Vie du Prophète Mohammed

Aujourd’hui beaucoup de musulmans font mémoire de la naissance de leur Prophète – paix et bénédiction sur lui. Ils célèbrent le « Mawlid Nabawi ». Une occasion de se rappeler ce que fut sa vie, et de revenir aux sources de l’islam, afin de mieux comprendre et méditer ce qu’il en est aujourd’hui. Voici un documentaire diffusé par la chaîne Histoire.

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Les larmes du diable

visitation de la maison bleue de van gogh,« Visitation de la maison bleue de Van Gogh »

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Cet après-midi, au service d’action sociale de la mairie où je me trouvais, j’ai vu une brochure qui disait : « Mariage forcé : vous n’êtes pas obligée d’accepter ». Il peut paraître fou que des hommes ne se rendent pas compte que plus on veut forcer une personne à s’unir à une autre, plus on provoque son dégoût, voire son désespoir, pouvant aller jusqu’au meurtre ou au suicide. Mais ce n’est que le résultat de l’aliénation dans laquelle vivent ces mêmes hommes : aliénés au monde, et incapables de comprendre qu’on puisse ne pas l’être.

Y a -t-il un autre État au monde où, comme au Vatican, il est décrété et réaffirmé avec force que jamais une femme ne pourra en être chef ou ministre ? Le Vatican n’est-il pas comme Israël le dernier lieu de la « civilisation » à pratiquer l’apartheid officiel – l’un racial, l’autre sexiste ? Ce sont des reliquats du vieux monde, et ils tomberont immanquablement.

Le sort d’une famille avec des enfants, même s’ils sont déjà grands, cela importe aux services sociaux. Cela a même un nom : Aide sociale à l’enfance. Alors que certains responsables religieux ne s’en soucient guère. Je parle d’expérience : à partir du moment où j’ai voulu rendre service aux chrétiens, et pour cela écrit de quoi renouveler la foi, qui en a grand besoin, les pressions et l’espionnage que la hiérarchie s’est mise à exercer sur moi, avec la complicité de personnes de l’édition et de la presse, pressions exercées afin que je me soumette tout en confiant mes écrits à un manipulateur à qui je refuse de les confier (de même qu’un parent ne confierait pas ses enfants à n’importe qui), ont eu pour effet de me couper des possibilités de gagner ma vie et de me défendre. Pour résumer : à partir du moment où j’ai commencé à m’approcher un peu trop des catholiques, le réflexe qui leur est venu, c’est celui de se saisir de moi pour me crucifier comme le Christ.

Et je voudrais juste dire ceci : il y a une dérive de fond dans cette religion extrêmement perverse. Elle est ontologique et le plus terrible est qu’ils semblent tous trouver cela normal. Qui plus est, avec la peur de l’islam, les athées de culture chrétienne s’y mettent aussi, s’accrochant aux jupes de grand-maman Église dans l’espoir qu’elle les garde de la perte de cette identité qu’ils ont pourtant le plus souvent honnie. Tout ce vieux monde est bien malade, mais heureusement, même dans le vieux monde, il y a des jeunes, et qui ont à s’occuper d’autre chose que des sursauts de peur et des angoisses de ceux qui vont mourir. Eux ont la vie à vivre, et ils la vivront, balayant ce qui doit être balayé sans se soucier de ce qu’en moi la part d’imbécile de l’ancien temps a voulu renouveler pour le sauver. Comme le dit un conte spirituel musulman, seul le diable pleure en se retournant sur le passé. Ce qui doit changer changera.

Le Messie et ses saints

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île Solovki, image trouvée dans l’article : Les lieux de pèlerinage les plus emblématiques de la Russie

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Le christianisme n’est pas, comme le croient les chrétiens, la religion de la Trinité – concept théologique, vue de l’esprit. Il est, comme son nom l’indique, la religion du Messie (Christ, en grec). C’est-à-dire une religion eschatologique, comme le judaïsme et l’islam – toute proche du judaïsme avec son messie juif, bien que les juifs ne le reconnaissent pas, et toute proche de l’islam qui reconnaît la messianité de Jésus.

Que signifie : être la religion du Messie ? Être la religion qui produit des saints messianiques, pour supporter le monde en attendant l’arrivée messianique finale, et soutenir de leur présence, comme les anges, toute prière adressée au Dieu unique.

En dérivant de plus en plus, en fonction du dogme trinitaire, vers l’humanisme sans mystique, le christianisme s’est coupé du Christ. L’effusion sentimentale ou hystérique a remplacé la mystique ; la désillusion, le pragmatisme et la peur ont supplanté la compréhension du mystère. Si le christianisme égaré ne retrouve pas le chemin du Messie, il s’éteindra. Et ressuscitera sous une nouvelle forme avec le retour du Messie parmi les hommes, et notamment les croyants des religions qui, telles les vierges sages de la parabole, auront gardé le sens de l’au-delà.

Être musulman, prendre les devants

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photo Alina Reyes (mes 21 autres photos du rassemblement : voir note précédente)

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Le rassemblement auquel étaient conviés « les musulmans et leurs amis » cet après-midi devant la Grande Mosquée de Paris est, avec d’autres rassemblements du même ordre en France, un acte fondateur. Les musulmans sont comme les autres citoyens, pas plus obligés que les autres de protester contre ceci ou cela. L’arrogance de ceux qui veulent les voir s’exprimer contre l’EI est détestable. Mais les musulmans peuvent aussi avoir, comme tout le monde, une sensibilité politique qui les pousse à s’exprimer contre des iniquités emblématiques – la colonisation de la Palestine, les crimes de l’EI, les discriminations, la corruption etc, ou une sensibilité religieuse qui les pousse à défendre leur foi contre ceux qui comme l’EI la dénaturent et l’insultent.

J’ai fait partie, en 1998, d’un groupe d’étrangers – journalistes et artistes – invités en Algérie par le gouvernement, qui souhaitait réhabiliter son pays aux yeux du monde. Mais c’était encore le temps de la Décennie noire, de la guerre civile entre l’armée et les islamistes, et je me rappelle l’effroi et l’épouvante des gens. Du balcon de l’hôtel à Alger, je regardais vers les montagnes de Kabylie, où la terreur régnait. À Alger même les autorités ne nous laissaient pas sortir seuls, nous étions constamment encadrés par l’armée, et ce fut le cas aussi à Tamanrasset et dans le désert, bien qu’il fût moins risqué. Les Algériens ne réagissent pas comme les Français à l’exécution d’Hervé Gourdel, car ils ont vécu cela dans leur chair. J’ai communié à leur malheur sur place, et je ne l’ai pas oublié.

Ce n’est pas parce qu’on est musulman qu’on ne peut pas critiquer les islamistes. Les musulmans des pays musulmans ne se gênent pas de le faire, du moins bien sûr ceux qui sont contre l’islamisme terroriste. Les musulmans des pays non musulmans ont moins de liberté de parole parce qu’ils se sentent pris en otage entre la fidélité à la communauté musulmane et leur pays, la France (ou autre pays non musulman). Il est temps de s’assumer comme entièrement Français et de cesser de se préoccuper du regard des autres. Dire ce qu’on a à dire et faire ce qu’on a à faire, c’est tout.

Il faut arriver à sortir de l’état de dépendance du regard des autres, qu’ils imposent avec leurs manœuvres. Et pour cela il faut arriver à être indépendant politiquement, mais complètement, c’est-à-dire y compris à l’égard de ceux qui se réclament de l’islam. Il faut arriver à ne pas être timide dans l’autocritique aussi. En tant que Français, nous ne nous gênons pas de critiquer la politique de notre pays. Mais la vraie liberté est de pouvoir tout critiquer quand il y a une situation critique.

Le tout est de prendre les devants. Personne ne demande aux juifs de dénoncer Israël, mais des voix juives importantes, de grands intellectuels, des journalistes, des artistes juifs d’Israël ou d’ailleurs, le font depuis longtemps. Nous avons, musulmans, la même légitimité que n’importe quel autre citoyen pour exprimer nos choix politiques. Nous le faisons pour la Palestine notamment, nous devons pouvoir aussi le faire pour l’EI, un problème tout aussi emblématique, sans avoir à nous sentir forcés de le faire.

Considérons ne serait-ce que l’histoire du vingtième siècle, et demandons-nous : qu’est-ce qui est responsable de la violence inouïe et plus dévastatrice qu’aucune autre, du monde chrétien ? En quatorze siècles d’existence, le monde musulman a-t-il fait tant de millions de morts ? Loin, très loin de là – alors que la Chrétienté a produit les crimes qu’on connaît, croisades, inquisitions, persécutions des non-chrétiens, évangélisations forcées… Une longue suite d’atrocités commises au nom du doux Jésus… La violence qu’un grand texte, comme le Coran, peut contenir, paraît finalement plutôt exorciser la violence du cœur de l’homme, même si elle peut aussi être récupérée pour justifier la violence. En tout cas une non-violence fondatrice comme celle du Christ ne garantit absolument pas contre le crime.

Les islamophobes comme les islamistes trouvent dans leur lecture littérale du Coran la justification à leur rejet de l’autre. Le Coran est incompris. Nous ne devons pas fermer les yeux sur ce fait qui nous est préjudiciable, mais au contraire promouvoir les lectures intelligentes du Coran. En particulier il nous faut affronter ses appels à la violence et comprendre ce qu’ils signifient et pourquoi ils sont là. C’est très faisable, et nous ne devons pas être paresseux, nous devons le faire. L’ijtihad, l’effort de compréhension, est notre salut.

Mon voyage en religion

arbre de vie,

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J’ai été élevée sans religion, quoique baptisée bébé pour contenter mes grand-parents. Mes parents étaient farouchement athées et anticléricaux, ils nous avaient instruits sur les méfaits du clergé, qu’ils avaient connus pendant leur enfance. Mais ils étaient communistes et croyaient au progrès, à la nécessité de libérer les peuples opprimés. Ce n’était pas une religion mais cela y ressemblait, la lecture quotidienne de l’Huma et les réunions de cellule en formant la liturgie. Comme je m’intéressais à la politique mais critiquais le communisme, mon père m’emmena un jour à l’une de ces réunions afin que je puisse en parler avec les camarades. Toute gamine, j’exposai à ces messieurs mes vues, essayant de les convaincre qu’une anarchie régulée par la responsabilité personnelle et le sens de la communauté formerait un monde bien plus accompli que leur système. Ils m’écoutèrent poliment, par respect pour mon père sans doute, et nous en restâmes là.

En 6ème je commençai le latin, en 4ème le grec. Avec ces langues, je découvris la mythologie antique, qui constitua pour ainsi dire ma première religion, une religion à laquelle il n’y avait pas à croire. Cela me convenait tout à fait : un enchantement du monde, sans contraintes. Je me mis à explorer aussi la mythologie égyptienne, puis je m’intéressai à l’hindouïsme, au taoïsme, au bouddhisme. Je recopiais dans un cahier les éléments que je trouvais dans des livres, avec aussi des écritures en langues orientales, sans les connaître mais pour le bonheur des signes. Parallèlement j’explorai aussi l’esprit en lisant Freud et un peu Jung, et toujours beaucoup de littérature et de poésie, notamment française et russe, bien sûr imprégnées de christianisme.

À dix-sept ans, lors de mon premier voyage, j’eus un contact inattendu, précis et extrêmement fort avec Dieu dans l’église-mosquée de Sainte-Sophie, à Istanbul. Je me cachai pour pleurer. Pendant très longtemps je demeurai comme je le disais « mystique mais athée ». C’est-à-dire, vivant dans l’expérience de Dieu, mais sans croire en Dieu, au sens où je voyais les gens croire en Dieu un peu comme au Père Noël. Je m’intéressai à l’art pariétal, visitant des grottes préhistoriques, allant voir des spécialistes, m’interrogeant sur le sens liturgique de ces œuvres. À la montagne, et notamment au cours de mes ermitages, mes expériences mystiques devinrent de plus en plus fortes et je finis par me tourner plus concrètement vers le christianisme, d’autant que la première ville en plaine était Lourdes. Je fis des retraites au carmel, où j’appris à prier selon le catholicisme. À Paris j’allai un peu au catéchisme, puis je retournai dans mes montagnes, munie d’une Bible en hébreu, d’un dictionnaire et d’une grammaire d’hébreu, et je me mis à apprendre, seule, suffisamment de cette langue pour traduire et commenter de longs passages de la Genèse et de l’Exode. Je me remis aussi au grec, et traduisis et commentai aussi de larges passages des Évangiles. Tout cela entra dans la composition de mon livre Voyage.

En retournant vivre à Paris, je passai régulièrement devant la Grande mosquée, tout près de chez moi. Je commençai à lire le Coran, un peu plus que je ne l’avais fait jusqu’à présent. Un jour, j’allai à la mosquée et demandai la permission d’y prier. On me demanda si je voulais me convertir. Je dis que je voulais seulement prier. C’était le milieu de la matinée, on me laissa aimablement entrer dans la salle de prière des femmes, en me disant que le Prophète avait dit qu’il était permis au musulman de prier partout. Je priai debout en silence pendant un peu plus d’une demi-heure, en compagnie des moineaux qui se faufilaient sous le toit. Quelques semaines plus tard, j’allai trouver un imam (du moins je suppose que c’en était un) dans un bureau de la mosquée, pour qu’il me fasse prononcer la shahâda.

Ainsi donc, des premières à la dernière religion, j’ai fait le parcours. Et je continue à marcher.