite. Pendant ce temps, ici et là, des poètes qui parlent ouvertement pour la liberté se font emprisonner. Bientôt on se moquera de leur courage.

La plupart des hommes ne savent pas ce que signifie être des dieux. Ils s’idolâtrent eux-mêmes, font d’eux-mêmes leurs propres idoles, et les appellent dieux, ou bien athées, sans dieu. Par exemple en voulant se donner eux-mêmes la vie et la mort. Ce faisant ils démolissent l’homme, comme depuis toujours les hommes se divertissent de leur condition en fabriquant puis détruisant leurs idoles, qu’ils remplacent constamment, obsessionnellement, addictivement, par d’autres. L’accomplissement de ce processus est dans la disparition de la capacité à distinguer entre l’idole et le divin, qui accompagne l’idolâtrisation totale de l’homme. Ce vers quoi l’homme est en chemin en ces temps de procréation en éprouvette, de négation des sexes, de toute-puissance de la médecine sur les corps et les âmes, de la conception à la mort. Cette objectisation de l’homme, l’homme l’appelle devenir des dieux, ou bien devenir sans dieu, ce qui revient au même : exister sans autre instance supérieure que soi-même, sans autre maître que la tyrannie et la bêtise humaines d’autres hommes et de soi-même. À l’homme qui a réelle connaissance de Dieu, Dieu confie comme à l’Ange qui arrêta le bras d’Abraham sur le point de sacrifier son enfant, d’arrêter le bras de ceux qui en sont, en cette époque, en train de jeter des pelletées de terre sur eux-mêmes et leurs enfants, qu’ils ont mis encore vivants dans la fosse.

Vous êtes des dieux, ne le savez-vous pas ? Si vous êtes en Dieu. Réellement.

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La Face et l’Heure, amine

 

« Ceux qui nient leur rencontre avec Dieu sont à jamais perdants » (début du verset 31 de la sourate Les Bestiaux, trad Tawhid). Intéressante aussi, la traduction du même passage par AbdAllah Penot : « Ils sont bel et bien perdants, ceux qui démentaient la possibilité d’une rencontre avec Dieu ». Nous comprenons ainsi que la rencontre avec Dieu est aussi rencontre avec le Jugement de Dieu (comme l’exprime d’ailleurs la suite du verset).

Qu’est-ce à dire ? Que rester dans le déni (en paroles ou en actes) après avoir rencontré Dieu, c’est être perdant, en ce monde et en l’autre. Parce que la Face de Dieu est aussi son Jugement. Face à Dieu, l’attitude mensongère mène à la perte. Immanquablement. Aussi immanquablement que manger un fruit empoisonné mène à la mort. Ce n’est pas une punition, c’est. Cela est. C’est ainsi, et ainsi soit-il, car cela seul, cette intraitabilité, sauve le monde. Les hommes sont corruptibles, corrupteurs et corrompus, ils font avec, ils sont mortels. Mais il en est tout autrement de Dieu. Dieu ne laisse pas la corruption de la vérité mener le monde. Nul homme ne pourra rien y changer. Ceux qui pensent pouvoir éviter la rencontre avec la Face de Dieu se trompent.

Heureusement.

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François d’Assise et Malik Al-Kamil

 

« Ce que les armées venues d’Europe n’avaient pu obtenir, l’intelligence et la tolérance de Malik al-Kamil permettraient à l’islam de l’offrir. Sans doute le regard clair de François avait-il poursuivi son lent travail dans la conscience de cet homme ouvert à la pensée des autres ». Albert Jacquard, Le Souci des Pauvres

Ce qui fait obstacle à la Révélation, c’est la mécréance et l’orgueil des hommes d’aujourd’hui. Au début du XIIIème siècle, François d’Assise put opérer une inflexion du Christ dans l’Histoire. Le pape en ce temps-là s’appelait Innocent, cela compte, sans doute. Mais ce n’est pas tout. Ce monde, le nôtre, était encore jeune. Il est maintenant définitivement vieux. D’autres vont  apporter dans l’Histoire leur jeunesse.

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Sourate 21, Al-Anbiyaa, Les Prophètes

à Médine, la mosquée du Prophète

 

Pourquoi des prophètes ? Telle est la question à laquelle répond cette sourate. À laquelle elle répond en expliquant comment fonctionne Dieu.

Le jour où les hommes vont devoir rendre compte approche ; or les hommes se moquent des avertissements du Prophète, les mécréants l’accusent d’œuvrer dans l’illusion, disent les premiers versets.

Contre ces accusations, Dieu via son Prophète rappelle qu’Il a déjà envoyé d’autres prophètes chargés de révélations, et que les injustes et leurs cités ont péri faute de les avoir écoutés. Et Il ajoute : « Nous n’avons pas créé les cieux, la terre et ce qui est entre, par jeu. » (verset 16). Qu’est-ce à dire ? Le mot pour dire jeu peut aussi désigner un . Le mot pour dire créer signifie d’abord donner une mesure. La Création n’est pas aléatoire comme on pourrait le croire, elle est très précisément mesurée. C’est exactement le constat que font aussi les physiciens de notre temps. « S’il y avait d’autres divinités que Dieu dans les cieux et la terre, ces derniers seraient corrompus » (v.22) : s’il y avait d’autres lois que l’unique loi de Dieu, le cosmos ne tiendrait pas. Tout comme sont corrompus ceux qui obéissent à des autorités que des hommes ont fabriquées, plutôt qu’à la loi de Dieu.

S’il n’est qu’une Autorité, qu’une Loi, elle s’exerce dans le monde sensible et aussi dans sa dimension spirituelle. La terre et le ciel dont parlent les Livres sacrés désignent effectivement la terre et le ciel physiques, cosmiques, mais aussi la terre et le ciel intérieurs à l’homme. « Au Jour de la Résurrection, Nous dresserons des balances d’une extrême sensibilité, de manière à ce que nul ne soit lésé, fût-ce du poids d’un grain de sénevé, car tout entrera en compte, et les comptes que Nous établissons sont infaillibles. » (v.47) Indiquer la mesure afin que chacun puisse être en mesure de correspondre à la bonne mesure au moment de la pesée, telle est la mission du prophète. Et il l’accomplit dans la mesure de la langue, la bonne mesure audible dans ses versets rythmés aux sonorités splendides, qui par leur forme même indiquent à l’homme qui les écoute la bonne formule de vie : verdeur, justesse, harmonie.

Le verset précédemment cité : « « Nous n’avons pas créé les cieux, la terre et ce qui est entre, par jeu », pourrait aussi se traduire : « Nous n’avons pas donné mesure au plus haut, au plus bas et à ce qui les différencie, par hasard. » Le mot qui dit « ce qui est entre » peut aussi bien exprimer la distance, la séparation, que la différence, et cela dans l’espace comme dans le temps, et dans l’esprit. Ce qui est entre le ciel et la terre, le haut et le bas, les sépare mais aussi permet de connaître leur valeur. Ce qui est entre, ce sont les prophètes. Et, pouvons-nous dire, les hommes qui sont en chemin, en train d’expérimenter, dans la pente et dans le temps, la valeur du haut et du bas, d’apprendre leur mesure. En poussant encore un peu plus loin les sens des mots qui disent ciel et terre, nous pourrions les traduire : nom et pays. Le nom et le pays sont à la fois reliés et tenus à distance respectueuse par la valeur qui se tient entre. Et nous pouvons dire, en reprenant le verset 22 : « S’il y avait d’autres principes que Dieu entre le nom et le pays, ces derniers seraient corrompus. » Et ce qui est corrompu, en état de corruption, va vers la mort. Le nom et le pays doivent être liés par le juste, ou perdre leur être. Que le pays désigne un pays, ou une âme. Il ne s’agit pas d’un jeu.

« Bien au contraire, Nous lançons contre le faux la vérité qui le subjugue, et le voilà qui disparaît. » (v.18) Tout a une destination, soit vers la paix bienheureuse, soit vers la destruction mortelle. C’est pourquoi le Prophète n’a été « envoyé que comme miséricorde pour l’Univers » (v.107). Qui écoute la révélation qu’il transmet apprend la voie juste, la voie du salut. Encore faut-il savoir écouter. Écouter aussi est un chemin, sur lequel l’homme est appelé à progresser. « Et celle qui a préservé sa fente ! Nous avons soufflé en elle de Notre esprit, faisant d’elle et de son fils un signe pour l’univers. » (v.91) Nous comprenons pourquoi la « fente », premier sens du mot arabe employé ici, signifie aussi un « espace compris entre deux ». Dans la dimension de l’esprit, il s’agit bien de cet espace de la valeur, dont le respect rend seul valide ce qui est.

En recevant l’esprit de Dieu, Marie est devenue avec son fils un signe pour l’univers. Les versets aussi s’appellent des signes. Quand l’homme comprendra pleinement les signes qui lui sont envoyés, quand, recevant l’esprit, il aura pleinement entendu le sens des révélations que lui ont faites les prophètes, alors les révélations verront leur accomplissement, et « ce jour-là, Nous plierons le ciel comme on plie le rouleau des livres. Et de même que Nous avons procédé à la première Création, de même Nous la recommencerons. C’est une promesse que Nous Nous sommes faite, et Nous l’accomplirons. » (v.104)

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« Dans le plus précieux Dieu fit naître les eaux-de-feu célestes et le pays » Genèse 1,1, ma traduction dans « Voyage »

photo Marko Djurica/Reuters

 

Les « eaux-de-feu célestes » sont les paroles de Dieu à travers le judaïsme, le christianisme et l’islam.

Je crois en ces paroles, cette unique Parole en toutes ses formes, je crois qu’elle est vivante et avançante, je crois à ce qui avance. Nous allons aller doucement vers un seul État pour tous.

Je crois que la Palestine, et sa capitale Jérusalem, sont l’avant-poste de  la paix pour tous les hommes de la terre, du « pays » qu’est l’humanité.

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