Au coeur de la Vérité

photo Alina Reyes

 

Où se rencontrent-ils, l’homme et Dieu, l’homme et l’homme,  l’homme et la femme ? Cet acmé, ce sommet, cette advenue, cette arrivée, ce moment où quelque chose arrive, où la vie s’étincelle, a lieu dans le volume, dans la profondeur, la chair de la Vérité.

Ce que nous voyons de la Vérité, c’est sa peau seulement. Ses surfaces, les formes qu’elle prend, ce qui, comme de tout corps terrestre ou céleste, en est exposé à la lumière.

Or le coeur de la Vérité bat et pulse à l’intérieur, au secret de son corps d’apparences. La Vérité se trouve dans une dialectique de l’ombre et de la lumière, de la profondeur et de la surface, du flux et du fixe. Les hommes la manquent parce que le caché les aveugle, les tente et les terrifie.

La Vérité se trouve dans cette dialectique mise en oeuvre lors de la création du monde, quand le Principe, dans un même mouvement se retirant et se projetant hors de soi, inaugure la lumière, et la possibilité de voir ce qui était caché en son sein. La Vérité est l’absolu incorruptible qui fonde tout être et toute vie – mais non toute existence. Si elle était souillée, tout être et toute vie se décomposeraient, pourriraient, mourraient. La Vérité est immaculée, ou rien n’est.

Parce qu’il est libre, l’homme se souille et souille sa vie en menant des existences vérolées de mensonges. Dont le moindre n’est pas la croyance fondamentalement fausse selon laquelle là réside la dialectique de l’ombre et de la lumière, et que la vérité souillée est la pure vérité.

Une vérité souillée ne peut donner la vie, seulement des formes morbides que, baignés dans le mensonge, nous prenons pour de la vie.

Pour se protéger de la souillure, la Vérité absolue, le coeur de la Vérité, demeure hors d’atteinte des hommes. Car si elle ne veillait à demeurer immaculée, toute vie s’écroulerait. Tel est le sens, dans la Genèse, de la chute d’Adam et Ève. Dieu ne les laisse pas attenter à la Vérité. La vie leur a été donnée, puis ils se sont jetés dans l’existence par une tentative de coup d’état : les voici désormais soumis à leur état hors de la Vérité, celui de la corruption et de la mort.

Le serpent n’est pas seulement le tentateur, il est aussi l’anticorps, le révélateur du désir de mort de l’homme ; et cette révélation permet de le renvoyer à son mal avant qu’il ne puisse contaminer le jardin.

La Vérité n’est pas interdite à l’homme, mais il ne peut la connaître que si elle lui vient d’elle-même, si elle lui vient de Dieu, qui la lui fait connaître dans l’ombre. À vouloir la prendre de lui-même, par effraction, il n’embrasse que sa propre mort. On n’entre pas dans la Vérité de l’extérieur. Le corps de la Vérité ne peut se connaître en l’ouvrant comme pour une dissection. Faire cela, c’est tuer la réelle dialectique de l’ombre et de la lumière, et ne plus avoir comme objet de connaissance que la mort. Or la mort, n’étant rien, ne peut être objet de connaissance, mais seulement de vain désir du vain.

Dieu vous donne la Vérité si vous vous laissez couvrir par son ombre. Comment Dieu pourrait-il avoir une ombre, alors qu’il est lui-même lumière ? Il n’en a pas. Il est la lumière d’ombre qui protège son coeur, lequel est la lumière-vérité qu’il est aussi. Si vous laissez l’ombre de Dieu vous envelopper, vous laissez aussi sa Vérité se révéler et prendre demeure dans votre coeur, votre corps. Vous connaissez le corps de la Vérité, vous le devenez.

(extrait de Voyage)

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courant debout dans la joie à sa délivrance

 

Elohim et ha-shamayim ve’et ha’aretz (Genèse 1, 1 : « [Au commencement créa] Dieu les cieux et la terre »

Allāhu Nūru As-Samāwāti Wa Al-‘Arđi (Coran 24, 35) : Dieu lumière des cieux et de la terre

 

Elohim et Allah sont le même mot, l’un hébreu l’autre arabe : El (ici en hébreu à la forme pluriel) signifie Dieu et se trouve dans le lah de Al-lah (le Dieu)

shamayim et samawati sont le même mot, l’un hébreu et l’autre arabe : cieux

aretz et ardi sont le même mot, l’un hébreu et l’autre arabe : terre

ve et wa sont aussi le même mot dans les deux langues : et

 

Nurun ala Nurin : Lumière sur Lumière. Le Coran est Lumière sur la Lumière qu’est la Bible. Leurs langues sont sœurs et épouses d’un même Dieu. Eaux d’en haut et eaux d’en bas, comme dit la Genèse (1, 7), au confluent des deux océans comme dit le Coran (18, 60), l’homme se retrouve dans le même et unique lit de la Vérité, torrent courant debout dans la joie à sa délivrance.

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L’arbre lumière

tout à l'heure au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

Ce matin je me suis levée tôt pour déjeuner et prier, puis vers neuf heures j’ai refait du café pour mes hôtes d’un moment, je leur ai expliqué pourquoi je ne prenais rien, nous avons parlé, ils m’ont rendu le cœur encore plus joyeux. Après le jardin, je suis allée prier à la mosquée – comme j’aime profondément cette forme de prière ! Puis je suis allée faire les courses pour préparer un bon dîner aux gars ce soir, avec un dessert oriental que je ferai moi-même en l’honneur de ce jour de ‘Arafat. À peine de retour à la maison, O m’appelle du Maroc pour me faire entendre l’adhan, l’appel à la prière. Mon Dieu décidément je suis au paradis, et ce jour de jeûne est si facile, il rend si léger ! J’ai foi en le chemin, je crois que tout va aller parfaitement, et mon livre sera vraiment accompli, pour tout le monde. Salam Alaykoum, que la lumière vous porte.

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