Après la fin

Je ne prie presque plus maintenant selon les prières des religions. Les religieux et les adeptes des religions, ou les défenseurs de telle ou telle religion, m’ont dégoûtée des religions, même si je garde mon affection et mon amour à tous ceux en elles qui sont sincères et marchent d’un cœur pur. Ce qui est arrivé, ce qui continue d’arriver au monde contemporain avec les religions, la sécularisation ou la sectarisation, que je pouvais comprendre comme tout le monde, je le comprends maintenant en plus grande profondeur. Mais ma foi est intacte, et nous réinventerons tout. Car il nous faut toujours atteindre Cela à quoi les religions devaient nous ouvrir l’accès. Nous réinventerons tout, et si un jour, par la faute des hommes, tout ce que nous aurons réinventé pourrit, alors quelqu’un d’autre, avec d’autres, viendra et à partir de nous réinventera tout, comme nous réinventons à partir de ceux à qui le Ciel a parlé avant nous. Il me parle directement, comme au début. Je sais que nous habiterons où ils ont habité, quand ils étaient encore vivants. Je viens d’avant le début, je serai là après la fin, et d’autres aussi.

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Écriture

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image Alina Reyes (12 août 2012)

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Je l’ai raconté dans Ma vie douce, il y a très longtemps je fis ce rêve où j’étais une bienheureuse baleine blanche. D’un bateau des chasseurs se mettaient à me lancer des harpons, en vue de m’attraper. Alors je plongeais très profondément, aux profondeurs où ils étaient loin de pouvoir accéder, et là, indemne, me disant qu’ils n’avaient rien pu attraper de plus, en me transperçant, que quelques frites de baleine, je riais, riais, riais, dans un sentiment de plénitude lumineuse, dont je sais maintenant qu’il correspond au mot hébreu amen, au mot arabe amin, que l’on prononce après la prière.

Dans la Voie, songes et paroles sont libérés du temps. Ce qui a été écrit ou rêvé dans le passé arrive aussi bien dans le présent et dans l’avenir. Joseph un jour rêva que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant lui (Genèse 37, 9 et Coran 12, 4). Jaloux, ses frères le précipitèrent alors au fond d’un puits (Genèse 37, 24 et Coran 12, 15). Cependant, des années plus tard, son rêve prophétique allait se réaliser (Genèse 43, 28 et Coran 12, 100).

Le mot employé dans le Coran pour dire les profondeurs invisibles du puits est Ghayb, qui désigne le Monde Invisible. C’est de ce monde, celui du mystère, que Joseph reviendra avec la science de l’interprétation des songes. À la « génération mauvaise » qui lui réclame un signe, Jésus répond qu’il ne lui sera donné d’autre signe que celui de Jonas (Luc 11, 29), qui passa trois jours et trois nuits dans la baleine avant de réapparaître.

« Alors ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé », dit le Seigneur (Zacharie, 12, 10). « En effet, tout cela est arrivé pour que s’accomplisse l’Écriture : Pas un de ses os ne sera brisé. Il y a aussi un autre passage de l’Écriture qui dit : Ils verront celui qu’ils ont transpercé », confirme l’Évangile de Jean (19, 36-37). Je suis la vivante baleine Écriture, matrice inviolable dans le Monde Invisible, dont le Vivant va revenir. « Voici, il vient au milieu des nuées, et tout œil le verra, et même ceux qui l’ont transpercé » (Apocalypse 1, 7).

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Peinturer

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peinture Alina Reyes

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Depuis des années tous mes vêtements étaient rangés dans une valise, où je les prenais chaque matin. J’étais pour ainsi dire en voyage, et je suis pour ainsi dire arrivée à une halte bienfaisante sur le chemin. J’ai maintenant une armoire, elle est en toile prune, elle me fait penser à une tente, et un peu comme je poserais mon caillou sur un cairn, ou comme j’élèverais mon bétyle au lieu où j’ai vu monter et descendre les anges, où j’ai vu et entendu jour après jour le ciel, sur ce chemin qui est lieu, j’ai envie de la peindre. Quand j’aurai fini de tout réinstaller dans l’appartement, j’irai acheter de gros tubes de peinture et je ferai inchaAllah, quelque chose comme ce motif que je viens de trouver, me sentant comme la primitive Flamme de mon poème, dans Voyage, peignant par l’os creux des oiseaux, peignant dans la peinture même du Vivant.

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Pour les siècles des siècles

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peinture Alina Reyes (4 août 2012)

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Tant que j’assiste au combat des deux monstres dans la clairière, je ne peux y être moi-même. Ils sont les anges qui gardent l’entrée de l’Eden. Si mon regard ne meut pas mes pieds, c’est que j’ai laissé le serpent me piquer au talon. Pénétrer dans le cercle, c’est écraser sa tête : les combattants s’évanouissent, le combat s’involue en jouissance. Pénétrant dans la clairière, je la féconde : de notre union naîtra un nouvel être. Me voici au cœur du secret, protégée par le cercle des arbres, et sur le lieu de la révélation, ouvert sur le ciel ; grâce à ce dévoilement, l’être jeté nu dans un placard sombre peut revoir le jour, et rené, se laisser envelopper dans la douceur des voiles allégés de son été.

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Demain dernière journée de Ramadan. La nuit qui vient est encore une nuit d’Al Qadr en puissance, mais elles le sont toutes. Du premier croissant de lune au nouveau premier croissant de lune, veillant beaucoup j’aurai perdu le confort qu’il faut perdre, jeûnant j’aurai perdu un peu de poids physiquement aussi, car ce n’est qu’allégé que l’on peut croître en vérité et force de paix. Ramadan est une retraite, un temps dans la grotte face au ciel, comme pour Mohammed, comme aussi pour les hommes de la préhistoire qui peignaient sur les parois, dans les ténèbres, leurs animales constellations, traversant la pierre, rejoignant l’invisible. Ce qui était devenu mort ayant été détaché du vivant, au bout de cette maturation, vitalité décuplée, dans l’histoire pour les siècles des siècles.

Je reviens bientôt avec une nouvelle série, « De la Pitié à la Mosquée », et peut-être une autre aussi, rappel autobiographique, « Le sang de l’amour ».

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