Quelques photos et réflexions

En France, une musulmane est empêchée de chanter. Non par quelque fatwa, mais par le décret religieux de la République, qui n’admet qu’une seule façon de penser et de s’habiller. Affaire lamentable de Mennel conduite par la pression à quitter l’émission The Voice. Parce qu’elle porte un turban dans les cheveux, on fouille son compte twitter – sans s’interroger sur les opinions des autres candidats, comme l’a fait remarquer Rokhaya Diallo. Comme sur n’importe quel autre compte twitter, on y déniche une parole trop vite écrite. C’est bien connu, les chanteurs de variété sont de profonds philosophes et d’excellents politologues, ils mènent une vie irréprochable – toutes raisons pour lesquelles on les célèbre – du moment qu’ils ne sont pas musulmans. L’antisémitisme revient au galop en Europe, nous dit-on. Oui, et l’islamophobie est sa forme la plus répandue et la plus consensuelle.

En 1990, le merveilleux André Chouraqui, ancien maire de Jérusalem, disait à Apostrophes : « tous les chemins mènent à La Mecque ». Il en savait quelque chose, lui qui avait magnifiquement traduit la Bible, l’Évangile et le Coran en français. Les chiens aboient, la caravane passe.

Dansé hier – une heure et demie de joie du corps savante. Rêvé cette nuit que par une baie vitrée, à Édimbourg, je contemplais les allées et venues de grands animaux fantastiques et magnifiques sur les toits.

Ce matin, il neige de nouveau.

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immeuble

selfie

rue nuit

neige fenêtreces jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

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Antisémitisme, l’éternel retour

J’ignorais que Renaud Camus, Alain Soral, Dieudonné, les ultras de la Lazio de Rome, les pangermanistes autrichiens et autres fachos nationalistes européens, étaient musulmans. Et pourquoi pas Antoine Gallimard, qui voulait rééditer les pamphlets de Céline, ou Françoise Nyssen, qui voulait commémorer Maurras ? Car d’après Antoine Gallimard, « aujourd’hui, l’antisémitisme n’est plus du côté des chrétiens mais des musulmans, et ils ne vont pas lire les textes de Céline. » Cette déclaration parfaitement raciste (pourquoi les musulmans ne liraient-ils pas Céline ?) révèle une fois de plus combien sont proches l’antisémitisme et l’islamophobie. L’antisémitisme, qu’il soit de culture chrétienne ou de culture islamique, est d’abord le signe d’une haine de soi, christianisme et islam ayant pour source le judaïsme. Que bien des gens issus du christianisme et de l’islam aient des raisons de se haïr, cela se comprend aisément quand on sait la pression et les abus que ces religions, comme le judaïsme et sans doute toutes les religions, peuvent exercer sur les êtres humains. La tartufferie de Gallimard et de Nyssen est, comme la haine, une tradition bien chrétienne aussi, bien de toutes les religions aussi. Une saloperie, très répandue sous le masque de l’honorabilité.

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Merah, antisémitisme, sexisme, etc.

craie*

Antisémitisme, racisme, sexisme, se tiennent par les pattes dans un même panier de crabes.

C’est toute la famille Merah (j’avais écrit par lapsus Perah – lapsus aisément décodable : père, patriarcat), à commencer par père et mère, qui est coupable, moralement sinon pénalement, des meurtres commis par Mohamed Merah ; et qui est coupable aussi de la mort de Mohamed Merah, leur fils et frère. C’est aussi, plus largement, le fond patriarcal de l’islam que trop de musulmans refusent de combattre, par respect de la tradition alors que le prophète de l’islam a pris tous les risques pour combattre la tradition, et notamment la tradition patriarcale, qui prône ou autorise la brutalisation des enfants et des femmes. Cet islam n’est pas l’islam, mais l’esprit des tribus qui a repris le dessus. C’est cet esprit qui se retourne contre les juifs, puis contre tous ceux qui ne font pas partie de la tribu. Ces gens-là sont retournés à la mentalité préislamique, celle où l’on discriminait à mort les filles, où les hommes avaient tout pouvoir de violence et de mort sur leurs proches et où les peuples s’entrepillaient et s’entretuaient pour des questions de richesses et de territoires. Comme ce fut le cas aussi en Europe et partout ailleurs dans le monde, comme c’est toujours le cas à une autre échelle, à une échelle qui a donné les grandes guerres mondiales du vingtième siècle et leurs atrocités, à une échelle qui continue à semer la mort dans le monde de façon souvent plus détournée mais tout aussi meurtrière.

Le journal Le Monde dénonce l’antisémitisme des banlieues. Il existe. J’ai moi-même entendu une vieille Arabe, au sortir de la mosquée, me dire qu’il ne fallait pas dire « salam » mais bien « salam aleykoum » pour ne pas risquer le rapprochement avec le « shalom » juif (bien entendu c’est ridicule, les deux langues, comme les deux peuples, sont sœurs, et la formule de salutation juive entière, « shalom aleichem » se prononce également presque comme le « salam aleykoum » arabe). J’ai vu la seule jeune femme de la maison qui ne se voilait pas (et vivait à l’extérieur), en visite dans sa famille, traitée par ses frères comme un objet avec lequel rigoler brutalement. Cet antisémitisme doublé de sexisme (car le sexisme est à la base de tous les racismes) existe, mais il n’est pas répandu partout. Dans mes classes en banlieue, dont les élèves sont d’origines très diverses, je n’ai jamais observé le moindre sursaut dénégateur chaque fois que j’ai évoqué les camps de concentration nazis ou plus généralement l’antisémitisme – ou le racisme, ou le sexisme. Que Plantu dans un dessin en une du même journal accuse les profs de ne plus parler de la Shoah en classe montre seulement que le racisme se nourrit d’ignorance. Et que le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, sont aussi ancrés chez beaucoup de journalistes et d’intellectuels prétendument éclairés. « La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) soulignait en mars la persistance des « vieux préjugés antisémites liant les juifs au pouvoir et à l’argent », écrit Le Monde. Certes, et en voici un exemple personnellement vécu : lorsque Stéphane Zagdanski et moi avons publié notre livre La Vérité nue, Josyane Savigneau, alors rédactrice en chef du Monde des Livres (et aujourd’hui opposée aux féministes qui dénoncent les viols de Polanski), écrivit dans ce vénérable journal du soir que Zagdanski et moi avions pratiqué le « prends l’argent et tire-toi », en un doublé d’antisémitisme et de sexisme très bien supporté par tout le monde puisqu’il ne venait pas de banlieue mais des beaux quartiers.

C’est ainsi que le serpent se mord la queue. Les élites de culture chrétienne ont transféré leur antisémitisme, désormais très mal considéré, de façon limpidement freudienne, dans l’islamophobie. Leur sexisme demeure, toute l’organisation de la société le clame, mais non dit, comme leur antisémitisme qui va souvent jusqu’à se déguiser en philosémitisme. La haine circule des élites blanches aux populations des banlieues, et réciproquement. Tant qu’on ne soignera pas l’ensemble, les abcès continueront à crever, libérant par moments le pus et le sang mêlés de notre société.

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joconde et peléhier soir à Paris 5e, photos Alina Reyes

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Laurence Rossignol(e) et les rossignoleurs

rossignol(e)« Le vichy-fraise me débecte ». Raymond Queneau

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Ce n’est pas par féminisme que j’ajoute un (e) au nom de notre ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes (le ménage, les couches, le tricot…), mais pour la verbaliser, si je puis dire : elle rossignole. Non comme chante l’oiseau, mais comme une vieille marchandise qui essaie de se refourguer. Une vieille marchandise nommée xénophobie, racisme, autoritarisme, maquillée en féminisme pour mieux passer sur les plateaux télé.

Cette dame y a donc comparé les musulmanes voilées à des « nègres » complices de leur esclavage. Cette dame toujours empaquetée comme une dame patronnesse, et les cheveux voilés d’une teinture impeccable (aliénation aux diktats du jeunisme ?) ne veut pas que les musulmanes puissent se vêtir à la mode, avec des jupes, tuniques et foulards bien taillés et colorés. Elle les veut habillées selon son modèle raide et aussi fade que possible, où le foulard se porte autour du cou comme dans les beaux quartiers et non sur la tête comme dans les quartiers tout court. « Quand les femmes accèdent à plus de droits, les jupes raccourcissent », rossignole-t-elle. On a peine à croire qu’une femme qui ait une pensée aussi indigente soit ministre, mais le fait est qu’elle l’est, et par tant de bêtise fait honte au pays tout entier, à l’intérieur et à l’étranger. Comment donc explique-t-elle que les hommes n’ont nul besoin de raccourcir leur pantalon, de montrer leurs cuisses ou les attributs de leur virilité pour conserver plus de pouvoir que les femmes ? Une femme se sent-elle plus puissante quand elle montre ses jambes ou ses seins ? Confond-on pouvoir de séduction et pouvoir, liberté ? Sommes-nous restés dans la vieille configuration aliénante où la femme tire pouvoir non d’elle-même mais des hommes qu’elle séduit ? C’est si puant.

Mme Rossignol ayant hérité d’un ministère à l’intitulé fleurant son pétainisme, ayant donc en charge l’Enfance et les Familles en même temps que les Droits des femmes, pourquoi, par les temps et les scandales qui courent, se soucie-t-elle tant de la supposée négritude aliénée des franco-musulmanes, selon son colonial vocabulaire, mais pas des enfants violés en toute impunité par des curés ? Mais si, en fait, elle a bel et bien réagi sur l’affaire Barbarin : non pour soutenir les enfants, mais pour féliciter l’abbé Grosjean, ce prêtre tout mimi qui fait passer l’Église pour une enfant de chœur sur les plateaux télé, alors qu’il est lui-même tout ce qu’il y a de versaillais, se référant dans son dernier livre à « saint Jose Maria Escriva », le franquiste fondateur de la secte catho Opus Dei, très puissante au Vatican et dans le monde. Un rossignoleur, comme la ministre et comme le pape qui nomme grand argentier et n°3 du Vatican un infect couvreur d’innombrables pédocrimes tout en faisant passer sa marchandise avariée pour du progressisme.

Mme Rossignol ne rigole pas plus qu’un ayatollah avec la morale. Elle veut abolir autoritairement la prostitution. Elle s’en est pris à Patrick Sébastien, l’accusant d’avoir incité à l’inceste, rien que ça, en poussant dans son émission une chanson à la gloire de la petite pipe qui aide à s’endormir. J’aurais du mal à défendre ce gros beauf macho et qui justifie la violence, notamment envers les enfants, mais qui tolèrera-t-on, sinon les cons, tant qu’ils ne passent pas à l’acte mauvais ? Elle ne rigole pas avec la morale des autres, mais la sienne paraît plutôt lâche. L’UFC-Que Choisir a révélé qu’elle avait occupé un emploi fictif à la MNEF pendant 18 (dix-huit !) ans, payé 1200 euros nets sur le dos des étudiants. Cela jusqu’en 2011, et alors même qu’elle touchait des indemnités de sénatrice et de vice-présidente de conseil régional d’au moins 7500 euros par mois – c’est du moins ce qu’elle indique sur ses déclarations obligatoires (où l’on verra qu’elle semble avoir minoré son salaire d’emploi fictif, et qu’elle s’est constitué un copieux capital en biens immobiliers et en argent – ça paie, la politique, même pour une femme qui vient de l’extrême-gauche !). Pas nette du tout avec l’argent donc, Mme Rossignol ne l’est pas non plus dans ses convictions : outre le racisme incroyable dont témoigne sa sortie sur les « nègres » et les musulmanes, c’est elle qui a fait passer un amendement inscrivant dans la loi des « conséquences dramatiques » pour les enfants réfugiés : « exclusion de toute prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance, mise à la rue immédiate, interruption de la scolarité ou de la formation en cours, impossibilité de régularisation sans secours ni protection d’aucune sorte et sans titre de séjour ».

Mme rossignole et me débecte.

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« Joyce Carol Oates, Russell Banks et 143 autres écrivains protestent contre le prix de la liberté d’expression pour Charlie Hebdo »

Par David Walsh

2 mai 2015

Le nombre des auteurs opposés à la décision prise par le PEN américain de décerner un prix de la Liberté d’expression au magazine satirique et anti-musulman français Charlie Hebdo, dont les bureaux à Paris ont été attaqués par des terroristes en janvier, se monte maintenant à 145.

Parmi les plus éminents des signataires se trouvent les romanciers Joyce Carol Oates et Russell Banks, l’écrivain dominicain-américain et lauréat du prix Pulitzer Junot Díaz, les dramaturges Eve Ensler et Craig Lucas, le scénariste et acteur Wallace Shawn, l’auteur de nouvelles Deborah Eisenberg, l’acteur, dramaturge et monologuiste Eric Bogosian, le poète serbe-américain Charles Simic, l’écrivain nigérian Chris Abani, l’écrivain de fiction Nell Freudenberger, l’écrivain et professeur de fiction Janet Burroway, l’historien et journaliste Russell Shorto, et l’auteur de nouvelles Lorrie Moore.

Peter Carey, Teju Cole, Rachel Kushner, Michael Ondaatje, Francine Prose et Taiye Selasi, prévus pour être chefs de table, avaient déjà annoncé qu’ils se dissociaient du dîner de gala du PEN le 5 mai prochain.

Dans leur lettre de protestation, après avoir condamné l’attaque de Charlie Hebdo comme «révoltante et tragique », les 145 soutiennent que la décision de décerner le prix de « la liberté d’expression courageuse » au magazine français ainsi que les critères utilisés par le PEN pour établir ce choix ne sont «ni clairs ni indiscutables. » Les protestataires continuent en soulignant qu’«il y a une différence essentielle entre le fait de soutenir fermement l’expression qui viole l’acceptable, et celui de récompenser avec enthousiasme une telle expression. »

Les 145 membres du PEN affirment que des éléments de « puissance et de prestige » sont présents dans la production de tout type de travail, y compris la satire. « Les inégalités entre la personne qui tient la plume et le sujet fixé sur le papier par ce stylo ne peuvent pas, et ne doivent pas, être ignorés. »

Ils continuent: «Pour une partie de la population française qui est déjà marginalisée, assiégée et victime, une population façonnée par l’héritage de diverses entreprises coloniales de la France, et qui comprend un grand pourcentage de musulmans pieux, les caricatures de Charlie Hebdo sur le Prophète doivent être considérées comme destinées à provoquer davantage d’humiliation et de souffrance « .

La lettre et la campagne d’opposition prennent un degré d’indépendance de pensée et de courage. L’attaque contre les bureaux de Charlie Hebdo a été le signal d’un vaste flot de commentaires hypocrites et égoïstes en Amérique du Nord et dans les médias européens. On nous a dit à plusieurs reprises que l’attaque terroriste islamiste à Paris représentait une menace fondamentale pour la liberté d’expression et les principes d’une société démocratique, droits et principes chers aux gouvernements occidentaux, et qu’elle a démontré, une fois de plus, que les musulmans fanatiques haïssaient nos « libertés ».

Ce déversement de camelote par les gouvernements et les institutions politiques dans le processus de déchiquetage des droits démocratiques, s’accompagna à travers l’Europe d’une accélération des efforts pour mettre en œuvre des mesures d’État policier. Les actions répressives proposées ou prises en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne et ailleurs ont été préparées longtemps avant l‘attaque du 7 janvier, qui a simplement servi de prétexte. En outre, l’affaire Charlie Hebdo est inévitablement devenue une partie de l’argument général en faveur de l’intervention impérialiste au Moyen-Orient, destinée à « extirper » la menace terroriste.

La décision du PEN de récompenser Charlie Hebdo doit être vue dans ce contexte politique, dans le cadre de l’effort pour légitimer la bigoterie anti-musulmane et l’appui du public pour la « guerre contre le terrorisme. »

La biographie politique de Suzanne Nossel, directrice exécutive du PEN et ancienne fonctionnaire du Département d’État des États-Unis, éclaire le genre d’opération que ce doit être. Nossel est sur le dossier partisan de « combiner à la fois la puissance dure, la force militaire, la coercition avec ce qu’on a appelé la puissance douce ; la diplomatie, l’appel de la culture américaine, ses habitants, les liens économiques. » Elle prône de « choisir judicieusement entre un large éventail de différents outils », à savoir entre bombes et propagande. Le prix Charlie Hebdo est une instance de cette dernière.

Les 145 membres du PEN ont jeté des bâtons dans les roues de cette entreprise, ce qui a provoqué des cris d’indignation dans les cercles riches de l’ex-gauche et des ex-libéraux. L’action des écrivains protestataires mérite d’être félicitée et, de plus, a une certaine signification objective. Il y a un certain temps qu’un corps d’artistes ou d’intellectuels n’avait pris position sur une telle question.

La situation politique est en train de se briser. Certaines personnes prennent position ; d’autres, y compris les personnes qui prenaient une posture de «gauchistes» depuis des décennies, sont révélées pour ce qu’elles sont, un peu plus porte-parole de l’établissement et de l’appareil d’État. Une polarisation politique et morale se déroule devant nos yeux.

La défense de la récompense à Charlie Hebdo par Katha Pollitt, chroniqueuse à The Nation, est significative, sinon particulièrement choquante. Pollitt, comme tout autre apologiste de la publication française, choisit d’ignorer le contexte politique, la montée du racisme anti-musulman et la légitimation du Front national néo-fasciste en France, la «guerre contre le terrorisme» sans fin et les interventions impérialistes au Moyen-Orient.

Elle affirme benoîtement que Charlie Hebdo « est un petit magazine satirique dirigé par de vieillissants gauchistes des sixties » et qu’il « ne se moque pas des musulmans. » En fait, comme un point de vue dans le WSWS l’a noté en janvier, « Charlie Hebdo a facilité la montée d’une forme de politisation du sentiment anti-musulman qui a une ressemblance troublante avec l’antisémitisme politisé qui a émergé comme un mouvement de masse en France dans les années 1890. Dans son utilisation de caricatures grossières et vulgaires qui véhiculent une image sinistre et stéréotypée des musulmans, Charlie Hebdo rappelle les publications racistes bon marché qui ont joué un rôle important dans la promotion de l’agitation antisémite qui a balayé la France lors de la célèbre affaire Dreyfus ».

Pollitt, comme un certain nombre d’autres irrités par la protestation des 145 écrivains (l’ex-libéral, pro-guerre Nick Cohen en Grande-Bretagne, par exemple), s’identifie avec ces «vieillissants gauchistes des sixties» qui ont viré brusquement à droite et qui considèrent la population musulmane pauvre en France et la classe ouvrière dans son ensemble avec mépris. Ce sont des « oiseaux d’une plume ».

Elle suggère que la « gauche » est « désespérément confuse au sujet de l’islam: la moitié du temps nous nous rappelons les uns les autres que les fondamentalistes violents comme ceux qui ont commis les meurtres Charlie Hebdo sont une infime fraction de 1,6 milliard de musulmans dans le monde, qui sont ordinaires, des personnes non-violentes de bonne volonté, et l’autre moitié du temps, nous en parlons comme si les meurtriers étaient là pour redresser des torts réels et compréhensibles, même si la cible est mal choisie. Qu’en est-il ? « 

Il est significatif que Pollitt raille ici, tant la possibilité que la majorité des musulmans pourrait être « des personnes non-violentes ordinaires de bonne volonté » et qu’il pourrait y avoir de «réels torts» à redresser. En fait, le terrorisme est une faillite politique et une réponse réactionnaire à de «vrais torts », la longue histoire de l’oppression coloniale au Moyen-Orient et le pillage impitoyable toujours en cours de la région par les grandes puissances, ainsi que l’hostilité et la brutalité de l’institution politique française, de droite comme de «gauche», envers la population immigrée.

Si le terrorisme, en fait, n’est pas une réponse à de «vrais torts», alors qu’est-ce  que c’est ? Il doit y avoir une certaine qualité de «terroriste» inhérente à la population musulmane ou à l’islam comme religion. Est-ce ce que croit Pollitt? Elle devrait nous en dire plus. Ses références démagogiques aux « fondamentalistes violents» et aux «assassins» font écho à la langue de la presse de droite caniveau.

Les socialistes combattent l’influence de la religion sur les masses populaires par la dénonciation de, et l’opposition à, la misère sociale qui génère le retard idéologique, et non par des attaques cyniques et méprisantes « satiriques » sur ceux qui ont des croyances religieuses. Pollitt parle en tant que représentante de la petite bourgeoise américaine auto-satisfaite, bien indifférente aux conditions et aux sentiments des opprimés.

Pour être franc, Charlie Hebdo était une provocation raciste et crasseuse. Son émergence comme feuille anti-musulmane a quelque chose de commun avec l’apparition des pro-guerre, des films pro-CIA tels que ceux de Kathryn Bigelow The Hurt Locker et Dark Zero Trente, Fury de David Ayer, Sniper de Clint Eastwood et autres. Les éléments les plus corrompus salignent dans la défense de la guerre coloniale et de la violence impérialiste.

La défense de Charlie Hebdo par Pollitt est méprisable.

Sa cécité et son hypocrisie sont presque accablantes. La ligne rédactionnelle de Charlie Hebdo, commente-t-elle à moment donné, « en effet, est blasphématoire. N’est-ce pas une chose honorable pour la gauche ? « Et plus tard, elle fait valoir :  » N’avons-nous pas besoin d’écrits et d‘illustrations qui repoussent les limites de l’acceptable ? « 

Pourtant c’est la même chroniqueuse qui s’est jointe à la campagne pour salir et discréditer Julian Assange en 2010, face à de fausses allégations d’agression sexuelle visant à arrêter les révélations de WikiLeaks sur l’entreprise criminelle impérialiste des États-Unis.

Face à quelqu’un dont l’activité était véritablement « blasphématoire » et « honorable » et véritablement « repoussait la limite de ce qui est acceptable », et par conséquent était exposé à des persécutions par le gouvernement américain et ses alliés, par des forces de renseignement et de police innombrables, par les plus puissants médias, Pollitt se tint du côté des persécuteurs. Où était son zèle pour la « liberté d’expression », alors ?

Sur la base des allégations d’agression sexuelle montées de toutes pièces contre Assange par les autorités suédoises, Pollitt a écrit que «quand on en vient au viol, la gauche ne comprend toujours pas. » Incroyablement, la chroniqueuse de Nation a suggéré que le fondateur de WikiLeaks appartenait à la catégorie des «célébrités de renommée mondiale » qui tentent de rester impunies pour leurs crimes. Son hostilité à Assange a éclaté sur la page.

L’instinct de classe est infaillible. L’ex-de-gauche Pollitt a participé à la campagne contre Assange, qui a légitimement gagné l’inimitié des élites mondiales dominantes. D’autre part, elle soutient Charlie Hebdo, qui se moque des pauvres et des sans-pouvoir. Telle est la logique de son évolution et celle de toute une catégorie sociale.

J’ai traduit ce texte de l’écrivain David Walsh lu ce matin sur le World Socialist Web Site

Le courage de la vérité, comme dit Foucault

Le PEN américain, dont le nom résonne pour le coup désagréablement, attribue un prix à Charlie Hebdo. Six écrivains anglo-saxons protestent et se désolidarisent de l’association. Ils ne veulent pas être associés à l’  « admiration » et au « respect » que le prix implique pour un journal raciste. Tel autre écrivain, emblème de la pensée correcte, les traite aussitôt de pussies, de femmelettes – racisme et sexisme ne viennent-ils pas du même fond pourri de l’homme ? Comme si on avait primé Je suis partout, avec ses caricatures de juifs qui nous menaient droit où on sait. Eh bien, il y a encore quelques écrivains résistants et je ne suis pas seule. Il est vrai qu’il y faut du courage, et que cela coûte. Difficile par exemple de trouver un éditeur également courageux pour La grande illusion, Figures de la fascisation en cours, où l’affaire Charlie notamment n’est pas traitée du point de vue politiquement correct. Mais vous pouvez lire le livre en ligne gratuitement, il est ici.

Des femmes et du voile

« Je ne suis pas contre les femmes voilées, je suis contre le voile », répond à Edwy Plenel l’une des femmes de culture musulmane. Je pourrais dire comme elle, avec une précision : je ne suis pas contre le voile, je comprends les raisons profondes et bonnes qui peuvent donner désir de le porter, mais je suis contre le voile vu comme obligatoire dans l’islam, ce qui est faux. Que la laïcité laisse donc aux femmes le droit de se voiler, et que l’islam leur laisse le droit de ne pas se voiler. Les musulmans et musulmanes qui prétendent que le voile est obligatoire opèrent un coup de force sur le Coran, qui ne dit rien de tel. Ils veulent faire dire au Coran ce qu’il ne dit pas, ce qui est un comble pour des musulmans, et font du voile le symbole même du voile qu’ils placent entre eux et la vérité, entre eux et la lumière, entre eux et l’intelligence et l’ouverture qui sont les propres du Coran et de son Prophète, paix sur lui. Ils font du voile le symbole même de leur voilement de l’islam, de leur repli dans une obscurité qui n’a rien d’islamique, par souci identitaire – un souci légitime mais qui ne doit pas être traité dans la facilité – par un bout de tissu – mais par le travail spirituel et intellectuel.
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