Chronique du jour : des criminels en action ou en esprit, et de leur chute

“J’ai eu un ami qui a été traîné au dehors une nuit, il hurlait”, s’est-il souvenu. Il ne l’a plus jamais revu. “Il s’appelait Bryan… Je veux savoir où est Bryan.”
“On nous a fait découvrir le viol”, a ajouté Barry Kennedy. “On nous a fait découvrir les coups violents. On nous a fait découvrir des choses qui n’étaient pas normales dans nos familles”.
750 tombes anonymes découvertes sur le site d’un pensionnat catholique où jusque dans les années 1990 on enferma et maltraita des enfants autochtones. Après les restes de 215 enfants trouvés récemment sur le site d’un autre de ces pensionnats, on s’attend à beaucoup d’autres découvertes du même type – il y avait 139 de ces pensionnats au Canada, où « 150.000 enfants amérindiens, métis et inuits ont été enrôlés de force » – l’article du Huffington Post est ici. Le pape refuse de présenter des excuses pour ce énième crime contre l’humanité commis par l’église catholique. La faute n’est sans doute pas aussi grave dans son esprit que celle d’une religieuse qu’il a chassée de sa congrégation où elle vivait depuis trente ans, en refusant de donner une raison, de façon ouvertement arbitraire (Le Monde suit l’affaire, qui semble surtout être celle de « différends » entre cette religieuse et une autre qui, elle, est très amie avec un cardinal proche du pape).

Val défend Valeurs Actuelles au procès de leurs caricatures de Danièle Obono, Valls appelle à voter Pécresse contre la gauche prétendument islamiste. Je parlais l’autre jour des caricatures de Coco, ex de Charlie, dans Libé, titre qui pratique lui aussi l’en-même-tempisme (un coup contre le RN, plusieurs coups contre les racisé·es, les femmes violées, les lesbiennes, etc., ou encore un coup pour les Palestiniens, un coup pour représenter les Palestiniens comme des rats, toujours via Coco…) : racisme, sexisme, homophobie et j’en passe, les anti-valeurs de l’extrême-droite laissent toute une pseudo-élite prétendument humaniste contaminée par la haine de tout ce qui n’est pas de l’entre-soi. Il existe un syndrome de la femme battue, qui est un stress post-traumatique dû à une longue exposition aux mauvais traitements. Ce syndrome est pris en compte quand se produit le meurtre de l’homme violent par une femme longtemps violentée. Nous ferions bien de veiller aux possibles effets d’un syndrome des populations battues, violentées et par le harcèlement de l’extrême-droite, et par celui de prétendus adversaires de l’extrême-droite. Voyez l’église catholique : certes elle a très longtemps sévi, mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Moins qu’hier et bien plus que demain. Le mécanisme vaut pour tous les abuseurs.

La bête immonde

D’après un sondage, si les élections présidentielles avaient lieu aujourd’hui, Le Pen arriverait en tête au premier tour : voilà « le monde d’après » Macron.

L’extrême-droite est plus que jamais vivace en France et ailleurs. Et hier au théâtre j’ai vu une pièce où, dans la même phrase, étaient prononcés le prénom de Pétain et le nom d’un philosophe nazi. Non, la bête immonde n’est pas morte. Dans la pièce, les seuls personnages en scène sont un père et son fils, et les seuls deux autres personnages évoqués sont un Noir, sans nom ni prénom et d’emblée assassiné, et une femme, sans nom ni prénom et d’emblée morte, et sans aucune existence bien qu’obsessionnellement mentionnée par le père et le fils, et surtout par le père, qui ne parlent en fait que d’eux-mêmes. Non le suprémacisme blanc et le patriarcat ne sont pas morts : ils font partie de la bête.

Une bête qui tantôt se dévoile brutalement – « Nous sommes la bête qui monte, qui monte… », disait Jean-Marie Le Pen – et tantôt s’insinue insidieusement dans une langue contaminée, une vieillesse pas encore morte, une jeunesse abusée par un vieux passé enfoui dans le moi profond, dirait la langue des coachs, et dangereusement viral.

Détournements d’âmes, chauvinisme et boomerang

« Exhorte-les à arrêter ces folies, en les conseillant gentiment ; ils ne t’obéiront pas, parce que pour eux s’avance le jour fatal. » Homère, Odyssée, XVI, 278-280 (ma traduction)

Macron détourne pour sa promotion les youtubers Mcfly et Carlito. Outre l’indignité politique de l’opération, qui continue à défigurer le fait politique en France, il faut souligner la tristesse qui en résulte pour tous les jeunes qui appréciaient ces youtubers et qui se trouvent maintenant pris dans ce piège tendu par le pouvoir. Beaucoup, trop déçus, ne veulent pas regarder la récupération en question. D’autres regardent et se sentent plus ou moins salis de le faire. Macron fait partie de ces gens qui salissent tout. Ça a commencé avec une campagne électorale pleine de bidonnages, public commandé, applaudissements commandés, etc., ça a continué, dès son élection, avec les insultes aux Français, puis avec la violence criminelle contre les Gilets jaunes, puis tous les actes de division du peuple, comme le discours antiséparatiste qui est en fait, en classique inversion « diabolique », une action de séparatisme, de division pour mieux régner, mieux faire régner le discours de l’extrême-droite, à la fois pour le récupérer et pour se poser en rempart contre lui, le moment venu. Quand on regarde le plan d’action de Joe Biden pour son pays, alors que dans notre pays seules les manœuvres politiciennes, et du plus bas étage, font office de politique et de gouvernance, on se dit qu’il faudra qu’on vire notre micro-pseudo-Trump et qu’on trouve un Biden qui, sans être plus parfait que ne l’est Biden, aura du moins comme lui le courage d’agir, au lieu de remuer du vent.

Je lis que Cyril Hanouna voudrait qu’on destitue le groupe rock italien qui a gagné l’Eurovision au motif qu’on les soupçonne de s’être drogués (en fait le test prouve ce soir qu’ils ne s’étaient pas drogués), et qu’on donne ainsi la première place à la Française, arrivée deuxième. Cette dernière a déclaré qu’ils avaient été élus et que le reste, « qu’ils se droguent ou qu’ils mettent leur culotte à l’envers », ça ne la regardait pas. Merci à elle pour cette réponse au chauvinisme français, une hystérie aux relents nationalistes dans la ligne du discours dominant, discours d’extrême-droite, de gens qui salissent tout. Trump non plus n’a pas accepté de n’être pas l’élu. Qui vole un œuf vole un bœuf, dans l’état d’esprit où est la France de Macron et d’Hanouna, on pourrait bien avoir des problèmes aux prochaines présidentielles. Gare à l’effet boomerang, messieurs.

Fausses élites, vrais mensonges

faf a faf
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Le prof de philo qui se dit menacé par les islamistes (mais qui a dû reconnaître qu’il n’a pas reçu de menaces) parle sur Cnews et sur Sud Radio, écrit dans Causeur et dans Le Nouvel Obs. Cherchez l’erreur… malheureusement il n’y en pas, c’est l’ambiance du moment, comme le « débat » vanté, sur France 2, entre une ex du FN (Le Pen) et un ex de l’Action française (Darmanin). Pas un hasard s’il pleut comme autant de grenouilles ou de sauterelles des dénonciations d’abus sexuels, abus financiers, abus intellectuels ou autres, commis par des « élites », copains à Macron et compagnie. Abuser et mentir, c’est leur projeeet ! Sans lequel ils sont tellement inconsistants.

Le prof en question prétend qu’il n’y a ni coiffeurs mixtes ni cafés mixtes à Trappes, où selon lui on ne peut faire chanter les enfants dans les écoles maternelles. Le maire de Trappes dément tranquillement tout cela, et a aussi la preuve que ce prof l’accuse à tort de l’avoir traité d’islamophobe et de raciste dans une interview à une chaîne de télévision néerlandaise ; et ce maire, logiquement, porte plainte pour diffamation. Les médias en France ont beaucoup critiqué Trump, ses fake news et ses faits alternatifs, mais eux-mêmes propagent facilement le mensonge, surtout quand il s’agit de s’en prendre à une certaine catégorie de population, cible de l’hystérie de la vieille France. On a vu plusieurs fois de faux faits divers inventés par des racistes être repris partout avec emphase, avant que la vérité ne soit finalement faite, très discrètement, trop discrètement pour effacer le mal déjà fait.

À s’agiter comme il le fait, on pourrait penser que ce prof cherche à trouver quelque haineux à exciter, afin de triompher en recevant de réelles menaces, ou pire. Je comprends qu’il puisse être épuisé par vingt ans de cours de philo, des cours qui la plupart du temps, même dans de bons lycées parisiens, ne suscitent chez les élèves que l’envie de bavarder entre eux. Il est peut-être en burn out, quoi qu’il en soit il est visiblement dépité et c’est quelque chose à écouter, mais seulement tant que le mensonge n’y prend pas le dessus.

J’évoquais l’autre jour la série incroyablement mensongère que diffuse Arte sur l’Iliade et l’Odyssée, œuvres falsifiées au point de leur faire dire l’exact contraire de ce qu’elles disent noir sur blanc – visiblement dans un mélange d’ignorance (approximations, erreurs, confusions) et de souci idéologique (prôner l’athéisme), la série étant destinée en particulier aux enfants des collèges et à toutes les personnes qui ne connaissent rien au sujet. Il y avait de ça aussi dans leur série sur les religions – sans doute pas des falsifications aussi grossières, mais des orientations parfois soutenues par des présentations des faits malhonnêtes. Arte, élite de la télé ? Le problème n’en est que plus néfaste. D’emblée, les gens font confiance à Arte, comme on fait ou faisait confiance au curé ou à toute autre figure d’autorité avant que ne se mettent à déferler les témoignages sur leurs abus, jusque là commis en toute impunité. Les médias qui bénéficient encore d’une réputation bonne, comme Arte, ou du moins à peu près correcte, devraient se méfier eux aussi : l’impunité, en fait, n’est pas éternelle. Il en va de même pour toutes les « élites » qui par leur malhonnêteté mettent en danger non seulement leur propre tête, mais aussi la société entière, qu’elles tâchent d’entraîner dans leur médiocrité, leur mensonge, leur hypocrisie. Plus dure sera, ou est déjà, leur chute.

Vendus : Yann Moix, face cachée de l’édition et des médias : banalité de l’infection mondaine

 

Dans son dernier livre Yann Moix raconte que son père l’obligea à manger ses excréments en public (d’après Marie-Claire, le magazine féminin qui, gobant tout, s’émerveille de la résilience de l’auteur, auquel elle avait déjà ouvert ses colonnes pour l’y faire vanter sa consommation en série de jeunes Asiatiques – alors qu’il s’était déclaré ailleurs « prédateur sexuel », traitant les femmes de « réceptacles à jouissance, d’orifices à contentement, de cargaisons qu’on pelote »). Eh bien l’y voici, en train de manger sa merde en public, et qui l’y contraint ? La vérité, qui finit toujours par se faire jour, y compris en utilisant ceux-là même qui veulent la cacher. Voilà que toute la merde de Yann Moix s’étale dans l’espace public, comme il ne croyait pas si bien dire, pour une fois (les gens, y compris l’immense majorité de ceux qui publient des livres, ignorent le pouvoir des mots).

Voilà que ses amis d’extrême-droite, pas si anciens puisqu’il les fréquentait encore au moins jusqu’en 2013 voire 2016 (où il est photographié en compagnie de Frédéric Chatillon, ex-membre du GUD, violemment antisémite, proche de Marine Le Pen), préfaçait en 2007 le livre antisémite de Blanrue publié par Soral, etc., ravis de lui faire payer sa duplicité – le cœur facho, le porte-monnaie dans la bien-pensance – ressortent les dossiers. Déballage en ligne et ailleurs (Dieudonné annonce qu’il va raconter à la presse les relations de Moix avec lui et la bande des antisémites mondains), la révélation se poursuit.

En fait personne n’est vraiment étonné : soit les gens savaient, soit ils ne savaient pas mais l’attitude sadique de Yann Moix chroniqueur avait suffi à leur faire comprendre quel genre de personne il était. Le plus grave est que le milieu de l’édition et des médias l’aient soutenu et continuent, à part L’Express qui a sorti les documents sur sa production négationniste, à essayer de minimiser l’affaire. Plus ou moins inconsciemment. Exactement comme l’Église l’a fait face aux affaires de pédophilie. Parce que c’est dans leur culture. L’extrême-droite et l’antisémitisme sont dans la culture des milieux de l’édition et des médias comme la pédophilie est dans celle de l’Église.

Considérons déjà tout simplement le soutien inconditionnel de BHL, Moix et d’autres à Israël : c’est un soutien à un régime d’extrême-droite. Rappelons que BHL rejoignit Sollers et Gluksmann à l’Internationale de la résistance, une officine créée en 1983 et financée par les services secrets américains, utilisée pour de sales besognes politiques en Amérique Latine, soutenant notamment les milices du dictateur d’extrême droite Somoza. Rappelons qu’Antoine Gallimard, héritier d’une maison d’édition qui se sauva en collaborant avec les nazis, veut maintenant rééditer les pamphlets antisémites de Céline. Sachons que Paul-Eric Blanrue, le grand ami antisémite et négationniste de Yann Moix, raconte que ce dernier lui affirma que Sollers, éditeur chez Gallimard, pourrait vouloir publier un portrait élogieux du négationniste Faurisson – comme quoi Moix n’a pas encore appris à connaître ceux à qui il fait allégeance : Sollers est beaucoup trop prudent, pour ne pas dire pleutre, pour exposer lui-même ses inavouables pensées ; il le fait faire par d’autres, dans des livres ou des articles (comme celui où Savigneau dit dans le Monde des Livres, à propos du livre que Zagdanski et moi avons écrit : « prends le fric et tire-toi », formule dans laquelle Zagdanski reconnut une insulte antisémite).

Moix n’est que la face cachée de ce milieu de l’en-même-temps à la Macron, dans lequel Macron ferait d’ailleurs figure d’enfant de chœur. En même temps humaniste et fasciste, ou plus exactement humaniste par façade, salopard dans l’esprit et les actes – qui plus est hypocritement, lâchement. Sa face cachée politique, mais aussi littéraire : ce milieu est aussi celui de la mauvaise littérature, fabriquée et vendue industriellement, comme ses auteurs vendus.

Voir aussi : « Yann Moix : une obsession antisémite qui vient de loin »
Attendons maintenant de voir comment vont se comporter les médias, s’ils vont continuer à promouvoir, via Yann Moix, cette infection mondaine.

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